Un nouveau monde

Chapitre 5 : La ville des héros

2783 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 12/05/2020 14:13

— Alors, expliquez moi qui sont ces "défias" dont vous parliez avant le couteau sous la gorge, demanda Gahahli après avoir fini de désinfecter la plaie au cou de Bartélo.

— Ben, pour faire court, il s'agit d'une organisation criminelle qui sème la terreur dans tout le royaume de Hurlevent tout en s'emparant de ses richesses, répondit l'humain. Des truands, des assassins et d'autres mercenaires qui prennent le contrôle des routes, des fermes et des mines, et lancent des raids sur les forces de l'ordre... ou simplement ceux qui leur mettent des bâtons dans les roues.

— Des brutes, voilà ce qu'ils sont ! pesta le gnome. Qui osent prétendre qu'ils servent une noble cause alors qu'ils n'ont aucun scrupule à s'en prendre à harceler et détrousser de simples voyageurs, même les moins fortunés.

— Ils vous ont déjà détrousser, maître Baelbo ? demande l'elfe curieuse.

— "Maître Baelbo" ? répéta le gnome qui rougit à nouveau. Vous me flattez, gente dame... Enfin, non seulement ils m'ont fait les poches une fois, mais quand ils ont vu que je n'étais qu'un vagabond sans le sou, ils m'ont "proposé" de rejoindre leur cause en me promettant monts et merveilles.

— Et vous leur avait dit non, n'est-ce pas ? devina Gahahli.

— Ah mais... Bien sûr, que leur ai dit non, répondit le gnome après un court instant d'hésitation. Je ne suis peut-être qu'un va-nu-pieds mais delà à harceler et malmener des fermiers ou des marchands ambulants pour leur faire les poches et le ne leur laisser qu'une bouchée de pain... J'ai des principes, tout de même ! Je vaux mieux qu'un vulgaire bandit de grands chemins. Mais depuis, je fais tout pour les éviter. Même quand je décide de faire un tour à Hurlevent, je faisais en sorte de rester à l'intérieur de la cité. Et il a fallu que mon foutu sort de téléportation nous envoie en pleine campagne.

— Si ça peut vous rassurer, messire gnome, ils vous ont peut-être oublié, dit Bartélo. En tout cas, c'était bien après moi qu'elle en avait, l'assassine de ce soir.

— Alors c'est vrai que vous en avez arrêté quelques uns de ces bandits ? lui demanda l'elfe.

— Bah... J'ai juste donné un coup de pouce aux garde locaux pour combattre la racaille qui infeste notre beau royaume, répondit l'humain. Et puis en tant que paladin, c'est un peu mon devoir de venir en aide à la population et de punir ceux qui menacent ou font du mal aux innocents.

— Si seulement c'était suffisant pour nous débarrasser de cette vermine une bonne fois pour toutes, dit Baelbo d'un ton sarcastique.

La jeune elfe lui lança un regard accusateur qui prit le gnome au dépourvu.

— Mais... personne n'est parfait, après tout, dit-il prestement en essayant de se rattraper. Ce qui compte c'est que vous faites de votre mieux, hein ?

— Non, vous avez raison, répondit Bartélo dans un soupir, dépité. Il nous faut plus pour mettre fin à la menace des Défias. Surtout qu'e ça fait dix ans que ça dure.

Dix ans ! songeait Gahahli. C'était peut-être peu pour une elfe de la nuit, mais c'était sans compterle fait qu'avait eu lieu entretemps l'invasion de la Légion Ardente qui aurait pu réduire le monde à néant sans l'alliance des elfes de la nuit avec les races mortelles. Visiblement, même échapper à une fin du monde n'avait pas suffit à changer les mentalités, pas mêmes à des voleurs et des assassins sans scrupules. De plus, la simple idée que des humains faisaient la guerre à d'autres humains remplissait de désarroi le cœur de la jeune elfe aux cheveux bleus, elle qui pensait avoir affaire à un peuple uni et fier.

Puis elle eut une idée.

— Je peux vous aider, proposa l'elfe débordante d'enthousiasme. Enfin, nous pouvons vous aider à contrer la menace que représentent ces voleurs.

Elle avait fait un long voyage pour se rendre à Hurlevent dans l'espoir d'entrer au service de l'Alliance en tant qu'archère, de faire ses preuves tout en se rendant utile, de prouver sa valeur une bonne fois pour toutes. En apportant son aide pour débarrasser le royaume et ses habitants des voleurs qui les harcelaient et les dépouillaient, cela pourrait être une occasion en or. Et tout le monde serait gagnant, songeait-elle.

— Ma foi, un peu d'aide vaut mieux que pas d'aide du tout, répondit Bartélo. En tout cas ça me va !

— Mais... attendez, Gahahli ! intervint Baelbo incrédule. Qu'entendez vous par "nous" ?

— Et bien, moi, Jakua évidemment et puis... pourquoi pas vous ? répondit sereinement l'elfe en désignant son ami gnome.

— M-m-moi ??? balbutia le gnome. Mais-mais, vous n'y pensez pas ?

— Vous avez mis en déroute une troupe d'orcs à vous tout seul, lui rappela la jeune elfe. Et vous avez affronté le seigneur démon Archimonde en personne ! Avec votre magie et votre courage, vous pourriez nous être plus qu'utile contre une bandes d'assassins et de voleurs.

— Mais enfin, Gahahli, soyez raisonnable, lui rétorqua Baelbo. Il y a une différence entre... entre la légitime défense et provoquer l'ennemi.

— Si je me souviens bien, vous avez bien provoqué Archimonde dans votre récit, lui rappela Gahahli.

— Je n'ai jamais... C'ÉTAIT IL Y A CINQ ANS ! se défendit le gnome. Je n'étais qu'un jeune gnome avec une toute petite moustache à l'époque ! J'ai changé depuis...

— Et vous en avez fait autant avec les orcs qui nous ont encerclés, Jakua et moi.

— C'était différent ! Je veux dire... Ils vous tenaient à votre merci, il fallait bien que j'intervienne.

— Alors pourquoi ne pas en faire autant pour ces pauvres gens des voleurs.

— Je ne suis pas assez brave pour risquer ma vie pour des gens dont je n'ai rien à cirer ! lâcha le gnome visiblement à bout de nerfs.

La jeune elfe prit cette réponse comme un claque au visage. Elle pensait quelques heures plus tôt avoir affaire à un héros digne de ce nom, un héros se cachant dans un petit être dépenaillé, prêt à se battre contre le Mal et risquer sa vie pour venir en aide à toute personne en difficulté, fut-elle une parfaite inconnue. En réalité, le gnome n'avait rien de tout ça. C'était à se demander pourquoi il était venu à son secours dans les marécages. Elle comprit un peu tard qu'elle s'était faite trop d'illusions. Elle sentit très idiote. Encore une fois.

Même l'humain dévisageait d'un regard réprobateur le gnome qui réalisa un peu tard la portée de sa réplique.

— Attendez ! Ce n'est pas du tout ce que je voulais dire ! dit-il en tentant de se rattraper.

— Non, je comprends, l'interrompit Gahahli dans un soupir, toujours dépitée. Je vous en demande trop. C'est peut-être mieux ainsi...

— Vous savez quoi ? Je vais vous aider ! déclara Baelbo. Oui... je vais vous aider à combattre les Défias.

La jeune elfe et l'humain fixèrent le gnome d'un regard incrédule devant son changement soudain de décision.

— Après réflexion, qu'est ce que j'ai à perdre ? s'expliqua Baelbo tandis qu'il gagnait en conviction. C'est quand même à cause de ses brigands que je ne peux plus circuler librement dans ce qui est censé être le royaume le plus sécurisé d'Azeroth. Alors si ça peut me tirer une épine du pied. Et puis, qu'est-ce que je risque tant que je serais à vos côtés, hein ? Ces bandits voulaient nous impressionner ? Et ben c'est nous qui allons leur filer la pétoche ! On va leur montrer de quel bois on se chauffe ! C'est vrai, quoi ! On ne va pas les laisser nous pourrir l'existence ! Pas après avoir survécu à trois guerres !

L'enthousiasme de la jeune elfe revint au galop. Elle venait de retrouver le gnome qu'elle admirait pour la bravoure et la dévotion dont il avait fait preuve à son égard plus tôt dans la nuit. Elle le serra dans ses bras.

— Pardon d'avoir douté de vous, mon ami, lui souffla-t-elle.

— C'est... c'est pardonné, mon amie, lui répondit le gnome en lui tapotant l'épaule.

— Dites, les amoureux, les interpella Bartélo. Le soleil va bientôt se lever. Hurlevent ne devrait pas tarder à rouvrir ses portes. Ça vous dit si je vous y emmène ?


Même à l'aube et filtrée à travers les arbres, la lumière du jour était toujours trop forte pour Gahahli, l'obligeant à garder les yeux plissés quand elle sortit de l'auberge tandis que ces compagnons la guidait vers le chemin pour Hurlevent. Elle tint toutefois bon quand ils arrivèrent à ce qu'elle assumait êtres les portes de la ville d'où elle percevait un attroupement de gens.

— Que se passe-t-il ? demanda l'elfe inquiète.

— Rien de grave, rassurez-vous, répondit Bartélo. Ceux sont juste les gardes qui contrôlent les gens qui entrent dans la ville. Vous savez ? À cause des Défias.

— C'est fou comme je me sens rassuré tout d'un coup, ironisa Baelbo.

— Ah mais aucun soucis, tant que vous restez près de moi, il nous laisserons passer, leur rassura le jeune paladin. C'est juste qu'il faudra attendre un peu, comme ça bouchonne. Avec tous ceux qui attendaient l'aube pour entrer ou sortir...

Ils attendirent une bonne demi-heure parmi la foule qui s'impatientait, le temps pour les yeux de la jeune de s'accommoder petit à petit. Elle pouvait à présent mieux distinguer les formes et les couleurs qui l'entourait malgré la trop forte luminosité du ciel.

Gahahli entendit à nouveau autour d'elle des messes basses faisant des commentaires à son encontre (notamment sa couleur de cheveux, celle de sa peau, de la longueur de ses oreilles, de sa tenue de "sauvage", dans son air de poisson hors de l'eau) ainsi qu'à celle de son Sabre-de-nuit. Elle choisit de les ignorer tout en se faisant à l'idée qu'elle devra s'accoutumer de toutes ses remarques faites à son égard.

Elle entendit également d'autres rumeurs concernant davantage les exactions des Défias, où il serait question de vandalisme, de destruction de caravanes ou encore d'enfants et de vieillards pris en otage. Ainsi que d'un colis déposé sur la porte d'un couple de fermiers, contenant une main coupée en guise d'avertissement.

Quand elle ouvrit un peu les yeux, elle réalisa qu'elle et ses compagnons se tenaient devant l'arcade d'une gigantesque porte à double battants, encadrée d'un rempart de pierres blanches, surmonté de créneaux et orné d'imposantes tourelles d'où se tenait des tapisseries sur lesquelles était cousus d'un fil d'or une tête de lion. La grand porte donnait sur un pont de pierre menant à une muraille. Le pont était assez large pour laisser passer la foule et orné de deux rangées de statues que la jeune elfe prit pour des géants tellement elles étaient imposantes. De là où elle était, elle pouvait distingué un nain à la barbe imposante, une queue de cheval à l'arrière de son crâne chauve, brandissant fièrement un marteau comme s'il défiait le ciel et en face de lui un humain en armure, barbu et au crâne dégarni, le regard solennel et également tourné vers le ciel, tenant son heaume sur son bras et portant une épée sur son dos. Elle ne pouvait voir ce qu'étaient les autres statues, encore trop loin pour ses yeux toujours sensibles à la lumière du jour.

Quand son groupe atteignit le seuil de la grande porte où se tenait les gardes de la cité contrôlant un à un les passants ainsi qu'une barrière limitant l'accès, Bartélo eut juste à se présenter et préciser que l'elfe aux cheveux bleus, le gnome dépenaillé ainsi que le tigre au pelage sombre étaient avec lui. Le jeune paladin semblait d'ailleurs en bons termes avec les gardes.

Une fois passée la grande porte, Gahahli se détacha du groupe pour voir de plus près les colossales statues. Elle se rendit compte qu'il y en avait cinq en tout sur le pont, incluant celles du nain au marteau et de l'humain avec le heaume à la main, dont une se tenait devant la muraille au bout du pont. Il s'agissait d'un autre humain en armure, avec cette fois moins de barbe mais plus de cheveux, tenant une épée brisée d'une main sur le torse et un livre de l'autre main, fort similaire à celui que Bartélo avait utilisé l'autre soir pour soigner Baelbo. Contrairement aux autres statues dont le regard était tourné fièrement vers le ciel, celle-ci avait un air plus révérencieux, comme s'il accueillait respectueusement ceux qui entraient dans cité.

La statue siégeant à côté celle du nain sur le pont, présentait un troisième humain, cette fois en robe de mage et avec une longue barbe qui lui descendait jusqu'au nombril, brandissant un bâton vers le ciel à l'image de son voisin.

Quant à la statue qui lui faisait face, il s'agisait d'une elfe archère, portant un aigle sur son bras tendue, et qui fut par conséquent celle qui intrigua le plus Gahahli. Il ne s'agissait évidemment pas de la même race d'elfe à laquelle elle appartenait. Elle reconnaissait en effet les hauts-elfes aux couleurs de peau et de cheveux plus proches de celles des humains, pour en avoir aperçu au mont Hyjal mais que son père lui interdisait d'approcher pour d'obscures raisons. Cependant, la simple présence de cette statue la gonflait d'espoir et d'émerveillement. Pour elle, c'était un signe que les elfes étaient suffisamment appréciés et respectés par les humains pour qu'on érigeait dans leur propre capitale une statue à l'effigie de l'un d'eux, que la jeune elfe aurait une chance de se faire une place parmi eux, de leur prouver sa valeur. D'un autre côté, elle se sentit très petite devant la statue de la fière archère haut-elfe ainsi que devant toutes les autres statues du pont, aussi bien au sens propre qu'au figuré. Qui qu'avaient été ces nobles personnages dont on avait érigé une statue à leur effigie, ils avaient dû faire des choses incroyables en servant l'Alliance pour qu'on leur attribuassent un tel honneur. Des choses que Gahahli n'osait imaginer.

— Ils sont beaux, n'est-ce pas ? lui dit Bartélo quand il rejoignit la jeune elfe.

— J'ai quand même du mal avec ce qu'ils ont fait de Khadgar, commenta Baelbo en désignant la statue du mage. Parce que je l'ai connu avant qu'il ne parte avec les autres pour le monde des orcs et ce n'était encore qu'un gamin. À l'époque, il était à peine plus vieux que notre ami paladin ici-présent.

— Alors vous les avez connu, ces... ces grandes personnes ? demanda Gahahli impressionnée.

— Oh, peut-être pas personnellement, répondit modestement le gnome. Mais à leur époque, il y a vingt ans de cela, c'étaient de vrais héros. Sans eux, Azeroth aurait tombé sous la domination des orcs. Et à leur magie démoniaque. Brrr !

La jeune elfe fit une grimace de dégoût en songeant à l'idée de vivre dans un monde où les orcs régneraient en maître.

— En ce qui me concerne, je n'étais encore qu'un bébé quand on gagné la guerre contre la Horde, dit l'humain. Mais admettez que ça inspire à la grandeur, de passer devant ses statues, de se montrer dignes de leur modèle respective. En tout cas c'est ce que je ressens quand je passe devant Turalyon (il désigna la statue qui les faisaient face au bout du pont). Il m'arrive de m'imaginer que je porte son héritage en tant que paladin. Et je suis sûr que vous avez le même sentiment quand vous passez devant Khadgar ou Alleria.

— Alleria ? répéta Gahahli en se tournant de nouveau vers la statue de l'elfe archère. C'est donc ainsi qu'elle s'appelait ?

— Et à ce qu'on m'a dit, c'était une sacrée femme, commenta le gnome. Le genre à avoir une forte personnalité (il émit un gloussement).

— Bon, ça vous dit que remette la visite à plus tard ? demanda Bartélo. Il faut que je me rende au Centre de Commande signaler l'incident de l'autre soir.

— Bien sûr, on vous suit.

La jeune elfe accorda un dernier regard aux immenses statues avant d'emboîter le pas de ses compagnons.

"Nous vous ferons honneur, nobles seigneurs" leur promit-elle intérieurement. "Je vous ferais honneur, dame Alleria. "

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