Nouvelle Veronica Mars
La nuit tombe vite. Ils rentrent à la maison sans parler, les mains encore liées mais l’air alourdi par ce qu’ils viennent de promettre. Veronica sent le poids du dossier de Leo contre sa cuisse, comme si chaque page ajoutait un nouveau noeud à sa gorge.
Dans le salon, Logan allume une cigarette puis l’écrase aussitôt. Ils ont trop à perdre pour les banalités.
Veronica (à voix basse) :
— On fait comment, Logan ? On sait à peine par où commencer. Aaron n’est pas un type qu’on surprend dans la rue.
Logan la regarde, vulnérable un instant, puis durcit.
Logan :
— Tu trouves le tracé. Moi je m’occupe de l’option finale. On garde pas Leo en plan, mais si ça part en cagade… je veux être sûr que t’es hors de portée.
Elle bouge une mèche de cheveux, son esprit déjà en train d’assembler des pièces.
Veronica :
— Leo a dit « officieusement ». Il nous donne des moyens. Des gens, peut-être. Des accès. Mais on reste dans l’ombre. Pas d’alarme, pas de publicité.
Ils passent la nuit à planifier avec la minutie d’un casse. Cartes, anciennes enquêtes sur Aaron, comptes rendus des témoins, photos — toutes empilées sur la table. Veronica travaille comme elle a toujours travaillé : en suivant les motifs, les habitudes, les petits trucs que les grandes gueules pensent négliger.
Vers trois heures du matin, elle trouve une anomalie dans un ancien dossier : un transfert d’argent, soi-disant vers une fondation caritative—mais le numéro de référence pointe vers une boîte postale rurale dans le comté voisin.
Veronica (à voix haute, presque pour se rassurer) :
— C’est pas grand-chose. Mais Aaron aime les caches. Il aime aussi les retours dramatique.
Logan sourit, cruel et tendre.
Logan :
— Alors on y va. On prend la route avant l’aube. Si c’est un leurre, on change de plan. Si ce n’est pas un leurre… on termine ce qu’on a commencé.
📍 Sur la route — approche
Ils roulent sans musique. La nuit sculpte les arbres en ombres grotesques. Veronica pense à Cindy “Vinnie” et à toutes les personnes qui ont été broyées par le nom Echolls. Elle pense à leur bébé — à la mince ligne qui sépare ce qu’ils sont prêts à faire pour protéger leur famille, et ce qu’ils deviendraient après.
Logan rompt le silence :
— Si quelqu’un nous a donné cette piste, c’est qu’il veut qu’on la suive. Soit c’est une taupe, soit c’est une provocation.
Veronica :
— Ou quelqu’un essaie d’attirer Aaron. Il veut peut-être se montrer. Il a besoin de se sentir puissant.
Ils arrivent dans un petit village, une boutique fermée, une boîte postale isolée. Le ciel grisonne. Veronica descend, vérifie la boîte. Rien. Mais derrière la boîte, un sentier étroit mène à une petite bâtisse décrépie qu’on dirait abandonnée.
Veronica (murmure) :
— Ça sent le piège. Mais ça sent aussi… possible.
Logan charge un petit calibre dans une valise. Pas pour faire le spectacle — pour la précision. Pour que ça finisse vite.
🔍 L’extérieur de la maison
Ils contournent la bâtisse en silence. Des empreintes fraîches dans la boue. Des traces de pneus légères. Veronica sort sa lampe, éclaire l’intérieur par une fenêtre brisée : une chaise renversée, une table, une tasse encore tiède sur la commode. Quelqu’un a dormi là cette nuit.
Veronica (sèchement) :
— Il y a eu quelqu’un. Récent.
Logan serre les poings. Son souffle saccadé se mélange à l’air humide. Il fait un signe. Veronica entre la première — parce que c’est ce qu’elle sait faire, même si maintenant elle n’est plus seulement la détective solitaire mais une femme qui a promis fidélité, une mère en devenir.
À l’intérieur, une photo est posée face contre sur la table. Veronica la retourne. C’est une photo floue d’Aaron — pas une vraie célébrité, mais un visage pris au mauvais moment, un sourire tordu. Sur le dos, un message griffonné à l’encre :
« On n’efface pas un fantôme. On l’écoute. — A. »
Veronica sent son estomac se retourner. C’est une signature. Une provocation. Une preuve qu’Aaron — ou quelqu’un qui lui parle comme lui — est tout près.
Soudain, le plancher craque dans la pièce derrière eux. Un bruit léger, volontaire. Quelqu’un les observe. Quelqu’un connaît leur présence.
Logan, sans bruit, fait un pas vers la porte. Sa main cherche la sienne, Veronica la lui donne. Pas besoin de mots.
Logan (murmure) :
— Reste derrière moi.
Veronica hoche la tête, mais ses doigts ne lâchent pas les siens. Ils avancent. Le silence est une corde tendue.
Et puis, une voix, douce, modulée, comme un écho d’un film qu’on a déjà vu.
Voix (dans l’ombre) :
— Bravo. Vous avez fait tout ce chemin. C’était amusant à regarder.
Une silhouette se dessine dans l’encadrement de la porte. Pas Aaron — pas encore. Une silhouette plus petite, une silhouette qui croit encore pouvoir jouer.
Logan (menaçant) :
— Qui est là ? Montre-toi.
La silhouette éclate en rire. Un rire qui n’est pas tout à fait humain.
Silhouette :
— Tu veux Aaron ? Tu veux la bête en vrai ? Viens le chercher.
Avant qu’ils ne puissent réagir, une fenêtre s’ouvre au-dessus — une lumière, un visage masqué par l’ombre — et quelque chose cliquette : une radio, puis un signal qui siffle dans la nuit. C’était une annonce. Un appel.
Veronica comprend, glacée : ce n’est pas une rencontre. C’est un piège pour attirer des témoins. Pour faire venir Aaron, ou pour réveiller des alliés qu’ils ne voient pas encore.
Logan serre les dents, prêt à bondir.
Veronica (à voix basse, résolue mais effrayée) :
— On recule. On note tout. On appelle Leo. On ne tombe pas directement dans le feu.
Logan la fixe, l’instinct de prédateur bataillant avec le serment qu’ils se sont fait.
Logan :
— D’accord. On recule. Mais si ça tourne mal, je pars pas sans toi.
Ils font demi-tour, disparaissent dans l’obscurité en laissant derrière eux la bâtisse, le message et la radio qui continue de siffler. La nuit reprend ses droits. Mais l’alerte a été donnée. Quelqu’un a lancé la partie suivante.
La vérité est claire et terrible : Aaron — ou ce qui porte son nom — est en train de se rassembler. Et Veronica sait qu’à partir de maintenant, il n’y aura plus de zones grises. Il faudra choisir : traquer avec la justice comme guide, ou laisser la promesse faite dans la chambre les transformer en juges et en bourreaux.
Elle serre le dossier contre sa poitrine comme on serre un nourrisson. Parce que leur enfant existe déjà, dans chaque choix qu’ils font.
Veronica (pensée, interne) :
— On a signé pour la guerre. Maintenant, il faut apprendre à la gagner sans devenir ce qu’on déteste.
Ils montent dans la voiture. Logan démarre. Veronica envoie un message à Leo — trois mots : « Nous avons une piste. Piège. » Pas de panique, pas d’émotion. Juste des faits.
Et alors qu’ils s’éloignent, une paire d’yeux les suit depuis l’ombre. Pas Aaron. Pas encore. Mais quelqu’un qui compte les mouvements, qui note la manière dont ils respirent, la façon dont leur peur illumine leurs traits.
La chasse est lancée. Mais qui chasse qui reste à décider.