Ceux qui brûlent dans la lumière : Univers étendu

Chapitre 1 : Plus de rapines pour Vulpipine

5406 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 21/04/2022 22:08

Plus de rapines pour Vulpipine


Cette fanfiction participe au Défi d'écriture du forum fanfictions.fr: Quelques gouttes d'OS dans l'océan-(mars- avril 2022)


Les vagues du vaste océan viennent frapper la coque du navire léchant au passage le bec de la proue en forme d’aigle. La brise marine à la saveur salée vient gonfler les cinq grandes voiles parées d’azur et d’or. Les rayons intenses du soleil réchauffent ma peau alors que mes yeux s’écarquillent d’émerveillement sur les formes abstraites sous la surface de l’eau. Je rêverais de voir un de ses hippocampes géants ou une ces étranges baleines qui peuplent les fonds océaniques d’Azeroth. C’est une magnifique journée pour prendre un bol d’air frais, Anduin devrait également en profiter pour se dégourdir les jambes au lieu rester cloitré à longueur de journée dans notre cabine. Je me suis mise à sourire. Et si j’allais un peu taquiner son altesse le roi ?

Je quitte alors le gaillard d’avant du navire pour rejoindre le pont supérieur. Ça grouille de vie, une vraie petite fourmilière. Les matelots vaquent à leurs occupations, les fiers et braves soldats de l’Alliance se tiennent prêts à une éventuelle attaque. Voguer sur la grande mer jusqu’à Orgrimmar est loin d’être sans danger entre les monstres marins, pirates et autres renégats. Mais qui serait assez fou pour s’attaquer à un cuirassé de l’Alliance ?

Je me faufile à travers ce beau monde pour rejoindre mes quartiers, j’abaisse la poignée poussant la porte. Depuis l’encadrement, j’aperçois ce dernier près d’une des fenêtres arrière. Je devrais m’y être habituée mais je suis toujours saisie par sa beauté : l’azur de ses iris, l’or blond de ses cheveux qui scintillent au soleil… Mon cœur se gonfle. Perdu dans ses pensées, peut-être inquiet même, il suit attentivement l’écume formée par le sillage du navire. Le léger roulis fait osciller la boussole de son père à sa ceinture et son tintement ne semble pas le déranger. Mon blondinet ne semble n’avoir guère décelé ma présence, c’est le sourire aux lèvres que je me glisse discrètement dans son dos. Taquine et le sachant sensible aux flancs, je chatouille ses côtes avec ardeur. L’écho de son rire m’égaye, il se retourne me saisissant par la taille me rapprochant au plus près de son corps. Mon bienaimé se penche pour s’approprier mes lèvres d’un court mais onctueux baiser. J’enfouis mes doigts dans sa chevelure. Exceptionnellement, elle n’est pas nouée et dévale sur le bas de sa nuque. Malgré notre douce proximité, je le sens préoccupé, ce qui me soucie.

Qu’est-ce qui te tracasse, mon amour ?

— Si nous nous trompions ? Et si la paix que nous allons signer avec la Horde ne durait pas ?

Ça ne te ressemble vraiment pas d’être aussi défaitiste, toi qui prônes la paix en Azeroth. Le conseil de guerre de la Horde est composé de nos amis. N’oublie pas ce qu’ont fait Baine, Thrall ou encore le seigneur-régent pour nous pendant cette guerre.

Je sais, je sais... C’était idiot pardonne-moi. murmure-t-il peiné.

— Non, je comprends tes craintes, elles sont justifiées. Bien que je ne sois pas originaire d’Azeroth, je sais très bien que la Horde et l’Alliance ont eu un passé tumultueux. La Horde ne laissera plus jamais régner un tyran à sa tête. Nous pourrons marcher main dans la main qu’avec l’effort de chacun. 

À ces mots Anduin m’enlace et nous restons ainsi, l’un contre l’autre, bercés par la légère houle. Je brise moi-même ce moment de quiétude pour saisir doucement la main de mon aimé.

— Allons-nous balader sur le pont.

Anduin acquiesce et m’emboîte le pas sans rechigner, je tire la porte de notre cabine et l’air frais s’engouffre à l’intérieur.

C’est avec stupeur que je remarque le soldat assommé face contre terre, englué dans une sorte de bourbe verte repoussante et nauséabonde. Je suis davantage interloquée de voir sur son dos un petit têtard murloc. Qu’est-ce qu’il fait là ? Comment est-il monté à bord ? Mais surtout pourquoi je le trouve si adorable ? Il est tout vert sauf les extrémités. Ses mains comme de ses pieds palmées sont d’une teinte bleue et ses épines dorsales sont jaunes. La petite créature porte une couche-culotte avec un dessin de coquillage et sa couche possède un trou assez grand pour sa nageoire caudale. Il a deux grandes dents de lapin et deux plus courtes sur la mâchoire inférieure. Ses deux petites nageoires de sa tête bougent au gré du vent et ses deux grands yeux globuleux jaunes aux pupilles vertes me fixent intensément.

— Qu’est-ce que tu fais là petite chose ? C’est toi qui as mis une raclée au garde ? Retourne dans l’océan avant quelqu’un te fasse du mal.

Je ne m’attends pas à une réponse, après tout c’est un murloc. Ce bébé remonte soudainement sa couche en gargouillant et agite frénétiquement le poisson vivant dans sa main dont les yeux reflètent le néant.

Mrgllll glrrm gl !

Son comportement n’annonce rien de bon et j’ai vu juste car la créature amphibienne sort un petit cor en coquillage et souffle dedans. Un déferlement d’innombrables têtards envahissent le navire et mon équipage n’a pas le temps de réagir, noyé dans un tsunami coloré et de gazouillements. Je referme brusquement la porte, la bloquant avec mon corps tremblant.

— Oublions la balade, la cabine finalement ce n’est pas si mal.

Qu’est-ce qui se passe ?

Ils ont peut-être tous le mal de mer. Qui sait ?! Pour un cuirassé, il tangue beaucoup.

Lynawen, je ne suis pas né de la dernière pluie, tu sais.

Il me toise un instant puis tente de m’écarter de la porte, je me m’interpose avec véhémence. Un coup puissant provenant de l’extérieur force la porte me projetant avec violence vers l’avant, Anduin me rattrape de justesse m’évitant par la même occasion de me blesser contre l’étagère de notre cabine. Maintenant qu’elle est ouverte, Anduin a tout le loisir de contempler l’attaque murloc que notre équipage essaie de repousser à l’océan. Anduin éclate d’un rire nerveux. Comment lui en vouloir ? La situation est quand même assez tendue bien que comique. Les petites créatures s’agrippent farouchement aux membres des matelots et des soldats. Certains les molestent à coup de poisson, leur jettent des coquillages à la figure, alors que d’autres les enlisent dans de la bourbe collante… Beuh ! je n’aimerais pas être à leur place,  surtout en sachant de là où ça sort, c’est répugnant… Ce ne sont que des têtards, ils sont loin d’être aussi dangereux que leurs homologues adultes et pourtant ce sont de vraies teignes…

—Qu’est-ce que tu as encore fait ? M’interpelle Anduin en me cherchant du regard.

—Hé ! Je n’y suis pour rien pour une fois. Le seul crime on peut reprocher c’est d’avoir volé ton cœur.

—Ma lumière, parfois tu me fatigues. Sourit-il.

Une ombre menaçante se glisse dans l’encadrement, la lumière du jour glisse sur ses écailles vertes et bleues, c’est le petit Murloc en couche-culotte ! Ses yeux se plissent se faisant menaçants.

—Toi !

—Mglrmglmglmgl ! Gargouille-t-il.

—Pourquoi tu nous attaques ?

—Rwlrwlrwlrwl ! Répond la petite créature en se grattant l’arrière train.

—Je pense sincèrement que cette conversation est vouée à l’échec. Une intuition, intervient Anduin sur le ton de l’évidence.

L’amphibien nous jette son poisson à la figure mais nous l’évitons sans peine. Contrariée la grenouille nous fixe de ses grands yeux globuleux tout en remuant son petit corps. C’est alors qu’une explosion de bourbe visqueuse s’abat sur nous mais Anduin agit promptement en nous protégeant d’une barrière de lumière divine.

­—Haha !

Le têtard plisse des yeux, fouille dans sa couche et en sort une nouvelle fois le cor. Il souffle dedans, et derrière lui, tous les bébés murlocs se retournent dans des borborygmes. Des sueurs froides traversent toute mon échine, lorsque qu’ils dévalent à toute vitesse sur nous.

—Pourquoi tu l’as provoqué !? S’écrie Anduin paniqué.

Il invoque une nouvelle fois la lumière en créant un dôme pour nous abriter. La vague de têtards percute sa protection recouvrant la totalité de son bouclier, amenuisant les lueurs du jour, la réduisant à néant, et nous laissant le désagréable spectacle des petites fesses de murloc.

—Nous voilà dans une situation délicate, souffle Anduin. Je finirai tôt ou tard par épuiser mon mana.

—Ils finiront par abandonner bien avant, non ? Ils ne sont pas prêts de briser ta magie.

­—Quand bien même, mon amour, ces petites choses ont l’air plus que déterminé, constate mon mari en levant les yeux vers les têtards qui s’acharnent sur le dôme. Je ne vois qu’une solution : le faire imploser, la lumière les repoussera.

—Ça pourrait les blesser, voire pire en tuer quelques-uns. Ce ne sont que des bébés…

Nous entendons des gazouillis sonnant différemment de celui des têtards au-dessus de nos têtes. Les créatures amphibiennes glissent alors de son dôme de lumière comme s’ils faisaient du toboggan avant de se réunir aux pieds d’un plus gros et impressionnant Murloc. Il secoue un petit drapeau blanc. Pantois, nous échangeons un court regard avant qu’Anduin n’abaisse son bras pour rompre son sort tout en observant le nouvel intrus face à nous.

—On dirait…

—Un énergumène déguisé piètrement en murloc, finit Anduin déconcerté.

—Hé ! Je vous entends, vous savez, intervient l’homme accoutré en grenouille géante.

Le faux murloc au costume vert rapiécé s’avance vers nous d’un pas en faisant une révérence et c’est alors que son œil droit tombe sur le sol et roule dans la bourbe.

—Laissez-moi me présenter mon roi, ma reine. Je suis le roi Mrgl-Mrgl.

—Vous avez fait tomber votre œil…

Le soi-disant roi Mrgl-Mrgl se penche à nouveau pour ramasser son faux œil, l’essuie contre son costume et le remet en place.

—Le roi Mrgl-Mrgl ! Donc vous êtes ce fameux Kal’dorei. J’ai ouï dire que vous œuvrez à la protection des murlocs, constate Anduin.

—Dans ce cas, pourquoi nous attaquer ? Nous n’avons causé aucun tort à vos amis.

—Eh bien, ma reine. C’est un gros malentendu… Nous voulions nous en prendre au navire d’une contrebandière vulpérine. Oui, la cruelle et mesquine capitaine Vulpipine ! Mais vous voyez ces têtards sont jeunes et se sont juste trompés de navire.

—Trompés de navire !? C’est une blague ? Comment on peut confondre un cuirassé de l’Alliance et une frégate ? s’offusque Anduin.

—Ce sont des bébés.

Ses yeux se tournent alors vers les têtards qui se roulent sur le sol en bavant et agitant leurs petits bras de façon frénétique.

—Bon admettons… Se rétracte-t-il lassé de cette situation.

—Vous ne méprenez pas, votre altesse, les murlocs sont des créatures très intelligentes avec un langage élaboré.

—Alors leurs gargouillis ont un sens, voilà qui est intéressant.

—Le Nerglish, tel est le nom de leur langue, Votre Grâce, m’explique le roi Mrgl-Mrgl.

Alors que nous discutons, notre étrange invité se reçoit un lancer de poison sauvage dans la figure. Le chenapan en couche-culotte nous gracie de sa présence, ses grands yeux globuleux plissés de colère en vers l’imposteur.

—Mmmrrglllm !

—Bourbie ! s’exclame Mrgl-Mrgl.

Les deux commencent une longue conversation animée et incompréhensible pour mon bienaimé et moi. La créature écailleuse nous pointe subitement du doigt. À ce geste, je cherche l’attention de mon partenaire qui hausse simplement des épaules. Les yeux en plastique vides d’expression du roi Mrgl-Mrgl se posent sur nous, ce dernier s’éclaircit la gorge avant de prendre la parole.

—Bourbie aimerait que vous nous aidiez arrêter la vile capitaine Vulpipine.

—Mmmm Mrrrggk !

—Pour quelle raison nous devrions vous aider ? questionne Anduin. Nous sommes en route vers Orgrimmar pour signer un traité important pour l’avenir d’Azeroth.

—Je me doute bien que la paix entre la Horde et l’Alliance est primordiale Votre Altesse. Mais si nous n’arrêtons pas l’horrible Vulpipine, le génocide de têtards murlocs ne cessera jamais et leur espèce sera en voie d’extinction, dit-il morose.

La petite teigne du nom de Bourbie se laisse tomber sur son arrière-train, ses grands yeux implorants mais pas seulement lui, les autres aussi suivent le mouvement dramatique de leur chef.

—Pourquoi massacre-t-elle ces petites créatures ?

—Elle leur arrache les yeux pour des potions, les écailles pour donner du goût à sa soupe et se sert de leur aileron pour fabriquer de l’aphrodisiaque, et ça se vend très bien sur le marché. C’est un monstre ! s’emporte le roi Mrgl-Mrgl.

Je ne trouve pas mes mots devant tant de de cruauté, mes iris se posent sur les petits têtards. Aucune créature, même pas les murlocs, ne mérite un tel sort. Je m’approche de Bourbie et pose une main rassurante sur sa tête pour calmer ses pleurs. Déterminée, je me tourne vers Anduin.

—Nous devons leur venir en aide !

—Ma lumière…

—Tu m’as enseigné que l’Alliance prône de bonnes valeurs dont la bonté, l’honneur et l’entraide. Nous ne pouvons pas les ignorer.

—Très bien… cède-t-il. L’Alliance met sa lame à votre service.

Ravie, je bondis dans ses bras avant de l’embrasser sous les applaudissements des têtards ce qui l’embarrasse.

—Bien ! Il est temps de partir en chasse ! Appelez-moi capitaine Lynawen !

—Dans quoi je m’embarque… marmonne Anduin.

—Premièrement ! Il faut impérativement décoller mon équipage de cette bourbe ! Deuxièmement, il nous faut des chapeaux de pirates, beaucoup !

— La reine est un peu farfelue non ? murmure le roi Mrgl-Mrgl.

—Vraiment ? rétorque mon époux interloqué. Ce n’est pas elle qui crapahute déguisée en murloc. Elle est juste pleine de surprise et quelque peu inconsciente…

—Ah, l’amour… enchaîne Mrgl-Mrgl.

 Bourbie approuve en émettant un gargouillis plein d’entrain. Après une longue conversation à débattre de quel stratagème nous allons user pour prendre d’assaut le navire de cette contrebandière Vulpérine, les petits murlocs sortent en trombe de la cabine et replongent dans la mer sans demander leur reste. Le roi Mrgl-Mrgl marche sur le pont en levant les bras simultanément, une rafale verdâtre se lève alors soufflant avec force, parcourant le pont du navire de long en large. Le liquide boueux qui le recouvrait disparait libérant nos hommes par la même occasion.

—Vous êtes un druide ! J’ai un ami druide, un farouche, il se transforme en gros chat, mais la seule chose qui sait faire c’est se frotter aux jambes des demoiselles, vraiment pas un exemple ! Vous pouvez donc également vous transformer en animaux. Pourquoi vous ne vous changez pas en murloc au lieu de porter ce costume grotesque ?

—On a tous ses limites Votre Grâce et votre ami est un grossier personnage. Répond-il, vexé.

Mon bienaimé se racle la gorge pour dissiper l’ambiance tendue qui commence à s’installer entre nous. Je me mordille la lèvre inférieure, tape dans mes mains et reporte mon attention vers mon peuple d’adoption.

—Il est temps de se mettre au travail, on a une contrebandière à mettre aux fers ! 

Ni une ni deux, tout le monde retourne à son poste.

 

Nous naviguons sur le vaste océan à la recherche du bateau de la pirate. Grâce aux indications du roi Mrgl-Mrgl, ils ne nous faut pas longtemps pour dénicher le navire de cette canaille à l’horizon. Je me précipite sur le pont, tenant mon tricorne pour ne pas qu’ils s’envole avec le mistral et rejoint le Roi.

—Ou est ton tricorne ?

—Pas question que je porte ce truc ridicule. Proteste-t-il. Et qui a eu l’idée de rajouter un chapeau pirate sur l’emblème de l’Alliance ?

—Moi…

 Parce qu’il est gêné, son regard saphir fuit le mien pour se perdre un instant dans le vide.

—Je vais le mettre, souffle-t-il.

Sa délicate attention me fait sourire tandis qu’il tourne les talons en regagnant notre cabine. Il en revient rouge de honte et coiffé d’un couvre-chef pirate. Je remarque qu’il est en possession de Shalamayne. L’orbe doré au creux des deux lames qui la composent, brille tel un petit soleil. Il tend son bras dans ma direction, je saisis la poignée recouvrant sa main de la mienne et, d’un léger à-coup dans une lumière éblouissante, Shalamayne se scinde en deux. Une étincelle aimante dans les pupilles, mon roi s’avance pour ravir un baiser à mes lèvres. Le bruit soudain et assourdissant des canons nous tire de nos rêveries. Aucun tir n’atteint la coque blindée, mais les boulets tombant dans l’eau soulèvent de puissantes vagues qui font légèrement tanguer le navire.

—Tout le monde à ton poste ! ordonne Anduin en brandissant Shalla’tor.

Nos hommes s’empressent alors que le navire de Vulpipine s'approche dangereusement de notre galion. Sur le pont adverse une foule de macaques habillés seulement d’un gilet noir, d’un petit pantalons court, sans oublier le petit chapeau pirate et certains ont parfait leur panoplie avec un cache-œil ! Ils agitent avec ferveur leurs sabres tout en piaillant, à l’exception d’un seul qui préfère soulager les démangeaisons de son dos avec la pointe de son épée.

—Des singes ? C’est une blague ?

—Ne prenez pas les doukacques à légère, ma reine. Ils ont l’air complètement idiot, probablement qu’ils le sont mais ils n’en restent pas moins redoutables, intervient le roi Mrgl-Mrgl en sortant de nulle part.

 Je ravale mon hilarité tant bien que mal et acquiesce aux mises en gardes du druide accoutré en murloc.

— Lynawen ! Appelle Anduin.

Je porte mon attention sur lui, ses yeux sont focalisés vers le ciel, je pâlis à la vue d’une autre salve de boulets. J’accroche rapidement Ellemayne à ma ceinture, je prends sa main. Notre don inné à la lumière divine fusionne, décuplant notre magie. Nous levons les bras vers la voûte céleste et une puissante fulguration transperce l’atmosphère en deux éclairs. Les faisceaux s'abattent dans la paume de nos mains, si fort que j’en plie les genoux avant de me redresser. Notre lumière crée un dôme suffisamment grand pour englober la totalité de notre cuirassé. Les parois faites de lumière s’écoulent lentement rappelant les vagues qui s’écrasent sur une plage de sable blanc. Les boulets le percutent avec violence. L’impact me fait vaciller et me rappelle à la réalité.

—Ça va aller ? s’inquiète Anduin.

—Ne t’en fais pas, on a connu bien pire.

—Il est vrai.

Notre cuirassé ne tarde pas à répondre à l’agression avec nos propres canons. Une pluie de boulets enflammés s’échange alors entre les deux navires. Mon époux et moi maintenons notre magie pour protéger les nôtres, mais chaque nouveau tir met mon endurance à rude épreuve. Le soutien indéfectible d’Anduin m’aide à résister. La lumière divine inspire l’espoir, j’ai foi en elle. Je me suis fait la promesse, entant que prêtresse, d’utiliser son don pour protéger autrui, je ne faillirai pas !

J’aperçois le roi Mrgl-Mrgl, qui sort un petit sifflet fait d’un coquillage violet et souffle dedans. Mais avec le fracas des combats, je ne perçois pas le son. L’eau sous le navire adverse bouillonne d’un coup et c’est un déferlement de murlocs qui s’agrippent à la coque en bois. Ils la remontent à toute vitesse vers les canons. Les petites créatures les bouchent avec de la bourbe, des éponges de mer ou autres chose dérobées dans les fonds marins. Et par un heureux miracle, ça fonctionne ! Les tirs ennemis cessent, que la lumière soit louée ! Anduin et moi rompons notre dôme qui s’évapore en une pluie d’étoiles dorées. Il est grand temps d’aborder ce navire et d’arrêter Vulpipine et son équipage de doukacques. 


Nos mages de bataille ouvrent des portails magiques qui nous téléportent directement sur le bateau de nos opposants. Ni une ni deux, nos hommes les traversent se jetant dans la mêlée en croisant le fer avec les singes. Les balles de plomb sifflent accompagnées de l'odeur de la poudre. Les cliquètements des lames provoquent des étincelles en s'entrechoquant. Pour nous couvrir pendant l’abordage, notre cuirassé les bombarde de projectiles de feu, de glace et d’arcane.

Les soldats de l’Alliance et les doukacques s'affrontent avec hargne sans que l'un ne veuille céder la place à l'autre. Anduin et moi sommes également au plein cœur de la mêlée. Nous combattons dos à dos, et soignant les alliés dans le besoin. Les murlocs ne tardent pas entrer en piste, tous coiffés de leurs petites tricornes de notre faction. Absolument adorable ! À leur tête, la petite peste de Bourbie. Il souffle dans son gros coquillage, et tous se ruent sur l'ennemi dans un raz-de-marée multicolore.

Ils sautent sur les macaques les matraquant à coup de poissons, les collent au plancher du pont avec leur nauséabonde bourbe. Bourbie saisit une banane dans sa couche et l’agite sous le nez d’un doukacque dont les yeux s’arrondissent comme des galets, avant de la balancer par-dessus bord et ce crétin se jette de lui-même du navire. Dans le feu de l’action, je remarque un têtard en difficulté, encerclé par plusieurs assaillants. Je brandis Ellamayne d’un geste horizontal, l’orbe azurée de mon épée crée des sillons bleutés alors qu’une vague de lumière divine se déploie en percutant les macaques. La force de l’impact les propulse loin de la petite créature sans défense. La main d’Anduin s’illumine, des ailes de lumière apparaissent dans le dos du murloc et son corps est attiré dans les bras de mon époux.

L’amphibien, heureux de son sauvetage, lui gratifie la joue d’un bisou baveux avant de rejoindre ses compagnons dans la bagarre en gargouillant. Anduin touche son visage d’un air écœuré, je m’approche de lui amusée,et lui essuie la joue d’un revers de manche.

— Assez ! S’écrie une petite voix en colère.


Les doukacques encore aptes à se battre s’écartent, s’agenouillant en direction des escaliers qui montent vers la passerelle. Nous nous tournons naturellement dans cette direction. En haut des marches, la silhouette de la vulpérine se dessine dans les rayons du soleil. Sa fourrure est aussi noire que le charbon. Elle est vêtue d’une tunique sombre à capuche qui laisse passer ses grandes oreilles touffues de fennec. Celle de droite est légèrement déchirée et sertie de deux boucles en argent. Son seul œil visible brille d’une lueur chromée, le second est dissimulé sous un cache-œil. Dans ses mains deux dagues, dont les lames suintent d’une étrange substance, les gouttelettes roulent le long de l’acier avant de finir leur course sur le sol : du poison, je ne suis vraiment pas une amatrice de poison.

—J’en ai assez de vous voir vous débattre avec mon équipage de bras cassés ! crache-t-elle agacée.

—Rendez-vous Vulpipine et votre vie sera épargnée. négocie mon bienaimé.

—Vraiment ? rétorque-t-elle amusée. Pourquoi l’Alliance vient donc perdre son temps à s’en prendre à une simple pirate ?

—Nous sommes au courant de vos trafics et nous venons y mettre un terme !

—Hahaha ! Vous êtes vraiment très drôle ! Depuis quand l’Alliance de soucie-t-elle de la vie de ses stupides créatures marines !? enchaîne-t-elle avec dédain. Surtout que vous m’en avez servi toute une bande sur un plateau d’argent.

—Depuis que j’en suis la reine et en tant que telle, je ne vous laisserai pas toucher une seule de leurs écailles !

—Tiens, tiens. J’ai le luxe d’une visite royale sur mon humble navire. J’en déduis que le jeune homme à vos côtés est donc le fils de Varian Wrynn. Voilà qui rend les choses fortes intéressantes. 

—Assez parlé ! coupe Anduin. Vous avez eu votre chance.

Mrgllll glrrm gl ! gazouille Bourbie.

La petite teigne remue son corps frénétiquement avant de lui balancer à la figure son poisson qui se colle dans ses poils. Combien a-t-il de poissons ? Et où les range-t-il ? Dans sa couche ? Je n’ai guère le temps de me pencher sur la question mon époux en profite alors pour créer un anneau de lumière qui encercle le corps de la vulpérine pour la neutraliser. La fennec tombe sur son arrière-train en lâchant ses dagues. Elle se débat mais en vain, aucune chance qu’elle y parvienne.

— Voilà une arrestation rondement menée ! Amenons-la sur le cuirassé, nous la traduirons en justice à Orgrimmar.

Vulpipine éclate brusquement de rire, un ricanement glaçant. Une aura ovale similaire à un œuf l’enveloppe avant d’éclater dans une intense lueur si aveuglante que je suis réduite à enfouir ma figure dans le creux de mon bras. S’en suivit un assourdissant rugissement. Lorsque nous levons la tête dans le ciel, il y trône un immense dragon gris. Son corps est parsemé d’ondulations blanches luisantes, entre ses cornes, un chapeau pirate et à son cou, un foulard rouge. Ses puissantes et titanesques ailes battent l’air avec fureur et je suis frappée de de stupeur.

—Leur capitaine est un dragon !

—Leur capitaine est un dragon du vol de l’infini ! rajoute Anduin.

—On s’en fiche, c’est un dragon ! C’est gros, ça vole et ça crache du feu !

—Lynawen, les dragons sont bien plus que ça, chaque vol draconique est unique, intelligent, puissant. Celui de l’infini et particulièrement dangereux.

—Anduin, ce n’est pas le moment pour un cours de biologie sur les dragons !

La dragonne se pose brusquement sur son navire chavirant dangereusement. S’en suivit d’horribles craquements et des grincement alarmants. Des fissures béantes fracturent la coque de part en part, nous perdons l’équilibre et nous chutons par terre, si bien qu’Ellaymane manque de m’échapper des mains. Pas besoin d’être une savante pour se rendre compte que Vulpipine est beaucoup trop grosse pour sa frégate, à un point que son poids va nous nous emporter vers le fond si nous ne prenons pas nos jambes à notre cou.

— On se replie ! ordonne Anduin aux troupes.

Les têtards sautent dans l’océan tandis que nos soldats et nous évacuons précipitamment le navire de la contrebandière par les portails magiques si vite que j’en perds mon superbe tricorne, zut !

Une fois en sûreté sur notre bon vieux cuirassé, Anduin me saisit par les épaules, m’inspectant sous toutes les coutures à la recherche d’une éventuelle blessure.

— Je vais bien.

Il pose son front contre le mien un instant avant de déposer un baiser sur ce dernier. Notre attention se porte sur la frégate de Vulpipine qui s’enfonce dans l’abime, les doukacques survivants s’accrochent comme ils peuvent à des débris ; les courants les emportent au large, j’ai presque de la peine pour eux… Mon inquiétude première est la dangereuse dragonne du vol de l’infini, je scrute le ciel à sa recherche, mais seul un ciel dénué de nuages s’offre à moi. Anduin me donne un coup de coude pour attirer mon attention et me pointe du doigt une direction. Par la sainte lumière ! Elle-est en train de se noyer !? Ses puissantes pattes battent la surface pour se maintenir la tête hors de l’eau. Il faut croire que ses efforts ne servent à rien, car Vulpipine coule comme un caillou. Un petit jet d’eau sort de sa gueule béante avant de disparaître définitivement sous l’océan.

—Alors comme ça, les dragons du vol de l’infini sont dangereux ?

—Faut croire que sa mère l’a couvée trop près du mur, plaisante-t-il.

Nous éclatons de rire de bon cœur, Vulpipine s’est terrassée elle-même et les bébés murlocs sont tous sains et saufs. Que demander de plus ? Le Roi-Mrgl-Mrgl sort alors comme une ombre dernière notre dos accompagné de Bourbie.

—Bourbie ! Tu vas bien, chenapan ?

—Mrgle ! gazouille la petite créature.

Bourbie bondit dans mes bras, ce qui m’arrache un rire et il est plus lourd que je l’imaginais. Le têtard m’honore d’un câlin humide et collant.

—Mmmrrglllm.

—Il a dit que vous êtes son amie, traduit le roi Mrgl-Mrgl.

—Tu es aussi mon ami. Mais à l’avenir évite d’attaquer des navires de l’Alliance.

—Mmmm, gargouille la petite créature.

—Merci, merci de tout cœur. Mon roi, ma reine. Nous vous serons éternellement reconnaissants. Les murlocs vous remercient également.

—Je vous en prie, l’Alliance ne refuse jamais de tendre sa main, du moins notre vision de l’Alliance. C’est l’Alliance que nous voulons construire.

—Alors continuez ainsi, vous êtes deux âmes pures touchées par la lumière et il est grand temps pour nous de plier bagage.

Bourbie s’extrait de mon étreinte et rejoint le roi Mrgl-Mrgl. Ensemble, ils gagnent le bord de notre cuirassé avant de sauter à la mer. Surprise, j’accours pour regarder par-dessus bord, les têtards lui servent de radeau. J’aurai vraiment tout vu aujourd’hui. 

—Quelle aventure !

—Pour le moins particulière, ajoute Anduin fatigué. J’ai besoin d’un bain, voire deux.

—Je dirais même quatre…

—Ma lumière, ce que tu as dit à cet énergumène en costume, ça m’a touché et je suis heureux de t’avoir à mes côtés. Faisons de notre mieux pour rendre l’Alliance meilleure.

Je souris avant de me plonger dans ses bras. La légère brise qui vient chaleureusement nous caresser de sa douceur. Direction Orgrimmar !



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