Harry Potter et le Complot du Serpent

Chapitre 1 : La formation des Aurors

7986 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 18/07/2020 23:09

- Non, je ne retournerai pas à Poudlard l’année prochaine !

L’exclamation d’Harry fit sortir quelques gnomes de la pelouse du Terrier. Ils observaient de leurs grands yeux ronds les trois sorciers assis à la table du jardin.

- Pour la centième fois, Hermione, on n’a pas besoin de passer nos A.S.P.I.C ! dit Ron d’une voix plus conciliante. McGonagall nous en a dispensé, ça ne nous handicapera pas dans nos études.

- Ce n’est pas pour ça qu’il faut rester inculte ! s’indigna Hermione avec un regard noir à Harry. On a raté une année entière de cours, la plus importante qui plus est. Si vous voulez devenir Aurore, il faudra bien rattraper tous les cours, surtout en Défense contre les Forces du Mal.

- On a été servi, niveau défense contre les forces du mal, ironisa Ron.

Sa blague eut le mérite de couper court au débat. Il arracha même un sourire à ses deux amis. Mais Hermione retrouva vite sa mine renfrognée, sans pour autant insister. Visiblement déçus que le spectacle soit déjà terminé, les gnomes rentrèrent dans leur trou.

Le soleil tombait à l’horizon, déversant ses derniers rayons sur le Terrier. Ce crépuscule de début du mois de juillet baignait la maison des Weasley d’une somptueuse lueur dorée. Harry, Ron et Hermione sirotaient chacun une Bierraubeurre en contemplant silencieusement le paysage.

Rien ne laissait deviner qu’ils venaient de sauver le monde de la magie, et celui des moldus avec. Deux mois plus tôt, ils avaient défaits Voldemort et ses sbires dans une bataille meurtrière à Poudlard pour mettre fin à trois ans de troubles au ministère de la magie.

Les sorciers se réorganisaient progressivement, et la rentrée à Poudlard aurait bien lieu en septembre. De nombreux elfes de maison avaient été réquisitionnés pour remettre de l’ordre là où les plus puissants sorts de rangement s’étaient montrés inefficaces. Le château était déjà remis sur pied, au grand bonheur d'Hermione.

Elle insistait sur l’importance de finir sa scolarité avant de se lancer dans des études. Mais Harry et Ron se montraient beaucoup moins enthousiastes, pas mécontents d’être dispensés de remplir une septième et dernière année au collège de sorcellerie de Poudlard.

En effet, ils avaient décidé un an plus tôt de sacrifier cette année pour partir à la recherche des Horcruxes dont la destruction permettrait de défaire Voldemort. Et la nouvelle directrice de Poudlard, Minerva McGonagall, était venu les voir à ce sujet peu après la bataille de Poudlard. Elle leur avait alors conseillé de rattraper les cours perdus - ce qu’Hermione avait évidemment approuvé - mais qu’elle ne pouvait pas les forcer à le faire compte tenu de leur héroïsme. C’était une aubaine pour les deux garçons qui comptaient se lancer le plus rapidement possible dans une carrière d’Auror (des sorciers qui traquent les mages noirs pour le compte du Ministère de la Magie). Et malgré la désapprobation d’Hermione, ils n’en démordaient pas. Elle avait beau leur reprocher quotidiennement, ni l’un ni l’autre n’avait donné d’autre réponse qu’un non catégorique.

Les trois furent sortis de leur rêverie par une jeune femme rousse, qui les appelait depuis le perron du Terrier. C’était Ginny Weasley, la sœur de Ron, mais aussi la petite amie d’Harry. Les trois se levèrent péniblement des chaises de jardin dans lesquelles ils s‘étaient assoupis, et la rejoignirent à l’intérieur.

Ils se retrouvèrent alors dans la cuisine de la maison, en compagnie d’autres membres de la famille Weasley. Leur mère Molly faisait de grands mouvements de baguette pour éplucher des pommes de terre alors que son mari Arthur mettait la table avec un de leur fils, George.

Le frère jumeau de ce dernier, Fred, avait été tué lors de la bataille de Poudlard, laissant un grand vide dans la famille. Mais George continuait de parler de Fred en riant, affirmant que c’est ce que ce dernier aurait voulu. Leurs trois autres grands frères étaient tous absents, vacant à leurs occupations respectives. Charlie s’occupait de dragons en Roumanie, Bill s’était installé à Leicester avec sa femme Fleur Delacour, et Percy s’affairait à rétablir les institutions du ministère de la magie.

Les Weasley, Hermione et Harry s’attablèrent et commencèrent à manger. Harry prit quelques bouchées de gratin de pommes de terre, écoutant les différentes conversations sans y prendre part. Ron, Ginny et George débattaient de la meilleure équipe de Quidditch des dix dernières années. Hermione et les deux parents Weasley discutaient quant à eux de la pertinence des mesures prises par le Ministère depuis la fin de la guerre.

Harry ne put réprimer un sourire en constatant qu’ils semblaient tous heureux, oubliant les tracas des derniers mois. La mort de Fred avait été dure à supporter, évidemment, mais la bonne humeur de George à ce propos avait convaincu toute la famille de reprendre leur vie sans s’effondrer. Harry savait que le jumeau souffrait de ce décès plus que personne, mais comprenait aussi que George ne pouvait mieux y réagir.

- Harry, t’es d’accord, non ? s’exclama Ginny.

Comme plus tôt dans la soirée, elle venait de le ramener à la réalité, lui qui s’était perdu dans ses pensées. Face à la mine interloquée d'Harry, Ginny répéta son affirmation :

- Les Montrose Magpies sont de loin la meilleure équipe de la décennie, tu confirmes ?

Harry ouvrit la bouche mais ne savait pas quoi dire. S’il était un très bon joueur de quidditch, il avait rarement eu l’occasion de suivre le championnat professionnel anglais. Ron le sauva finalement en reprenant le débat de plus belle.

- Pffff, n’importe quoi. Les Canons de Chudley sont largement au-dessus !

Cette équipe, par contre, Harry la connaissait. C’était celle que supportait Ron depuis son enfance, comme le témoignaient les posters animés de sa chambre ou le livre qu’il avait un jour offert à Harry.

- Je ne veux pas te vexer, Ron, mais Chudley n’est plus l’équipe qu’elle était, renchérit George. Il y a quatre ans qu’ils n’ont pas fait une bonne saison.

Ron s’offusqua mais ne trouvait pas vraiment de quoi réfuter l’affirmation de son frère. Bien content d’avoir pu éviter de dévoiler son manque de culture sur le quidditch, Harry se fit tout de même la réflexion qu’il devrait se pencher un peu plus sur les résultats sportifs désormais. Il n’aurait plus jamais à se couper du monde des sorciers toutes les vacances d’été, en retournant chez les Dursley. Leurs chemins s’étaient définitivement séparés lorsque qu’il les avaient quittés l’année précédente pour partir à la chasse aux Horcruxes. Il était maintenant un sorcier, rien d’autre qu’un sorcier. Sa seule famille était les Weasley et elle valait beaucoup mieux que celle de sa tante Pétunia. Avec eux, il aurait tout le loisir de vérifier si les Canons de Chudley étaient toujours aussi mauvais la saison prochaine.


Dès le lendemain, Harry eut l’occasion d’en apprendre un peu plus sur la ligue britannique de quidditch. Alors qu’il déjeunait, Ron le bombardait de noms d’équipes et du classement actuel de chacune.

- Les Falmouth Falcons sont seconds, c’est vraiment une surprise ! Personne ne les attendait aussi haut. Mais les Holyhead Harpies restent intouchables en tête, grâce à leur attrapeur Matthew Fieldcorp !

Il ne s'interrompit que pour se resservir du bacon, avant de repartir de plus belle. Alors qu’il détaillait le classement des buteurs, Hermione saisit l’exemplaire de la Gazette du Sorcier qu’un hibou noir venait de lancer par la fenêtre. Le monologue de Ron ne l’intéressait pas, au contraire d'Harry qui écoutait attentivement en tâchant d’en retenir le maximum.

- Un peu de calme ! grogna Hermione à Ron, sans quitter le journal des yeux. Je n’arrive même pas à me concentrer pour lire, alors imagine ceux qui dorment en haut.

Harry leva les yeux vers le plafond. Hermione n’avait pas tord. Le soleil se levait à peine et mis à part eux trois, tout le monde dormait. Emporté dans ses explications, Ron n’avait pas remarqué que sa voix portait vers les étages. Il faisait mieux d’écouter le conseil d’Hermione s’il ne voulait pas voir sa mère débarquer dans un tonnerre de jurons. Molly pouvait être particulièrement sévère avec ses fils, et être réveillée trop tôt était une bonne excuse pour crier.

Si Harry et Ron étaient réveillés de bonne heure, c’est qu’ils avaient un rendez-vous. Une semaine auparavant, ils avaient reçu un courrier fixant la date de leur entrevue au Bureau d’Admission à la Formation d’Auror (B.A.F.A).

Ils comptaient tous les deux se lancer dans une carrière d’Auror, ce qui nécessitait trois ans de préparation intensive préalable. Ces études étaient réputées pour leur difficulté, et les candidats étaient triés sur le volet. Pour intégrer la formation, il fallait obtenir au moins cinq A.S.P.I.C avec la mention « Effort exceptionnel », dans les matières de Potions, Sortilèges, Métamorphoes, Histoire de la Magie et Défense contre les Forces du Mal. Sauf que l’examen des A.S.P.I.C avait lieu en septième année du collège de sorcellerie, celle que Ron et Harry avaient manquée.

La directrice Mme McGonagall leur avait cependant assuré que tout était réglé, et qu’ils pourraient tout de même accéder à la formation qu’ils souhaitaient. Harry s’était alors demandé comment il pourrait déposer une candidature sans le moindre A.S.P.I.C, et il comptait bien le découvrir lors de cette séance au Bureau d’Admission à la Formation d’Auror.

Il attendait donc impatiemment ce jour depuis qu’il avait reçu la convocation. Il obtiendrait la réponse à toutes les questions auxquelles Mme McGonagall n’avait pas répondu. Harry avait beau lui faire confiance, il se demandait par quel miracle elle pouvait les dispenser d’examens. Il espérait qu’elle ne se soit pas trompée, et que tout était bien en ordre comme elle l’avait assuré.

Harry jeta un œil à l’horloge dans le salon pour vérifier qu’ils n’étaient pas en retard. Elle ne lui fut pas d’une grande aide. Les nombreuses aiguilles représentaient chacune un des membres de la famille Weasley. Quant au cadran, il n’était pas entouré de traditionnels chiffres mais d’inscriptions, comme « A la maison », « Au travail » ou « En déplacement ». A cette heure matinale, toutes les aiguilles étaient pointées sur « A la maison ».

Harry demanda donc l’heure à Hermione.

- Six heures trente-sept, lui répondit-elle machinalement, avant de replonger dans sa lecture. Ne te stresse pas, Harry, on a largement le temps.

Hermione, elle, n’aspirait pas à devenir Auror, mais les accompagnait tout de même à leur rendez-vous. « Par simple curiosité », s’était-elle justifiée, en ajoutant qu’elle y retournerait peut-être l’année prochaine, après sa dernière année de cours.

George, quant à lui, avait deux ans de plus qu’eux et travaillait depuis déjà deux ans dans une boutique de Farces et Attrapes. Il la tenait avec son frère avant le décès de ce dernier, mais ne voulait pas pour autant arrêter leur commerce après ce drame. Harry savait que George espérait voir Ron le rejoindre. Il ne s’était jamais séparé de son jumeau et gérer son magasin tout seul ne semblait pas l’enchanter.

Au contraire, Ginny avait un an de moins qu’Harry et sortait donc de sa sixième année à Poudlard. Elle accompagnerait Hermione lors de sa rentrée en septième année.

Après un moment, Ron signala que l’heure était venue de partir. Il était aussi pressé qu’Harry et trépignait d’impatience. Il se leva et alla chercher un pot en terre qu’il ramena sur la table. Il plongea sa main dans le récipient pour en ressortir une poignée de poudre verte. Il entra dans la cheminée, lâcha la poudre, puis clama distinctement :

- Allée des métiers !

De grandes flammes vertes l’enveloppèrent, et lorsqu’elles se dissipèrent, il avait disparu. Il avait utilisé de la poudre de cheminette pour atterrir directement dans une autre cheminée, situé sur l’allée des métiers.

Hermione posa son journal et l’imita. Elle disparut à son tour, laissant Harry seul dans la salle à manger.

Harry remplit sa main droite de poudre de cheminette et s’introduit dans l’âtre de la cheminée. Il n’avait pas eu que des expériences réussies avec ce moyen de transport, auquel il privilégiait le balai. Mais la distance était trop grande pour y aller en volant. Quant au transplanage, qui permettait à un sorcier majeur de se déplacer directement à l’endroit qu’il désirait, cela était interdit pour se déplacer à « L’allée des métiers ». Cette dernière se situait à Londres, et une erreur de transplanage (ce qui était assez probable) ne pouvait être risquée dans une ville où vivaient tant de moldus. Harry était donc contraint d’utiliser le réseau de cheminées magiques, malgré ses mauvais souvenirs. A 12 ans, il avait mal prononcé le nom de sa destination et s’était retrouvée dans l’allée des Embrumes, un quartier inconnu et malfamé.

Il s’appliqua à bien articuler, et lança la poudre à ses pieds. Il se sentit alors entraîné dans un tourbillon de couleurs, et atterrit sur ses pieds, dans une autre cheminée. Il fut rassuré de voir Hermione et Ron juste en face, lui souriant. Il était cette fois arrivé au bon endroit.

Harry jeta un coup d’œil autour de lui. Il se trouvait dans une petite salle au plafond bas, qui sentait fort le bois et le vieux parchemin. Les murs étaient recouverts d’étagères, elles-mêmes remplies de livres et d’instruments en tout genre. Tout était soigneusement disposé, mais de la poussière jonchait les manuels. Au centre de la pièce, une petite table ronde supportait une coupe en granit. Cette dernière était rudement taillée, et laissait échapper une flamme jaune.

Lorsqu’il s’approcha, Harry vit la flamme grandir et changer subitement de couleur. Le feu brillait désormais d’un orange vif, et laissa échapper une enveloppe légèrement cramoisie à ses extrémités. Harry voulut s’en saisir, mais l’enveloppe se figea subitement en l’air, juste devant son visage. De fines lèvres rouges apparurent au centre de la lettre pour former la bouche de cette dernière. Tournée vers Harry, elle s’adressa à lui :

- Monsieur Harry James Potter ! Rendez-vous au Bureau d’Admission à la Formation d’Auror, ce jour, à sept heures trente du matin. Il vous reste exactement 29 minutes avant le début de votre entretien. Veuillez vous diriger vers le bâtiment numéro six de l’Allée des métiers, deuxième étage, première porte à gauche.

Quand elle eut fini sa dernière phrase, la bouche disparut du papier de l’enveloppe qui retomba dans les mains d’Harry. Il jeta un œil à Ron, et constata que ce dernier avait une lettre similaire dans les mains.

- On y va ? lui lança le rouquin, les yeux brillants d’excitation.

Ils suivirent Hermione qui était déjà sortie de la pièce. Harry se retrouva dans une rue pavée et bordée de hauts bâtiments en marbre blanc. Mis à part eux, la rue était déserte. En face de lui s’élevait le plus grand des immeubles, dont la porte était ornée d’un grand chiffre « un » doré et étincelant.

Les trois descendirent l’allée pour rejoindre le bâtiment numéro six. C’était le plus petit, et le chiffre sur la porte brillait beaucoup moins. La poignée était légèrement tordue, mais la porte ne semblait pas pouvoir se fermer et il leur suffit de la pousser pour entrer.

Ils empruntèrent un petit couloir à l’aspect encore plus miteux que la porte d’entrée. La tapisserie des murs avait été lacérée par endroit. Harry crut un instant qu’ils s’étaient trompés de bâtiment, mais il jeta un œil sur son enveloppe qui indiquait toujours « 6 Allée des métiers – Deuxième étage – Première porte à gauche ».

Il suivit alors Ron dans un petit escalier en colimaçon mal éclairé qui menait au deuxième étage. Là encore, Harry remarqua d’étranges traces de griffe sur la rambarde. Si Voldemort et ses Mangemorts n’avaient pas été terrassés deux mois plus tôt, il aurait pu croire qu’ils venaient de passer par ici. Hermione se faisait sûrement la même réflexion, puisqu’elle jetait des regards inquiets sur les marches abîmées.

- Il y a eu une attaque de loup-garou ici ? s’inquiéta Ron comme pour extérioriser leur appréhension.

A l’étage, la première porte à gauche était entrouverte, et Harry se saisit de sa baguette par réflexe alors qu’ils s’approchaient.

Ron entrebâilla prudemment le battant pour dévoiler une petite salle carrée au plafond bas, en meilleur état que l’escalier. Les murs gardaient des traces de lacérations, mais celles-ci avaient été grossièrement camouflés avec du sparadrap marron.

Au fond de la pièce, un homme plutôt âgé griffonnait de volumineux dossiers, assis à son bureau. Il leva la tête lorsqu’ils entrèrent et sourit légèrement. Il sauta de son tabouret et contourna le bureau en trottinant. Harry put alors constater qu’il n’était pas beaucoup plus grand qu’un gobelin, mais n’était clairement pas de leur race. Ses oreilles n’étaient ni longues ni fines, mais plutôt larges et décollées. Chacune faisait presque la taille de sa tête, ce qui lui donnait un air ahuri. Son nez était lui tellement large qu’on aurait dit qu’il allait s’affaisser à tout moment. En fait, tout sur son visage était démesurément grand par rapport à son corps, à l’exception de ses petits yeux bleus pétillants. Son air benêt mais sympathique rassura Harry qui serra chaleureusement la main qu’il lui tendait.

- Bonjour, bonjour ! Asseyez-vous, je vous en prie, et bienvenue au B.A.F.A, jeunes gens ! s’exclama-t-il joyeusement en dévoilant des dents parfaitement carrées et d’un blanc luisant.

Alors qu’il rejoignait son tabouret, il leur en indiqua trois autres juste devant son bureau. Ils étaient sûrement adaptés à sa taille, mais beaucoup trop petits pour des sorciers majeurs. Harry, Ron et Hermione s’assirent tout de même dessus, essayant maladroitement de poser leurs deux fesses sur le tabouret.

- Bonjour, nous venons candidater pour la formation… commença Harry.

- Mais je sais très bien ce que vous venez faire, l’interrompit le petit homme qui souriait à s’en décrocher la mâchoire. Et je sais encore mieux qui vous êtes, continua-t-il en regardant malicieusement la cicatrice d’Harry.

- Mme McGonagall vous a parlé de nous ? s’interrogea Ron.

- Oh, oui oui, si vous parlez de la vieille dame très élégante, avec son grand chapeau vert, oui, nous avons eu une longue conversation. Elle est venue me présenter votre cas, même je n’en avais pas besoin pour tout savoir sur vous…

- Alors, on peut candidater sans nos A.S.P.I.C ?

- Oh, bien sûr, bien sûr ! Votre réputation, vos exploits, ça vaut largement cinq pauvres A.S.P.I.C ! rigola le petit homme. C’est plutôt une fierté pour nous de vous voir postuler ici. Si on ne peut pas faire des exceptions pour ceux qui ont vaincu Vous-Savez-Qui, on n’en fait pour personne ! J’ai vu tous les détails avec votre professeure, c’est comme si vous étiez déjà inscrits.

Le sourire du petit homme ne cessait de s’élargir. Harry le trouvait vraiment sympathique, mais se félicitait surtout de ce qu’il venait de leur dire. Tous ses doutes et questions sur les procédures de recrutement magiques sans diplôme de fin de collège, n’étaient plus qu’un mauvais souvenir. Intégrer la formation d’Auror semblait d’une facilité déconcertante, finalement.

- Oh, d’ailleurs, je ne me suis toujours pas présenté, dit le petit homme. Je m’appelle Ritipus Peakbic, et je suis directeur du Bureau d’Admission à la Formation d’Auror. Je ne suis pas moi-même un Auror, mais je gère simplement les paperasses administratives. On va faire ça en un clin d’œil, vous allez voir.

Il tendit deux papiers à Ron et Harry, avant de s’arrêter. Comme s’il venait de la remarquer, il jeta un air interrogateur à Hermione.

- Oh, et vous êtes ? Je n’avais pas noté que vous aviez rendez-vous.

Il devint subitement tout rouge et commença à paniquer. Les doigts tremblotants, il tria frénétiquement ces papiers.

- Oh si c’est une erreur, je vous prie de m’excuser mademoiselle. Ça n’arrive jamais normalement, je ne comprends pas…

Mais Hermione mit vite fin à son inquiétude.

- Non, non, Monsieur Peakbic, j’accompagne simplement Ron et Harry.

Ritipus souffla un grand coup. Les traits de son visage, tendus à l’extrême un instant plus tôt, se détendirent à nouveau.

- Oh, il ne faut pas me faire ce genre de frayeur, mademoiselle, blagua-t-il en reprenant son souffle. Je n’aurais pas intérêt à me tromper dans les rendez-vous, surtout dans la situation actuelle...

- Dans la situation actuelle ? s’étonna Harry, interpellé.

- Oh oui, vous l’avez sûrement remarqué en arrivant, c’est un peu le bazar, ici. Avant que Vous-Savez-Qui ne disparaisse, ses Mangemorts étaient venus ravager le bâtiment. Ils n’aimaient pas du tout les Aurors, comme vous pouvez l’imaginer. Certains avaient purgé un bail à Azkaban à cause du travail des Aurors. Alors la première chose qu’ils ont fait en sortant, c’est de venir tout détruire. Il devait y avoir un loup-garou dans le lot, à en juger par l’état de la tapisserie.

- Mais des Aurors habitent ici ? questionna Hermione.

- Oh non, non, bien sûr. Ici, on ne fait que recruter, mais les Mangemorts ne s’occupaient pas de ça. Ça les amusait simplement de détruire tout ce qui touche à la profession !

Ritipus marqua une pause. Son large sourire s’était quelque peu raidi, mais il se ressaisit rapidement.

- Bon, bon, ça c’est mon problème. Je vais rapidement tout remettre en ordre, mais en attendant, occupons-nous de vos dossiers.

Harry détacha son regard du petit homme et baissa les yeux sur l’enveloppe marron qu’il tenait dans les mains. Il en sortit un dossier papier d’une cinquantaine de pages. Il fallait remplir un nombre incalculable de cases et d’espaces vides pour renseigner son identité, ses capacités, son dossier scolaire… Harry vit même en feuilletant les pages qu’on lui demandait à quelle âge il avait consommé sa première Chocogrenouille. Il s’interrogea sur la pertinence de ce genre d’information dans un dossier de candidature au métier d’Auror.

- Oh, et surtout ne vous inquiétez pas, leur signala Ritipus avant même qu’ils n’aient pu faire la moindre remarque. Ça se remplit d’un claquement de doigts.

Et quand Ritipus parlait d’un claquement de doigts, ce n’était pas qu’une façon de parler. Ron prit une plume sur le bureau, la pressa délicatement au creux de sa main, puis la posa sur son dossier de candidature. Il claqua des doigts et la plume se redressa subitement. Puis elle se mit à écrire à toute vitesse sur le papier. Elle remplissait le dossier toute seule, alors que les pages se tournaient au fur et à mesure de son avancée.

Harry était sidéré. Lui qui avait déjà rempli plusieurs fois des dossiers administratifs moldus pour la famille Dursley, savait à quelle point la tâche était longue et fastidieuse. Mais dans le monde de la magie, la plume le faisait toute seule à votre place.

Ron ne remarqua même pas l’air ahuri d’Hermione et Harry. Le comportement de la plume était pour lui tout à fait naturel.

Harry répéta précautionneusement les étapes qu’avait suivi Ron avec sa propre plume. Quand il eut claqué des doigts, sa plume imita celle de Ron, qui avait presque déjà fini de tout écrire.

Ils laissèrent alors les plumes remplir leurs dossiers pour eux, et levèrent les yeux vers Ritipus.

- J’imagine que vous avez quelques questions, dit-il en souriant.

- Euh… c’est tout ? s’étonna Harry. Quand les plumes auront fini, on sera inscrits à la formation d’Auror ?

- Il faudra que vous signiez manuellement, évidemment, répondit Ritipus. Mais après, oui, vous serez membre. Par contre, je dois vous prévenir, nos anciens locaux d’entraînement sont dans un état encore plus désastreux que ce bâtiment ci. Les Mangemorts ont tout détruits, et je ne vous parle même pas du bureau des Aurors au Ministère de la Magie, à Londres... Enfin, tout ça pour dire qu’aucun de nos locaux ne sera utilisable avant la fin du mois de novembre.

- Mais pourquoi recruter de nouveaux Aurors si vous ne pouvez pas encore les entraîner ? s’inquiéta Ron. Novembre, ça fait trois mois de retard par rapport à la date où on devrait commencer.

Harry s’en alarma également. Il attendait impatiemment le début de la formation, évidemment, mais ce n’était pas ce qui l’inquiétait le plus. Il avait entendu que la formation d’Auror était intense et que la réussite aux épreuves finales dépendait beaucoup du temps passé à s’entraîner. Nymphadora Tonks, qui avait été Auror, lui avait raconté qu’elle s’était blessé trois semaines au poignet en coupant des pommes de terre (elle était très maladroite) et qu’elle n’avait jamais vraiment trouvé le temps de rattraper son retard. Alors rater trois mois entiers, c’était impensable. Autant commencer l’année suivante.

- Oh mais ne faites pas ces têtes-là ! s’exclama gaiement Ritipus. Nous avons tout prévu avec Madame McGonagall. Elle était charmante, elle m’a proposé une très bonne solution pour pallier à ce petit détail et j’ai approuvé immédiatement. Une grande dame, cette professeure McGonagall !

Les joues du petit homme rougirent légèrement, laissant deviner à Harry que Minerva McGonagall avait fait beaucoup d’effet à Ritipus. Le sourire toujours plus étiré, ce dernier poursuivit ses explications :

- Elle m’a parlé du garde-chasse de son école, un certain Rubus Gadri… ou Rebus Garid… enfin je ne sais plus. (Harry ne put réprimer un sourire en comprenant qu’il mentionnait plutôt le géant Rubeus Hagrid) Elle m’a dit qu’il pouvait vous trouver de nombreuses créatures pour vous entraîner à les combattre. Elle m’a parlé d’une forêt interdite où vous pourriez vous exercer. Bien que je ne comprenne pas pourquoi on l’appelle « forêt interdite » si on peut y aller… Enfin bon, voilà, vous pourrez faire une grande partie du programme de la formation qui porte sur les créatures dangereuses. On doit normalement le faire en deuxième année mais vu les circonstances, ça n’est pas plus mal que vous preniez de l’avance. Vous pourrez ensuite vous former face à des sorciers humains mal intentionnés, à partir de novembre, quand nous aurons à nouveau des locaux décents. Même si je pense que Vous-Savez-Qui vous y a déjà bien préparé.

Très fier de sa dernière blague, il éclata de rire et faillit tomber à la renverse de son tabouret. Aucun des trois ne fut vraiment amusé par la plaisanterie de Ritupus, mais ils forcèrent un sourire poli. Hermione n’eut aucun mal à l’amplifier, car elle était visiblement aux anges. Elle avait insisté tout l’été pour que ses deux amis reviennent étudier à Poudlard avec elle, et son vœu venait de s’exaucer.

Ron, lui, semblait un peu plus méfiant. Il avait eu plusieurs fois affaire avec les créatures d’Hagrid comme celles de la Forêt interdite et il n’en gardait pas de très bons souvenirs.

- Mais Hagrid a les capacités pour nous former ?

Harry appréciait beaucoup Hagrid, mais il devait avouer que le géant n’était pas un très bon professeur. Il offrait souvent plus d’affection aux bêtes qu’à ses élèves.

- Oh non, bien sûr, répondit Ritipus. C’est pourquoi nous avons passé un accord avec Poudlard pour que leur nouveau professeur de Défense contre les Forces du Mal soit un de nos Aurors. Il aura aussi du temps pour vous aider quand vous en aurez besoin.

Harry croyait rêver. Ritipus était décidément tombé sous le charme de Mme McGonagall. Elle avait réussi à leur obtenir un professeur privé, et en même temps un professeur contre les forces du mal de grande qualité pour son école. Cette fonction semblait maudite depuis plusieurs années : aucun professeur n’y était resté en poste plus d’un an. Mais qui de mieux qu’un Auror pour enseigner cette discipline ?

Harry était satisfait, mais ne pouvait être aussi heureux qu’Hermione. Elle venait d’apprendre que ses deux amis l’accompagneraient à Poudlard, et qu’elle aurait enfin un professeur tout à fait compétent en matière de Défense contre les Forces du Mal.

Ron et Harry signèrent volontiers les papiers que leurs plumes avaient finies de remplir. Ils serrèrent à nouveau la main de Ritipus qui souriait toujours d’un air benêt.

- Vous saluerez Madame McGonagall pour moi ! Une grande dame, vraiment ! leur lança-t-il alors qu’ils quittaient la pièce.


Harry, Ron et Hermione décidèrent de ne pas rentrer tout de suite au Terrier. Leur entretien avait duré longtemps et le soleil était désormais bien haut dans le ciel. Mais il leur restait du temps avant le déjeuner et ils s’accordèrent pour passer au chemin de Traverse. Cette rue magique se situait à Londres, comme l’allée des métiers, et ils prirent le temps d’y aller à pied.

Sur le chemin, ils faisaient un compte-rendu de l’entretien, chacun s’émerveillant des conditions de formation que Mme McGonagall avait réussi à leur obtenir.

- Il en est complètement amoureux, rigolait Ron. Elle aurait pu lui demander ce qu’elle voulait qu’il aurait continué de sourire comme un idiot.

- Je me demande bien à quelle sorte de créature il appartenait, dit Hermione.

- Oui, drôle de personnage ! renchérit Ron.

C’était une chaude matinée et ils entrèrent directement chez le glacier Fortarôme lorsqu’ils arrivèrent au chemin de Traverse.

- Je dois vous avouer que je suis bien contente que vous veniez avec moi à Poudlard, révéla Hermione en dégustant un sorbet au citron. Je ne me voyais pas y retourner sans vous.

- Harry, tu penses qu’elle va nous autoriser à dormir dans la salle commune de Gryffondor ou qu’on sera obligés de dormir chez Hagrid ?

- J’en sais rien. C’est vrai qu’on n’est plus vraiment des élèves. Tu imagines qu’elle nous laisse jouer dans l’équipe de Quidditch ?

- Le rêve ! Tous les bons aspects de Poudlard sans avoir à aller en cours !

- Ne croyez quand-même pas que ça va être une partie de plaisir, dit Hermione. Vous savez quelles créatures on peut trouver dans la forêt interdite. Hagrid doit déjà être en train de chercher les pires possibles. Et ce professeur Auror risque d’être particulièrement exigeant. Vous n’aurez sûrement pas beaucoup de temps pour vous entraîner au quidditch.

- Dommage… On pourra au moins aller supporter Ginny, s’enthousiasma Harry.

Ils avaient fini leurs glaces et Hermione alla acheter ses fournitures pour la rentrée scolaire. Ron et Harry s’éclipsèrent un moment pour faire un tour au magasin d’accessoires de quidditch.

- Vous n’avez que ça en tête ! leur lança-t-elle en rentrant chez Fleury et Bott pour y acheter ses manuels.

Ron montra à Harry les écharpes aux couleurs de chacune des équipes de quidditch britannique, et en acheta une des Canons de Chudley.

Quand ils sortirent enfin de la boutique, Hermione croulait sous les livres, ingrédients de potions et accessoires de sorciers en tout genre. Elle acheta un nouveau chaudron dans lequel elle entassa toutes ses affaires, et ils se décidèrent à rentrer.

Empruntant la cheminée du Chemin de Traverse, ils apparurent dans celle des Weasley juste à l’heure du repas.

Molly se retourna à leur arrivée et les bombarda de questions. Tandis que Ron lui expliquait tout, Ginny, George et leur père firent leur entrée dans la cuisine.

- Ah oui, je l’ai déjà vu au ministère, ce Ritipus, fit remarquer Arthur. Il est toujours souriant, c’est agréable, mais il n’a quand même pas l’air très intelligent !

Quand ils lui racontèrent ce que Ritipus leur avait dit à propos de la destruction du bureau des Aurors par les Mangemorts, Arthur fronça les sourcils.

- Malheureusement, ce n’est pas étonnant. A peu près tous les départements du ministère sont en plein chaos actuellement. Quand Vous-Savez-Qui en avait pris le contrôle, il en avait fait une machine à traquer les résistants. Alors quand on l’a repris ensuite… (il fixa son plat de courgettes d’un air grave) Les institutions n’étaient plus du tout adaptées à ce qu’on doit faire. Notamment en ce qui concerne les moldus ! C’est mon département qui a le plus de travail, vous pouvez me croire. Vous-Savez-Qui ne se souciait pas de l’anonymat magique, alors il faut oublietter des gens à chaque coin de rue.

Harry voulait bien le croire. Arthur adorait les moldus et leurs pratiques étranges, mais leur enlever la mémoire n’était pas du tout amusant. Et il n’exagérait sûrement pas quand il disait qu’il était celui qui avait le plus de travail au ministère. Il partait tous les matins avant l’aurore et ne revenait que tard dans la nuit. Si ce jour-ci n’avait pas été dimanche, il n’aurait pas été à la maison au déjeuner.

- Mais je ne peux pas en vouloir au ministre, reprit Arthur. Je ne sais pas si on vous a mis au courant mais c’est désormais officiel, Kingsley Shacklebolt est notre ministre de la magie.

Shacklebolt était un Auror qui avait combattu Voldemort à leurs côtés. Il avait été nommé ministre de la magie à titre provisoire juste après la bataille de Poudlard.

- Le vote a eu lieu hier soir. Il a été officialisé ministre quasiment à l’unanimité. C’est normal, après tout ce qu’il a fait pour rétablir l’ordre depuis qu’il est ministre. Je savais bien que ça ne resterait pas un titre provisoire très longtemps. C’est le meilleur qu’on aurait pu avoir ! Il fait tout ce qui est possible pour rétablir l’ordre le plus vite possible, et il sait se faire respecter.

- Après les derniers ministres de la Magie qu’on a pu avoir, c’est quand même un soulagement ! rappela Molly.

- Au moins, lui, il ne fouinera pas dans les affaires de Poudlard, acquiesça Hermione.

- D’ailleurs, j’ai vu que tu avais déjà acheté tes fournitures, Hermione, pourtant, la liste de Ginny n’est pas encore arrivée, s’étonna Molly.

- C’est normal. Mme McGonagall m’a donnée une liste personnelle quand elle nous a proposé de revenir à Poudlard. J’ai… disons, quelques matières en plus à étudier.

- Ne fais pas attention à Hermione, maman, elle en fait toujours trop quand il s’agit des cours, railla Ron.

- Et il vaut mieux ça que de ne pas en faire assez ! lui répondit sa mère de manière cinglante. Je ne dis pas ça pour toi, précisa t-elle en se tournant vers Harry.

- Tu devrais être contente, on retourne quand même à Poudlard, protesta Ron.

- C’est vrai. C’est une très bonne chose de la part de Minerva d’avoir organisé ça, elle pourra veiller à ce que vous soyez efficaces. Ne prenez pas ça à la légère, les études d’Auror, c’est très exigeant… Même après tout ce que vous avez fait.

- Laisse les respirer, dit Arthur. Je suis sûr qu’ils s’en sortiront très bien.

Ils finirent le repas et purent profiter d’un nouvel après-midi ensoleillé. Ils enfourchèrent tous leurs balais pour voler sur une petite butte nous loin de la maison. Molly avait chargé Ginny et Hermione de veiller à ce qu’ils ne se fassent pas repérer. George était le plus grand, mais sa mère ne lui faisait pas confiance sur ce genre de chose. Il avait tendance à n’en faire qu’à sa tête, même privé de Fred.

Quand il volait, Harry oubliait tout. Ni les souvenirs de Voldemort, ni ces études futures n’embrouillaient ses pensées. C’était à chaque fois une grande bouffée d’air au milieu de son quotidien.

Ils y passèrent l’après-midi, et ne furent arrêtés que par l’appel de Molly à venir dîner. Son ragoût fut mangé dans la bonne humeur, et ils partirent se coucher.

Éreinté par sa journée, Harry s’écroula sur le lit qu’il partageait avec Ginny. Il ne dormait plus avec son ami Ron comme les dernières années où il était venu au Terrier.

- Alors, t’es content de venir à Poudlard avec nous finalement ? lui lança Ginny en entrant à son tour dans sa chambre.

Harry sentit que cette question lui brûlait les lèvres depuis qu’il était rentré le midi, mais qu’elle avait attendu de pouvoir aborder le sujet en tête à tête.

Il se fit la remarque que lui-même ne savait pas quoi répondre. En fait, il ne s’était pas vraiment posé la question depuis qu’il avait appris la nouvelle. Face aux réactions positives d’Hermione, de Ron et des parents de ce dernier, il s’était naturellement convaincu que c’était une bonne chose. Mais à vrai dire, il n’en était pas si sûr.

Évidemment, il serait ravi de retrouver l’ambiance du château qu’il aimait tant, avec ses banquets, ses fantômes et ses matchs de quidditch. Mais d’un autre côté, il aurait bien aimé s’en détacher pour de bon. L’idée de commencer une toute nouvelle vie d’adulte, en laissant tous les tracas de son passé derrière lui, l’attirait particulièrement.

Car si Poudlard avait été le lieu où il avait découvert le merveilleux du monde de la magie, c’était aussi là-bas qu’il avait rencontré tant de fois Voldemort, sous différentes formes. Tant de choses l’avait fait souffrir au château qu’il en gardait aussi, et presque majoritairement, des souvenirs douloureux. Il se revoyait face à toute l’école qui l’accusait d’un crime qu’il n’avait pas commis en deuxième année, ou ramener le corps défunt de Cédric Diggory en quatrième année, ou voir tomber Dumbledore de la tour d’astronomie en sixième année… C’est aussi là-bas qu’avait eu lieu, il y a deux mois, la grande bataille qui avait tué Fred Weasley, Rémus Lupin, Nymphadora Tonks et tant d’autres. Tous ces événements qu’il voulait justement oublier, le fait de revenir à Poudlard les ferait renaître dans son esprit, plus clairs que jamais.

Ginny semblait avoir remarqué son tracas, car, voyant qu’il ne répondait pas, elle prit un air bienveillant.

- Tout est fini, maintenant, le rassura-t-elle comme si elle pouvait lire dans ses pensées. Il est définitivement mort maintenant. Tu peux être tranquille.

Harry lui était très reconnaissant d’avoir tout de suite deviné ce qui l’inquiétait. Il n’aimait pas confier ses pensées, surtout quand elles dévoilaient ses faiblesses. Il aurait eu beaucoup de mal à tout lui expliquer.

- Je sais, dit-il doucement. Mais ça n’efface pas tout. Tous ceux qui… (il déglutit) qui sont partis, tout ce qui a changé.

- Évidemment, tu ne pourras jamais oublier complètement. Mais tu ne peux pas te morfondre indéfiniment, Harry. C’est passé, il n’y plus rien à faire.

- Justement, c’est Poudlard qui me rappelle tout ça. C’est là-bas que tout s’est passé.

- Mais ça n’est pas que ça. Tu vois, moi aussi, quand on est au Terrier, je… Je vois que Fred n’est plus là, rien n’est plus comme avant. Au moment où il devrait être là à nous faire des blagues, à énerver maman, il n’y plus qu’un grand vide désormais…

Elle baissa subitement la voix. Harry s’en voulait, désormais, d’avoir réveillé chez elle aussi des souvenirs si douloureux. Il était bête, il n’avait même pas pensé qu’elle vivait déjà tous les jours ce que lui-même craignait de retrouver à Poudlard. Il avait toujours une boule au ventre, mais plus pour la même raison. Il se sentait désormais coupable d‘avoir pu être si égoïste pour penser qu’il était le seul à souffrir.

Ginny releva la tête, puis s’allongea sur le lit, juste à côté d’Harry.

- Mais ça n’est pas grave, reprit-elle. Ça ne doit pas l’être. On doit continuer à s’amuser, comme George le fait, comme Fred l’aurait fait.

Elle lui prit la main.

- Et puis je me dis que même s’il n’est plus là, toi tu l’es. Et Maman, papa, Ron, George, Hermione... Il faut en profiter. C’est ça que tu feras à Poudlard. Être avec nous, participer aux banquets, jouer au quidditch.

Harry se tourna vers elle. Il la regarda avec un sourire reconnaissant. Elle n’aurait pas pu mieux le convaincre. Elle avait raison, et il avait eu tort de douter. Elle lui sourit à son tour. Il n’eut pas besoin d’acquiescer pour lui faire comprendre qu’il était d’accord avec elle, qu’elle avait vu juste. Poudlard ne représentait plus que du bonheur pour lui. Poudlard devait représenter du bonheur pour lui.

- Bon, parlons de choses sérieuses, maintenant, rigola-t-elle. Tu vas jouer avec nous dans l’équipe de Gryffondor de quidditch ?

Harry s’amusa de remarquer que lui-même avait pensé à cela en premier quand Ritipus lui avait annoncé qu’il vivrait à nouveau à Poudlard, sans y être vraiment un élève. Il l’espérait vraiment, comme Ginny.

- Je demanderai à McGonagall, dit-il.

- Tu me laisseras quand même être capitaine ? s‘amusa Ginny.

Harry avait occupé ce rôle lors de ses dernières années à Poudlard. Mais Ginny était amenée à le reprendre lorsqu’il serait parti. Elle était l’attrapeuse titulaire de Gryffondor.

- Bien sûr, je ne voudrais surtout pas te voler la vedette, rigola à son tour Harry.

Ils levèrent tous les deux les yeux au plafond en souriant.

- Et puis tu sais, je crois qu’on pourrait trouver une solution pour tes souvenirs, reprit Ginny d’un air plus grave.

Harry se tourna à nouveau vers elle, cette fois avec une mine interloquée.

- Tu te rappelles, tu m’avais parlé d’un truc que Dumbledore avait dans son bureau. Une espèce de bassine à souvenir, dont je ne me rappelle plus le nom…

- Mais oui, la pensine ! s’écria Harry, un nouveau sourire rayonnant sur son visage.

Il avait de nombreuses fois plongé sa tête dans ce petit bassin qui montrait les souvenirs entreposés par leur propriétaire. Dumbledore l’utilisait souvent pour se les enlever de la tête, ce qui lui permettait de réfléchir plus calmement.

- Oui, c’est à ça que je pensais, tu penses que McGonagall pourrait te laisser l’utiliser ? Pour te vider la tête, c’est la meilleure solution.

- Je ne sais pas, mais c’est possible. Je lui demanderai aussi, en même temps que pour le quidditch. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi, Ginny, c’est brillant, vraiment.

Il put la voir rougir grâce au léger clair de lune qui filtrait par la fenêtre.

- En attendant, n’y pense pas ! Tu auras tout le temps de lui en parler une fois dans son bureau, lui conseilla Ginny.

Encore une fois, elle avait raison. Harry releva les yeux vers le plafond tandis qu’elle s’endormait. L’ombre d’un arbre du jardin, reflétée par la lune, se balançait lentement au rythme du vent. Bercé par ce va et vient qu’il contemplait au plafond, Harry sentait ses paupières s’alourdir.

Il ne résista pas au sommeil qui l’enveloppait. Comme le disait Ginny, tout était fini. Ses rêves par rapport à Voldemort, qui l’avaient si longtemps hanté, seraient remplacés par des songes où il jouerait au quidditch sur le terrain de Poudlard. Il n’avait plus d’adversaire à combattre, il était allongé juste à côté de sa petite amie, et il allait devenir Auror. Mais par-dessus tout, il allait retourner à Poudlard, et c’était pour le mieux.

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