Âme de Pureté

Chapitre 78 : L'Eveil | Chapitre 78

3937 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 18/03/2020 20:31

La ville est bien plus dense que dans mes souvenirs. Qu'il s'agisse de Domino City ou de Flem, les rues se rallongent, les places s'élargissent et ma vision s'assombrit. Je me demande un instant si l'éclairage du faux Tam-Tam ne m'a pas grillé la rétine. A vue de nez, mon objectif n'est plus très loin. Le musée des gardiens Ishtar se cache là, quelque part. En dépit de la température manquante, je me sens en proie à des frissons.

— J'ai un mauvais pressentiment...

Tout ne tourne pas rond là-haut. Moi qui nourrissais l'espoir qu'Eléonore se tienne tranquille en mon absence, je crains désormais qu'elle ne détruise tout ce que j'ai réussi à construire jusqu'ici.

Soudain mes réflexions s'interrompent.

— Bingo !

Au bout d'une place surplombée par ce qui ressemble de près ou de loin à une fontaine figée dans le temps, une immense bâtisse s'érige au sommet d'un poignée de marches. Mon pas lent s'accélère, je me précipite à l'entrée sans savoir si je vais trouver le moindre indice dans ce musée. L'intérieur est égal à tout ce que j'ai croisé ces dernières heures : sombre, vide et dépourvu de toute chaleur.

— Au moins, la visite est gratuite, je souffle en me baladant dans le salon d'exposition.

L'obscurité voile la majeure partie des stèles et autres cailloux. Je termine mon état des lieux avant de me planter au guichet.

Et maintenant quoi ?

Rien dans ce musée ne déroge à ce que j'ai remarqué précédemment. Je m'attendais à découvrir un indice, un détail, qu'une autre de mes cartes de duel réagisse à cet environnement.

Me serais-je trompée ?

— Je devrais déjà être chez Pegasus à l'heure qu'il est.

Une main plaquée contre mon front, je déplace un amas de mèches collées par la sueur. Mon visage est brûlant, à moins que ce ne soit la faute de mes mains gelées. Depuis combien de temps j'erre dans ce monde ? La fatigue m'envahit, je donnerai tout ce qu'il me reste pour un bon sommeil.

— Il n'y a rien ici, je déclare en étirant mes bras le long de mon corps.

Cependant, lorsque je m'avance au sommet des marches de la place, le doute revient brusquement. Ishizu... Ce nom me vrille les neurones. Pourquoi son âme résonnerait-elle avec la mienne ? J'ai du mal à croire que nous soyons unies par le moindre lien. Les poings serrés, je pivote à cent-quatre-vingts degrés et balaie l'extérieur des yeux.

— Eléonore...

A ce moment, j'essaie de m'imaginer à la place de mon vis-à-vis. Si j'avais la possibilité de prendre l'entière possession d'un corps après avoir été muselée pendant des siècles, que ferais-je ?

— Je me vengerai, je conclus avant de repartir de plus belle à l'intérieur du bâtiment.

Les mains tâtonnant les murs, je longe les parois à la recherche d'un autre passage. La noirceur de la pièce m'empêche de déceler d'autres pièces. Néanmoins, après de longues minutes de recherche, je me heurte à une poignée de porte. Un froid indescriptible traverse mes veines.

Le sentiment d'appréhension ressenti plus tôt s'accentue. Je saisis enfin la raison pour laquelle mon âme m'a guidée dans ces lieux. Les poumons remplis d'air, je tourne la poignée et m'aventure dans cette deuxième partie du musée. Malheureusement, la salle est entièrement plongée dans le noir malgré l'interstice entre l'exposition et l'aile est. Mon cœur bat la chamade. Je redoute l'irruption d'une énième hallucination. Je n'ai plus envie de voir quelqu'un que j'aime souffrir. Plus jamais.

Vidant mon esprit de toute crainte, je pose un pied après l'autre dans les ombres. La réponse que je cherchais est ici, je le sens. Je hoquette quand mes orteils buttent contre un objet lourd. Prise de court, je recule et reprends ma respiration.

— Calme-toi, Lorène, tout va bien se passer.

Moi-même, je ne crois pas un mot de ce que je raconte, mais parler à haute-voix m'insuffle un minimum de courage. Suffisamment pour esquisser un pas en avant et lever les mains vers la forme devant moi. De la pierre ? A première vue, cela ressemble à du rocher taillé. Mes doigts décrivent chaque parcelle touchée, on dirait que cette chose fait ma taille, voire qu'elle est un peu plus grande. Puis rapidement, je remarque que cette sculpture est liée à une autre, encore plus grande, qui me mène à une troisième, si immense que ma main ne parvient pas à trouver le sommet.

— Une sculpture en trois formes ?

L'appréhension a laissé place à de la curiosité. Je caresse la pierre, la presse, essaie d'en déceler les bords. J'en viens facilement à la conclusion que cela ressemble à trois silhouettes en pierre.

— Trois...

Il n'existe pas énormément de groupe qui agissent par trois : Les Totally Spies, la Team Rocket... ou encore Odion, Marik et Ishizu, les protecteurs du tombeau du pharaon Atem. Un soupir désabusé perce mes lèvres.

— C'est un cauchemar.

Eléonore, ne me dis pas que tu as envoyé trois personnes au Royaume des Ombres après ton jeu macabre ? J'aurais espéré que cela te serve de leçon.

— Elle joue avec mon corps comme cela lui arrange !

Très bien, si tel est son souhait, alors j'aimerais exprimer quelques réclamations. Cette fois-ci, c'est à moi de désigner qui a le droit de rester ou non dans le monde réel. En colère contre Eléonore et contre moi-même, je saisis mon paquet de cartes. A peine les ai-je attrapées entre mes mains que l'une d'entre elles se met à briller.

— Exactement ce qu'il me fallait.

Trois silhouettes, donc trois sauveurs. La carte pincée entre l'index et le majeur, je la brandis au-dessus de ma tête.

— Je vous invoque : les Fées Dansantes !

 Un trio de sœurs elfes aux ailes d'anges s'échappent de mon bout de carton. La lumière provoquée par l'invocation confirme mes craintes : les statues de pierre représentent bien Odion, Ishizu et Marik.

— Libérez-les. Ils ont besoin de vous.

Les petites me fixent, toutes souriantes, puis acquiescent. Sans un mot, elles encerclent les sculptures, les recouvrant de leurs halos éclatants. Tout à coup, la roche émet de légères vibrations. Des fissures se forment à même la pierre, causant un éclair éblouissant. Si je retourne chez moi avec mes deux yeux intacts, je m'estimerai heureuse.

— Grande sœur !

Ce cri m'arrache un hoquet. Le simple fait d'entendre une autre voix que la mienne suffit à me désarçonner. Même si la lumière s'évanouit, le halo du trio d'anges persiste dans la salle. Marik enlace sa sœur sous le regard perdu d'Odion, le gardien géant.

— Nous sommes... !

— Au Royaume des Ombres, enchaine-t-elle avant d'observer ses mains. Mais je sens que nous n'allons pas y rester longtemps.

Son regard se relève vers moi, suivi de ceux de ses deux compères. Pour peu, je sauterais dans leurs bras pour retrouver cette chaleur humaine qui commence sérieusement à me manquer.

— Lorène, c'est bien toi ? M’interroge le benjamin de la famille.

Perdue, je me contente de hocher la tête, ce qui semble le ravir.

— Génial, il faut que tu rentres, Eléonore est sur le point de s'emparer des objets du Millénium !

Les objets du Millénium ? Je croise les bras et enserre mon menton de mes doigts. Pourquoi diable aurait-elle besoin des objets du Millénium ?

— Elle désire s'emparer de l'œil du Millénium pour te délivrer du Royaume des Ombres. Le pharaon et ses amis courent un grave danger.

Le discours d'Ishizu n'a pas changé d'un poil, toujours aussi accusation. Néanmoins, je dois avouer que les actes d'Eléonore me déplaisent au plus haut point.

— Sais-tu comment sortir d’ici ? ajoute-t-elle face à mon silence.

Les Fées Dansantes me fixent intensément. Oui, je le sais pertinemment. Durant tout ce temps, la solution était sous mes yeux.

— Mes monstres peuvent vous ramener au monde réel.

Ceux-ci approuvent joyeusement, leurs ailes s'agitent follement dans les airs tandis qu'elles encerclent à nouveau le groupe. Toutefois, Ishizu se détache des autres et tend la main vers moi.

— Que fais-tu ? On a besoin de toi !

Partir, maintenant ?

Oui, partir signifierait mettre un terme aux agissements maléfiques d'Eléonore. Si elle souhaite réellement me ramener dans notre monde, alors j'accèderai à sa demande en prenant la main d'Ishizu.

Mais...

— Ma mission dans ce monde n'est pas terminée. Il y a quelqu'un qui m'attend, quelque part.

Son visage se décompose. Pour peu, elle me supplierait de la suivre, ce qui ne ressemble pas du tout à son attitude envers ma personne.

— Yugi a besoin de toi.

— Et il peut compter sur moi, je réponds d'un léger sourire en coin. Mais je ne peux pas abandonner le but que je me suis donnée en venant dans cet enfer. Pas après tout ce que j'ai fait.

Ma phrase se perd dans les limbes, mais Ishizu ne rétorque rien. Les Fées Dansantes poussent de petits cris et agitent de nouveau leurs ailes. Il est temps pour eux de retrouver leur monde.

— Promets-moi de rentrer.

Sa brusque demande me coupe le souffle. Ses yeux azurs sont ancrés dans les miens. Je sens qu'elle ne partira pas tant que je ne lui aurais pas fourni une réponse adéquate.

— J-Je...

- Je peux le sentir, ils t'attendent tous là-bas. Tu es la seule parmi nous tous à pouvoir contenir la colère d'Eléonore."

La colère... d’Eléonore ? Par réflexes, je pouffe du nez. Je suis incapable de contenir mes propres ressentiments, alors comment pourrais-je retenir ceux d'un esprit vengeur vieux de cinq mille ans ? Cela me parait improbable. La lumière s’intensifie au fil des secondes.

— Lorène !

Je me cambre et croise les pupilles effarées d’Ishizu.

— Oui, je rentrerai dès que j’en aurais fini ! 

Dans l’instant qui suit, les Fées Dansantes enveloppent le trio d’une voile éblouissant. Mes jambes chancellent, je me détourne de la source pour ne pas défaillir. J’espère seulement avoir fait le bon choix en refusant de les accompagner. La carte translucide au creux de ma main recouvre son apparence originelle. Je la lèvre à hauteur des yeux pour l’admirer.

— Bon boulot, les filles.

Ensuite, je la range dans ma poche et quitte définitivement le musée. Cet interlude a eu pour effet d’accentuer mon état de fatigue. Mon crâne me fait horriblement souffrir et mes membres ne supporteront pas ces interminables trajets très longtemps. Exténuée, je m’appuie contre un pan de mur et me laisse glisser jusqu’au sol. Le visage orienté ers le ciel, j’examine distraitement l’épaisse couche grisâtre me privant de soleil.

— Dès que je sors de cet enfer, je jure de ne plus m’enfermer dans ma chambre pour quand il fait bon à l’extérieur.

En voilà un discours qui va ravir Zoé. Bon nombre de fois, j’ai rechigné à l’accompagner dans des festivals pour me tapir dans mon antre.

Zoé…

Ses piques me manquent. J’aimerais tant entendre sa voix me grogne que je ne fais que des conneries

— Puis elle ajouterait « Qu’est-ce que tu ferais si je n’étais pas là ? » avec un clin d’œil réconfortant.

Son doux visage surgit dans mon esprit. Ma gorge se comprime sous l’arrivée d’une vive émotion.

Non.

Il faut que je chasse ces pensées de ma tête et que je me concentre sur mon objectif principal : libérer Maximilien Pegasus d’ici et réparer ce qui peut encore l’être. En fin de compte, le sommeil aura raison de ma détermination.

Joey, Yugi, Zoé, je compte sur vous pour empêcher Eléonore de nuire.


La demeure secondaire de la famille Pegasus se situe en dehors de la ville. Il serait fâcheux que l’air citadin pollue l’atmosphère féérique du riche créateur du Duel de Monstres. Curieusement, le portail en métal limitant l’accès à l’allée de jardin est fermé à clé. Mes coups d’épaules n’y changeront pas grand-chose. C’est à peine si la structure oscille d’un iota lorsque je la percute.

— Ma maison était ouverte, mon lycée était ouvert, le musée était ouvert. Mais le seul endroit où je dois impérativement entrer est fermé et impossible à défoncer ?! C’est quoi cette barraque de merde ?

La douleur causée par un énième coup dans le portail me convainc que la solution se situe autre part.

Un petit tour du propriétaire m'insuffle l'idée d'enjamber le portail, impossible de m'immiscer à l'intérieur de la propriété à cause de l'épaisse verdure couplée aux gigantesques clôtures de l'enceinte. L'escalade n'a jamais été mon fort, cela se confirme lorsque je tente de me hisser sur la base d'un muret de briques rouges. Je peine à tracter mon propre poids. Etrange au vu de mes récents exploits au corps à corps.

« Tu te pensais au-dessus de tout ? »

D'où provenait cette illusion ? Je frotte mes mains contre la jupe plissée avant d'enserrer les barreaux. Le souffle court, je m'octroie une petite pause et lorgne le paysage et ses cinquante nuances de gris.

« Sans Eléonore, voilà ce que tu es : une petite chose fragile. »

Le Royaume des Ombres est un endroit morbide où les âmes subissent leurs pires cauchemars. Si j'en crois cette définition, le mien s'avère de me retrouver dans un monde où plus personne n'existe, sauf moi.

— Et on viendra dire que je suis égocentrique, je soupire, dos contre l'obstacle.

Néanmoins...

« Explique-moi la différence entre son père et toi ?

De tous ses reproches, c'est celui-ci qui se bloque dans ma gorge.

— Joey...

Ma voix se perd dans les limbes. Il y a quelques jours, j'étais à deux doigts d'envoyer son père pourrir dans ce bordel. Et comble de tout, je n'ai même pas osé en parler à propre copain.

« J'aimerais que ça s'arrête, mais tu n'as pas à t'en faire pour moi, d'accord ? »

Avec ses airs vantards et ses blagues à longueur de journée, j'en oublierais presque que le ciel n'est pas toujours rose de son côté. Une partie de moi regrette amèrement de ne pas être allée jusqu'au bout pour le sauver de ce pauvre type.

« Si tu voulais le sauver de son père, n'était-ce donc pas pour le briser de tes propres mains ? »

Non, j'ai fait ça pour son propre bien. Les souvenirs trottent dans ma tête, mais le temps presse, je dois reprendre mon ascension.

— Puis si je continue à avoir des flash-backs, on y sera encore d'ici dix épisodes !

Face aux barreaux, j'inspire profondément et m'accroupis légèrement avant de bondir de et de me plaquer contre le métal. Mes muscles se contractent. La facilité avec laquelle je me mouvais ces derniers mois semble perdue à jamais. Pourtant, je m'accroche et, non sans peine, tire de toutes mes forces pour basculer de l'autre côté. A bout d'énergie, je lâche précipitamment la barrière et tombe comme une pierre. Mon cul heurte le sol, je grogne de douleur mais constate avec joie que je suis enfin parvenue à pénétrer dans la demeure secondaire de Maximilien Pegasus.

Le dos en compote, je me relève tant bien que mal et clopine jusqu'à l'allée principale. La porte d'entrée est entrouverte. Sans hésitation, je me faufile à l'intérieur du hall. Ce serait bête de reculer après tous mes efforts.

— Il y a quelqu'un ?

J'ai beau appeler le majordome et le propriétaire, aucun d'entre eux ne me répond. Le manoir est immense, il va me falloir des heures pour tout inspecter. Curieusement, aucun souvenir de ma vie dans cette demeure n’a resurgi depuis mon premier contact avec Eléonore. Autant la mort de mes parents biologiques m’apparait claire comme de l’eau de roche, autant tout ce qui a précédé cet événement a entièrement été effacé de ma mémoire.

— Maximilien Pegasus ? J’appelle, les mains en étau autour de ma bouche.

Le silence. Il me fout la chair de poule. Les couloirs s’allongent sur des kilomètres, je gambade aléatoirement entre les pièces de vie et les cagibis probablement réservés au personnel. Et dire que j’aurais pu posséder une partie de ce patrimoine si la vie avait été plus simple. Quoique, il est peut-être toujours possible que Maximilien Pegasus me couche sur son testament. Surtout si je le sors de cet endroit. Mes recherches au rez-de-chaussée s’avèrent vaines, pas la moindre trace du milliardaire. Mes pas me dirigent donc naturellement vers le premier étage.

— Mh ? 

Au sommet des marches, mon attention est retenue par deux loupiottes virevoltant près des fenêtres donnant sur le jardin arrière. Elles me remarquent dès mon arrivée. Instinctivement, je récupère mon deck dans ma poche et dégotte la seule carte translucide.

— Alors c’est ici que vous vous cachiez ? 

Le Duo Gellen m’observe longuement. N’ayant pas envie de les faire fuir à nouveau, je conserve une distance suffisante entre nous et me plante au beau milieu du couloir. S’ils m’attendent ici depuis notre départ de la boutique de Salomon Muto, ça doit faire des heures qu’ils explorent cette maison.

— Avez-vous vu quelqu’un d’autre dans les parages ? 

Bien sûr, ils ne me répondront pas par de simples mots. Je pousse un soupir de soulagement lorsque le compagnon vert s’avance dans ma direction tandis que son partenaire rose patiente à la fenêtre.

— Je suis à la recherche d’un homme aux cheveux longs et gris. Il porte un costume rouge plutôt voyant, vous l’avez vu ? 

J’ai l’impression de parler dans le vide. La boule verte se contente d’osciller entre la rose et moi, puis recule de quelques mètres. Un poil vexée par leur manque de coopération, je décide de réduire la distance qui nous sépare.

Cependant, ils ne semblent plus aussi craintifs que l'autre fois. Je peux aisément m'approcher d'eux sans leur provoquer le moindre cri ou mouvement de recul. Ils patientent à la fenêtre, dont le paysage gris et monotone ne jure pas avec le reste du monde. Au contraire, je m'interroge sur la raison pour laquelle le duo s'éternise ici.

— Ce n'est pas très joli, je commente dans l'idée de nouer un lien avec eux.

Ce couloir m'est étrangement familier. Lors de mes deux précédentes visites, je ne me suis pas particulièrement attardée sur les nombreuses pièces du manoir. Loin de là, je m'étais aventurée dans ce lieu dans le but d'en savoir plus sur mon rapport avec cette famille. Désormais piégée dans cette copie conforme à la véritable demeure secondaire de Pegasus, je m'attarde sur les décorations mornes et pâles, des tableaux, beaucoup trop sombres pour saisir les contours de la toile, et du triste tapis sous mes pieds.

— Bon, je ne sais pas vous, mais je n'ai pas envie de mourir ici.

Mes yeux croisent une porte, une sur les nombreuses autres de ce couloir. En revanche, les sillons creusés à même le chambranle me rappelle vaguement quelque chose.

« Monsieur Pegasus vous rejoindra plus tard. En attendant, il m'a demandé de vous emmener dans ce bureau. »

La silhouette de Chris apparait et s'efface aussitôt. J'ai déjà visité cette pièce, c'est dans le bureau de Maximilien Pegasus que j'ai redécouvert qui j'étais.

— Vous le saviez, pas vrai ? je lance aux boules colorées.

Celles-ci me fixent et paraissent surveiller mes faits et gestes. Instinctivement, je m'avance jusqu'à la pièce et pose ma main sur la poignée.

— En espérant ne pas tomber sur autre chose de glauque.

J'ai eu mon lot de surprises avec le Tam-Tam. La porte s'entrouvre devant moi. Le bureau est partiellement voilé d'ombres, mais rien d'étonnant, la faible lumière de l'extérieur révèle les bibliothèques, le bureau ainsi qu'un classeur trônant sur le coin de celui-ci.

Un faible sourire se dessine sur mes lèvres.  

— Vous ne m'aurez pas comme ça, je déclare en refermant la porte avant de pivoter vers le Duo Gellen. Allons-nous-en, il n'y a rien de bon dans cette pièce.

Peut-être que je viens de manquer l'occasion d'en découvrir plus sur mes origines, mais inutile de prendre plus de risques que je n'en prends déjà. Mes monstres de duel ne pourront pas me protéger contre tous les pièges du Royaume des Ombres. D'ailleurs, lorsque je me dirige vaguement vers les chambres du manoir, de petits bruits s'élèvent dans mon dos. On dirait que mes deux compagnons de jeu ont décidé de m'accompagner dans mon exploration.

— Promis, si on sort d'ici, je ne vous invoquerai plus uniquement dans le but de vous sacrifier.

Toutefois, elles rechignent à s'engager devant moi, comme si la peur les habitait. Bizarre, elles sont pourtant les premières à avoir foulé les lieux. Plus je marche, plus les toiles s'assombrissent. Bientôt, les tissus se recouvrent d'un noir si intense que j'aurais l'impression de pouvoir les traverser.

Et, quand je bifurque dans une autre aile du manoir, les cris dans mon dos s'amplifient. Interloquée, je m'arrête et me tourne vers les monstres.

— Vous avez senti quelque chose ?

Les deux boules tremblent et s'opposent totalement à l'idée d'aller plus loin. De mon côté, je ne ressens absolument rien de différent aux autres couloirs.

— Attendez-moi là.

Leur effroi est contagieux. Mon rythme cardiaque s'accélère quand j'affronte le chemin du regard. Soudain les cris se transforment en hurlements, me coupant dans mon élan. Les monstres se plaquent à mon cou et se dissimulent dans mes cheveux.

— Qu'est-ce qui ne va pas ?

Leurs petits corps gluants sont secoués de soubresauts. J'ai un peu de peine pour eux, on dirait qu'une présence invisible les effraies. Peut-être voient-ils des choses impossibles à déceler de mes yeux d'humain ? Afin de les réconforter avant de m'aventurer plus loin, je ramène mes cheveux à hauteur de ma poitrine pour leur offrir un abri de choix.

— Il ne va rien vous arriver.

Je n'en ai aucune idée, je ne sais même pas à quoi me préparer. Peu importe, j'esquisse un premier pas dans le couloir et repère l'entrebâillement d'une chambre. Plus je m'en approche, plus les tremblements s'accroissent. Au pied de la pièce, je prends de longues respirations puis m'éclaircit la voix.

— ... Il y a quelqu'un ?

Je me fige.


Cette demande ne provenait pas de moi.

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