Âme de Pureté
Chapitre 10 : Bataille Ville: chapitre 10
8362 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 19/10/2019 14:39
En retrait dans le couloir des chambres, j’apprends une terrible nouvelle : Namu a dévoilé sa véritable identité lors du duel opposant son appât, un certain Odion, à Joey. Ce dernier aurait remporté le duel face à l’invocation ratée d’une des cartes de Dieu égyptien. Il s’en est fallu de peu pour qu’il subisse le même châtiment que son adversaire.
- « Ce tournoi devient vraiment dangereux. » Souffle Mai adossée au mur à côté de moi. « Ça ne ressemble plus en rien à un tournoi de Duel de Monstres. »
J’acquiesce en silence, dans la même position, bras croisés. Les événements nous dépassent, autant nous les participants, que les administrateurs de ce tournoi. Après tout, qui pouvait prévoir l'avènement de forces démoniaques dans un simple championnat. Les nerfs s'échauffent vite. Nous sommes tous à cran, moi la première.
- « Au fait, je suis surprise de ne pas t’avoir vue dans la tribune des spectateurs. »
En effet, j’étais beaucoup trop occupée à me faire trancher comme un vulgaire animal par un esprit démoniaque.
Ouch.
Mon regard se porte directement vers mon bras négligemment bandé. Par chance, personne ne semble y avoir prêté attention. Malgré mon affection particulière pour Mai, je décide de lui débiter un petit mensonge.
- « Oh, ça. Garde ça pour toi mais je me suis un peu prise la tête avec Joey avant son duel. Je n’avais pas la tête à jouer les pom-pom girl au bord du terrain. »
Mai pouffe du nez.
- « Petite crise de couple ? »
Je la dévisage quelques instants.
- « Ne fais pas cette tête, je plaisante. Pourtant il me semblait bien avoir entendu Joey dire quelque chose comme « Merde, Lorène l’avait dit » tout à l’heure. »
J’exhibe un sourire satisfait. Certes, je ne cache pas ma déception quant à son refus de me croire en dépit des explications que je lui ai fournies mais s’il comprend que je ne mentais pas sur l’atroce jeu auquel s’amusaient Marek et son complice, alors peut-être qu’il me croira sur le reste.
- « Ce mec est un idiot. »
Etrangement, cette remarque ne provient pas de moi, mais de la grande blonde à mes côtés.
- « Toi aussi tu t’es embrouillée avec ? Dispute de couple numéro deux ?
Elle hausse les épaules, l’air déconfite.
- Je lui ai simplement demandé si je faisais partie de ses amis tout à l’heure et il n’a même pas été foutu de me donner une réponse correcte. Décidément, la seule personne sur qui on peut compter ici, c’est sur soi-même. »
Aïe, coup dur. Moi-même je doute d’être entrée dans son petit cercle d’amis tellement il est intenable comme type.
- « Votre attention s’il vous plait. Tous les duellistes doivent se présenter sur le pont dans deux minutes.
- Il est l’heure. »
L’heure de connaître les prochains duellistes à s’affronter. Mai et moi rejoignons ensemble la salle dans laquelle a lieu le tirage au sort. Nous nous alignons tous sans un bruit, attendant patiemment que Kaiba lance sa machine à boules.
- « Le prochain duel opposera un des invités de KaibaCorp à un duelliste du tournoi. »
Je serre les poings. Pas de doute possible, je vais enfin livrer mon premier duel de la seconde phase du tournoi. Le premier en compagnie de cette chose obscure dans ma tête. Cependant, si l’intervention de Kaiba m’apparaît claire comme de l’eau de roche, les autres duellistes se questionnent sur l’identité des deux opposants.
- « Il s’agit de Lorène Yuurei et de notre invité Maximilien Pegasus. »
Pegasus…
Ce second nom jette un froid dans toute la pièce. Monsieur Maximilien Pegasus ? Qu’est-ce que le fameux créateur de Duel de Monstres fiche dans ce dirigeable ? Des applaudissements retentissent dans notre dos. La silhouette de cet homme riche nous contourne et s’avance au-devant la scène. De grande taille et de long cheveux lisses argentés, il est vêtu d’un costume et d’un pantalon rouge digne d’un aristocrate haut en couleurs. Curieusement, ses mèches descendent le long de son visage pour dissimuler l’entièreté de son œil gauche. Quelle sensation étrange que de rencontrer pour la première fois quelqu’un qu’on a l’habitude d’apercevoir dans des magazines !
- « Quel plaisir de pouvoir participer en tant que Guest à ton propre tournoi, mon cher Kaiba. »
Celui-ci ne relève pas les remerciements et se contente de le jauger de son air dédaigneux habituel.
- « J’espère que tu n’as pas le trac. » Me chuchote Mai en me donnant un léger coup de coude dans la hanche.
Je me chie littéralement dessus. D’autant plus quand son regard malicieux s’arrête à ma hauteur. Kaiba sait pertinemment que je suis une débutante en Duel de Monstres. En me forçant à combattre un type comme Monsieur Pegasus, il s’assure de me dégager de son tournoi d’une main de maître.
- « J’aimerais cependant bénéficier d’un traitement de faveur de la part de mon opposante. » Poursuit l’homme riche, se mouvant dans l’espace tel un comédien en pleine représentation. « Je souhaiterais qu’elle utilise un deck spécialement composés par mes soins. »
Je retiens mon souffle un instant. Sérieusement ? Comment pourrais-je accepter une telle proposition ? N’importe qui de censé comprendrait que laisser son adversaire choisir vos cartes est la pire idée possible. Il est grand temps que j’intervienne.
- « Il en est hors de ques…
- Très bien, elle l’utilisera. »
Ah… Kaiba et le consentement. Celui-ci me foudroie du regard. De cette manière, il m’intime de suivre ses règles pour lui permettre de garde un infime contrôle sur son tournoi. Je n’ai pas le choix, j’utiliserai donc ce nouveau deck. Après tout, j’ai déjà dû m’habituer à un changement de cartes inopiné lors de mon dernier duel.
- « Fabuleux ! » S’exclame Monsieur Pegasus en joignant ses mains en prière.
- « Vous êtes priés de rejoindre la cabine de duel. » Annonce Roland, un des majordomes de la KaibaCorp.
Le milliardaire s’arrête à ma hauteur pour me confier ce nouveau deck. Son parfum hors de prix emplit mes narines au point de me faire perdre la tête, mais je dois me forcer à me concentrer sur les cartes. Je ne dispose que de très peu de temps pour en comprendre le mécanisme. Drôle de manière de tester de nouvelles cartes, soi-disant passant.
- « Lorène. »
Trop absorbée dans la lecture de monstres effets, je n’avais pas remarqué que Joey se tenait à côté de moi, me présentant son disque de duel.
- « Il vaudrait mieux que tu utilises ce disque plutôt que le tien. »
Drôle de manière de s’excuser, mais j’accepte d’un bref mouvement de tête. Quel soulagement, fini le risque de me faire électrocuter à tout le moment. A peine l’ai-je enfilé à mon poignet droit que le grand blond dépose une main sur mon épaule, me forçant à le regarder.
- « Qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? » Demande-t-il en portant son attention sur mon bandage.
Bon, cette fois, il devrait me croire.
- « Rien qui ne te regarde, Wheeler. Merci pour le disque, il me sera certainement plus utile qu’à un chien comme toi. »
La ferme ! Joey retire brusquement sa main, visiblement choqué. Je ne le lui laisse pas le temps de réagir et attrape maladroitement ses doigts dans les miens, paniquée.
- « Non, c’est faux. Je ne le pense pas, tu es génial Joey ! »
Mais de quoi ai-je l’air, à changer d’attitude toutes les secondes à cause de tes interventions. Roland nous interjette une nouvelle fois de rejoindre l’arène de duel. Je desserre les doigts de Joey et lui adresse un regard désolé. Je me hâte dans l’ascenseur de combat, s’élevant jusqu’à la plateforme de duel. Un vent glacial traverse la cabine, me fichant la chair de poule.
Eléonore, tu as intérêt à être aussi forte en duel qu’à m’humilier devant les autres !
Si je comprends bien, tu as décidé de ne pas écouter Isis ?
Isis, ou Ishizu, cette femme m’a demandé d’abandonner le tournoi pour ne pas perturber le destin du pharaon. Peu importe, je n’ai aucune envie de déclarer forfait devant Kaiba. Je n’ai rien à perdre à livrer un duel qui, sur le papier, est en ma défaveur, n’est-ce pas ? En dépit de mon respect pour l’actuel maître du jeu, Yugi et moi n’avons pas réellement parlé depuis notre première rencontre. Pour me sacrifierai-je pour quelqu’un que je connais à peine ?
Plus de temps pour les questions, Monsieur Pegasus et moi nous nous approchons du centre du terrain pour mélanger nos cartes et les insérer dans nos disques de duel. Mon regard s’aventure sur les mèches argentées devant son œil gauche. Etrange…
- « Soyons galant et laissons cette jeune fille prendre la main. » Déclare-t-il lorsque nous reprenons nos places.
Très bien, voyons voir comment on se débrouille avec ces nouvelles cartes.
Le pharaon nous regarde.
Au bord du terrain, la petite bande de Yugi spécule sur le résultat du match. Seul Yugi reste concentré, ses yeux améthyste fixés sur moi.
- « Je commence mon tour en activant la carte magie Sarcophage Doré, ce qui me permet d’y placer une carte pour la récupérer dans deux tours. J’invoque ensuite Apelio, Avatar Bête Spirituelle [1800|200] en mode attaque. Je pose une carte face cachée et je termine mon tour. »
Un adorable lionceau de feu apparaît sur mon terrain. De toute évidence, il s’agit d’un archétype Bête Spirituelle, un type de cartes que je n’avais jamais vu auparavant.
- « A mon tour. J’active Tourbillon d’Espace Mystique pour détruire ta carte face cachée. Je pose ensuite un monstre en mode défense ainsi que deux cartes faces cachées. »
Je pioche. Stratégie défensive, hein ? Cela tombe bien, j’ai tendance à prendre les devants quand il s’agit d’attaquer. De plus, les cartes choisies par Monsieur Pegasus conviennent particulièrement à ma situation.
- « J’invoque Lara, Dompteur de Bête Spirituelle en mode défense [100|2000]. Mais elle ne restera pas longtemps sur ce terrain car je peux invoquer Apelio, Bête Spirituelle Ultime [2600|400] en bannissant mes deux monstres présents sur le terrain.
- Une fusion sans Polymérisation ? » S’étonne Mai.
- Pegasus nous réserve de belles surprises. »
Ce début de duel se profile plutôt bien. Je dispose déjà d’un monstre suffisamment puissant pour détruire la simple invocation sur le terrain de Monsieur Pegasus.
- « Apelio, détruis son monstre face caché ! »
Le milliardaire affiche un large sourire et tend son doigt dans ma direction.
- « Une minute, ne sois pas si pressée. J’active ma carte piège Dispositif d’Evacuation Obligatoire pour renvoyer ton monstre dans ta main et vu qu’il s’agit d’une fusion, elle va retourner directement dans ton deck. »
Mais alors…
- « Ça veut dire qu’elle n’aura plus de monstres sur son terrain ! » Grogne Joey.
Fait chier !
Idiote, lis tes cartes !
- « Dans ce cas, j’active la faculté spéciale d’Apelio ! Durant n’importe quel tour, je peux renvoyer cette carte dans mon Extra deck. En échange, je peux invoquer spécialement deux monstres bannis en mode défense ! »
Le mignon petit lionceau et la dompteuse de bêtes reviennent sur mon terrain. Je serre les dents, j’aurais dû le dire à sa place.
- « Et vu que ta carte piège ciblait mon monstre fusion…
- Cela signifie qu’elle n’a plus aucun effet ! »
Etrange, si c’est Monsieur Pegasus lui-même qui a composé mon deck, pourquoi a-t-il activé ce piège tout en sachant qu’elle n’aurait aucun effet sur mon monstre ?
Il nous teste. Tâchons juste de ne pas tomber dans ses autres pièges.
Je hoche la tête par réflexe. Pour une fois, je partage l’avis de l’esprit. Du coin du regard, je remarque que Yugi agit étrangement, il ne tient pas sur place. Est-ce la présence d’Eléonore qui l’agite à ce point ?
- « Hé, Yugi, ça ne va pas ? » S’inquiète Téa en épaulant son ami.
- « Je ressens quelque chose, quelque chose de maléfique dans ce duel.
- Pourtant c’est peut-être le seul duel où personne ne risque de mourir dans ce tournoi. » Commente Joey.
Regarde-le, à se tortiller dans tous les sens.
En effet, il fallait être aveugle pour ne pas remarquer le trouble qui sévit au bord du terrain. D’un côté, même s’il m’a flanqué une sacrée frousse dans sa chambre, cela m’attriste de le voir ainsi torturé.
« Le pharaon a totalement perdu sa mémoire donc il ne peut pas se rendre du danger qu’elle représente pour lui. » disait Ishizu. Je n’ose pas reprendre le cours du duel tant qu’il est dans cet état.
- « C’est comme si une partie de moi réagissait à une présence… »
A l’autre bout terrain, Monsieur Pegasus demeure interdit. Pour une raison que j’ignore, il me fixe intensément à son tour. On dirait bien que les états d’âme du pharaon ne l’intéressent pas. Après tout, ce n’est pas la raison de sa participation au tournoi.
- « A mon tour. J’active la carte magie de terrain Château Magidolce ! »
Le paysage des villes illuminées en dessous du dirigeable s’efface pour un univers coloré, rempli de bonbons pastel et de nuages cotonneux. Les goûts de ce monsieur en matière de monstres laissent clairement à désirer. Même les duellistes les plus féminines que j’ai pu croiser au cours de ma vie préféraient se prémunir de cartes puissantes à coup de dragons et de guerriers plutôt que de créatures toute mignonnes dans un monde de princesses. Au nom du pouvoir de l’amour, je vais finir par vomir.
- « Cette carte – en plus d’être magnifique, à mon image – accorde à mes monstres Magidolce un bonus de 500 points d’attaque et de défense. »
Un deck Magidolce ? Jamais entendu parler. Il s’agit certainement d’un nouvel archétype inventé par ce créateur, tout comme les Bêtes Spirituelles.
Je suis contente qu’il nous ait confié les petits monstres plutôt que ces créatures d’enfants dégueulasses.
Une nouvelle fois, je partage l’avis d’Eléonore.
- « Je retourne mon monstre face caché pour le placer en mode attaque : le Ouhouteau Magidolce [2000|1600] ! J’invoque ensuite Messaglace Magidolce, également en mode attaque [2100|1500] ! Qu’ils sont merveilleux, tu ne trouves pas ? »
Pas vraiment et encore moins quand ses deux nouveaux monstres détruisent mes deux éléments de fusion. Je réprime un frisson, qu’est-ce qu’il fait froid ici. Kaiba n’aurait pas simplement pu organiser la seconde phase dans une salle chauffée ?
- « Le pharaon fait pâle figure alors que ce n’est même pas son duel. »
J’étais sur le point de tirer une nouvelle carte de mon jeu quand cette voix venue d’outre-tombe survient. Placé à l’écart du groupe de spectateur, Marek nous adresse un large sourire. Ses cheveux se sont miraculeusement coiffés en une espèce de Super Saiyen. Ses traits aussi sont beaucoup plus froncés que dans mes souvenirs. Pourtant, ce qui contraste le plus avec sa précédente version de lui-même, c’est l’œil du millénium scintillant sur son front, similaire à celui de la baguette qu’il garde précautionneusement au creux de sa main droite.
- « Il a changé Vegeta. »
Celui qui était encore apprécié au dernier duel est soudainement devenu l’ennemi numéro un. Ce constat ne semble pas lui déplaire au vu de la satisfaction lisible sur son visage.
- « Alors pharaon, tu as perdu ta langue ? »
Yugi se courbe en avant, main sur la poitrine, comme si quelque chose l’empêchait de respirer normalement. Du haut de la plateforme de duel, je me questionne sur les raisons de son mal-être.
- « Marek », grommelle-t-il, penchant légèrement le visage en direction de son némésis. « Je ne sais pas à quoi tu joues, mais sache que si tu continues à t’en prendre à mes amis, tu le paieras très cher ! »
La voix du pharaon s’étouffe quand Marek lève sa baguette du millénium. Malgré les relances de Roland pour nous inciter à poursuivre le duel, je refuse de tirer la moindre carte tant que Marek n’aura pas cessé son petit jeu.
- « Tes amis, mh ? N’aie crainte, pharaon, ce n’est pas à tes amis que je compte m’en prendre. Du moins, pas tout de suite. »
Ses yeux sombres dévient de Yugi vers moi. Je déglutis difficilement. Inspire, expire, inspire…
- « Si l’esprit de l’anneau n’a pas réussi à faire tomber le pharaon, alors peut-être que toi, tu y parviendras ! »
Marek brandit son sceptre dans ma direction, l’œil du millénium s’illumine d’une lumière aveuglante.
- « Lore-chan ! » Crie Sérénity.
Encore ? Pourtant, il a échoué la première fois qu’il a tenté de prendre mon contrôle.
Sauf que cette fois, il a compris à qui il avait affaire.
Soudain, mon corps entier se fige sur place. Au fond de moi, je sens que ce n’est pas un contrôle comme celui que m’infligeait Eléonore. Non, celui-ci me prend aux tripes, me compresse la poitrine et précipite les battements de mon cœur. Il cogne si fort que mes oreilles n’entendent plus que bruit. Boom. Boom. Les bouches des amis de Yugi se meuvent, mais aucun son ne me parvient. Le néant, le silence complet. Même la voix profonde d’Eléonore s’est finalement éteinte au profit d’une surdité incompréhensible. La baguette du millénium est toujours braquée sur moi. Cela étant, je reste consciente du monde qui m’entoure. Ses lèvres étirées tremblent, trahissant un trouble.
C’est ça ! Il ne parvient pas à me contrôler car Eléonore le bloque !
Je me souviens de ses deux précédentes tentatives. Si la première fois, il m’avait simplement assommé au milieu du couloir, son deuxième essai a été déjoué au réveil de l’esprit. Pour une raison ou pour une autre, nos esprits sont plus puissants que les siens.
- « D-Désolée, Ma…rek. » J’arrive à articuler.
- « Arrête ça ! »
Je retrouve brusquement l’ouïe, l’ordre d’Ishizu a fusé dans les airs pour m’atteindre. Surprise, cet appel ne s’adressait pas à Marek aux sombres desseins mais bien à moi, victime de son propre frère. Heureusement, je ne suis pas la seule à me perdre dans les conclusions du détenteur du collier du millénium.
- « Qu’est-ce que tu racontes, c’est Marek le méchant ! » S’insurge Joey.
Ishizu secoue la tête et quitte l’ascenseur pour s’avancer vers le bord du terrain.
- « Vous ne comprenez pas. Mon frère est bel et bien possédé par les forces du mal, mais il ne faut absolument pas que l’esprit qui se cache dans cette fille surgisse ! »
Mes dents grincent. En partie paralysée par la baguette du millénium, je bouillonne intérieurement. Alors quoi ? On laisse ce fou furieux me manipuler tout ça parce qu’un putain d’esprit emmerde sa frangine ?
- « Yuurei » reprend-t-elle plus doucement. « Il faut que tu te laisses faire et que tu abandonnes ce tournoi, comme je te l’ai dit. Il en va de la sécurité du pharaon. »
Yugi se redresse précipitamment, interrogeant l’égyptienne du regard. Moi, abandonner… Après tous les efforts que j’ai… que nous avons fournis pour en arriver là. Après ce que Zoé a fait pour me permettre d’y participer ? Après avoir disputé un duel de l’ombre contre un Pilleur de l’ombre ? Après avoir récupéré six nouvelles cartes de localisation à l’encontre de Kaiba ?
- « Je ne comprends pas… » Marmonne le pharaon.
Alors comme ça, il n’y a que les élus qui peuvent combattre les forces du mal ? Je ne suis pas pharaon donc je dois passer inévitablement après lui ? Devant mon manque de réaction, Ishizu reprend la parole.
- « Je sais que c’est difficile à accepter, mais c’est pour le bien de nous tous.
- Si cet esprit est aussi dangereux que vous le dites, alors pourquoi ne se manifeste-t-il pas ? »
Cette remarque, intelligente au demeurent, provient étonnamment du grand blond.
- « Il va se manifester, d’une manière ou d’une autre. »
Le scintillement de la baguette du millénium s’accentue et personne n’agit pour l’en empêcher. Mes forces se vident au point que mes jambes ne supporteront bientôt plus mon poids.
- « E-léonore ? »
J’ai besoin de toi. Aide-moi à repousser ce type.
Je ne connais qu’un moyen et tu ne vas pas apprécier.
De toute façon, je n’apprécie pas cette situation, je ne m’attends pas à aimer la suite non plus.
Abandonne ton corps.
Abandonner…mon corps ? Qu’est-ce que cela signifie ?
Laisse-toi aller, je prends le contrôle.
La seule personne sur qui on peut compter ici, c’est soi-même. Mai avait raison finalement, si les gentils ne sont pas foutus de m’aider, alors il ne reste qu’une personne qui puisse m’aider. Doucement, je relâche la pression sur mes muscles, lâchant tout mon poids sur mes jambes, poussant un dernier soupir.
- « Mais qu’est-ce que… »
- « Désolée, Marek, chérie est de retour. »
Affalée sur mes cuisses, j’affiche un large sourire à celui qui essaie de me nuire. Mon front brûle, nul besoin de constater que la marque du millénium a fondu sur ma peau comme neige au soleil. Je sens sa présence à mes côtés. Elle tremble intérieurement. Elle n’est plus qu’un esprit sans aucun contrôle sur son enveloppe charnel.
Marek garde toujours entre ses mains sa baguette du millénium, je m’avance d’un pas et hausse les épaules, le narguant de son manque de puissance face à moi.
- « Tu as fini ton cirque ? J’ai un duel à mener, moi. »
Les réactions des autres duellistes sont drôles à voir. Yugi me fixe de ses yeux écarquillés à leur paroxysme. Alors, pharaon, ça y est ? Tu te souviens de moi ?
Regarde Isis, elle a l’air si désemparée… Elle torture l’œil autour de son cou entre son pouce et son index. C’en est diablement excitant, tu ne trouves pas ? Toutes ces âmes qui ne comprennent rien à ce qu’il se déroule sous leurs yeux. Cela fait des milliers d’années que j’attends ce moment.
- « C’est à mon tour, Pegasus ! » Je déclare en ajoutant une carte à ma main. « Nous sommes arrivés au deuxième tour de pioche depuis l’activation du Sarcophage Doré. »
De la boite dorée, je récupère la carte que Lorène avait enfouie directement dans ma main. Un choix plus que douteux, mais je ferai avec.
- « J’invoque une nouvelle Lara, Dompteur Bête Spirituelle [100|2000] et j’active son effet pour rappeler un monstre Bête Spirituelle depuis mon cimetière. »
Le seul monstre qui correspond à cet effet n’est autre qu’Apelio [1800|200]. Une fois de plus, il me suffit de les bannir tous les deux pour récupérer un Apelio, Bête Spirituelle Ultime [2600|400] depuis l’extra deck. Mon lion et sa dompteuse s’élancent à l’attaque de Messaglace Magidolce [2100|1500] et retirent à son propriétaire 500 points de vie.
- « Je ne saurai jamais te remercier de m’avoir donnée d’aussi puissantes cartes, Pegasus. » Je m’esclaffe. « Tu m’auras rendue la tâche plus simple que je ne le pensais. »
Celui-ci croise les bras d’un air satisfait.
- « Quel changement de personnalité, je serai presque ému devant cet excès de confiance, ma chère Lorène. »
Je ne peux m’empêcher de pouffer à cette appellation. Quel idiot, il n’a décidément rien suivi du tout.
- « Ce n’est pas elle, Pegasus ! »
- « Même cet idiot de Wheeler l’a compris. C’est qu’il deviendrait presque intelligent mon chienchien. »
De ma plateforme, je l’aperçois serrer la mâchoire. Il se retient de ne pas interrompre le duel. Kaiba a été formel sur ce point : celui qui trouble le déroulement des duels se verra automatiquement disqualifié du tournoi.
- « Je ne sais pas qui tu es, mais tu ferais mieux de laisser Lorène tranquille ! »
Oh, tu entends ça ? Ce chien ne grogne pas seulement, il aboie aussi ! Lorène ne répond rien, comme si le lien que nous entretenions jusqu’ici s’était éteint à l’instant même où j’ai pris possession de son corps. Ce n’est pas grave, après tout. J’ai un duel à mener.
La carte magie de terrain Château Magidolce permet à Pegasus de récupérer Messaglace du cimetière et de le mélanger dans son deck.
- « Je pioche ! Ensuite j’active la carte magie Ticket Magidolce. Quand une ou plusieurs cartes de type Magidolce sont renvoyées depuis le terrain ou cimetière à ma main ou mon deck par l’effet d’une carte, je peux ajouter un monstre Magidolce depuis mon deck à ma main. »
Fort heureusement, Pegasus n’a pas confié cet archétype à Lorène. Au vu de son niveau pitoyable et son manque de réflexion, nous n’aurions jamais passé le premier tour.
- « Je pose un monstre face caché en mode défense et je termine mon tour. »
Lors de mon prochain tour, je me contente de détruire son Ouhouteau Magidolce [2000|1600]. Pegasus active ses deux cartes magies pour récupérer son monstre ainsi qu’un autre monstre dans sa main. Ses ressources semblent inépuisables, mais pourtant inefficace contre les attaques de mon lion de feu. Sans oublier que mes points de vie demeurent inchangés depuis le début de ce duel. Je pose à mon tour un monstre face cachée et lui laisse la main.
- « J’invoque Messaglace Magidolce sur le terrain et je retourne mon monstre face caché ! »
Exactement le même monstre, je baille devant son manque d’originalité.
- « Tout comme ton Apelio, je vais invoquer ma Reine Tiaramisu Magidolce en mode attaque ! [2700|2600] »
Ce monstre est plus puissant que le mien. J’attends qu’il lance son offensive pour jouer une nouvelle fois de la capacité spéciale de mon monstre. Mes deux monstres bannis reviennent en mode défense, ce qui n’empêche pas Pegasus de détruire mon dompteur de Bête Spirituelle.
- « A mon tour ! J’invoque Elder, Dompteur Bête Spirituelle [200|1000]. Sa capacité spéciale est d’invoquer spécialement de mon deck un autre monstre Bête Spirituel ! »
Rappeler la fusion d’Apelio ne sert plus à rien, ses points d’attaque sont trop faibles pour affronter sa Reine Tiaramisu. Il va me falloir une meilleure tactique. J’ajoute Cannahawk, Avatar Bête Spirituelle sur mon terrain [1400|600].
- « Je bannis mes deux monstres pour invoquer une nouvelle carte fusion : Pettelphin, Bête Spirituelle Ultime en mode défense [200|2800] ! »
Ma défense se construit petit à petit, je ne doute pas que des cartes plus puissantes composent ce deck et que je serai bientôt capable de défaire celui qui a remis ce jeu au goût du jour. Parce non, tu n’as rien inventé Pegasus, contrairement à ce que tu essaies de faire croire depuis le début. Je pose une carte piège et mets fin à mon tour.
- « Tes cartes mériteraient un léger équilibrage. Je prends note. En attendant, Reine Tiaramisu, détruis Apelio ! »
Son tour se limitera à cette attaque. Je possède toujours deux monstres capables de protéger mes points de vie, le temps de trouver mieux. Au début de mon tour, je ressens une certaine tension au bord du terrain.
- « Mai, où vas-tu ? »
La jeune femme semble bien déterminée à retourner à l’intérieur du dirigeable, quitte à louper la fin du duel.
- « Ce duel n’a aucun intérêt, je ne suis pas venue pour assister au combat d’un pantin. »
- « Vraiment, Mai Valentine ? Pourtant, il est fort à parier que tu seras la prochaine à tomber. »
Piquée au vif, la duelliste aux harpies se tourne brusquement, les traits froncés. De son habituel pas assuré, elle s’avance jusqu’à la plateforme de duel et me fixe de ses yeux violets entourés d’encre noire.
- « Lorène, tu disais vouloir être comme moi, c’est ça ? Alors cesse de te cacher derrière cette personne infecte qui livre le duel à ta place ! »
Quelle délicate attention. Décidément, tu as le don pour t’entourer, chérie. Continuons ce duel, les femmes ne m’intéressent pas.
- « Je suis certaine que tu peux remporter ce duel toute seule, à moins que tu préfères rester la gamine faible et hésitante que tu as été. »
Ses paroles acerbes ne m’atteignent pas. De toute façon, elles ne me sont pas adressées. Mai perd complètement son temps. Elle ferait mieux de s’enquérir de son futur duel plutôt que de s’occuper de ce qui ne la regarde pas.
- « Dégage, Mai.
Elle fronce davantage les sourcils et croise les bras sous sa poitrine.
- La seule personne sur qui tu peux compter ici, c’est toi-même. »
Raison de plus pour la voir dépérir dans le Royaume des Ombres. Si seulement j’avais le pouvoir de l’y emmener pour qu’elle se taise.
- « A-A mon tour… »
Mes lèvres sont ouvertes. Pourtant, je n’ai pas prononcé ces mots.
- « Alors c’est comme ça ? Deux mots de cette femme incapable de se trouver des amis et de les garder et tu penses pouvoir me résister ? »
De toute évidence, tu n’as pas compris ce que « prendre le contrôle » signifiait. Soudainement, je me sens forcée de me courber vers l’avant, en signe d’excuse.
- « Excuse-moi, Mai, mais je pense que tu te trompes. Il y a bien plus de monde ici sur qui tu peux te reposer. »
Cet écart de ton entre elle et moi leur fait vite comprendre que je ne contrôle plus rien. Marek nous lorgne du regard. La situation l’amuse au plus haut point. Je serre les poings, elle me fait passer pour une idiote.
- « Dans ce cas, est-ce que je peux compter sur toi ? » Demande Mai.
Mon cœur se soulève, mais cette réaction n’est pas la mienne. Réfléchis à deux fois avant de répondre, tu pourrais bien le regretter. De mes forces restantes, je me redresse et croise les bras.
- « Je vais terminer le duel par moi-même. »
Une poussée d’adrénaline pulse dans mes veines et cette fois, il s’agit bel et bien de mes propres émotions.
- « Tu veux te battre, seule ? Très bien ! Je veillerai à ce que les ténèbres se débarrassent de toi ! »
Sur ce, je m’éloigne. La pression sur mon âme me force à disparaître dans l’ombre. Le symbole du millénium gravé sur mon front s’efface. Elle n’a plus besoin de la barrière contre les pouvoirs de Marek.
- « Veuillez poursuivre le duel. »
La voix grave de Roland me ramène à la réalité tout en me donnant un léger coup de pression. Je secoue la tête de droite à gauche. A quel moment suis-je tombée ? D’une main, je frotte l’arrière de ma tête. Mon esprit éprouve des difficultés à intégrer toutes les informations qui jaillissent au cours de ce duel. Seul détail qui me saute aux yeux lorsque je me relève : un sourire satisfait sur les lèvres de Mai Valentine.
- « Je pioche. » Je répète, passablement perdue.
- « Tu vas défoncer ce type en moins de deux ! »
Les encouragements de Joey me réchauffent autant qu’elles me gênent. Il en va de même pour le regard insistant que me lance mon adversaire. Cela étant, je l’aurai aussi dévisagé si un esprit lui avait retourné le cerveau en plein milieu du duel. Voyons voir, si je veux pouvoir passer sa Reine Tiaramisu Magidolce [2700|2600], il me faut un monstre plus puissant.
- « J’invoque la troisième Lara, Dompteur Bête Spirituelle [100|2000] en mode attaque et j’active son effet pour rappeler Apelio sur mon terrain ! »
Il ne reste qu’une seule carte à ma connaissance capable de surmonter sa Reine.
- « Je décide ensuite de bannir Lara, Apelio ainsi que Pettelphin pour invoquer le monstre le plus puissant de ce deck : Gaiapelio, Bête Spirituelle Ultime en mode attaque [3200|2100] ! Gaiapelio, débarrasse-moi de sa Reine Tiaramisu ! »
Armée d’une tête de lion, le dompteur de cette bête ultime projette une boule de feu contre la mignonne petite reine de Monsieur Pegasus. Son compteur de points de vie chute à 3000. Je surprends mon opposante à applaudir doucement mon geste. Il se moque de moi à tous les coups.
- « Pas mal pour une débutante. Je crains que ce ne soit pas suffisant pour venir à bout de ce deck spécialement conçu pour détruire le tien. J’active la carte piège Rappel à l’Être hanté pour faire revenir Messaglace Magidolce [2100|1600]. J’invoque ensuite Ouhouteau Magidolce [2000|1600] et j’active son effet ! »
Son effet ? Mais depuis le début il ne l’a jamais activé. Pourquoi seulement maintenant ?
- « Ouhouteau me permet d’invoquer un monstre Magidolce depuis mon deck si je bannis un monstre du cimetière. J’amène ainsi le Chouvalier Magidolce sur le terrain, mais ne vous en accommodez pas, il va disparaître avec mon Messaglace ! »
En effet, ses deux monstres quittent brusquement le terrain pour accueillir une nouvelle Reine Tiaramisu [2700|2600] … en mode attaque ?
- « Je crois que Pegasus a oublié de mettre son monstre en mode défense. » Remarque Sérénity.
Le principal intéressé esquisse un rictus, fier de son petit effet.
- « Doucement les enfants, je ne vous ai pas encore expliqué la capacité spéciale de la Reine Tiaramisu. Grâce à elle, je peux prendre une carte de mon cimetière et la mélanger dans mon deck.
- Et alors ?
- Et alors elle m’octroie ensuite la possibilité de cibler un monstre de mon adversaire qui devra retourner directement dans son deck ! Tu peux dire au revoir à ton Gaiapelio. »
Les yeux fermés, je n’assiste pas à la destruction douloureuse de mon seul monstre capable de me protéger face à sa reine. Contrairement aux autres monstres fusions de ce deck, Gaiapelio ne peut pas être défragmenté pour ramener ses composants sur le terrain. Il ne me reste qu’un rempart en mode défense. J’espère que cela suffira.
- « Ouhouteau, attaque son monstre face caché ! »
Mon monstre part rejoindre le cimetière à son tour. Cependant, les hologrammes de Monsieur Pegasus reculent d’un pas à la disparition de ma carte.
- « Tu viens de détruire ma Petite Fille Malheureuse [100|000], ce qui signifie que ton tour est obligatoirement terminé.
- Mais je n’ai jamais ajouté cette carte à ce deck !
J’approuve ses dires d’un mouvement de tête.
- Effectivement, mais moi je l’ai ajoutée. Kaiba et vous avez décidé de jouer avec vos propres règles, alors n’y a aucun mal à ce que je fasse de même. »
Cette carte composait mon dernier deck, face aux frères Paradoxe. Cependant, je ne l’ai pas piochée au cours du duel et ne l’ai découverte que quelques minutes avant d’affronter Pegasus.
- « C’est la carte qui était dans ton Sarcophage Doré, n’est-ce pas ? »
Nul besoin de révéler tous mes tours de passe-passe. Peut-être qu’Eléonore considère que mon niveau est déplorable, mais c’est elle qui a placé cette carte dans mon deck. Sans la Petite Fille Malheureuse, j’aurai perdu près de 2000 points de vie.
- « A moi ! »
Toutes mes barrières de protection ont été supprimées par le milliardaire. Il me faut absolument une échappatoire. Mes points de vie ne tiendront pas un tour de plus. Le stress m’empêche de me concentrer sur le texte des cartes dans ma main. Les mots se brouillent quand j’essaie de les lire tout bas. Le vent qui me fouette le visage n’aide en rien, je frissonne de toute part. Je puise dans mes poumons une profonde inspiration. Ma tête va finir par exploser.
- « Allez, Lore-chan ! »
« Lore-chan » ? A ma gauche, je croise le visage illuminé de la benjamine des Wheeler. Ses mains en étau autour de sa bouche pour donner plus d’impact à ses encouragements. Mes joues s’empourprent sous l’embarra. De tous les duels que j’ai menés jusqu’ici, c’est le seul durant lequel je me sens poussée par force extérieure. Est-ce donc cela que Téa appelle « le pouvoir de l’amitié » ? Je toussote dans ma main, gênée par ma propre pensée.
- « Très bien. » Je reprends en insérant une carte dans ma zone magie. « Tout d’abord, j’invoque Winda, Dompteur Bête Spirituelle [1600|1800] en mode attaque. Ensuite, j’active la Renaissance du Monstre pour rappeler Apelio, Avatar Bête Spirituelle [100|2000]. »
Monsieur Pegasus dodeline de la tête, quelque peu déçu de ce début de tour.
- « Aucune de tes fusions parviendra à bout de ma Reine Tiaramisu. »
Certes, même si je rappelle la fusion à 2800 points de défense, l’effet de sa Reine va le renvoyer dans l’extra deck dès le prochain tour. En soi, je risque de perdre au prochain tour si je ne détruis pas ses cartes magies Magidolce.
- « J’active ensuite la carte magie Lien Bête Spirituelle ! Grâce à cette carte, je peux bannis deux monstres Bêtes Spirituelles de mon terrain pour invoquer spécialement un monstre Bête Spirituelle depuis mon Extra Deck. »
C’est ainsi que réapparait Gaiapelio et ses 3200 points d’attaque, suffisant pour venir à bout de sa Reine. Cependant, le regard hautain et assuré que m’adresse mon adversaire de renom me plonge dans le doute. Il n’est nullement impressionné par ce petit tour de passe-passe. Mais bien sûr ! Si sa Reine Tiaramisu est envoyée au cimetière, elle rejoindra directement sa main de grâce son Ticket Magidolce ! Dès son prochain tour, il pourra l’invoquer de nouveau sur le terrain en sacrifiant deux monstres puis utilisera son effet pour renvoyer mon Gaiapelio une nouvelle fois.
- « Bon sang, je suis un génie. » Je siffle devant tant de réflexions.
- « Les gars, je crois qu’elle a de nouveau pété un plomb. Vu sa tête, l’autre esprit est revenu. »
Quoi ? Je me dépêche aussi vite de dissiper le doute.
- « N-Non, non Tristan. C’est bien moi. » Je bafouille en secouant les mains à son attention.
Maintenant que j’ai deviné la stratégie du milliardaire, encore faut-il la déjouer. Mon regard s’attarde sur le terrain. Il ne possède aucune carte piège capable de contrer mon attaque. Par contre, sa main me semble bien fournie. Aux tours précédents, il a récupéré beaucoup de cartes monstres Magidolce. Tout porte à croire que son deck se base essentiellement sur la récupération et la prolifération de monstres. De mon côté, je ne parviendrai pas à récupérer suffisamment de cartes pour protéger éternellement mes points de vie.
- « Je décide d’activer ma carte piège : Destriers Bête Spirituelle !
Pegasus hausse les épaules.
- Cette carte te permet de détruire un nombre de monstres sur mon terrain inférieur ou égal au nombre de bêtes spirituelles que tu contrôles. Et alors ? Tu aurais dû l’activer quand tu possédais encore deux monstres !
Sa remarque attire les plaintes du groupe de Yugi.
- Alors elle a mal joué ? » Demande Téa, circonspecte.
- « Je ne pense pas, au contraire. »
La voix du pharaon me ferait presque sursauter. Lui qui n’avait décroché aucun mot depuis l’apparition d’Eléonore, il semble soudainement avoir repris du poil de la bête.
« J’imagine que tu vas envoyer ma Reine Tiaramisu au cimetière ? »
La main droite tendue vers lui, j’incline mon index de gauche à droite.
- « Faux, je cible non seulement votre Reine Tiaramisu mais également votre Ouhouteau Magidolce ! »
Les esprits de toutes les bêtes spirituelles jaillissent de la carte et assaillent les monstres cotonneux du terrain adverse. Poussant un cri de surprise étrangement aigu et féminin, Pegasus entoure sa tête de ses mains et me foudroie du regard.
- « Comment ?!
- En effet, vous ne voyez techniquement qu’un monstre sur mon terrain, Monsieur Pegasus, sauf que mon monstre bien qu’invoqué spécialement, est la fusion de trois monstres bêtes spirituelles ! »
Fière de moi, je n’oublie pas pour autant que si je m’en sors, c’est uniquement grâce aux règles bancales de ce jeu.
- « Gaiapelio, annihile-moi ses derniers points de vie ! » Je déclare à l’attention de la tête de lion.
L’ultime assaut est lancé. Un tourbillon de flamme jaillit de sa gueule et réduit les points de vie de Pegasus en cendres. J-J’ai gagné !
- « Non, ça ne peut pas être possible… »
Genoux à terre, Pegasus gémit à voix haute. Sa main gauche plaquée contre la partie cachée de son visage, son corps semble tressaillir sous une vive émotion.
- « Il faut que je continue ce tournoi ! Il me faut les Dieux égyptiens ! » Hurle-t-il en éloignant sa main.
Un trou. Son œil gauche. Il n’y a plus rien, juste un trou noir. Surprise, je recule contre la barrière, incapable de décrocher mon regard de ce visage mutilé. Qu’a-t-il bien pu lui arriver pour perdre un œil ? Mes entrailles se contractent, je plaque une main contre ma bouche au goût horrible de suc gastrique au fond de ma gorge.
- « Le duel est terminé. Veuillez descendre de la plateforme de duel et rejoindre vos chambres ! »
Roland s’est exprimé sous les ordres de Kaiba, peu impressionné par ce spectacle d’horreurs.
- « Viens. »
Une force empoigne mon bras et me tire vers l’escalier pour rejoindre l’intérieur du dirigeable. Sur le coup, je suis tellement choquée que je ne m’aperçois qu’une fois dans l’ascenseur qu’il s’agit de Yugi. Les autres ne tarderont sûrement pas à nous retrouver. La cabine est excessivement grande pour deux personnes. Callée contre un mur, je veille à ne pas croiser le regard de jeune garçon, me questionnant sur la raison qui l’a poussée à m’emmener seule.
- « Lorène. »
Je tressaille. Yugi s’est effacé au profit du pharaon. Sans même le regarder, je peux sentir l’insistance avec laquelle il me toise. Le duel s’est avéré compliqué pour nous deux. Pourtant, un moment de répit n’aurait pas été de trop avant d’affronter une conversation avec ce garçon.
- « Cet esprit, il est…
- Dangereux ? J’ai cru comprendre. »
Les yeux toujours fixés sur la vitre de l’extérieur, je dénoue le bandage de mon bras et découvre la plaie rouge tranchant ma chair.
- « Je ne comprends pas. Pourquoi avoir accepté ce duel dans ce cas ? »
Le pharaon s’avance d’un pas. Je tente de reculer et me heurte au mur. Mes explications ne le persuaderont pas de me laisser tranquille, il en va de soi.
- « Je refuse… Je refuse que vous tous continuiez à décider à ma place. »
L’intensité de ses yeux améthyste me trouble. On peut y lire un mélange de doute, de peur et d’incompréhension. Mes ongles s’enfoncent dans la paume de mes mains, je profite d’une nouvelle poussée d’adrénaline pour lui tenir tête.
- « Qu’y a-t-il de mal à s’opposer à tout ça ? D’abord Kaiba, ensuite Ishizu, Eléonore et maintenant toi, Yugi ! Dès lors que je refuse de me plier à vos stupides règles, j’ai le droit de crever, c’est ça ?! »
Ma voix éclate dans la cabine, je m’époumone sans pouvoir m’arrêter. Un cri de surprise fuse de ma gorge quand Yugi m’attrape fermement les poignets.
- « C’est faux. Tout ce que je veux comprendre, c’est qui est cette présence qui semble me connaître moi et mon passé. »
Sa poigne, elle est moins forte qu’au moment où il m’a bloquée sur ce matelas. Il s’en aperçoit également car ses doigts caressent doucement ma peau à l’endroit où il l’avait meurtrie.
- « Aide-moi, s’il te plait, Lorène. »
Ma colère se dissipe peu à peu devant son air suppliant. L’ascenseur se stabilise et ouvre ses portes, mais aucun d’entre nous ne se décide à briser le contact visuel. Comment réagirai-je si j’étais un esprit venu d’outre-tombe pour retrouver ma mémoire et qu’un obstacle me barrerait ainsi la route ? J’en ai foutrement aucune idée. Maintenant que ses mains effleurent mes poignets plutôt que de les retenir, je dégage mes bras du mur et les glisse autour des épaules du pharaon. Je me penche en avant pour placer mes lèvres au niveau de son oreille.
- « D’accord. Je t’aiderai de mon possible pharaon. Mais s’il te plait, aide-moi aussi. »
La force avec laquelle il me presse contre lui provoque en moi une vive émotion. Cependant, celle-ci ne provient pas seulement de moi. Non, quelqu’un d’autre que moi pleure en cet instant dans mon corps.
Bordel, qui es-tu Eléonore ?