L'épopée de la Lumière

Chapitre 1 : L'union fait la force, ralliez-vous à moi ! ...s'il vous plaît.

2661 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/01/2019 19:36

Stormwind. La puissante capitale de la race Humaine depuis la chute de Lordaeron. Elle tirait son nom des vents violents qui la balayaient constamment, descendants à toute vitesse depuis les hauts pics qui la cernaient et la protégeaient contre ses ennemis.

Elle était la cité du roi Varian Wrynn, plus belle que jamais suite à sa reconstruction après l’invasion des Orcs et entretenait des solides connexions avec la cité Naine d’Ironforge, via le Tram des Profondeurs. De plus, depuis peu, les Worgens, ces humains affligés d’une malédiction les transformant en loups difformes, cherchaient à se faire une place dans la robuste cité.

Proprement découpée en quartiers, chaque section avait son rôle précis. Religion, magie, guerre, commerce…chaque quartier de Stormwind attirait une clientèle précise et d’une certaine façon.

Mais en ce jour, ce sont les quartiers commerçants, placés juste derrière les solides herses de l’Allée des Héros, qui nous intéressent.


Une jeune Paladine, noble et pieuse, hélait le passant depuis des heures afin de trouver des compagnons pour une quête qu’on pourrait qualifier d’héroïque ou de démente. La pauvre enfant avait pour projet de s’aventurer au cœur du Duskwood, de défier les loups, les araignées, les démons et les fantômes pour la gloire de la justice et de la Lumière.

Hélas pour elle, nul ne s’y intéressait. Le chaland détournait le regard, l’air de rien, et l’aventurier rôdé se fendait d’un rictus sans s’arrêter, laissant la pauvre demoiselle à son recrutement sans espoir.

Accablée, elle finit par se laisser tomber sur la terrasse d’une boutique pour se lamenter, se demandant pourquoi tout Stormwind semblait se moquer de sa quête pourtant grandiose. La malheureuse pensait crouler sous les demandes en s’installant dans la grande rue, et la voilà qui se retrouvait seule, à pleurer sur sa solitude.


Après encore deux heures d’essais infructueux, la demoiselle avait commencé à abandonner. Le menton posé dans sa paume pendant qu’elle laissait ses jambes se balancer dans le vide, au bord de la terrasse sur laquelle elle s’était assise, la Paladine entortillait de temps en temps une des mèches de ses longs cheveux châtains. Elle n’essayait même plus de recruter les passants, lasse qu’ils détournent le regard d’un air coupable ou lui rient au nez.

  • Pourquoi est-ce que nul ne s’intéresse à ma demande ? maugréa la jeune femme.
  • Pask’elle est pile z’au mauvais niveau, Bahrum fit une voix rocailleuse avec un fort accent.

Surprise de cette intervention, la guerrière de la Lumière releva les yeux et découvrit un Nain, enveloppé dans un surcot brun raccommodé de nombreuses fois, sous lequel dépassait une cotte de mailles noircie par les années.

  • Que voulez-vous dire, maître nain ?

Démontrant très bien l’insouciance de cette petite mais fière race, l’inconnu prit le temps de venir la rejoindre sur la terrasse et de s’asseoir à côté d’elle, tout en bourrant d’herbes exotiques une pipe en bois sombre sur laquelle apparaissaient encore d’élégantes gravures. La Paladine ne put s’empêcher d’arborer un léger sourire en songeant que, malgré sa petite taille, l’arrivant lui arrivait à peine à la base du cou mais qu’il devait pourtant faire trois fois sa largeur, même en armure.

  • C’que j’veux dire ma petiote, fit-il en produisant quelques étincelles avec son briquet à silex, c’est qu’tes Duskwoods y sont trop gros pour les p’tits gars du p’tit peuple, et trop faiblards pour les z’aventuriers qu'ont d'jà d'la bouteille.

Il tapota sa pipe contre sa paume, et gratta un peu son embout du bout d’un ongle noir comme le charbon. La jeune femme s’émerveilla de l’épaisseur de la pilosité faciale du Nain. Ses cheveux se confondaient à partir d’un moment incertain avec sa moustache et sa barbe qui s’agitaient à la place de ses lèvres, invisibles là-dessous, lorsqu’il parlait.

De plus, il avait un côté « ogre de conte de fée » avec son gros nez épais à l’arrête saillante qui dépassait de la broussaille noire, à peine mouchetée de gris ici et là, et ses petits yeux profondément enfoncés sous de larges arcades sourcilières.

  • Les Paluns font trop d’concurrence pour les p’tits z’hommes, continua le Nain en allumant enfin sa pipe, à moins d’être un d’ces zinzins d’démonistes y’a pô d’raisons d’préférer les Duskwoods. Y fait somb’ tout l’temps et même les champi’ puent la malédiction, Bahrum.
  • J’imagine que vous avez raison, mais…tout de même. Je ne m’attendais pas à ce que cette contrée, pourtant si proche, attire si peu d’aventuriers.

Une fumée âcre s’éleva de la bouffarde et vint chatouiller les narines et la gorge de l’Humaine tandis que le buisson ambulant en aspirait une profonde bouffée pour cracher ensuite un rond de fumée.

  • Bahrum ! Faut pas t’miner l’moral pour si pô ma p’tite. C’était p’tet la volonté d’la Lumière que t’ailles pas t’faire croquer les miches là-bas.
  • Le père Santis aurait approuvé cette réflexion, mais hélas pas moi.

L’espace d’un instant, la jeune femme s’était fendu un maigre sourire mais baissa à nouveau le nez d’un air déprimé. Le Nain garda le silence quelques instants, jouant avec la fumée qu’il soufflait avant de lui tapoter le dos.

  • C’était-y quoi donc, ta quête, pour qu’tu sois toute abattue comme ça ?
  • Du genre humanitaire, fit-elle en se redressant un peu. J’entends souvent des rapports au sujet des Duskwoods faisant état d’attaques de toutes sortes… Worgens fous qui se rapprochent des villages, prolifération d’araignées de plus en plus hostiles, présence de cultes nécromants profanant tombes et maisons…
  • Bahrum ! Tu résumes là tout c’qui fait fuir les p’tits niaiseux en fleur. Mais t’es t-y pô un peu jeunette pour t’castagner avec toute c’te racaille des bois ?
  • Peut-être…mais je suis une Paladine, j’ai juré de servir la justice, de défendre les faibles et de combattre le mal. C’est mon devoir d’y aller, comment pourrais-je ignorer leurs appels à l’aide, alors que je peux presque voir ces tristes forêts depuis nos remparts ?

Sans cesser de faire grésiller l’embout de sa bouffarde, le Nain opina lentement du chef. La vie dans les Ordres n’était jamais facile, et c’était d’autant plus vrai pour les braves qui se dévouaient à combattre pour ceux qui ne pouvaient le faire.

  • Mais qu'importe. Dussé-je y aller seule, j’irais secourir ces pauvres gens.
  • Mh ? Je n’ai pô souvenir qu’la Lumière encourage l’imprudence, ma p’tiote. Pourqwô donc cet empressement ?
  • Je…Elle bafouilla en rougissant un peu. Mon père remettait en question ma valeur, et mon avenir au service de la Lumière.
  • Est-ce vraiment tout, vraiment ?

Incapable d’assumer le regard étonnamment inquisiteur du Nain, la jeune femme baissa les yeux en confessant la source du problème.

  • Il…voulait que j’abandonne les Ordres pour me marier. Selon ses critères bien sûr, souligna-t-elle avec une pointe de dépit, je n’avais même pas mon mot à dire.
  • Mmh…courageuse tu es, Bahrum ! D’oser défier les ombres et les fauves autant qu’ton paternel. Très courageuse enfant, pour sûr.
  • Je ne suis pas « si » jeune que ça, vous savez.
  • Ha ! Pas à moi p’tiote, j’parie une choppe qu’t’as pô vingt ans ! s’écria avec une franche assurance le Nain.

La Paladine toussa pour s'empêcher de rire. De tout temps, les Nains furent réputés pour leur bonne humeur contagieuse, et la jeune femme ne pouvait que donner un crédit bienvenu à cette légende.

  • Très bien, vous avez gagné maître-nain ! Je vous dois un verre.
  • Ha-ha ! Ne te risque jamais à parier avec un Nain, Bahrum ! La bière est toujours meilleure quand un autre la paye !
  • Je m’en souviendrais. Mais au fait, je ne me suis pas présentée ! réalisa la Paladine en tendant la main. Je m’appelle Félicia, Félicia Brighthand.
  • Bahrum ! Et moi Tharok Bigbell !

Alors sa main gracile disparaissait entre les doigts noueux du Nain, Félicia ne put s’empêcher de pouffer au nom du bonhomme aussi large que haut. Elle fit de son mieux pour se reprendre sous le regard interrogatif de Tharok et elle s’excusa, préférant toutefois ne pas s’expliquer.

  • Ma foi, ma p’tite Féli, T’iras point taquiner le zombie toute seule, le Tharok il ira avec toi !
  • Vraiment ? Je veux dire…vous êtes sûr ? Je ne voudrais pas avoir l’air de vous forcer la main.
  • Bahrum fillette ! Tu m’forces rien du tout, tu m’as même pas d’mandé d’venir ! Mais j’me sentirais mal de laisser ta jolie p’tite frimousse se faire tartiner par toute la vermine des Duskwoods.
  • Je suis touchée…enfin je suppose, sourit-elle au Nain. Votre aide sera plus que la bienvenue Tharok ! Je commençais à perdre espoir.

Félicia était rassurée d’avoir un tel compagnon avec elle pour son aventure. Les Nains étaient connus pour leur robustesse sans pareil et pour leur infatigable entrain, il serait un allié très précieux. Pour sa part, le petit homme fêta sa décision en soufflant deux ronds de fumée.

  • Alors ma p’tiote, quand c’est qu’on part ?
  • Eh bien…pour ma part, je n’ai plus qu’à faire quelques provisions pour le trajet et je serais fin prête.
  • Prévoyante la p’tiote, et minimaliste ‘vec ça. Fort bien. J’dirais point nôn à un p’tit frometon pour l’chemin, avec une bonne bière pour sûr ! Héhé.
  • Est-ce qu’il est déjà arrivé à un Nain de passer une journée sans boire ? se moqua gentiment la Paladine.
  • Ouaip fillette, on appelle ça une boudiou d’journée d’miarde !

Loin de s’offusquer du langage cru de son nouvel ami, l’austère Humaine s’amusa au contraire de cette démonstration de la volonté naine. Aucun ennemi ne pouvait les faire reculer, mais l’idée de passer ne serait-ce qu’un jour sans se rincer le gosier les épouvantait au plus haut point.


Félicia descendit avec souplesse de la terrasse, et enfila à nouveau son sac sur le dos tandis que Tharok sautait pesamment à terre. Mais avant qu’ils ne mettent en route vers un commerce pour acheter quelques rations, une Draeneï à la peau bleu ciel leur fit signe en s’approchant, ses sabots claquant sur les pavés de la rue.

Elle ramena ses cheveux clairs, coupés à hauteur d’épaule, derrière son oreille pour dégager un visage aux traits fins. Ses cornes étaient plutôt courtes, et arquées vers l’arrière. Elle portait un plastron et des cuissardes de cuir brun, et des gantelets lui remontaient jusqu’aux avant-bras. Deux masses à une main pendaient à ses hanches.

  • Veuillez m’excousez, dit la Draeneï avec un accent encore plus marqué que celui de Tharok, mais j’ai clû complendle que vous alliez faile loute vels les Douskwoods ?
  • C’est exact, répondit Félicia, Tharok ici présent et moi-même nous apprêtions justement à partir.
  • J’ai moi-même folt à faile dans ces soldides folets. Cela vous ennuilait-il si je vous accompagnais ?
  • Du tout ! Bien au contraire, votre présence serait une aide inespérée.
  • Vous m’en voyez lavie, s’égaya la Draeneï qui la dépassait de deux bonnes têtes. Je suis Aayla Petruchka !
  • Félicia Brighthand, répondit la Paladine en serrant la main de la Draeneï en réussissant à ne pas s’affoler de son nom, et voici Tharok Bigbell.
  • Chalut biquette ! rétorqua avec entrain le Nain en lui serrant la main à son tour. Mais dis-y voir, avec ton cuir et tes masses, t’y s’rais y pô une Chamane ?
  • En effet, Thalok. Je suis encole jeune novice sulla longue voie des Esplits, mais j’appoltelais ma modeste maitlise des éléments et de la guélison poul aider notle gloupe !
  • Gloup ? s’interrogea Félicia. Ah ! Votre présence nous sera d’autant plus précieuse alors. Je partais pessimiste il y a encore peu de temps, mais nous formerons une équipe robuste, j'en suis persuadée !

La remarque fit rire le Nain, qui échappa d’épaisses volutes de fumées depuis une source incertaine sous son épaisse pilosité.

Sous son tabard de Stormwind, bleu et orné d’une tête de lion en broderie dorée sur la poitrine, Félicia portait déjà une chemise de maille ajustée, ainsi que des jambières et des brassards en fer. Une épée longue pendait à sa ceinture, et elle portait sur le dos un écu allongé. Associé à ses pouvoirs protecteurs, cet arsenal la rendrait exceptionnellement résiliente en dépit de sa carrure plus modeste que celles de ses nouveaux amis.

  • Nous étions sur le point d’aller effectuer quelques emplettes pour nous sustenter sur la route, vous joindrez vous à nous Aayla, ou bien avez-vous besoin d’autres préparatifs avant de partir ?
  • Hmm…je dois lefaile mes plovisions d’eau et de noullitule, mais sitôt que ce sela fait, je selais palée à l’aventule !

Enchantée de pouvoir imaginer partir sous peu en si bonne compagnie pour les Duskwoods, Félicia conduisit ses compagnons à une auberge qu’elle connaissait bien. Située à l’extérieur des quartiers commerçants, face aux canaux, elle était tenue par un ami de sa famille qui leur fit un prix pour leurs provisions.

Tharok se chargea en viandes, bières et fromages à tel point que la Paladine crut qu’il emportait les victuailles pour tout le groupe, avant de se rappeler que les Nains étaient dotés d’un très bel appétit, si la Lumière lui pardonne un tel euphémisme.

La Draeneï fit preuve de plus de retenue et préféra faire le plein de boissons revitalisantes, emportant plutôt pain et pâté pour la route, tout en glissant quelques pâtisseries fourrées au miel dans son sac. Elle confessa, sa peau claire tirant sur le violet lorsqu’elle rougit, qu’elle ne pouvait pas résister à ces petits gâteaux. Elle assura cependant qu’elle serait enchantée de partager.

Quant à Félicia, elle se contenta de remplir ses gourdes d’eau claire et d’acheter quelques fruits pour l’équipe. Astreinte à un régime humble de par ses vœux, elle ne jugeait pas utile de s’encombrer plus que de raison de victuailles.


Puis, leurs besaces pleines et le moral au beau fixe, les trois compagnons empruntèrent la grande rue pour quitter Stormwind, passant sous le regard impassible des héros de l’Alliance immortalisés sur leurs socles de granite, pour suivre les sentiers de la forêt d’Elwynn en direction des Duskwoods.

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