C.R.A.Y.O.N
Chapitre 1 : Conspiration Réellement Absurde Yéti Orison Nisei
1803 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 20/09/2025 22:32
Lundi matin, 9h pile. Le sous-sol du bâtiment Hoover à Washington, antre habituelle des affaires non classées, baignait dans sa semi-obscurité coutumière. Tout paraissait normal, les néons grésillaient doucement, les talons hauts de Dana Scully résonnaient sur le sol brut quand elle passait d'une table a l'autre pour chercher les différents documents dont elle avait besoin.
Et Fox Mulder, avec l'assurance d'un rituel bien rodé, s'était saisit de son ballon de basket et entama quelques passes rythmées contre le mur. Le bruit sourd et régulier résonnait dans le bureau, se mêlant au reste comme une mélodie, ponctuant le calme avant la tempête, ou du moins, avant la lecture de la pile de dossiers qui l'attendait. Le grand brun fit encore quelques lancés, puis décida qu'il était l'heure de se mettre a l'œuvre.
Il se pencha sur le monceau de papier qui s'accumulait sur son bureau, une collection éclectique de témoignages farfelus, de photographies floues et de rapports gouvernementaux censurés. L'odeur familière du vieux papier et de l'encre séchée planait dans l'air.
Mulder s'assit, prêt à entamer son petit jeu habituel, celui qui le détendait avant de plonger dans l'abysse de l'inexplicable.
Machinalement, il tendit la main vers son pot à crayons, prêt à choisir sa prochaine munition pour le lancer vers le faux plafond.
Mais sa main ne trouva rien.
Ses sourcils se froncèrent. Le pot était vide. Un frisson d'irritation, inhabituel pour une chose aussi triviale, le parcourut. Mulder secoua le pot, comme s'il s'attendait à ce qu'un crayon apparaisse comme par magie. Rien.
"Scully! lança-t-il, un soupçon de panique dans la voix, tu n'aurais pas… emprunté mes crayons par hasard?
Un soupir fatigué lui parvint de l'autre côté de la pièce. Le claquement des talons, soudain plus sec, informa Mulder que la jeune femme se rapprochait. La petite silhouette fluette de sa partenaire se découpa dans la pénombre à l'autre bout de la pièce.
-Mulder, pour la centième fois, je n'emprunte pas tes fournitures de bureau. Et puis, je n'ai pas le temps pour tes… bizarreries matinales. Je relis mes rapports d'autopsie. "
Ignorant la réprimande implicite, Mulder commença sa fouille. Il ouvrit les tiroirs de son bureau un par un, plongeant ses mains dans le désordre organisé de notes jaunis, d'agrafes rouillées et de pièces de monnaie étrangères. Rien. Il vérifia sous la pile de dossiers, derrière son écran d'ordinateur, il souleva la petite plaque métallique estampillée a son nom. Rien. Sur les étagères croulantes de reliques mystérieuses, ses yeux se posèrent sur une photo d'OVNIs achetée pour quelques dollars, des météorites, une casquette du NICAP ayant appartenu à un ami... Toujours rien.
Il se pencha sous son bureau, espérant que ses précieux crayons y soient tombés. Entre les boules de poussière, il y trouva un paquet de graines de tournesol entamé, qu'il laissa sur place. Il se releva et épousta ses mains couvertes de poussière sur son pantalon, y laissant des marques claires tranchant avec le noir du tissus.
La frustration montait, tout ceci était ridicule. Comment pouvait-il travailler sans ses crayons? C'était comme demander à un chirurgien d'opérer sans scalpel, ou à un théoricien du complot de… enfin, vous avez compris.
Il était bien décidé à résoudre ce mystère. Il attrapa son pot à crayon vide comme pièce a conviction, et sans un mot à Scully, Fox sortit précipitamment du bureau et remonta dans les étages grouillant d'activité.
Mulder se dirigea d'abord d'un pas déterminé vers le bureau du Directeur Adjoint Skinner. Il ignora superbement sa secrétaire qui se leva pourtant avec véhémence pour l'empêcher de passer. Il l'évita d'une pirouette en souriant et frappa directement à la porte.
Skinner ouvrit promptement et le regarda, sourcils froncés, sa mauvaise humeur peinte sur son visage rasé de près. Sa silhouette en imposait, découpée dans la lumière du cadre de la porte.
"Agent Mulder, puis-je vous aider ?, demanda Skinner avec un agacement non dissimulé, qui signifiait généralement qu'il fallait être prudent quant aux prochains mots prononcés.
-Directeur adjoint, commença Mulder apparemment immunisé contre le ton de son supérieur, auriez-vous par hasard confisquer mes crayons, ceux qui se trouvaient précisément dans ce pot ?
Mêlant le geste a la parole, Fox Mulder agita le petit verre de céramique sous le nez du directeur adjoint qui se rembrunit davantage.
-Vos crayons ? C'est une plaisanterie?Mulder, je crois que j'ai bien plus important a penser à cet instant même. Comme par exemple, défendre la nécessité de votre service aux yeux de mes supérieurs, ou justifier à la compta votre dernière note de frais exorbitante, qui je vous le rappelle, comporte la location d'une Cadillac et l'embauche d'un sosie d'Elvis Presley...
La voix tranchante de Skinner ne semblait définitivement pas avoir d'effet sur le jeune agent.
-Monsieur, le coupa Mulder comme si de rien était, avec tout le respect que je vous dois, sachez que l'emploi de ce brave homme m'a permis de prouver l'existence d'une secte secrète qui s'adonnait a des rituels sacrificiels au nom de la prétendue mort d'Elvis... C'était tout a fait nécessaire et justifié, comme la présence de crayons de papier taillés sur mon bureau.
Skinner soupira.
-Agent Mulder, si c'est tout, j'ai du travail. Et croyez moi, empêcher votre expulsion définitive du bureau occupe la majeure partie de mon temps actuellement."
Skinner lui claqua la porte au nez, laissant Mulder perplexe. L'étroitesse d'esprit de ses collègues et de ses supérieurs l'avaient toujours laissé de marbre, LUI voyait, c'était tout ce qui comptait. Mais aujourdhui il sentait ses nerfs mis a rudes épreuves.
Mulder se retrouva à errer dans les couloirs du FBI, interpellant chaque agent qu'il croisait.
L'agent Smith, affairé à une affaire de détournement de fonds, lui répondit par un haussement d'épaules et un "désolé, j'utilise des Bic". Smith avait toujours gardé une dent contre Mulder depuis le temps où ce dernier avait jonché son bureau, dédié a l'écoute et a la surveillance, de coques de graines de tournesol lorsqu'il y avait été brièvement muté. Il avait été obligé d'écouter des heures et des heures de surveillance sans intérêt, son unique plaisir s'étant résumé à cette époque de faire crisser les petites coques sous ses dents.
Il croisa ensuite l'agent Johnson, en pleine discussion téléphonique, qui lui fit un signe de la main indiquant qu'il ne pouvait pas l'aider.
Même l'agent du standard, habituellement si bien pourvue en tout et n'importe quoi, ne put rien pour lui.
Mulder sentait les regards se poser sur lui, les chuchotements qui lui étaient habituellement destinés redoublaient. Spooky Mulder, tel était le surnom dont on l'affublait derrière son dos. Cela lui importait peu, en temps normal.
Mais aujourd'hui, Mulder avait besoin de la coopération de ses collègues, et personne ne semblait comprendre la gravité de la situation. Il commença à se demander si c'était une sorte de blague élaborée, un test pour sa santé mentale, ou pire encore, une conspiration. Qui avait intérêt à priver Fox Mulder de ses habitudes? Était-ce une nouvelle tactique du Syndicat pour l'empêcher de réfléchir sur ses théories, pour l'empêcher de découvrir la vérité dont il s'était trop approchée?
Il retourna finalement à son bureau, la mine déconfite. Scully, toujours plongée dans ses rapports d'autopsie, le regarda brièvement, un sourire à peine perceptible sur les lèvres.
"Pas de chance, Mulder ?, demanda t elle d'une voix faussement affectée.
-C'est absurde, Scully, explosa Mulder. Personne n'a vu mes crayons. Et personne n'en a à disposition. C'est comme si… ils avaient tous disparu. C'est le genre de chose qu'ILS feraient, non? Une opération secrète pour nous déstabiliser en me privant de mes outils les plus basiques.
Scully leva ses yeux bleu azur au ciel, essayant de dissimuler le sourire qui menaçait de s'étirer sur ses lèvres fines.
"Scully, poursuivit Mulder entêté, personne ne rentre jamais ici. C'est une sorte de… malédiction. Ou un complot. C'est personnel, c'est clairement dirigé contre moi ! Et je découvrirais qui en est a l'origine, où que soit cette vérité, je la trouverais!
Il s'affala sur sa chaise, pour le moment vaincu, et balança le pot a crayon vide sur son bureau d'un geste a la fois rageur et désespéré.
Scully quitta un instant ses rapports et se dirigea vers Fox, qui avait enfoui sa tête dans ses mains, ses talons claquant contre le sol avec autorité.
-Parfois, Mulder, la vérité n'est pas ailleurs. Elle est juste sous ton nez."
Elle se saisit de la tasse à café abandonnée par son partenaire la veille, qui tronait a l'exact opposé habituel du pot a crayon, et la tendit a Mulder en l'agitant imperceptiblement sous son nez. Un petit bruit de bois frotté réveilla immédiatement Mulder qui se redressa.
La tasse, dont il avait avalé tout le contenu la veille et qui gardait des traces de marc sur les bords, n'était plus remplie de liquide sombre mais de tous les crayons qu'il avait sans doute reposés là par inadvertance.
Mulder se redressa, il sourit comme un enfant, saisissant un des crayon taillé a la perfection et le regarda d'un air presque révérencieux. Il tâta la pointe affûté de son index, puis se rembrunit aussitôt.
-Peut-être, Scully. Mais ce n'est pas parce que tu les as trouvés si facilement que je ne vais pas continuer à croire à leur disparition temporaire. J'ai fouillé mon bureau de fond en comble il y a moins d'une heure, et ils n'étaient pas là, je peux te l'assurer. Je reste persuadé qu'ils ont bel et bien disparus... pendant un temps."
Après un regard entendu a la petite rousse, il se pencha sur son bureau, prêt à reprendre le travail, le coeur enfin apaisé.
Mais avant, il se pencha en arrière, et fit basculer le dossier de sa chaise. Mulder visa, ses traits se crispant sous l'effort de concentration tandis qu'il tripotait le crayon entre ses doigts. Le lancer fut rapide et habile. Le crayon fila dans les airs et atterrit avec un léger "clac" dans le faux plafond.
Scully soupira. Certaines choses, elle le savait, ne changeraient jamais.