Une dernière promesse

Chapitre 20 : Bain de minuit

2490 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 07/11/2020 11:25

Asgore tint sa promesse. Alors que Sans et Frisk rentraient chez le squelette, la télévision diffusait déjà le discours du roi qui présentait officiellement l'enfant au reste des monstres comme un allié et ami. A ses côtés, Undyne semblait crispée. Frisk se détendit légèrement. Les choses tendaient à s'améliorer, il devait désormais jouer son rôle. Ils retrouvèrent Papyrus assis à même le sol, en train de ranger. Une tornade paraissait avoir traversé leur maison. La plupart des meubles étaient retournés ou abîmés. La garde royale n'avait pas été tendre. Frisk se sentit coupable. Ils n'avaient déjà pas beaucoup de choses, et maintenant ils allaient avoir des difficultés à tout remettre en ordre.


"Ne t'inquiète pas, gamin, ça valait le coup, le rassura Sans en posant une main affectueuse derrière son dos. Ce sont des choses qui arrivent.

— C'est vrai, approuva Papyrus. Au moins, ils n'ont pas touché à ma magnifique collection de figurines. En revanche, je crains fort que ton caillou n'a pas survécu, Sans, dit-il d'une voix triste. Undyne l'a brisé en deux. J'ai fait ce que j'ai pu mais..."


Il tendit un morceau de roche recouvert de scotch multicolore à son frère. Un des morceaux pendait pitoyablement. Sans le récupéra, faussement horrifié, avant de le jeter par au-dessus de son épaule sans plus de remords. Papyrus suivit la trajectoire de leur "animal de compagnie" les yeux écarquillés, avant qu'il ne s'écrase et n'explose de nouveau en deux morceaux. Frisk rit doucement. Alors que le plus jeune des squelettes incendiait son frère, l'adolescent décida d'aider un peu au rangement. Il remit les chaises à leur place.


"Je n'ai pas trouvé Lady Toriel à la porte des Ruines, annonça Papyrus. J'ai essayé de l'appeler, mais je crois qu'elle est un peu timide.

— Ce n'est rien, le rassura Frisk. Elle finira bien par sortir de toute manière, comme à chaque fois. Cette ligne temporelle est un peu bizarre de toute manière, même moi je ne sais pas ce qui va arriver.

— Peut-être que c'est pour le mieux, intervint Sans. Tout savoir en avance, c'est malsain."


Frisk ne put qu'approuver. Après une heure à remettre la maison en état, la faim commença à se faire sentir. Sans prit les choses en main et choisit les pizzas surgelées pour éviter une énième soirée spaghettis qui se serait achevée sur une indigestion générale. Enfin dans le cas de Frisk, les squelettes n'ayant pas d'estomac à proprement parlé. Ils se mirent tous les trois à table en discutant de tout et de rien. L'adolescent était heureux de retrouver ses deux amis, et rien, pas même cette interruption d'Undyne qui les scrutaient depuis la fenêtre, n'entama les retrouvailles. Ils dinèrent, regardèrent un film, et puis chacun regagna sa chambre. Frisk eut l'autorisation de dormir avec Papyrus le temps que les frères squelettes retrouvent le lit d'ami dans la cave. Sans leur lut une histoire et Frisk s'endormit avant la fin, le sourire aux lèvres.


*********


"Papyrus, comment t'expliquer... murmura Undyne, consternée. Le coiffeur, c'est pour... Couper les cheveux. Tu sais ? Comme les miens. Ou ceux de Frisk.

— Oui ! C'est pour ça que je veux venir !

— Papyrus, tu es un squelette. Tu n'as pas de cheveux."


Le squelette ouvrit la bouche pour répliquer, mais se figea. Ses mains tâtèrent son crâne et son expression faciale se fit plus réflexive. Sans un mot, il quitta le salon de coiffure vers une destination connue de lui-seul. Frisk et Undyne poussèrent un soupir de soulagement à l'unisson. Ce qui devait être une sortie entre "Besties" s'était transformé en catastrophe lorsque Sans et Papyrus avaient décidé de se joindre à eux. Par chance, le plus petit des squelettes était moins insistant. Il s'était simplement installé dans un des sièges de la salle d'attente et s'était endormi dedans. Un jeune enfant installé à côté de lui avait même commencé à dessiner sur son crâne sans que ça ne le dérange le moins du monde. Lui ou sa mère, d'ailleurs, qui regardait la scène d'un œil vide.


Alors qu'Undyne prenait enfin place près des bacs à shampoing, la porte s'ouvrit de nouveau sur Papyrus. Habillé d'une longue robe rose fluo, il avait tartiné son visage de rouge à lèvre et enfilé une perruque qui ressemblait davantage à ces vieilles serpillères que l'on trouvait parfois encore en magasin. Il masqua les tremblements de ses jambes perchées sur les talons les plus hauts que Frisk n'avait jamais vu avec une démarche confiante, puis il s'installa sur le bac à côté de Undyne.


"Mais qu'est-ce que... balbutia la guerrière, prise au dépourvu. Pap... Tu n'as même pas de lèvres, comment ? Frisk, dis quelque chose !

— Le rose te va à merveille, Papyrus, approuva l'enfant.

— Ah ! s'exclama le squelette. Tu vois, même Frisk approuve mon nouveau style citadin ! Humain coiffeur, je voudrais une coupe de cheveux."


L'humain en question lança un regard vers l'ambassadeur des monstres qui haussa les épaules pour lui indiquer qu'il pouvait bien faire ce qu'il demandait. Deux heures plus tard, l'adolescent, la guerrière et le squelette ressortaient avec une nouvelle coupe de cheveux, des robes et des lunettes de soleil. Le programme du soir était le concert au bord de la plage donné par Napstablook et Mettaton. Après un bref retour en arrière pour récupérer Sans qu'ils avaient oublié dans la même position qu'ils l'avaient laissé, le groupe se dirigea joyeusement vers le sud d'Ebott City. Tout se déroulait absolument comme n'importe quel jour.


Mais alors qu'ils atteignaient les commerces, un cri de détresse retentit derrière eux. Frisk et Undyne firent volte-face. Papyrus était à genoux, la veste de Sans dans les bras, couverte de poussière. Perdu, Frisk resta immobile, paralysé par la peur et l'angoisse sombre qui montait en lui. Ce souvenir ne s'était pas passé comme ça. Des cris retentirent partout autour de lui. Des soldats couraient dans les rues, tirant à vue sur les monstres. Undyne s'interposa devant Frisk, mais une pluie de balles lui traversa le crâne. Terrifié, Frisk sentit deux mains le saisir. Accroché au dos de Papyrus, ils coururent, coururent, jusqu'à ce qu'une ligne de militaire leur barre la route.


"Non... Non, pas encore... chuchota l'adolescent."


Papyrus le déposa au sol et lui lança un regard déterminé.


"Papyrus ! Non !"


Les armes se levèrent et la scène devint noire.


*******


"Papyrus ! hurla Frisk en se réveillant dans son lit, couvert de sueur."


La porte s'ouvrit à la volée. Sans rentra, son œil bleu fluorescent. Il balaya la pièce du regard, affolé, avant de se calmer peu à peu en s'apercevant qu'il n'y avait pas de danger immédiat. Papyrus s'était relevé aussi, complètement confus et perdu. L'adolescent mit du temps à retrouver ses repères, la respiration haletante. Le squelette posa une main sur son épaule, Frisk bondit sur ses pieds et se dégagea. Il n'était pas seul. Il sentait qu'il n'était pas seul. En regardant son regard dans la vitre, il repéra immédiatement cette foutue gamine aux yeux rouges et au sourire dérangeant, visiblement très fière d'elle.


"Et si on le tuait juste devant son frère, partenaire ? chantonna-t-elle.

— Non. Non ! hurla Frisk."


Il courut vers la sortie, bousculant Sans au passage et dévala les escaliers. A pieds nus, complètement désorienté, il prit une direction au hasard et courut à en perdre haleine. Il ne contrôlait plus rien et il sentait sa détermination faiblir. Chara tentait de le prendre en traître au moment où tout rentrait enfin dans l'ordre. Il traversa Snowdin, puis arriva au bord de la rivière qui longeait la ville. Il freina net, mais ses jambes ne lui répondirent pas. Elles continuèrent à accélérer malgré lui et il bondit à deux pieds dans l'eau glaciale. Le choc fut brutal et tous ses membres se paralysèrent. Il perdit connaissance en une fraction de seconde.


Après ça, tout devint flou. Il sentit vaguement que quelque chose le bloquait avant qu'il ne soit sorti de l'eau. Un poids vint se poser sur sa poitrine et il entendit quelqu'un l'appeler à répétition, alors qu'on le secouait vigoureusement. Il finit par entrouvrir les yeux, mais la morsure du froid le rattrapa immédiatement. Sans était là, le T-Shirt trempé jusqu'aux os. Son manteau était enroulé autour des épaules de l'adolescent qui ne comprenait plus rien à ce qui se passait. Il claquait des dents sans aucun contrôle et sa gorge s'était fait sèche.


"Eh, gamin, regarde-moi. Tout va bien. Tu es en sécurité. Frisk ? Tu m'entends ?

— S... Sa... Sans ?

— Te revoilà, souffla le squelette, soulagé. Eh. Il est un peu trop tard pour un bain de minuit, il est presque deux heures du matin. Je... Je vais te ramener à la maison, d'accord ? Tu as besoin d'être réchauffé."


Sans glissa sa main sous ses jambes et le souleva du sol avec difficulté. Le trajet retour fut compliqué. Le manteau trempé, le poids de Frisk et la petite taille de son porteur ne formait pas spécialement un trio de choc. Heureusement, Papyrus se trouvait sur le palier, nerveux. Il récupéra l'adolescent et le déposa dans le canapé. Il courut ensuite dans la cuisine à la demande de Sans pour faire chauffer des bouillottes. Le squelette se débarrassa de ses vêtements trempés, puis entreprit la même chose avec ceux de Frisk. Amorphe, celui-ci se laissa faire. Sans l'enroula ensuite dans la grosse couverture du canapé. Papyrus ne tarda pas à ramener les chauffe-mains enroulés dans des serviettes et les plaça aux endroits stratégiques pour réchauffer l'adolescent.


Après vingt minutes encore de stress, Frisk finit par se détendre, épuisé. Il retrouva aussi quelques couleurs, ce qui rassura les frères squelettes, au bord du malaise et prêts à appeler Alphys au besoin. L'adolescent arrêta petit à petit de trembler et retrouva ses esprits. Sans finit par renvoyer Papyrus se coucher, pour avoir une petite discussion en tête à tête avec lui, comprit l'adolescent. Une fois la porte de la chambre refermée, le squelette s'installa plus confortablement dans le fauteuil en face de lui.


"Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-il sans détour.

— Je... Je ne sais pas. J'ai fait un cauchemar, et puis quand je me suis réveillé... Je... Je l'ai sentie. Elle voulait que je tue Papyrus et elle prenait le contrôle donc.... Donc je suis parti. Je ne voulais pas plonger dans la rivière, elle m'a forcé à le faire. Sans, j'ai peur... J'ai peur de lui faire du mal par accident... Chara a autant de pouvoir que moi ici et je ne sais pas si j'arriverais à l'empêcher de...

— Elle s'est pointée avant ? Depuis que tu as reset, je veux dire.

— Un peu au début, mais c'est tout. Sans, elle n'est pas censée avoir autant de pouvoir, je n'ai tué personne. Tu peux vérifier. Je ne comprends pas comment elle arrive à faire ça. Et... Et..."


Il sentit cette chaleur remonter dans sa poitrine. L'adolescent lança un regard de pure terreur à Sans et tenta de s'éloigner, mais le squelette lui attrapa les bras.


"Laisse-la venir. Elle veut sans doute parler. Ne t'inquiète pas pour moi... J'ai l'habitude, dit-il d'une voix sombre."


Frisk hésita et relâcha légèrement la poigne pour laisser Chara passer. Un rire presque hystérique franchit ses lèvres sans qu'il ne puisse le contrôler.


"Sérieusement, Frisk ? Bouh ouh ouh, méchante Chara qui veut ruiner ma vie ! Espèce de petit traître, comme si on en serait là si tu n'avais pas décapité ce foutu squelette il y a longtemps. Oh, et puisqu'on en est dans les jolies révélations, Sans, tu sais que Frisk te ment depuis le début ? Oh, allons Frisk, cesse de faire l'enfant, il a le droit de savoir puisque ça le concerne.

— Qu'est-ce que je dois savoir ? demanda Sans d'une voix plus sombre.

— Oh, Frisk a décidé d'aller contre tes ordres et se suicider bêtement parce qu'un squelette bizarre lui a demandé de le faire derrière la porte grise. Parce que ça pourrait te sauver la vie. Sauf que, vois-tu, cher comédien, je ne compte pas exactement le laisser faire, puisqu'il s'agit aussi de ma détermination, de ma vie, de mon privilège. Tu ne le mérites pas, de toute manière. Tu l'as dit toi-même, tu n'es qu'une coquille vide qui ne sert à rien si ce n'est se mettre au travers de ce qui ne le regarde pas. Tu es tellement doué que tu n'as même pas été là quand ton frère a manqué de se pendre après ta mort parce que Frisk se sentait tellement coupable qu'il n'a rien fait pour lui remonter le moral. Oh, oups, ça non plus tu ne lui avais pas dit ? Oui, oui, Frisk, je vais te rendre ton corps, mais avant ça... Mon très cher comédien, si Frisk continue sur la pente sur lequel il s'est lancé, je te promets que ton cher Papyrus va tellement hurler de douleur que tu l'entendras peu importe où tu te trouves dans les Souterrains. Je ferai durer le plaisir, tu as le droit de le voir tomber en poussière, après tout. Je te conseille de ne pas t'endormir, jamais, parce que tu ne sauras jamais quand je frapperais. Vis avec ça sur la conscience."


Le contrôle se relâcha brutalement. Frisk garda les yeux baissés, n'osant plus les relever vers son ami. Il sentit les larmes couler le long de ses joues.


"Sans...

— Non, c'est bon. J'en ai assez entendu pour ce soir, dit-il d'une voix sombre. Ne cherche pas d'excuses, on sait tous les deux que ce qu'elle a dit est vrai."


Il se leva et se dirigea vers les escaliers.


"Je ne t'en veux pas. J'ai juste... Besoin de temps. Reste loin de Papyrus, s'il te plaît. Et repose-toi. On en reparlera demain.

— Mais Sans...

— S'il te plaît, ne me pousse pas. Je ne suis vraiment pas d'humeur à parler de ton opération de sauvetage pitoyable. Pourquoi est-ce si dur pour toi d'accepter qu'on ne peut pas changer les choses ? C'est mon choix, Frisk. Tu n'as pas à interférer et je ne te laisserais pas faire. C'est clair ? Bien. Bonne nuit."


Il regagna sa chambre sans un mot de plus. Frisk resta terriblement silencieux, le regard éteint. Chara avait gagné.


Laisser un commentaire ?