Humain

Chapitre 1 : Quelle honte

Chapitre final

1173 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/02/2019 16:14

"Papa, maman. Ça fait des mois que j’essaie de vous joindre pour que vous reveniez me chercher : à chaque fois, un « imprévu » m’empêchait soit de vous téléphoner, soit de vous envoyer une lettre. Je doute que j’y arrive encore, mais je n’ai plus rien à perdre. A part peut être du temps ou de l’énergie, mais ce n’est plus important. Je suis fatigué, tellement fatigué, et les heures de sommeil n'y changent rien. J'essaie de maintenir ma moyenne assez haut, mais c'est dur.

Papa, maman. Tout devient plus dur, de plus en plus insupportable. Je n'ai pas réussi à me faire beaucoup d'amis, j'ai du mal à cerner les gens ici. Je fais de mon mieux pour ne pas me laisser abattre, mais les élèves ne sont pas très accueillants. Avec mon colocataire, on ne se parle pas vraiment ; ce n'est pas vraiment mon ennemi, mais pas mon ami non plus. C'est juste quelqu'un comme les autres. C'est difficile de s'intégrer, je ne sais pas trop comment faire.

Papa, maman. Je me sens toujours fatigué, toujours triste, et j'ai du mal à comprendre pourquoi. Mes rires sont devenus rares et brefs, je me sens moins joyeux qu'autrefois. Vous me manquez, la maison me manque, Laura me manque, tout me manque. Je ne me sens pas à ma place ici, je me sens comme un étranger. J'imagine que c'est normal pour les premiers mois, mais ce n'est pas évident à vivre. Soutenez-moi s'il vous plaît, même si vous êtes occupés.

Papa, maman. Les élèves sont méchants avec moi ; ils me font sentir que je ne suis pas à ma place ici, ils m'excluent de tous les groupes. Je suis toujours tout seul, ça doit être pour ça que je ris moins souvent. Je les évite, et ils m'évitent, parfois ils m'insultent. Ca m'affecte plus que je ne le voudrais ; j'essaie de passer outre, mais j'en ai marre. Je ne sais pas comment faire pour qu'ils arrêtent, ils se débrouillent toujours pour que les profs ne les voient jamais, et lorsque je leur en parle, ils me disent que je suis un meneur, qu'ils ne feraient jamais ç ou que ce n'est pas important et que je n'ai qu'à faire comme si je m'en fichais. Mais je ne m'en sens pas vraiment capable, et je ne pense pas que ça m'aidera.

Papa, maman. Si vous saviez comme je suis malheureux : je n’aurai jamais cru tomber aussi bas en arrivant ici. Pas un jour ne passe sans qu’un de mes chers camarades se moque de moi ; j’ai l’impression qu’ils deviennent toujours plus inventifs pour me faire du mal. Votre fils est vraiment un lâche, je ne sais pas me défendre, j’ai juste appris à encaisser. Encaisser les coups, les insultes, tout. Ils ont même commencé à faire semblant de me noyer dans le lavabo des toilettes ; j’imagine que ça les amuse, mais moi je veux qu'ils arrêtent. J'essaie de me défendre, mais je suis seul contre eux, je ne peux rien faire.

Papa, maman. Venez me chercher, je n’en peux plus. Vivre est devenu insupportable : je suis devenu aussi violent qu'ils le sont, et envers moi. J’ai mal, j’ai mal au coeur, mon coeur me fait mal, j’ai mal dans tout le corps. Je vis au ralenti : je marche plus lentement, je mange plus lentement, je parle plus lentement, je n’arrive plus à me concentrer en cours, plus rien ne m’intéresse. Je ne vis plus pour moi, je vis pour être le souffre-douleur des autres, et encore. Je ne me reconnais plus, je ne sais plus ce qui me fait plaisir, juste ce qui me fait souffrir, et j'y ai droit encore et encore. C'est presque devenu habituel, le rituel de tous les jours.

Papa, maman. Vous avez raté votre fils, votre création. Vous vouliez que je sois fort, courageux, loyal, honnête, sympa et toutes ces qualités que les parents veulent pour leurs enfants. Et bien désolé, mais c'est raté. Je suis devenu froid, je rejette tout le monde, j'évite tout le monde pour ne plus avoir mal, je mens souvent à mes professeurs lorsqu'ils me demandent ce qui ne va pas, je n'arrive pas à me défendre seul. Parfois je me sens tellement en colère, j'ai l'impression de trembler, tout devient haine chez moi. Je me sens si fort et énervé dans ces moments-là, je serai capable de tuer quelqu'un à mains nues. Je les déteste, je les déteste tous, ils peuvent tous mourir ça m'est égal. Voyez ce que je suis devenu, voyez ce que cette création est devenue.

Papa, maman. Je hais tout le monde, moi et vous compris. Je hais ces gamins, ces monstres qui me font vivre l'Enfer pour s'amuser ; je vous hais de m'avoir abandonné ici, seul ; je me hais d'être impuissant. Je ne compte plus le nombre de fois où j'étais prêt à voler les médicaments de l'infirmerie, où je voulais aller à la salle d'arts plastique pour récupérer un cutter, où j'ai voulu rester la tête sous l'eau. Je suis devenu incapable de prendre soin de moi, je me hais trop : je n'ai plus besoin de manger, de dormir, d'aller en cours. Plus rien n'a d'importance, je ne ressens plus le bonheur, j'ai l'impression de l'avoir totalement oublié. Les profs ne m'aident toujours pas, mes harceleurs s'en tirent toujours avec juste une phrase ou deux comme "tu devrais arrêter maintenant", ce genre de conneries. Je n'avance pas, et je ne veux même plus essayer.

Si vous saviez ce que je ressens ; je hais ces humains, je vous hais ; je ne vous considère même plus comme mes parents, seulement mes géniteurs. Je veux tous les tuer, je veux vous tuer aussi, et je veux me tuer aussi. Ils m'ont presque poussé à bout : je ne peux rien faire maintenant, mais ma décision est prise ; lorsque j'aurai le moyen de le faire, j'exterminerai la race humaine, et moi avec. Un jour je deviendrai un dieu tout-puissant, et je détruirai ces démons.

Adieu.


Chara, votre création."

Liu déchira le papier après l'avoir lu, et le jeta à la poubelle.


Hey, comment ça va les gens ?

Oui, oui, je sais, j'ai perdu mon compte et je ne suis pas sûre de pouvoir le récupérer un jour. Oui, ici c'est mon refuge maintenant. C'est très difficile pour moi mentalement, et je me défoulerai ici. Ces mots que vous avez lus, j'y pense, j'y pense trop souvent à mon goût. Mais je me bats, je refuse de me laisser faire, et je n'irai sans doute jamais jusqu'à exterminer tout le monde. Je fais mon possible pour aller mieux, et en ce moment c'est pas trop mal. Prenez soin de vous et faites ce que vous aimez, salut !


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