La voix de l'ombre - Livre I : Les murmures du passé

Chapitre 21 : Des événements inquiétants

2261 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 18/02/2024 19:42

Chapitre 21 : Des événements inquiétants.



Le royaume d'Altérac n'était plus. Après la fin de la Seconde Guerre, il fut mis sous loi martiale suite à la trahison du roi Perenolde, détenu le temps de décider de son sort. Aucun consensus n'avait été possible, car, si les monarques des autres royaumes voulaient majoritairement le voir exécuté, il n'en demeurait pas moins l'un des leurs. Et un roi de pouvait être destitué.

Mis sous quarantaine avec les autres membres de sa famille, reclus dans son château enneigé, Perenolde s'était vu offrir d'abdiquer. Mais l'abdication signifiait également sa mort, car, une fois devenu un noble quelconque, les autres rois auraient tout le loisir de le condamner et l'exécuter.


Malgré son confinement, il avait réussi à collaborer de nouveau avec les orcs lors de l'ouverture d'un nouveau portail de Draenor jusqu'en Azeroth. Dans l'espoir de se venger de l'Alliance, et surtout du roi de Stromgarde qui l'avait confondu, il avait tenté de troquer le Livre de Medivh volé durant le sac de Hurlevent contre la promesse des orcs de l'aider à reconquérir son royaume. Durant l'opération, l'accès au château par des couloirs secrets avait permis à quelques orcs de s'y introduire. Tombés nez à nez avec la princesse Orla, et ne souhaitant laisser aucune trace de leur passage, les orcs l'avait réduite définitivement au silence.


Finalement, le plan avait échoué, et Perenolde exilé, laissait son fils Aliden dépossédé de son rang de prince et lui légua un héritage couvert de honte.

Banni avec son peuple depuis lors, puis porté disparu, c'est donc le seigneur Aliden Perenolde qui repris les rênes de l'organisation criminelle qu'il avait créée : le Syndicat.

Constituée de plusieurs nobles d'Altérac, mais également de membres de la population, cette organisation tendait à semer le chaos dans les royaumes voisins, notamment par des actes de banditisme visant à récolter des fonds pour survivre. Ce groupe ambitionnait également la reconquête de ses terres dont il avait été dépossédé, et qui, selon eux, leur revenait de droit.


Basé à Strahnbrande, le Syndicat agissait principalement à Stromgarde, aux Hautes-terres Arathi, ainsi qu'en Altérac.

Parallèlement, le seigneur Aliden Perenolde administrait le camp d'internement de Durnholde sous le commandement d'Adelas Landenoire. Les deux hommes s'étaient tout de suite entendus. Ils avaient en effet hérité d'un nom de famille lourd à porter suite aux actions peu reluisantes de leurs pères respectifs, et se comprenaient.

Souvent écœuré à la vue des orcs, ces bêtes vertes affalées au sol, le regard vide, Aliden avait été horrifié lorsqu'il aperçut l'une de ces choses, un bébé, pendu au mamelon de l'une des servantes de Landenoire. Il l'avait alors questionné, et, pour toute réponse, Landenoire lui expliqua que Thrall, c'est ainsi qu'il avait nommé le rejeton orc qu'il avait trouvé et recueilli, était l'élément central d'un plan qui, s'il s'alliait à lui, leur apporterait à tous les deux justice et vengeance.



Ils avaient bel et bien perdu leur trace. Suite à ce constat, le général Walmor entra dans une telle rage que même Vosh ne chercha pas à tempérer. Il était évident qu'il n'abandonnerait pas la traque, il n'avait jamais échoué, car il était certain de les retrouver. Mais ce contre-temps pouvait lui valoir de voir ses forces militaires diminuer par l'échec apparent de la mission. Et cela devait à tout prix être évité.


Pour l'heure, son informateur affilié au Syndicat avait réussi à récupérer quelques effets personnels des Perenolde, dont un portrait des princesses d'Altérac. Pas de doute, la jeune femme qui accompagnait Marteau-du-destin était bien la princesse Keera. Cette information devait impérativement rester secrète, sans quoi son plan tomberait à l'eau.

À présent en possession de cette information, Walmor décida qu'il était temps de retourner à son quartier général, à la Clairière de Tirisfal. Depuis son repère, il pourrait mener ses investigations et donner ses ordres.

Il leva les yeux vers Vosh et annonça :

  • Nous rentrons, je te charge d'organiser le rassemblement du reste des troupes pour le retour.
  • Bien mon général, opina Vosh qui tourna les talons.


Cela prit quelques jours pour retourner à sa demeure, près des moulins d'Agamand, dans la Clairière de Tirisfal. C'était une belle bâtisse, pensa-t-il, un manoir dont il avait hérité de sa défunte épouse, dame Rosena, paix à son âme de campagnarde endimanchée dont il avait réussi à se débarrasser.

Il aimait le peu de clarté qu'offrait le grand hall d'entrée, cela annonçait une atmosphère des plus accueillante à son goût. Il avait fait retirer les nombreuses draperies qui ornaient jadis les murs, les tapissant de leurs couleurs criardes à s'en donner la nausée. Autant dire qu'il ne comptait pas donner de bals mondains, et les pauvres domestiques qu'il n'avait pas congédiés présentaient une mine triste à souhait devant cette ambiance plus rustre mais méthodiquement améliorée dont le manoir pouvait à présent se prévaloir.


  • Prépare le dortoir du haut, ordonna-t-il à son serviteur, un homme âgé répondant au nom de Frener. Mes hommes vont rester ici quelques jours.
  • Bien, maître, acquiesça le vieux serviteur.

Le général s'avança vers un petit bureau qu'il utilisait pour archiver des documents qu'il avait rassemblé durant ses missions. Il entra, suivi de trois de ses agents de confiance.

  • Prenez une chaise, leur proposa-t-il tout en s'asseyant à son bureau. Nous devons trier tout ça, j'y verrai plus clair ensuite.

Les trois hommes s’exécutèrent.


Environ une heure plus tard, le tri était fait. Les trois agents partirent en reconnaissance dans les environs, tandis que Walmor étudiait quelques documents reçus récemment de son espion d'Altérac. Quelques paperasses au sujet du patrimoine, des titres, l'acte de décès de la princesse Orla Perenolde, un vieux rapport d'un enfant retrouvé errant et l'acte d'adoption.

  • Ah ! Il doit s'agir de la princesse Keera qui préfère vivre avec les orcs plutôt qu'avec les humains, émit Walmor en pleine lecture du manuscrit. Alors, retrouvée vêtue de haillons, tatata... près du Champ de Valgan, tatata... âge supposé quatre ans, écorchures aux pieds et ongles en mauvais état, hum... longs cheveux noirs, oreilles pointées à l'horizontal, couleur des yeux atypique, oui oui, attitude très méfiante, a serré le bras d'un soldat qui fut marqué d'un hématome, hum hum... pff femmelette ! Bon, fut amenée très rapidement au château d'Altérac, ordre direct du suzerain, tatata... aurait atteint l'âge adulte à neuf ans, … alors ça c'est intrigant. Donc pas de trace d'une supposée mère mourante comme nous a servi Perenolde dans sa version officielle, conclut-il.


Cette histoire était étrange. Il était vrai qu'à l'époque, la populace avait eu vent de l'adoption d'une enfant mi-elfe du roi Perenolde qui fit preuve de bonté après les suppliques d'une mère agonisante. L'éducation de l'enfant avait été confiée au seigneur d'Altérac, ou tout du moins il s'était empressé de la prendre sous son aile, pouvait conclure Walmor à la lecture de la suite du rapport. Connaissant Perenolde, il pensait avoir trouvé une perle rare qu'il pourrait exploiter d'une façon ou d'une autre. De là à connaître ses réelles intentions, il allait devoir investiguer davantage. Et il savait parfaitement qui allait lui apporter ces informations. Il devait à tout prix savoir contre quoi il se battait.


  • Général Walmor, dit l'un de ses agents revenus, j'ai trouvé la personne, annonça-t-il.
  • Ah ! s'exclama Walmor qui se leva de sa chaise. Bien, où est-elle ?
  • Dans le bourg voisin, mon général, en visite à sa famille.
  • Bien, amène-là moi, ordonna Walmor. Et dis-lui bien qui la convoque, ajouta-t-il.
  • Oui général, puis il tourna les talons.

Depuis peu, Walmor avait ressenti le besoin d'interroger le déchu prince d'Altérac, pour le bien de sa mission. Cependant, le seigneur avait décliné toutes ses invitations, ne considérant pas les informations qu'il détenait comme utiles pour faire avancer ses recherches, sans faire montre de plus de considération. Comme son père, de toute évidence, ce seigneur cultivait une arrogance propre aux puissants, se plaçant au-dessus de tous.


Ce que pouvaient parfois omettre ces seigneurs, en revanche, c'était que les actes les moins reluisants dont ils se cachaient étaient souvent leurs secrets les moins bien gardés.


Plus tard dans la journée, l'agent réapparut, accompagné d'une jeune fille qui ne devait pas avoir plus de quinze ans.

  • Fais-là entrer Jul, dit Walmor qui montra la chaise devant le bureau à la jeune fille qui venait d'entrer.
  • Messire, dit timidement la fille.
  • Assied-toi, proposa Walmor.

Il la regarda s'asseoir, puis reprit place sur sa chaise, lui faisant face. Elle portait une robe typique des paysannes semant les terres fermières, agrémentée d'un tablier. Ses cheveux nattés retombaient sur sa frêle poitrine d'adolescente. Elle baissait le regard.

  • Sais-tu pourquoi mon agent t'a amenée à moi ? lui demanda aimablement le général.

La jeune fille fit non de la tête.

  • Bien, je n'irai pas par quatre chemins, connais-tu le seigneur Aliden Perenolde ? demanda-t-il l'air sérieux.


La fille se raidit, serrant ses deux mains sur ses genoux.

  • Pardonne-moi si j'insiste, mais j'ai besoin d'une réponse claire, poursuivit Walmor, s'approchant légèrement de la jeune femme.

Elle hésita, et n'osait toujours pas lever les yeux.

  • Dois-je répéter la question ? demanda-t-il en changeant de ton.
  • Non non, répondit-elle, le regard toujours baissé. Je....
  • Oui ? continua t-il en tendant l'oreille vers elle.
  • Je connais le seigneur Perenolde, confirma-t-elle, tremblotante.
  • Bien, nous sommes sur la bonne voie, annonça Walmor. Dis-moi, le seigneur Aliden est-il gentil avec toi ?

La pauvre fille était terrorisée. Elle fixait ses mains jointes sur ses genoux, tirant un peu plus sur le pan de sa robe.

  • Je peux te garantir que rien ne te sera fait si tu me parle, promit Walmor. Le seigneur Pereonlde ne saura jamais que nous nous sommes vus, ajouta-t-il dans l'espoir qu'elle se livre.
  • Le seigneur Perenolde me fait venir dans ses appartements, par..fois, bégaya-t-elle.
  • Et que se passe t-il une fois dans ses appartements ?
  • Il... il me met dans son lit, pour...
  • Il te force à le cajoler ? lança-t-il sans détour. Tu es sa maîtresse ?
  • Oui, confirma-t-elle.
  • Et tu n'es la maîtresse de personne d'autre ? Est-ce que d'autres hommes te font la même chose ?


La jeune fille regarda à nouveau ses mains. Puis elle opina du chef.

  • Bien, donc si je comprends bien, tu sers le seigneur Aliden et d'autres nobles en couchant avec eux ?
  • Oui, Messire, assura-t-elle.
  • Bien, et ces fêtes, dans le bourg un peu plus loin derrière la colline, où les gens s'amusent à torturer, découper, et soumettre d'autres jeunes filles comme toi, tu y participe aussi ? demanda-t-il crûment.
  • Euh... je ne sais pas de quoi...
  • Tu sais parfaitement de quel genre de festivités je parle, dit-il en pointant du doigt ses poignets abîmés. Et si tu souhaites que je fasse cesser ces cérémonies morbides, il va falloir être plus loquace, menaça-t-il en s'approchant de son visage, le regard dur.


La fille commença à pleurer. Il détestait lorsqu'une femme pleurait durant ses interrogatoires. Il les trouvait déjà minables et sans intérêt, mais dès qu'elles se mettaient à pleurnicher, une irrésistible envie de les frapper l'envahissait.

Il devait se reprendre, il avait besoin d'elle encore un moment avant de la placer sous bonne garde.

  • Bon, sais-tu écrire ?
  • Oui Messire, répondit-elle entre deux sanglots.
  • Bien, approche-toi du bureau, j'ai besoin que tu rédiges une lettre, et tu pourras partir, lui promit-il tout en poussant une feuille de papier jusque ses mains tremblotantes.


Ces interrogatoires qui demandaient à ce qu'il fasse preuve d'indulgence étaient d'un ennui. Au moins, celui-ci constituait une belle avancée pour la suite des événements. Il garderait sa hargne pour le visiteur qui venait de s'annoncer auprès de Frener et se précipitait vers son bureau de son pas convaincu et crétin.

  • Qu'entends-je ? Vous déployez mes hommes sans mon avis ! l'accusa Garithos, offusqué par tant de mépris incompréhensible.
  • Il me semble bien me souvenir que je mène cette mission, lui rappela Walmor sans préambule. Tu es sous mon commandement, Garithos.
  • Et vous osez encore me tutoyer ! s'indigna le jeune chevalier dans sa moustache parfaitement taillée. Je vais faire un rapport à sa Majesté sur le champ !
  • Grand bien te fasse, et rappelle-lui bien qui est responsable de la fuite de l'orc en cavale le plus recherché, ajouta-t-il avec mépris.
  • Pfff ! marmonna Garithos qui tourna les talons, tel une femme scandalisée après avoir été éconduite.


Quelque peu soulagé que l'imbécile n'ait pas insisté davantage, Walmor posa nonchalamment la main sur un médaillon en or caché entre deux documents parsemés sur son bureau. Il était encore incroyablement surpris de son contrôle de soi lorsqu'il s'agissait de Garithos. Cela devait tenir au fait qu'il ne souhaitait pas compromettre sa mission. Épatant, vraiment !


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