Une dernière promesse

Chapitre 9 : Accepter la réalité

4618 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/09/2020 14:06

Frisk se redressa brusquement sur son lit au souvenir de cette expérience désagréable. Il paniqua, incapable de reconnaître où il se trouvait, et il commença à s'agiter dans son lit, sans remarquer les sangles blanches qui lui maintenaient le ventre les jambes et le bras gauche dans le lit. Il commença à pleurer à mesure que la terreur le prenait aux tripes. Que se passait-il ? Pourquoi ne pouvait-il pas bouger ? Sa respiration devint sifflante et très vite, cette incapacité à bouger l'opprima tellement qu'il n'arriva plus à respirer.


La porte s'ouvrit à la volée et Papyrus, en tenue d'officier, se précipita à ses côtés. L'âme de l'adolescent vira au bleu et il ne put bientôt plus bouger du tout, maintenu par le sort de son ami.


"Prends de grandes inspirations, tout va bien. Regarde, tout va bien, tu es en sécurité. Tu n'as pas besoin de te battre."


Frisk essaya de se calmer et de prendre de grandes bouffées d'air. Il se détendit peu à peu et commença à reprendre conscience de son environnement avec l'aide du squelette qui continuait de parler à côté de lui pour le rassurer. Il finit par calmer ses larmes et regarder autour de lui. Des machines bipaient à intervalles réguliers devant un mur jaunâtre, toutes reliées à son âme. Il ne comprenait pas la plupart des indications qu'elles affichaient, mais tout était vert, ce qui devait être bon signe. La luminosité de la pièce était faible, mais il réalisa bientôt qu'il faisait nuit dehors. Il n'avait pas mal, mais il ne se sentait vraiment pas bien et nauséeux. Son bras droit était plâtré, et il pouvait sentir un bandage qui entourait ses côtes, trop serré.


Il lança un regard complètement déboussolé à Papyrus qui, conscient que la crise était passée, se détendit lui aussi et tira une chaise blanche à côté de lui.


"Tu te souviens de ce qui s'est passé ?"


L'adolescent se concentra pour retracer la chronologie des événements. Sans était mort. Sa maman l'avait enfermé dans un bocal, alors même que le squelette détestait les endroits clôs, il s'était senti coupable et avait fui hors de la maison. Tout le reste était bien trop vague. Il hocha négativement la tête. Papyrus soupira et passa une main dans ses cheveux.


"Tu as couru sur la route et une voiture t'es rentré dedans. Le conducteur a essayé de t'éviter, mais il faisait noir. Ensuite, tu as eu une crise d'hallucinations. Tu hurlais après... Après Sans, dit-il après une petite hésitation, et tu disais qu'il aurait dû te tuer. Les pompiers t'ont forcé à dormir pour te calmer. Quand tu t'es réveillé, tu as recommencé presque aussitôt, ils ont décidé de..."


Il pointa les liens de la tête, amer. Frisk leva la main gauche pour mieux regarder les lanières de plastiques qui lui serraient les bras et les jambes.


"Frisk... Est-ce que... Non, c'est idiot, tu devrais te reposer, s'interrompit-il.

— Va jusqu'au bout. Je ne suis plus fatigué.

— Est-ce que Sans t'as déjà fait du mal ? Tu... Tu n'arrêtais pas de dire son nom, et ça semblait très violent, comme lorsque mon frère a... avait ses cauchemars."


L'adolescent détourna le regard et sentit les larmes lui monter aux yeux. Papyrus s'en voulut immédiatement et commença à débiter une série d'onomatopées pour dire qu'il n'était pas obligé de parler et que ça n'avait rien d'urgent. Mais Frisk savait que c'était le moment. Il était seul avec le squelette, Sans était parti, et personne d'autres ne viendrait les interrompre. L'enfant poussa un soupir et prit la main de Papyrus. Il sourit faiblement.


"Oui, Sans m'a déjà fait du mal. Mais... Mais c'était pour m'empêcher de faire plus de mal à tout le monde. J'ai fait quelque chose d'horrible, Papyrus."


Le squelette baissa les yeux, avant de s'asseoir plus confortablement dans son fauteuil, attentif. Frisk sentit sa gorge se serrer, mais il savait aussi qu'il devait le faire. Pour sa conscience, et pour Sans. Il devait accepter les conséquences de ses actes et vivre avec. Après tout, l'acceptation ne faisait-elle pas partie des étapes du deuil ? Il prit une grande inspiration et commença son récit.


"La première fois que je suis tombé dans les Souterrains, je voulais mourir. A la place, j'y ai trouvé une famille. J'ai adoré chaque partie de mon voyage, même s'il était dangereux, même s'il y a eu des moments moins drôles que d'autres, même si j'ai frôlé la mort à de nombreuses reprises. La vérité, c'est que je suis mort plusieurs fois en bas. Devant Toriel, puis Undyne, dans le Core, devant Asgore, des dizaines, et des dizaines de fois. Si je suis toujours en vie, c'est parce que j'ai un pouvoir que tous les autres enfants tombés n'avaient pas. J'ai le pouvoir de revenir en arrière. Lorsque j'ai atteint la Surface pour la première fois, j'ai eu l'impression que mon voyage était incomplet, que je n'avais pas vu tout ce qu'il y avait à voir. Alors j'ai utilisé mon pouvoir pour revenir au début de mon voyage."


Le regard de l'enfant se perdit vers l'extérieur. Il joua un peu avec ses mains, anxieux. La suite était beaucoup plus pénible à raconter.


"J'ai recommencé des dizaines de fois. Les premières fois, je me contentais de revivre mes nouvelles amitiés, sauver le monde, essayer de trouver les secrets de la chambre de Sans... Mais éventuellement, tout ça est devenu ennuyeux. Pendant mon voyage, il y avait quelqu'un à mes côtés. Chara, la fille adoptive de Toriel et Asgore.

— La première humaine ? demanda Papyrus. Mais elle est...

— Morte, oui. Mais son esprit partage la même détermination que mon âme, et nous nous sommes retrouvés liés. Pendant toutes les routes pacifistes, Chara a commencé à essayer de me pousser vers des choix plus méchants. J'ai cédé quelques fois, mais ça n'avait pas vraiment d'importance. Pendant une ligne temporelle, juste avant de te combattre, elle a glissé à mon oreille "ce serait drôle de voir comment réagirait Sans si son frère meurt ici". Au départ, je ne voulais pas le faire. Mais... A la fin de notre combat, quand tu m'as épargné, j'ai décidé de frapper au lieu d'épargner. Tu es tombé en cendres. Je pensais... Que ça n'aurait pas de conséquences ! Je me suis senti horrible, et j'ai tout recommencé depuis le départ."


Frisk sentit les larmes lui monter aux yeux. Il détourna le regard.


"Mais après ça, j'ai voulu réessayer, dit-il d'une voix tremblante. Puisque je pouvais revenir en arrière, je me pensais au-dessus des conséquences. Les premières fois, je n'ai tué que une ou deux personnes, pour voir ce que ça faisait... Mais ensuite... J'ai décidé de tuer tout le monde. Toriel, toi, Undyne, Metatton... Je n'arrivais plus à m'arrêter, et Chara... Chara aimait ça tellement. Mais lorsque l'on est arrivé dans le dernier corridor, Sans était là. Je ne l'avais encore jamais vu autant en colère. J'ai cru qu'il serait facile à tuer, après tout, il n'avait qu'un seul point de vie... Mais... Je suis mort. Encore, et encore, et encore. Au début, je me battais parce que je pensais pouvoir l'avoir en apprenant ses attaques, mais à chaque fois, il est parvenu à nous avoir, Chara et moi. Et ça a rendu Chara complètement folle. Après des dizaines de tentatives, j'ai voulu abandonner. C'est là... C'est là qu'elle m'a piégé. Elle a pris le contrôle de mon corps et a continué de se battre, d'apprendre, jusqu'à ce que Sans tombe dans son propre piège. Après ça, Asgore n'a été qu'une vaste blague, et elle m'a proposé un choix. Je pouvais revenir en arrière et accepter de la laisser aux manettes, ou supprimer ce monde. J'ai choisi de revenir en arrière. Et elle a recommencé. Encore. Et encore. Et encore. Des morts, partout, toujours. C'est là que j'ai réalisé que Sans se souvenait des lignes temporelles, de ce que j'avais fait, et de ce qui continuait à se produire."


L'enfant renifla.


"Mais quand j'ai essayé de l'appeler à l'aide dans le corps de Chara, il n'a montré aucune pitié. Personne ne m'écoutait. Éventuellement, après plusieurs dizaines d'essais, Chara a commencé à s'ennuyer. J'ai négocié ma liberté. Elle me laissait le contrôle de mon corps, et en échange, je m'engageais à tuer à sa place. Je l'ai fait. Plusieurs fois. Et un jour, je l'ai piégée. Alors que j'aurais pu te tuer, j'ai été plus rapide qu'elle et je t'ai épargné. J'ai réussi à le faire plusieurs fois. Chaque coup l'affaiblissait, jusqu'à ce que son contrôle redevienne limité. Alors j'ai reset une dernière fois et j'ai tout recommencé, pacifiquement. Après ça, Sans m'a pardonné et je lui ai promis de ne plus jamais recommencer. Enfin... Il a dit que tant que je vivrais, il s'assurerait de me rappeler ce que j'ai fait, pour me prévenir de recommencer."


Papyrus garda les mains jointes sous son menton, pensif. Frisk pouvait lire dans ses yeux qu'il était déçu, et il avait toutes les raisons de l'être. Le squelette se leva et fit un tour de la pièce, toujours silencieux. L'adolescent le suivit du regard avec la crainte qu'il se jette d'un coup sur la porte et parte en courant, mais il n'en fit rien. Il retourna s'asseoir à côté de lui et lui prit la main.


"Tu sais, je ne suis pas aussi bête que ce que mon frère ou les autres ne le pensent. J'avais... deviné tout ça depuis un long moment. Je ne savais pas à quel point c'était grave, mais ces sentiments de déjà-vu, Sans qui devient de plus en plus paresseux, je savais bien qu'ils étaient liés à toi. Je ne peux pas dire que je pense que ce que tu as fait est justifié, parce que je ne suis vraiment pas certain que ce fut une bonne décision à prendre, mais tu as des regrets, et sur la fin, tu as su faire le bon choix. Si mon frère a trouvé la force de te pardonner malgré... Eh bien, son sale caractère, je ne vois pas pourquoi je devrais être en colère contre toi. Et puis, j'ai comme l'impression que tu as retenu la leçon, étant donné que nous sommes toujours dehors, qu'il y a des étoiles plein le ciel et que mon téléphone est rempli d'appels de Lady Toriel qui me demande de tes nouvelles. Et puis, tu ne recommenceras pas, pas vrai ?"


Frisk sentit les larmes lui monter de nouveaux aux yeux. Il savait au fond de lui que Papyrus ne lui en tiendrait pas forcément rigueur, mais le film qu'il s'était joué et les avertissements à répétition de Sans l'avait mis sous pression.


"Câlin ? demanda le squelette en ouvrant les bras."


L'enfant pouffa et se blottit dans ses bras. Le squelette referma ses bras autour de lui et posa sa grosse tête sur la sienne.


"Tu sais, humain Frisk, tu aurais pu me le dire bien plus tôt. Je suis une oreille très attentive, ce qui est plutôt exceptionnel étant donné que les squelettes n'en ont pas. J'ai toujours cru en toi. Je savais que tu pouvais faire un petit peu mieux. N'importe qui peut devenir une bonne personne si elle se donne juste une chance.

— J'ai essayé... J'ai vraiment essayé... Mais Chara m'en empêchait, et ensuite Sans a refusé que je te le dise. Et je lui ai obéis.

— Sans est.... était têtu, et il pense que je suis encore un enfant. Tu sais, le jour où je suis enfin devenu garde royal, enfin... policier, il m'a suivi partout en ville. Je crois qu'il avait peur que je m'évapore quelque part. La vérité, c'est que Sans a peur de beaucoup de choses. Mais parfois, il est bon de lui rappeler qu'il n'est pas maître de ma vie et que petit Papyrus n'a plus huit ans.

— Je suis désolé de ne pas te l'avoir dit avant pour sa maladie.

— Tu n'as pas à te flageller pour ça. Tu n'es qu'un enfant Frisk, tu n'as pas à porter de telles responsabilités sur tes épaules.

— Tu es le meilleur grand frère, Pap'.

— Je sais, je sais."


Il essuya ses larmes et s'écarta. Il toucha son bras plâtré pour tester la douleur. Il ne sentait plus rien, les médecins avaient fait du bon travail. L'enfant réalisa soudain qu'ils étaient en plein milieu de la nuit et que Papyrus était avec lui, alors même qu'il devrait être en train de dormir, lui aussi. Au regard que l'adolescent lui lança, le squelette se sentit immédiatement coupable.


"J'ai peut-être ou peut-être pas utilisé ma plaque de police pour rester avec toi cette nuit. Pour ma défense, Lady Asgore m'a très chaleureusement encouragé à le faire. Elle a peut-être ou peut-être pas menacé de me briser les genoux si je te laissais seul. Elle est très inquiète. Tu nous as fait sacrément peur, humain Frisk.

— Je suis désolé, Papyrus... Je ne voulais pas t'attirer des problèmes après ce qui s'est passé.

— Tu veux en parler ? Je comprends parfaitement si tu n'en as pas envie. C'est encore tôt, mais..."


Et ce fut ce qu'ils firent. Tout le reste de la nuit, ils discutèrent de Sans et de sa mort. Papyrus pleura plusieurs fois, Frisk aussi, mais ce dernier sut que c'était nécessaire. L'adolescent expliqua que Toriel avait mis les cendres dans un vase et qu'il ne trouvait pas ça très juste. Papyrus approuva. Ils décidèrent qu'une fois la cérémonie funéraire passée, tous les deux iraient disperser ses restes au sommet de Mont Ebott, là où le squelette avait installé son télescope pour regarder les étoiles. Ils discutèrent ensuite des affaires du squelette. Papyrus tenait à ce que l'enfant garde sa veste, étant donné qu'il semblait y être très attaché, et Frisk l'en remercia vraiment. Il avait toujours aimé la veste de Sans, même si elle sentait les frites périmées et le ketchup. Après ça, ils changèrent le sujet et se racontèrent des anecdotes toute la nuit, jusqu'à ce que Frisk, épuisé, s'endorme contre son ami.


Le lendemain matin, l'infirmière et Toriel furent assez surprises de trouver le squelette censé garder l'enfant dans son lit, torse nu, Frisk accroché comme un koala (à trois pattes, du coup) autour de lui. Papyrus avait eu trop chaud pendant la nuit et avait décidé de se mettre plus à l'aise. Frisk entrouvrit les yeux lorsqu'un raclement de gorge passif-agressif retentit dans la pièce. Sa mère avait les poings sur les hanches, et l'adolescent ne comprit le problème que lorsqu'il remarqua Papyrus à côté de lui. Il rougit furieusement avant de se cacher sous la couverture. Réveillé par les mouvements de l'enfant, Papyrus se redressa soudain droit comme un i. Il se mit au garde-à-vous, totalement affolé.


"Je...Je...Je ne dormais pas Lady Asgore ! J'ai simplement fermé les yeux quelques minutes ! Le grand Papyrus ne dort jamais ! Il veille avec classe et professionnalisme !"


Il joignit le geste à la parole et bondit hors du lit en faisant une roulade. Malheureusement, la pièce était trop petite et il se mangea le support mural de la télévision en se redressant. Il lâcha un "Ouillie" de douleur avant de ramasser ses affaires et courir se rhabiller dans la salle de bain. Toriel leva les yeux au ciel avant de rejoindre son fils. Elle le prit dans ses bras et le serra contre elle, soulagée.


L'infirmière, une femme crocodile bleue, les laissa s'enlacer, avant de repousser gentiment mais fermement sa maman. Elle retira pour commencer les liens, au grand soulagement de l'enfant. Elle s'assura que le plâtre était bien fixé, avant de s'attaquer aux bandages. Frisk tira une grimace en découvrant l'étendue des dégâts. Sa poitrine et une partie de son ventre étaient couverts d'hématomes d'un violet bleu loin d'être naturel.


"Tu as eu beaucoup de chance, lui dit-elle. Deux côtes fêlées et un bras cassé, c'est rare avec un accident de ce type. Il faudrait éviter de courir sur la route, la prochaine fois.

— Oh oui, s'énerva Toriel, n'hésitez surtout pas à dire que mon fils aurait pu mourir en face de lui.

— Maman... Je vais bien, soupira Frisk, habitué à la surprotection de l'ancienne reine."


Et puis, l'infirmière n'avait pas tout à fait tort. Il s'était comporté comme un idiot. Toriel croisa les bras, le regard noir. L'infirmière refit le bandage et les laissa enfin seuls. L'enfant baissa la tête, nerveux, mais sa mère se radoucit presque immédiatement une fois la porte fermée. Elle caressa doucement les cheveux de son fils qui se laissa faire, le regard triste.


"Je suis désolé de t'avoir inquiété pour rien.

— Ce n'est rien. Le médecin a dit que tu as fait une crise de panique violente. C'est de ma faute, je n'aurais pas dû te laisser venir dans la chambre de Sans. J'oublie parfois que tu n'as que quatorze ans, et je ne devrais pas, parce que ça me ferait devenir comme Asgore, dit-elle d'une voix sombre. L'important est que tu ailles mieux. Oublions tout ça. Tu pourras sortir cet après-midi. Papyrus te ramènera à la maison et veillera sur toi. J'ai beaucoup à faire pour organiser les obsèques de Sans. Undyne a dit qu'elle passerait déposer quelques animes pour que tu puisses t'occuper l'esprit. Tu dois te reposer.

— Mais... Et le discours ? s'alarma Frisk. C'était aujourd'hui !

— Il est reporté, ne t'inquiète pas de ça. D'ailleurs, fais attention à toi en sortant, les journalistes sont de sortie. Tu te souviens de ce que je t'ai appris ?

— Oui, je les ignore et je ne réponds pas aux questions."


Elle sourit, satisfaite. Papyrus passa discrètement la tête hors de la salle de bain, avant de sortir entièrement après avoir été repéré par Toriel. Il s'approcha la tête basse en jouant avec ses mains.


"Je suis désolé, Lady Toriel. J'ai baissé ma garde. Mais Frisk s'est réveillé cette nuit et...

— Ce n'est rien, Papyrus. Tu as continué à veiller sur lui, c'est l'essentiel. Bien, je vais devoir repartir. J'ai déjà signé les papiers pour ta sortie, le médecin est au courant. A ce soir, mon ange. 

— Au revoir, maman, sourit l'enfant.

— Au revoir, maman, répéta Papyrus. Oh ! Euh... Enfin Lady Asgore... Enfin, je veux dire Toriel ! Toriel."


L'ancienne reine leva les yeux au ciel et quitta la pièce le sourire aux lèvres. Papyrus attendit qu'elle soit hors de vue pour sortir un paquet de cartes de son pantalon.


"UNO ? proposa-t-il.

— UNO ! approuva l'adolescent avec une joie non-dissimulée."


**********


En début d'après-midi, Frisk reçut enfin l'autorisation du médecin pour quitter l'hôpital, après s'être assuré qu'il pouvait marcher. L'adolescent était encore tremblant sur ses appuis, mais Papyrus n'était pas si loin pour le rattraper si jamais il tombait. L'adolescent suivit son ami dans les couloirs, ravi d'enfin quitter cet endroit. Il n'avait jamais beaucoup aimé les hôpitaux. Beaucoup de mauvais souvenirs hantaient ces lieux, même si celui des monstres était bien plus convivial.


Dans les différentes chambres, plusieurs jeunes humains et monstres le saluèrent de la tête. Chaque cas était très spécifique. Certains monstres n'avaient pas forcément de bras ou de mains. C'était le cas d'un jeune modsmal dans un lit trop grand pour lui, que l'infirmière essayait de piquer sans y parvenir, ou encore ce du fils de Monsieur Cailloux, qui comme son nom l'indiquait... était un caillou vivant. Certains monstres étaient vraiment étranges.


"Yo, Frisk !"


Frisk se retourna. Un petit dinosaure jaune au T-Shirt rayé courut dans sa direction. Son pied se prit dans un fil qui traversait le couloir et il s'effondra face contre terre. L'adolescent poussa un cri de surprise et courut vers lui pour l'aider à se relever. Les chutes de Monster Kid étaient quelque chose d'assez courant, mais ce n'était pas ce qui avait attiré son attention. Le petit monstre, surexcité, n'y fit même pas attention.


"Regarde ça !"


Il agita deux minuscules bras devant eux avec enthousiasme. Frisk lui offrit un grand sourire. Monster Kid était né sans bras. Ce n'était pas rare chez les monstres, mais ce n'était pas forcément le cas dans sa famille. Les deux enfants s'étaient liés d'amitié dans les Souterrains, alors qu'Undyne essayait de tuer Frisk. Monster Kid s'était interposé vaillamment devant la garde royale (après avoir manqué de tomber dans une crevasse très profonde, mais il préférait supprimer cette partie de l'histoire) et il collait Frisk depuis. L'adolescent l'aimait beaucoup, même s'il avait tendance à essayer de le draguer maladroitement la plupart du temps.


"Docteur Alphys m'a fait des prothèses ! Maintenant je peux prendre des choses dans mes mains, et même t'inviter à faire un slow au bal de fin d'année de l'école. Tu es officiellement mon cavalier, Frisk. C'est samedi soir. T'as intérêt à venir ! C'est pas grave si tu n'as qu'un bras, hier j'en avais pas. On s'arrangera. A samedi, Frisk !"


Il s'enfuit dans le couloir, en se reprenant les pieds dans le même fil. Il s'écrasa de nouveau à terre, avant de se relever et partir en courant dans le couloir, le visage cramoisi. Encore choqué, Frisk réalisa brutalement qu'il venait de l'inviter à danser avec lui. Le visage de l'adolescent vira lui aussi au cramoisi et il poussa un cri de détresse qui alerta Papyrus.


"Humain Frisk ? Qu'est-ce qui se passe ? Respire, tu es tout rouge ! Tu es malade ? Je dois appeler une infirmière ? Frisk ? Frisk, parle-moi s'il te plaît.

— Oh non ! s'exclama Frisk. Mais je ne sais pas quelle robe je vais mettre pour danser samedi ! Papyrus, il faut que tu m'aides ! Je n'ai pas pris de robe dans ma valise !"


Le squelette leva les bras en l'air, surpris, avant de se ressaisir.


"N'aie crainte, humain Frisk. Moi, le grand Papyrus, appellerait Mettaton pour venir à ta rescousse. Même si je ne suis pas certain d'avoir entièrement saisi la source de tes interrogations, tu portes déjà des vêtements ?"


L'adolescent étouffa un cri de détresse dans ses bras avant de prendre le squelette par la main et se diriger vers la sortie. Il comprit l'avertissement de sa mère dès l'approche de la grande baie vitrée. Une barrière de journalistes humains était agglutinée derrière la baie vitrée. Dès qu'ils l'aperçurent, les flashs fusèrent dans tous les sens alors que les premiers rapaces hurlaient leur question en se frayant un passage dans la foule, micro tendu vers la seule et unique sortie. Au milieu de la foule, seul Mettaton était perceptible par sa grande taille et la brillance de ses circuits. Papyrus décida de porter Frisk sur ses épaules pour le tenir au-dessus des appareils photos et davantage attirer l'attention sur ses biceps inexistants que sur l'adolescent. Peine perdue. Ils firent à peine quelques pas dans la foule qu'un brouhaha retentit autour d'eux, entre les crépitements des appareils photos et des journalistes qui couvraient l'événement.


"Frisk Dreemur, est-ce vrai qu'un monstre vous a roulé dessus ?

— Est-ce un attentat ?

— Ce squelette prévoit-il de vous manger ?

— Que pensez-vous du tweet du Président qui se plaint de votre excuse pour échapper au discours ?

— Connaissez-vous un certain W.D Gaster ? Oh... De quoi je parlais déjà ?

— Votre mère va-t-elle se remettre en couple avec Asgore Dreemur ?

— Ça fait mal si on touche votre plâtre ?"


Angoissé, l'enfant serra un peu plus la prise autour du crâne de son ami et essaya d'ignorer les hurlements qui l'entourait. Mais c'était sans compter sur la ruse d'un des journalistes qui lui attrapa le T-shirt et le tira en arrière. Frisk fut désarçonné et tomba au milieu de la foule, sur le dos. Il poussa un hocquet de surprise et réalisa bien vite qu'il ne voyait plus Papyrus, recouvert par un mur d'humains. L'adolescent se releva maladroitement et tenta de reculer, mais il se retrouva rapidement acculé contre les vitres, des dizaines de micros collés dans le visage.


"Papyrus ! cria-t-il, terrifié."


Mais le squelette ne répondit pas. Il n'arrivait même pas à l'entendre dans le brouhaha d'informations. Il prit sa détermination à deux mains et commença à pousser les caméras pour se frayer un passage. Presque immédiatement, on le repoussa en arrière et le flot de questions reprit. Très vite, l'adolescent sentit la panique l'envahir. Il se sentait pris au piège et la foule trop dense n'arrangeait pas les choses. Il avait trop chaud. Il lui fallait de l'air. Il prit de grandes inspirations, mais ne réussit pas à calmer les battements affolés de son coeur. La foule se métamorphosa devant lui en une forme vague aux mille tentacules qui essayaient de l'aggriper et le traîner vers son antre.


"Oh ! hurla une voix familière. Vous allez tous dégager ou je prends chacune de vos foutues caméras et je les brise ! Laissez-moi passer ! Laisse-moi passer, je te dis !"


Un journaliste imprudent fut balayé par une lance d'un bleu clair. Frisk sentit les larmes lui monter au yeux et, soulagé, il se précipita dans les bras de Undyne qui réussit à lui ouvrir un passage. Elle l'accompagna jusqu'à sa voiture où Papyrus attendait, nerveux, avant de claquer la porte avec une telle force que le métal se tordit. Elle appuya sur un bouton et les vitres se teintèrent de noir. Frisk s'agrippa à Papyrus et se promit de ne plus le lâcher.


"Ils ne t'ont pas fait mal ? s'inquiéta la femme-poisson.

— Non... Non, ça va, répondit-il d'une voix tremblante."


Elle ne parut pas convaincue, mais décida de s'en contenter. Elle klaxonna de toutes ses forces avant de lancer la voiture à fond, manquant de peu de renverser quelques journalistes imprudents qui s'étaient lancés à leur poursuite. Une fois dans les airs, Frisk se détendit légèrement, soulagé.


"Merci, Undyne, dit-il d'une voix faible.

— Ah ! Ne dis rien, c'est ce que font les besties ! Cadet Papyrus ! Il y a des pâtes dans le coffre. Je veux que tu me fasses les meilleurs spaghettis pour remonter le moral de notre ambassadeur ! C'est un ordre !

— Oui, madame, oui ! approuva-t-il en se cognant la tête contre le toit dans une tentative de se mettre au garde-à-vous."


Frisk éclata de rire. La journée se passerait peut-être mieux que prévu finalement... Enfin, s'il écartait cette boule naissante au fond de son estomac à mesure qu'ils approchaient de la maison de Papyrus.


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