Presque une minute entière s’écoula sans qu’aucun camp n’ose relancer d’attaque, essayant encore de retrouver un souffle, un élan suffisamment fort pour relancer une attaque décisive. Soudain, Phobos se mit en position de combat et prit de la distance avec le groupe avant que chacun des dragons ne fasse la même chose. Le temps n’était pas à l’hésitation et s’ils pouvaient venir à bout de ces quelques pacificateurs, peut-être pourraient-ils même aller aider Vincent. Ren qui était toujours sur la gauche de Phobos ne put s’empêcher de commenter :
— Finissons-en rapidement, nous avons autre chose à faire.
Aussitôt, la femme au kimono bondit dans les airs et à peine cette dernière touchait le sol qu’elle sembla gagner encore en vitesse, se mettant à se déplacer à une vitesse hallucinante. Seules de légères traînées sur son passage étaient perceptibles par l’œil humain tandis que le pacificateur face à elle la vit, un court instant, alignée face à lui, lui laissant juste le temps de lancer sa grosse hache dessus, mais celle-ci finit en se plantant dans le sol. Il la ressortit aussitôt de la terre et commença à enchaîner des attaques à l’aveuglette tout autour de lui.
La brune s’immobilisa finalement face à son adversaire et sembla légèrement ricaner, comme se moquant de lui avant qu’il ne se mette à la charger aussitôt. Une fois à bonne distance, il lança à nouveau ses frappes meurtrières mais Ren était d’une rapidité hors du commun, aucune attaque ne l’atteignait, et loin de là. Finalement, un bruit net put se percevoir, c’était le katana de Ren tranchant d’un coup net la gorge de son adversaire avant que la femme ne bondisse sur un autre adversaire.
Pendant ce temps, Phobos attendait que les trois pacificateurs face à lui lancent une offensive. Les pacificateurs en question étaient très impressionnés par l’adversaire qu’ils avaient face à eux. Impossible de savoir ce que Phobos pensait, anticiper son style de combat relevait de l’imaginaire, sans parler de quoi que ce soit d’autre ; c’était comme se battre contre une machine ; improbable de prédire le jeu de l’adversaire grâce à ses gestes, son souffle ou même son regard. Rien de tout cela n’apparaissait en Phobos, il s’agissait purement d’un mur, autant physiquement que mentalement, et cette caractéristique rendait d’autant plus mal à l’aise ses adversaires. Malgré cela, les pacificateurs lancèrent leur attaque en trois points différents sur l’imposante armure.
Soudain, Phobos lança une attaque venant du ciel et le pacificateur de face esquiva en partant sur le flanc gauche de son ennemi et rejoignant un allié. Mais Phobos avait redirigé son arme qui balayait dorénavant vers sa gauche et donc, vers les deux pacificateurs s’y trouvant. Ces derniers virent la lame arriver et tandis que l’un d’eux tenta de parer, l’autre exécuta un salto arrière. La parade ne fut pas suffisante, les lames du pacificateur se brisant sur le tranchant de l’arme d’hast avant qu’elle ne s’encastre en pleine poitrine. Le troisième pacificateur lançait une attaque puissante sur le flanc droit de l’armure lui tournant alors le dos et bien que la lame ait un instant semblé causer des dégâts, elle ne creusa que de quelques centimètres l’épais blindage de Phobos.
L’armure en question pivota sur lui et lança un puissant coup de coude qui délogea son adversaire et tandis que le deuxième adversaire arrivait déjà sur lui depuis les airs, visant le heaume du colosse, ce dernier fit un pas en arrière et rematérialisa son arme dans ses mains avant de venir mortellement frapper en plein vol l’adversaire.
De l’autre côté, Shanna et Arthas s’étaient regroupés, étant certainement les deux moins aguerris du groupe et tous deux couvraient leurs arrières tandis qu’ils étaient en pleine mêlée, à l’aise toutefois avec cette distance. La brune avait ses cheveux enflammés et chaque attaque qui touchait mettait littéralement le feu à ces hommes habillés de robes. Arthas quant à lui n’avait pas d’attaque spéciale, mais sa résilience et sa vitesse de frappe restaient toutefois redoutables face à ses adversaires.
Sélène de son côté venait d’en terminer avec le dernier des pacificateurs qui n’était pas en plein combat contre d’autres dragons et celle-ci posa rapidement son regard vers ce groupe fraîchement formé. Cette équipe est incroyable, pensait-elle. Certains ne se connaissaient qu’à peine et pourtant, tous travaillaient à l’unisson, se couvrant les uns et les autres sans faille tandis qu’ils livraient une bataille déchaînée contre des guerriers parfois millénaires.
Était-ce ce que Vincent avait toujours souhaité ? Former une équipe capable de soulever les montagnes ? Mais tandis que la blonde se perdait quelques instants dans ses pensées, les derniers pacificateurs étaient vaincus et toute la troupe se rua vers cette dernière avant de lancer leurs regards vers le fond du cratère.
Les deux plus grands guerriers n’avaient même pas encore commencé le combat et la force titanesque qu’ils libéraient devenait de moins en moins supportable pour l’équipe et Arthas finit par s’exclamer :
— Que fait-on maintenant ?
Sélène ne quittait plus des yeux le duel sur le point de commencer et répondit fermement :
— Prenez de la distance, autant que possible. Cela ne fait que commencer.
— Tu ne viens pas ? s’intrigua Shanna.
— Je reste là, je dois voir ça... marmonna la blonde.
Ren était également sur le point d’insister, mais Arthas s’écria à l’équipe de battre en retraite. Il fallait être réaliste, cette force les écrasait déjà et bientôt ils ne pourraient plus bouger du tout et pourraient bien y laisser la vie inutilement. La suite est entre tes mains Vincent, pensa Arthas.
Tandis que l’équipe s’était déjà éloignée de presque cent mètres, le regard de Sélène n’avait pas bougé d’une once. À quel point es-tu puissant Vincent ? se demandait-elle.
~*~
Les deux hommes finirent finalement par atteindre leurs « limites » et la tempête s’arrêta d’un coup et tout le sable en vol retomba comme une véritable mousson sur près d’un kilomètre à la ronde. Le combat s’annonçait très clairement difficile. Vincent se mit à marcher vers son adversaire, à chacun de ses pas, tout le sable l’environnant se retrouvait expulsé aussi rapidement que la foudre puis il augmenta sa vitesse de course jusqu’à sprinter vers son ennemi.
Ce dernier commença à son tour à s’élancer vers Vincent et après quelques secondes, ils étaient à pleine vitesse l’un vers l’autre, leurs épées acérées étaient maintenues en arrière prêtes à bondir et à trancher le moindre obstacle quand vint le moment inévitable où les deux hommes furent à portée l’un de l’autre. Amadeus lança son épée du haut vers le bas pour écraser Vincent sous la puissance de l’impact, mais ce dernier se pencha en arrière et son arme remonta du bas vers le haut de son flanc gauche pour aller se heurter au tranchant de la lame adverse.
Le souffle de l’impact fit voler des tonnes de sable en dehors du cratère tandis que le bruit remonta jusqu’aux régions voisines. Aussitôt, les deux adversaires se mirent à se lancer une multitude d’attaques à une vitesse que même Sélène avait du mal à saisir. Cette puissance, cette rapidité, à quel point Vincent avait-il caché son jeu ? Mais Amadeus n’était pas en reste et tenait parfaitement l’échange qui vrombissait dans tout le désert, créant de légères secousses à chaque parade.
Tandis que l’échange se poursuivait, ce dernier finit par regagner en puissance et Sélène commença à réaliser qu’elle ne tiendrait plus très longtemps debout à ce rythme. Peu importe, pensa-t-elle. Elle ne verrait jamais plus de pareil combat de sa vie. Le risque en valait la peine.
Il était impossible de prédire un moindre vainqueur dans ce duel endiablé. Donner l’avantage à l’un des deux adversaires n’étant déjà pas chose aisée avant qu’une énième attaque ne soit parée assourdissant tel en plein cœur du tonnerre. Vincent, à moitié à genou et tenant fermement son épée avec ses deux mains cria vivement et produisit une impulsion sur tous ses membres gauches afin de finir son swing. Sous la force surpuissante de l’action, Amadeus s’envola en arrière sur plus de vingt mètres avant de retomber dans le sable à genou, prêt à bondir à nouveau, toujours avec le même sourire dérangeant.
Vincent était figé dans sa position de fin de son swing, il tenait son épée en avant à l’horizontale, il s’était immobilisé à la fin de son mouvement tandis qu’un mur de sable devant lui se dressait en suspension dans les airs. Les particules ocre oscillaient subtilement au même rythme que le corps de Vincent qui tremblait bel et bien. La puissance libérée était telle qu’il en perdait presque le contrôle de son corps. Ses yeux étaient fermés et on pouvait bien imaginer qu’à ce moment, il ne valait mieux pas s’en approcher. Amadeus rit puis commenta :
— Déjà à ta limite ?
Soudain, les tremblements stoppèrent et Vincent rouvrit les yeux, d’un rouge sang brillant. Ce dernier prit une inspiration puis répondit :
— Non… je retrouve seulement ma puissance d’antan.
— Comment as-tu osé la cacher si longtemps ?
— Rien ne valait le sacrifice que cela engendre.
— Content d’en valoir la peine !! s’exclama Amadeus.
Ce dernier lança aussitôt une attaque vers le sol qui se propagea dans le sable formant un mur en mouvement. L’obstacle mobile alla frapper Vincent à l’épaule droite, mais n’eut aucun effet sur sa posture ; il resta complètement de marbre.
— Tu appelles ça revivre ? Tu as plutôt l’air d’agoniser sur place !! dit Amadeus sur un ton moqueur.
— Viens donc essayer de m’atteindre si tu penses que je suis devenu une cible facile.
— Merci de l’invitation ! s’exclama Amadeus en chargeant à nouveau Vincent.
Amadeus refit un sprint et, arrivé sur Vincent, lança une attaque transversale de gauche à droite tout en hurlant de toutes ses forces. L’épée s’arrêta net sur le plat de Némésis.
Vincent la tenait à l’envers, la pointe vers le sol, choquant aussitôt Amadeus en se rendant compte de cette parade impossible. Soudain, Vincent cria fermement et lança son poing gauche sur le plat de Némésis. Cela eut pour effet de refaire partir l’arme ennemie et Vincent inversa aussi tôt le sens de sa main sur le manche de Némésis, pour pouvoir assener une attaque horizontale de droite à gauche visant la nuque même d’Amadeus. L’épée fit mouche et Amadeus s’envola sous le choc en atterrissant dans le sable et s’immobilisant après quelques roulades.
L’homme se releva lentement puis dit :
— Je suis étonné… Malgré avoir concentré mon énergie sur ma nuque avant l’impact… Tu m’as fait une belle marque.
En effet, une longue coupure de plusieurs centimètres était visible sur la nuque d’Amadeus quand soudain, une nouvelle montée de puissance se produisit, reformant une puissante tempête de sable.
Loin de ce combat, les dragons peinaient à garder conscience sous cette force indescriptible. C’était comme si les titans en personne s’en mêlaient, pensait Arthas. Pour une raison mystérieuse, l’énergie semblait dorénavant provenir de partout, grandissante et se déferlant dans tout le désert.
Peu à peu, les membres de l’équipe perdirent conscience et même le puissant Phobos ne tiendrait plus longtemps face à cette quantité si monstrueuse d’énergie. Amadeus de nouveau debout regarda Vincent, ce dernier ne bougeait toujours pas plus qu’avant et pourtant, l’homme de l’Ordre semblait intimidé, sentant cette pression lui tomber sur les épaules. C’était une sensation à laquelle il n’avait jamais goûté auparavant, se doutant que le combat venait de tourner en sa défaveur. Vincent finit par dire d’une voix très calme et assurée :
— Cette marque sur ta nuque… C’était mon avant-dernière attaque. La prochaine sera la dernière.
— Comment ?! s’exclama Amadeus.
— Depuis tout à l’heure, je dégage une quantité d’énergie incontrôlable. Tu ne la sens pas, car je la libère le plus loin possible d’ici… Mais cette force… Je ne pourrais la maîtriser que peu de temps. Un temps suffisant pour t’éliminer cependant...
Amadeus empoigna avec vigueur son épée et se précipita vers Vincent avant qu’il ne se mette à ralentir sa course, les yeux écarquillés, ne comprenant pas. Il finit par complètement s’immobiliser. Ébahi, il demanda à Vincent :
— Serait-ce cette énergie qui m’empêche de bouger ?
— Cela ne t’est jamais arrivé n’est-ce pas ?
— C’est impossible…
— Et pourtant… Tu vas bien périr ici.
Vincent se mit à marcher lentement vers Amadeus figé à dix mètres de lui. L’homme de marbre grimaçait, arrivant avec difficulté à faire mouvoir ses muscles faciaux. Mais le reste de son corps l’échappait intégralement et il était en état de panique, se sachant pris au piège. Son regard finit par changer à la vue de quelque chose devant lui. En effet, une fumée blanche commençait à émaner du corps de Vincent, se dispersant sur son chemin, tel un sillage éphémère. Amadeus exorbité répliqua :
— Tu brûles…
— Oui… Rien de matériel ne peut contenir une puissance de la sorte.
— Mais tu la contrôles quand même…
— C’est elle qui m’a créée...
— Qui es-tu réellement ?
Devant cette interrogation, Vincent ne répondit rien et arrivant devant Amadeus, tendit sa main droite pour agripper la gorge du pacificateur dans l’incapacité de se défendre. L’héritier Steel finit par inspirer longuement et ferma ses yeux avant que son front ne se ride. Amadeus comprit qu’il rappelait toute son énergie dispersée.
— Tu vas mourir avec moi… soupira Amadeus.
— Peut être bien. Mais je ne suis pas seul.
— Quel est l’intérêt d’une telle force si elle est à usage unique ?
— Quel est l’intérêt de la force ?
Puis Vincent se mit à crier. Amadeus sentit une chaleur insupportable lui brûler la gorge. Son corps tressaillait comme une feuille et il était sur le point de se briser avant que Vincent ne dise d’une voix tremblante :
— C’en est fini…
Puis, un tremblement se fit ressentir en tout Azeroth.
Sélène et Phobos qui étaient encore conscients sentirent une force incommensurable se générer et les traverser de part en part, une force si grande qu’ils en perdirent tout contrôle dans l’instant. Cette force parcourra le pays entier en un éclair. La totalité du désert se transforma en une véritable tempête de sable atteignant des hauteurs vertigineuses alors que le long des rivages, l’océan était complètement retourné ; les vagues montaient jusqu’à une trentaine de mètres de haut et le ciel s’était lui aussi teinté d’un sombre noir tandis qu’un orage tonnait au loin. Il semblait s’être formé au-dessus même du lieu du duel.
Alors que Vincent empoignait toujours avec vigueur Amadeus, la foudre perça les nuages et vint frapper Vincent. L’éclair se figea tel un arc électrique reliant Vincent et les cieux quand soudain, cet artifice disparut instantanément et s’ensuivit une explosion encore plus violente qui balaya tout le sable sur plusieurs kilomètres autour du champ de bataille. Le corps inconscient de Sélène s’envola sur plusieurs centaines de mètres avant de s’ensevelir sous la pluie continue de sable.
Les effets climatiques se calmèrent aussitôt après cette vague de force spirituelle, mais le ciel ne se dégageait pas, de violents éclairs percutaient la terre de manière assez fréquente sans réel incident cependant. Ce désert semblait s’être chargé d’une énergie surpuissante.
Presque dix longues minutes passèrent avant que Phobos ne reprenne conscience et réveille ses camarades. Ils furent d’abord étonnés par ces perpétuels éclairs frappant constamment la région. Ils n’avaient jamais rien vu de tel, mais ne s’en préoccupèrent pas plus longtemps.
Tous partirent vers le lieu du duel sans précédent et repérèrent la tête de Sélène immergé du sable, l’ayant permis par chance de respirer. L’attroupement la sortit de son cercueil temporaire et la réveilla, non sans mal avant qu’ils ne reprennent leur route vers le cratère, au sud de leur position.
Plusieurs heures passèrent et l’équipe de dragons avait été rejointe par plusieurs divisions de l’armée sous les ordres de Nathan Hawke qui participèrent aux recherches. Malgré cela, impossible de retrouver ni Vincent, ni Amadeus, ni même le portail ancestral. Le cratère lui-même semblait s’être refermé, enfouissant peut-être les deux combattants.
Sélène qui avait une facilité à ressentir la présence de son frère d’accoutumée était cette fois-ci dans l’échec le plus total et ne semblait pas parvenir pas à sentir sa présence. Pourtant une incroyable énergie émanait encore de cet endroit, mais de manière beaucoup trop dispersée pour localiser la source précise et chaque éclair était lui-même rempli de force spirituelle, une quantité stupéfiante même.
La nuit tomba finalement sur ce désert et les recherches furent suspendues pour un moment. L’ensemble des équipes se rapatriant sur le bastion qui avait également subi d’importants dégâts.
Partout ailleurs en Azeroth, le calme revint enfin, malgré la disparition de Vincent. Un mois passa pendant lequel les investigations pour retrouver tout signe de l’héritier Steel furent infructueuses et elles finirent par être abandonnées. Le désert du néant était devenu une véritable sépulture, le lieu était encore imprégné de l’énergie du combat qui s’était déroulé il y a peu de temps. Ce pays fut même rebaptisé « Terres Foudroyées » à cause de ses évènements météorologiques mystérieux qui s’y étaient déclarés depuis ce jour, et qui semblaient persister de manière continue depuis.
À suivre