Une dernière promesse

Chapitre 19 : Comique de répétition

3045 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 05/11/2020 20:46

Encore chamboulé par sa rencontre avec Gaster, Frisk était loin de se douter qu'il se retrouverait yeux dans les yeux avec Sans en sortant de la pièce. Le squelette, méfiant, bloqua la porte d'un coup sec de la main avant qu'elle ne se referme. L'adolescent sentit son cœur battre à tout rompre. Il devait trouver une excuse et vite. Le squelette ouvrit la porte et regarda à l'intérieur de la pièce, sur ses gardes. Son œil vira légèrement au bleu, comme si quelque chose le dérangeait, mais il ne tarda pas à adopter une attitude perplexe en s'apercevant qu'il n'y avait rien à l'intérieur. En tout cas, plus maintenant, songea Frisk, nerveux. Dans un soupir, Sans lâcha sa prise. La porte claqua, puis disparut sous leurs yeux.


Sans resta immobile, retourné parce qu'il venait de voir, puis se tourna avec lenteur vers Frisk. L'adolescent déglutit. Son œil brillait toujours, menaçant. Il leva une main et son âme vira au bleu. Malgré lui, Frisk fut violemment attiré contre le mur, et bloqué par les deux mains du squelette qui claquèrent sèchement de chaque côté de sa tête.


"Qu'est-ce qu'il y avait là-dedans ? Et ne me mens pas, je n'ai pas la patience pour, ajouta-t-il d'un ton lugubre.

— Un vieil homme, répondit Frisk en se donnant du courage pour paraître convaincant. Il était bizarre. Je l'ai touché et il a disparu."


Le visage de Sans se rapprocha dangereusement du sien. Ses yeux balayèrent son visage avec sévérité et jugement. Il ne le croyait pas. Frisk soupira.


"Un vieux squelette, avoua-t-il à mi-voix.

— Il était comment ? demanda-t-il, abasourdi.

— Plus grand que Papyrus, avec deux cicatrices sur le visage, dit-il en mimant les marques de son nouvel ami. Il m'a dit qu'il s'appelle Gaster."


Sans recula vivement en arrière, comme si le nom venait de le brûler. Il lui tourna le dos et plaça ses mains sur sa bouche, visiblement choqué. Frisk n'osait plus respirer. Il ne pouvait pas lui avouer qu'il savait pourquoi Sans ne voulait pas être aidé, ou il ne le lâcherait plus. Mais comment tromper sa vigilance maintenant que le nom avait ravivé des souvenirs de toute évidence enfouis ?


"Qu'est-ce qu'il t'a dit ? demanda-t-il d'une voix plus calme, toujours dos à lui.

— Juste... Que je ne pouvais pas le sauver. Et puis il a disparu."


Ce n'était pas vraiment un mensonge, simplement une version très abrégée de la vérité. Etonnament, Sans s'en contenta. Frisk voulut poser plus de questions, curieux, mais il l'en dissuada d'un regard. Sans un mot, il gagna la sortie du couloir où ils se trouvaient et Frisk le suivit. Asgore et Undyne les attendaient, mais visiblement que depuis quelques secondes puisque ni l'un ni l'autre ne sembla suspicieux de cette longue attente. Le temps fonctionnait sans doute différemment autour de la mystérieuse porte grise, comprit l'adolescent. Mais dans ce cas, comment Sans avait pu la trouver ? Un frisson désagréable lui remonta le long du dos alors qu'il réalisait amèrement qu'il était encore loin de tout savoir sur son ami.


Ils reprirent la route dans un silence pesant. Personne n'avait visiblement l'envie de faire la conversation. Undyne ne tarda pas d'ailleurs à coller de nouveau Frisk de près. De temps en temps, il pouvait sentir la pointe de sa lance se glisser vicieusement entre ses côtes. Elle ne lui fit jamais franchement mal, mais lui infligeait ce petit désagrément comme menace sourde de ce qui arriverait s'il faisait un pas de travers. Sans avait sans doute remarqué son jeu, mais cette fois, il ne dit rien, perdu dans ses pensées.


Ils traversèrent l'intégralité de Waterfall : les ponts de bois fragiles, les cascades, les zones résidentielles. Frisk n'eut pas trop de mal à retrouver dans ces paysages sombres et faiblement illuminés les mémoires de ses courses poursuites endiablées contre Undyne, sa rencontre avec Monster Kid, la course d'escargots de Napstablook... Un poing lui serra le cœur. Tout lui avait terriblement manqué, et maintenant tout était si différent qu'il ne le revivrait sans doute jamais. Non pas qu'il avait envie de courir une énième fois la longue route qui menait aux territoires de Hotland avec une Undyne furieuse sur les talons, mais toute son enfance s'était forgée ici. Malgré l'animosité qui animait la femme-poisson à son égard, il était content de la revoir. Vivante.


La dernière image qu'il avait eue d'elle avait été tout sauf digne. Si elle n'avait pas été surprise, jamais Undyne n'aurait ployé le genou devant les humains. Les souvenirs dansèrent devant ses yeux alors qu'il se revoyait quelques années dans le passé en train de hurler comme un sauvage pour essayer de l'impressionner et de la convaincre de prendre Papyrus à l'essai dans la police municipale. Elle avait fini par céder, mais seulement parce Sans était soudain apparut de nulle part pour se moquer de son empathie et de sa capacité à briser les rêves des autres. Elle avait manqué de lui sauter à la gorge, mais Papyrus, tout content, était venu les interrompre pour leur présenter les "mini-tomates" qu'il avait trouvé dans un arbre et qui s'avéraient être du poison. Il avait ensuite fallu qu'Undyne le tienne par les pieds dans un arbre pour le forcer à recracher. Soulagée, elle avait fini par accepter de prendre le squelette à l'essai, sans doute par crainte qu'il ne se tue stupidement si elle ne l'avait pas à l'œil plus de deux minutes.


Un petit sourire éclaira le visage de Frisk. Il se tourna vers la guerrière et lui fit un clin d'œil.


"Jolie lance, flirta-t-il sans la moindre honte."


Le visage d'Undyne vira au cramoisi, totalement prise au dépourvue par cette remarque sortie de nulle part. Elle ramena sa lance contre sa poitrine et la serra contre elle comme si l'arme allait se retourner contre elle. Frisk se retourna comme si de rien était. Au moins, de ce côté-là, les choses restaient les mêmes. Si ses pouvoirs de flatterie fonctionnaient encore, il pourrait peut-être s'en sortir comme dans une route pacifiste normale. Après tout, il avait encore à devenir "ami" avec elle, Alphys et Mettaton. Si pour les deux derniers, il avait une petite idée de comment s'y prendre, pour Undyne, c'était une autre histoire. La guerrière n'était pas forcément le genre de monstre "nounours" comme pouvait l'être Papyrus. La dernière fois, c'était d'ailleurs lui qui avait en quelques sortes forcé leur rapprochement. A bien y réfléchir, ça pouvait toujours être le cas. Il ne doutait pas une seconde que Papyrus rappliquerait à la seconde où il l'appellerait à l'aide. Après tout, n'était-il pas le vrai héros de toute cette histoire ?


Hotland ne tarda pas à apparaître à l'horizon. La chaleur devint rapidement étouffante alors que les ponts, désormais en acier, offraient une vue imprenable sur un lac de lave en fusion. Cet endroit avait toujours questionné Frisk. A la Surface, le CORE était la première chose qui avait intéressé les humains pour l'énergie énorme qu'il représentait et les avantages qu'ils pouvaient en tirer. Le seul problème étant qu'aucun des monstres n'était capable d'expliquer son fonctionnement, pas même Alphys. Il avait fallu près de deux ans de travail entre scientifiques humains et monstres pour analyser et comprendre l'immense structure avant de pouvoir s'en servir. L'un des rares milieux que les hommes n'avaient pas raté dans leurs relations houleuses avec les monstres.


Maintenant que Frisk en savait un peu plus sur Gaster, l'ancien scientifique royal, les choses prenaient un peu plus de sens. Alphys, aussi douée qu'elle était, n'avait fait que broder autour des inventions de son probable mentor. La plupart des designs des machines, et en particulier celui de l'énorme machine qui se trouvait au sous-sol du laboratoire, ressemblaient étrangement aux blasters de Sans. Il ne l'avait pas remarqué immédiatement, mais tout, même jusqu'aux pommeaux des escaliers, en avait la tête. Il osa glisser un regard vers Sans. Le squelette le regardait, lui aussi. Frisk pouvait sentir sa méfiance de là où il se trouvait. De toute évidence, le beau discours de pardon n'avait été là que pour rassurer Papyrus. Sans restait sur ses gardes. Frisk en fut vraiment blessé, et détourna le regard en serrant les poings, agacé par son attitude.


Ils firent un arrêt devant le laboratoire d'Alphys. L'immense bloc blanc détonnait complètement parmi les pierres rouges qui couvraient les murs de la caverne. Undyne haletait bruyamment dans son armure et même après avoir vidé l'intégralité du distributeur à eau, elle ne semblait pas très à l'aise. A la grande surprise de Frisk, Alphys sortit du laboratoire, une grosse valide derrière elle, et décida d'accompagner le groupe au palais. Dès qu'elle aperçut la guerrière couverte de sueur, ses joues prirent une couleur rouge intense et elle commença à paniquer, incapable de savoir où poser ses yeux sur son corps musclé et terriblement humide. Frisk ne put se retenir de pouffer légèrement, toujours aussi amusé la capacité des deux femmes à faire comme si rien n'était dérangeant.


La scientifique tourna ensuite son regard vers lui et ses yeux s'écarquillèrent de surprise.


"Oh mon dieu ! C'est-c'est-c'est-c'est vrai-vraiment un-un humain ! s'extasia-t-elle.

— C'est un priso...répondit Undyne.

— Mon invité, corrigea immédiatement Asgore en lui adressant un regard sévère."


La guerrière poussa un soupir puis reprit la tête du groupe en grommelant. Alphys resta en arrière à côté de Frisk, tout d'abord silencieuse.


"Joli badge, ne put s'empêcher de dire vicieusement Frisk. C'est Mew Mew Kissie Cutie, non ?"


Le regard de la scientifique s'écarquilla de stupeur avant de se remplir d'amour. Surexcitée, elle commença à se lancer dans une explication d'où elle avait trouvé le badge, pourquoi elle aimait cet anime et ce qu'il représentait pour elle. Inarrêtable. L'adolescent l'écouta avec le sourire, ravi de la voir aussi heureuse et joyeuse. Et dire qu'il n'y avait pas si longtemps, il avait été invité au mariage de la capitaine de la garde et de la scientifique royale. Il espérait que les deux femmes ne prennent pas aussi longtemps pour se décider, cette fois, il voulait vraiment porter une robe, les alliances et voir Undyne écraser son bouquet de fleur dans le visage de Papyrus en lui hurlant qu'il serait le prochain.


Le reste du trajet s'effectua dans une bonne humeur relative lorsqu'Asgore se mêla à la conversation pour en savoir plus sur les animes. Ils gagnèrent le château par le grand ascenseur du CORE, qui les déposa juste devant l'entrée de New Home, une grande maison qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à celle de Toriel, en plus grise et triste. Seules les fleurs dorées disposées dans les vases un peu partout rendait le lieu un peu plus chaleureux. Asgore les invita à le suivre dans le salon. Il ramena quelques chaises supplémentaires afin que tout le monde puisse s'asseoir autour de la table de bois, puis s'éclipsa dans la cuisine pour faire le thé.


Frisk s'installa entre Sans et Alphys, en face d'Undyne qui le dévisageait toujours avec hostilité. Le squelette avait l'air fatigué après leur marche et Frisk fronça immédiatement les sourcils. La dernière fois qu'il avait été essoufflé, les choses ne s'étaient pas bien déroulées du tout. Asgore revint avec les tasses de thé en sifflotant et en déposa une devant chacun de ses invités, visiblement ravi d'avoir de la visite. Il servit le liquide, puis déposa une assiette avec des petits biscuits au milieu de la table. Frisk sentit son ventre gargouiller. Puisque personne n'osait se servir, il le fit le premier. Sans suivit peu après.


"Bien, dit Asgore, un peu gêné. Maintenant que nous sommes tous réunis, il est temps de décider ce que l'on va faire de notre ami ici présent. Un avis ? Quelqu'un ?"


Un silence gênant se fit sentir entre les membres du "conseil". Frisk joua un instant avec ces mains.


"Je sais que je devrais me battre avec vous, dit-il au roi, mais... Je n'ai vraiment pas envie de le faire. Un jour, un vieil ami m'a dit qu'il faut savoir accepter les choses telles qu'elles viennent et être raisonnable."


A côté de lui, les yeux de Sans s'illuminèrent légèrement. Il adressa un petit sourire discret à l'enfant.


"C'est n'importe quoi, grogna Undyne. Asgore, c'est la dernière âme qu'il nous manque ! Après ça, on pourrait être libre ! Pourquoi faire du sentimentalisme sur celui-là alors qu'on n'en a pas fait sur les autres ? Hein, pourquoi, Sans ? l'agressa-t-elle sans sommation. Il me semble qu'il n'y a pas quelques années tu étais plutôt enthousiaste à l'idée de "guider" le gamin au pistolet avant de lui planter tes os dans le cœur à la porte d'Asgore. Je te trouve bien hypocrite de faire comme si tu protégeais celui-là. Comme "juge", cracha-t-elle, on a vu mieux."


Frisk resta abasourdi par cette révélation aussi brutale qu'inattendue. Il se retourna vers Sans, mais le squelette détourna le regard.


"Undyne, enfin ! la gronda le roi. Ce n'est pas quelque chose dont nous sommes fiers, et ayant tué toi-même l'un de ces enfants, tu devrais avoir honte de t'en vanter. Cette situation n'a duré que trop longtemps et Sans a bien fait de le protéger. Humain...

— Frisk, dit gentiment l'adolescent.

— Frisk, reprit-il en souriant. Tu es le bienvenu dans mon royaume. Contrairement au portrait dépeint par le capitaine de notre garde, les monstres ne sont pas dangereux ou violents. Ils ont simplement peur de ne jamais sortir d'ici. Mais cela fait si longtemps que nous vivons sous la montagne que quelques années de plus ou de moins ne sont plus un problème. Peut-être, avec ton aide, pourrions-nous trouver un moyen plus pacifique de briser la barrière ?

— J'aiderais autant que je le peux.

— Bien, dit-il en souriant. Je vais faire une annonce dès ce soir pour que personne ne te cause plus de problème. Tu peux résider ici ou...

— Le gamin peut venir à la maison, le coupa Sans. On a une chambre de libre, ce sera plus confortable que ton vieux canapé et ça fera plaisir à Pap'."


Asgore remercia Sans, soulagé d'un grand poids. Undyne, elle, resta distante. Frisk la connaissait assez pour savoir qu'elle ne contredirait pas le roi, mais si elle trouvait un moyen détourné de s'en prendre à lui, elle le ferait sans hésiter. Le bien des monstres ou le bien d'Asgore ? Un dilemme à la hauteur de sa renommée.


"Faisons ainsi, répondit le roi. Je vous ferai envoyer quelques vivres supplémentaires pour l'enfant. Je sais que tu as beaucoup à faire avec tes nombreux boulots, et je ne voudrais pas qu'il vous mette plus en difficulté ton frère et toi. Il faudrait quelqu'un pour protéger l'enfant, mais tous les gardes royaux sont...

— Pourquoi pas Papyrus ? proposa innocemment Frisk. J'ai cru comprendre qu'il veut rentrer depuis longtemps dans la garde royale, et je suis sûr qu'il sera content d'avoir des responsabilités.

— Quoi ? grogna Undyne. C'est hors de...

— Et pourquoi pas ? le coupa Asgore. Undyne, ce serait possible ? Après tout, Papyrus est très sérieux dans tout ce qu'il fait.

— C'est le meilleur dans tout ce qu'il fait, approuva Sans.

— Même Sans le dit.

— C'est son frère ! s'énerva Undyne. Je refuse de mettre Papyrus en danger ou de l'impliquer trop émotionnellement avec cet humain. Si jamais il lui arrive quelque chose, il..."


Elle lança un regard vers Alphys puis serra les dents. Elle poussa un soupir, vaincue.


"D'accord, va pour Papyrus."


Frisk sourit, fier de lui. Et dire qu'il avait simplement fallu demander à Asgore pour le faire rentrer. Si Papyrus avait su ça, il aurait campé nuit et jour dans les jardins du roi jusqu'à ce qu'il craque et accepte de l'engager. Quelqu'un allait faire la fête ce soir. Alphys, qui n'avait pas dit grand-chose jusqu'à présent, prit son courage à deux mains et sortit de son mutisme.


"Si je-je peux étu-tudier l'âme de Frisk, peut-être que-que je pourrais créer une-une âme de sub-substitution pour bri-briser la barrière. Sans, tu-tu pourrais l'amener au-au laboratoire de-demain ?

— Bien sûr, répondit le squelette. On passera en fin de matinée si ça te va, Al'."


Elle approuva d'un vigoureux hochement de tête. Sans se releva et fit signe à Frisk de le suivre. L'enfant salua les autres et remercia Asgore encore une fois avant de le suivre, sous le regard mauvais d'Undyne qui ne le quitta pas des yeux avant qu'il ne disparaisse de la pièce. L'enfant suivit le squelette vers le hall du jugement, où se trouvait apparemment son raccourci pour rentrer à la maison. Ils s'arrêtèrent quelques secondes dans le couloir, en attendant que le portail s'ouvre.


"A propos de ce qu'Undyne a dit...

— Je ne dirais rien à Papyrus, dit l'enfant, ne t'inquiète pas.

— Non, ce n'est pas ça... Enfin si... Mais... Je ne veux pas que tu me voies comme elle l'a décrit. C'était une autre époque, d'accord ?

— Sans, je crois que je suis mal placé pour te juger, répondit l'adolescent avec un petit sourire. Ce qui est passé est passé, non ?"


Il sourit timidement, rassuré.


"Bon, j'espère que tu es prêt pour une semaine de spaghettis, parce qu'il n'y a plus de pizzas dans le frigo.

— Avec un peu de chance, il a réussi à faire sortir maman des Ruines et on va s'en sortir."


Il rit franchement cette fois, se détendant enfin un peu. Le portail s'ouvrit devant eux. Frisk passa le premier, souriant, et tous les deux regagnèrent Snowdin.


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