Harry Potter et le Complot du Serpent
Jamais Harry n’avait vu les vacances d’été filer à une vitesse pareille. Entre les après-midi entiers à voler sur un balai et les expériences saugrenues de George pour son magasin de Farces et Attrapes, ils n’avaient pas le temps de s’ennuyer. D’autant plus qu’ils étaient presque tous majeurs, donc autorisés à pratiquer la magie hors de l’école. Même Ginny, la seule du groupe qui n’était pas encore majeure au début de l’été, atteignit ces dix-sept ans (l’âge légal chez les sorciers) dans le courant du mois d’août. Elle put donc participer à leur concours de duels magiques improvisé. Ce qui s’avéra une très bonne nouvelle, Ginny étant une concurrente redoutable.
Harry s’amusait tellement que la date de son anniversaire – qui représentait habituellement un moment très particulier durant ses étés ennuyeux – ne fut plus qu’un jour comme un autre. Molly le gâtait tellement au quotidien que son repas d’anniversaire ne fut qu’un peu plus fructueux que d’habitude, même si elle avait tenté de se surpasser.
Son gâteau d’anniversaire était tout de même le plus beau qu’il n’avait jamais vu. Molly avait cuisiné une pièce montée de dix-huit étages au chocolat et au caramel, avec des balais à la meringue ensorcelés qui voletaient tout autour en projetant des nuages de sucre.
Harry ne fut pas lésé non plus au niveau de ses cadeaux d’anniversaire. Molly lui avait tricoté son traditionnel pull en laine jaune floqué d’un grand « H » rouge sombre. George lui fit cadeau d’une grande boîte bleue azur où étaient rangés tous les nouveaux prototypes de son magasin de farces et attrapes. Ron et Hermione lui offrirent tout deux des livres, respectivement « Le quidditch en Grande-Bretagne durant les années 90 » et « Chasser les créatures maléfiques : 100 conseils d’un Auror expérimenté ». Même les Dursley lui avaient envoyé un colis rempli d’habits neufs. Harry fut très surpris de la qualité de ce cadeau, lui qui n’avait jamais été particulièrement gâté par sa famille adoptive. Mais surtout, il se demanda comment ils avaient trouvé l’adresse du Terrier.
Enfin, Ginny lui tendit un petit paquet vert soigneusement emballé. Harry fut surpris d’y découvrir ce qui ressemblait à des lunettes de piscine.
- Ce sont des Chang’temps ! lui expliqua-t-elle en voyant son air interloqué. Elles servent aux attrapeurs de quidditch, pour voir parfaitement sous n’importe quelle météo. Il y a des essuie-glaces invisibles pour la pluie, un système rétro éclairant pour pouvoir regarder dans la direction du soleil et un enchantement chauffant pour qu’elles ne givrent pas.
Harry la remercia chaleureusement, en se rappelant tous les matchs où ces lunettes auraient pu lui être bien utiles.
- Mais c’est autorisé ? s’inquiéta-t-il.
- Pas dans toutes les ligues, précisa Ron. C’est sûr que ça donne un bel avantage, et c’est plutôt discriminatoire car elles sont très chères (Ginny rougit). Mais à Poudlard, tu auras parfaitement le droit. Il y a déjà de tels écarts avec les balais ! Tu te rappelles quand le père de Malefoy avait acheté des Nimbus 2001 à toute l’équipe de Serpentard ?
Harry se rappelait parfaitement de l’avantage que ces balais avaient offert à Serpentard, même si cela ne lui avait pas empêché d’attraper le vif d’or pour remporter le match.
Il put d’ailleurs profiter des bienfaits des lunettes tout le reste des vacances, restant parfois seul à voler sur la colline par temps pluvieux. Équipé du gros pull de Mme Weasley, il pourchassait un petit vif d’or pendant des heures.
Puis vint la fin du mois d’août, et Ginny reçut sa lettre de Poudlard, qui stipulait que leur train partirait le 4 septembre à onze heures du quai 93/4. Molly les réveilla donc à sept heures ce matin-là, pour être sûr qu’ils ne soient pas en retard. Ils se massèrent dans la petite Ford Anglia bleue de la famille Weasley pour rejoindre la gare de King’s Cross à Londres.
Arrivés entre les quais neuf et dix, ils s’efforcèrent de passer discrètement à travers le mur magique qui menait au Poudlard Express. Molly vérifia que les moldus ne faisaient pas attention au moment où ses enfants traversaient la façade en briques. George, qui avait tenu à les accompagner, ne lui facilitait pas la tâche. Il s’amusait à faire exploser des étincelles devant le visage des passants, sous le regard noir de sa mère. Mais elle ne pouvait pas le sermonner verbalement, sous peine d’attirer encore davantage le regard des moldus.
Une fois sur le quai 93/4,, elle ne se gêna plus pour hurler à son fils ce qu’elle pensait de ses manières :
- TU NE GRANDIRAS DONC JAMAIS ! JE PENSAIS QUE TU SERAIS CAPABLE DE TE TENIR POUR LA DERNIÈRE RENTRÉE DE MES ENFANTS A POUDLARD, MAIS ON NE PEUT TOUJOURS PAS TE FAIRE CONFIANCE !
Ces cris attirèrent les regards de tous les jeunes sorciers qui s’apprêtaient à monter dans le train. Mais Harry remarqua que leur attention s’était rapidement tournée vers lui. De jeunes enfants, qui devaient sûrement faire leur première rentrée à Poudlard, fixaient de leurs petits doigts sa cicatrice avec des yeux ébahis.
Harry était maintenant habitué à cette exposition au regard. Après tout, il était désormais celui qui avait survécu deux fois à Voldemort. Il fut même ravi de remarquer que tout le monde le regardait avec admiration. Ça n’avait pas toujours été le cas, la Gazette du Sorcier racontant toutes sortes de mensonges sur sa personne.
Ils étaient arrivés si tôt qu’ils n’eurent aucun mal à trouver un wagon vide. Harry y suivit ses amis en s’efforçant d’ignorer les chuchotements qui accompagnaient son passage. Il s’écroula sur la banquette et leva les yeux vers la fenêtre. Derrière la vitre, Molly leur faisait de grands signes d’au revoir comme la première fois où ses enfants avaient pris ce train. Elle était visiblement très émue de vivre ce moment pour la dernière fois. Alors que la silhouette des parents Weasley s’éloignait, Harry se dit qu’il devait lui aussi profiter de son dernier trajet dans le Poudlard Express.
Il acheta toutes les friandises possibles à la sorcière qui distribuait les sucreries de son chariot. Avec Hermione, Ron et Ginny, ils passèrent le trajet à manger en commentant le paysage qui défilait devant leurs yeux.
Ron, qui se goinfrait de chocogrenouilles, s’étouffa subitement avec l’une d’elle en fixant son paquet. Comme dément, il jeta des regards alternés à Harry et à la carte qu’il tenait entre les mains.
- J’y crois pas ! s’exclama t-il, manquant de s’étouffer avec la grenouille en chocolat qu’il n’avait toujours pas avalé.
Il restait maintenant fixé sur la carte d’un air hagard.
- Eh bien ? Qu’est qu’il y a ? l’interpella Ginny impatiemment.
- On dirait que tu fais une crise de panique, s’amusa Hermione.
- Je… la carte… Harry… bégaya t-il en avalant enfin sa chocogrenouille.
Face à l’absurdité de la situation, Ginny lui arracha la carte d’un air dédaigneux, mais eu rapidement la même réaction de son frère.
- Waow ! C’est vrai, c’est incroyable !
- Vous allez nous expliquer ce qui se passe, à la fin ! s’énerva Harry.
La bouche grande ouverte et toujours sans dire un mot, Ginny retourna la carte vers Harry. Et là, il comprit. Il était face à son propre portrait, qui le regardait d’un air malicieux. Sur la carte, c’était lui.
Il avait consommé assez de Chocogrenouille pour savoir que leur intérêt résidait presque plus dans la carte qui accompagnait cette sucrerie que dans son goût chocolaté. Tous les jeunes sorciers faisaient la collection de ces pentagones cartonnés qui représentaient les plus grands magiciens de l’histoire. Dumbledore, qui avait une carte à son effigie, s’était toujours félicité de ce qu’il considérait comme sa plus grande réussite.
Alors quand Harry se vit lui-même sur la carte, avec un sourire en coin, il ne put réprimer une exclamation de surprise. Il n’avait jamais imaginé être un jour sur ces fameuses cartes, dont il avait lui-même un jour commencé la collection.
- C’est simplement logique, après tout, dit Hermione, qui semblait beaucoup moins estomaquée que les autres par cette subite découverte.
D’un même mouvement, Harry, Ron et Ginny tournèrent la tête vers elle, leurs bouches toujours grandes ouvertes. Ils avaient l’air tout à fait ridicules, et Hermione ne manqua pas de leur faire remarquer.
- Ne faites pas ces têtes, voyons ! Harry a vaincu plusieurs fois Voldemort, il a échappé deux fois à la mort et il nous a tous sauvés. C’est tout à fait normal qu’il se retrouve là. Je ne vois pas pourquoi vous en faites tout un plat.
- QUOI ?! s’écria Ron qui avait enfin retrouvé ses esprits. Mais tu ne comprends pas, c’est l’accomplissement d’une vie !
- On dirait presque que c’est sacré, ricana Hermione. Je trouverai ça beaucoup plus impressionnant quand il y aura des livres à son nom.
Ils ne se seraient pas attendus à une autre remarque de la part d’Hermione, mais Ron resta sidéré.
- Tu le savais, Harry ?
- Bien sûr que non, tu vois bien qu’il a l’air aussi bête que toi, railla Hermione.
Elle semblait beaucoup s’amuser de leur incrédulité. Elle portait maintenant le même sourire malicieux que le Harry de la carte.
Finalement, le vrai Harry reprit ses esprits, et demanda à Ginny de lui montrer la photo de plus près. Mais quand elle la lui donna, le personnage avait disparu. Il était parti, et avait simplement laissé un fond noir derrière lui.
Harry retourna alors la carte pour y lire le texte descriptif : « Harry Potter, actuellement en reconversion professionnelle. (il ne put réprimer un rire, ce début de description était tout de suite beaucoup moins glorieux) Appelé désormais le garçon qui a vécu deux fois, Harry Potter a en effet résisté à deux reprises au sortilège Avada Kedavra lancé par le Seigneur des Ténèbres en personne. Devenu ainsi célèbre, il est donc celui qui a repoussé ce même Seigneur des Ténèbres, en 1980 puis définitivement en 1998. »
Tandis que Ginny et Ron lisaient à leur tour l’inscription, Harry sentit une vague de chaleur monter en lui. Il n’avait jamais pris de recul sur ce qu’il avait accompli, et cette simple carte de Chocogrenouille le rendait plus fier que jamais.
Relevant les yeux de la carte, Ron la tendit à Harry.
- C’est toi qui dois la récuperer, dit-il d’un ton penaud, qui trahissait son envie de garder la carte pour lui.
- Ne t’en fais pas, garde-la, lui assura généreusement Harry. De toute façon, il nous reste plein de paquets pour en trouver une autre.
Ils baissèrent les yeux sur l’immense tas de sucreries à leurs pieds, et s’y jetèrent pour ouvrir l’intégralité de leurs chocogrenouilles.
- Je vais en chercher d’autres, lança Ginny en se précipitant hors du wagon, sa bourse de pièces à la main.
Malgré l’air détachée qu’elle tentait de garder, Harry comprit qu’Hermione était au moins aussi fière qu’eux de la nouvelle, et qu’elle bouillonnait intérieurement. N’y tenant plus, elle referma son livre et se jeta à la recherche d’un autre exemplaire avec eux.
Malgré tous leurs efforts, ils ne purent trouver une autre carte représentant Harry avant que le Poudlard Express n’arrive en gare. Ils jetèrent tous les autres déchets et sortirent en hâte du train, bien après les autres passagers. Ron gardait la carte précieusement contre lui d’un air coupable.
Ils avaient toujours des étoiles dans les yeux quand ils embarquèrent à bord de la dernière calèche qui menait à Poudlard. Cette dernière crapahuta au pas de course jusqu’au château, comme pour rattraper les autres.
- Vite, on va rater la cérémonie du Choixpeau, s’écria Hermione en bondissant hors de la calèche pour courir à l’intérieur.
Ils se précipitèrent dans la Grande Salle sans même faire attention aux regards émerveillés fixés sur Harry. Sous un plafond noir représentant la nuit extérieure, des chandelles volantes éclairaient les quatre grandes tables où s’étaient massés les élèves de Poudlard.
Les quatre retardataires s’assirent finalement à la table de Gryffondor au moment où le professeur Flitwick entrait dans la salle, suivi d’une quarantaine de première année. Flitwick était un petit gobelin souriant, dont les yeux malicieux étaient recouverts par une fine paire de lunettes. Il était professeur de Sortilèges et régent de la maison Serdaigle, mais n’avait jamais accompagné les première année pour leur rentrée.
Harry dut se tourner vers la Salle des Professeurs au fond de la salle pour se rappeler de la raison de ce changement. Siégeant au milieu des professeurs, Mme McGonagall était à la place du directeur, autrefois occupée par Albus Dumbledore. Harry ressentit un pincement au cœur au souvenir de ce grand homme qu’était le directeur de Poudlard, dégageant une aura de puissance et une bienveillance rare. Mais Harry se souvint du conseil de Ginny, et décida de ne pas s’en attrister. Il se dit plutôt que Minerva McGonagall était aussi une très grande dame (comme l’avait rappelé à de nombreuses reprises Ritipus), sévère mais toujours juste.
Plongé dans ses pensées, Harry ne remarqua qu’après un moment que la directrice le regardait elle aussi. Elle lui lança un sourire en coin chaleureux, auquel il répondit d’un mouvement de tête avant de se tourner à nouveau vers le professeur Flitwick. Ce dernier déposa un vieux chapeau sur le tabouret préalablement installé sur l’estrade. Les plis du Choixpeau magique dévoilèrent ses yeux et sa bouche, qui commença à chanter :
Nous voilà à nouveau tous réunis ici,
Profitons que le Seigneur des Ténèbres soit parti,
Pour honorer encore et toujours,
Poudlard de tout notre amour,
Car oui Poudlard nous enseigne,
Et dans ce château le bonheur règne.
Pour étudier en harmonie,
Il faut que chacun soit bien réparti,
Alors on m’a chargé de l’important rôle,
De choisir la maison qui vous enrôle,
Je vais réaliser cette noble tâche,
Si sur vos petites têtes on me lâche,
Et je vous dirai que si vous êtes hardis,
Vous irez à Gryffondor pardi,
Si votre qualité est plutôt l’esprit,
C’est à Serdaigle que vous prendrez parti,
Quant à ceux qui ont quelques vantardises,
C’est à Serpentard qu’ils feront leurs valises,
Enfin tous les élèves bons et loyaux,
Rejoindront Poufsouffle et son blaireau.
Après ses derniers mots, le Choixpeau fut honoré d’un tonnerre d’applaudissements de la part des élèves. Il innovait tous les ans d’une nouvelle chanson que chacun attendait toujours avec curiosité.
Le professeur Flitwick tapa poliment dans ses mains, puis prit le Chapeau avec lequel il coiffa un premier sorcier. Ce dernier s’était prudemment avancé vers l’estrade lorsque Flitwick l’avait appelé («Nojat, Neyla »).
Tremblotant de tous ses membres, le jeune élève attendit le verdict du Choixpeau magique. Ce dernier cria finalement de toutes ses forces : « Gryffondor ! ».
La table d’Harry entra alors en fusion. Tous s’étaient levés en même temps et applaudissaient à s’en faire mal aux mains. D’un grand sourire, Harry souhaita la bienvenue à la table des Griffondor au petit Neyla. Visiblement très honoré, encore plus par la présence d’Harry que par la salve applaudissements qui avait précédé, le nouvel élève lui rendit un sourire timide et se glissa entre Ron et Hermione.
Les Gryffondors accueillirent tous aussi chaleureusement « Blosde, Louishee » et « Drocilfe, Laipun ». Les autres maisons obtinrent aussi quelques nouveaux membres, comme « Duff, Eliott » à Poufsouffle ou « Freevet, Line » à Serdaigle.
Lorsque le Choixpeau envoya « Turnabot, Samuel » à Serpentard, Harry entendit un grognement juste derrière lui. C’était un jeune homme aux yeux étrangement jaunes et aux cheveux bruns parfaitement coiffés. Sous une barbe naissante, ses traits crispés et sa mâchoire carrée lui donnaient un air de vieil homme fatigué par la vie. Il était grand et plutôt trapu. Harry remarqua que, comme lui, le garçon ne portait pas de robe aux couleurs de Gryffondor. Il n’était donc pas, lui non plus, élève à Poudlard.
- Salut, je m’appelle Anguis, dit-il à Harry sans quitter des yeux le premier année qui venait d’être réparti.
D’un regard noir, il suivait le nouveau Serpentard qui rejoignait la table de sa maison.
- Salut, moi c’est Harry.
- Je sais qui tu es, évidemment, lui répondit Anguis en détachant enfin son regard de la table des Serpentard.
Il eut tout de suite l’air un peu plus chaleureux. Son visage se détendit alors qu’il tendait une grande main abîmée à Harry.
- Tu n’es un inconnu pour personne, j’imagine que tu l’as remarqué en entrant, continua-t-il en souriant.
Ginny, assise aux côtés d’Harry, avait elle aussi remarqué qu’il n’était pas habillé selon les coutumes de Poudlard.
- Tu n’es pas élève, dit-elle.
C’était plus une question qu’une affirmation, et Anguis le comprit très bien puisqu’il lui expliqua :
- Non, je ne le suis plus depuis un moment. J’ai dix-neuf ans, donc ça fait déjà deux ans que j’ai fini ma septième année à Poudlard. Maintenant, je suis en formation pour être Auror, vois-tu.
- Oh, comme nous ! s’exclama Ron de l’autre côté de la table. Je ne savais pas qu’il y en avait d’autres, on l’est aussi avec Harry.
- Je le savais aussi, quand le fameux Harry Potter s’inscrit quelque part, ça ne reste pas secret très longtemps.
Harry n’apprécia pas la remarque d’Anguis, même s’il savait que celui-ci le disait amicalement. C’était un aspect de la célébrité qu’il appréciait beaucoup moins que sa carte de Chocogrenouille.
- Mais contrairement à vous, je commence ma troisième année de formation, continua l’autre Auror sans remarquer la légère moue d’Harry. A Poudlard, ce ne sont pas les conditions idéales pour l’année décisive, mais il faut faire avec.
- Et il y en a d’autres ? demanda Ron d’un air enjoué.
Il semblait fasciné de découvrir un autre jeune en formation d’Auror, et le dévisageait avec un regard pétillant.
- Oui, un seul autre, mais je ne sais pas qui c’est. On est quatre à Poudlard, il doit sûrement y avoir d’autres étudiants ailleurs, mais ça, je ne le sais pas non plus, répondit Anguis.
Leur conversation fut interrompue par un nouvel hurlement du Choixpeau Magique qui envoyait « Wagys, Loïc » à Serpentard.
- Graine de Mangemort, grinça Anguis entre ses dents en jetant un nouveau regard noir au premier année.
Hermione fronça les sourcils et lui jeta un regard pesant. Il le remarqua aussitôt, et expliqua son insulte.
- Je déteste les Serpentard ! Ce sont tous des pourritures. Il n’y a rien à garder chez eux. Si le Choixpeau repère leur méchanceté si jeune, c’est qu’ils sont voués à finir meurtriers.
- Tu ne peux pas généraliser, protesta Hermione. Il doit y avoir de très gentils Serpentard.
- Ce n’est pas pour rien qu’on rappelle toujours que les pires sorciers sont passés par Serpentard, insista Anguis. C’est parce que tous deviennent d’immondes sanguinaires. Évidemment, il y en a qui se font plus remarquer que d’autres, comme Voldemort (Harry nota qu’il osait prononcer ce nom, ce qui était rare chez les sorciers), mais tous sont destinés à ne répandre que le mal, à différentes échelles.
Hermione semblait désapprouver l’absolutisme d’Anguis, à en témoigner par ses sourcils toujours froncés, mais elle ne rajouta aucun commentaire.
- Il n’a pas vraiment tort, Hermione, dit Ron qui avait remarqué son air renfrogné. Regarde Drago Malefoy et ses deux débiles d’amis, par exemple.
- Tous des fils de Mangemorts, qui ont suivi les pas de leurs nobles pères, acquiesça Aguis avec une ironie grinçante.
- Je trouverai bien un Serpentard qui n’est pas mauvais comme vous les décrivez, répliqua Hermione froidement.
Elle ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose, mais fut interrompue par Mme McGonagall qui s’était levée pour commencer un discours. Absorbé dans leur conversation, ils n’avaient pas remarqué que la cérémonie de répartition était déjà terminée.
- Bienvenue à vous tous ! lança la directrice d’une voix forte. Comme l’a si bien rappelé notre bon vieux Choixpeau magique, il est encore temps d’aimer Poudlard, puisque le mal qui y a malheureusement régné durant un an est définitivement repoussé. Grâce à de courageux sorciers, de courageux élèves du collège, et un en particulier (elle fit un clin d’œil à Harry, et tout le monde se tourna momentanément vers lui), ce lieu est redevenu celui que nous connaissions, celui que nous aimons. Un lieu où il fait bon vivre, où il fait bon étudier, et où il fait bon manger. Alors comme l’a souvent dit mon prédécesseur, avec son grand humour (Harry et d’autres élèves âgés sourirent nostalgiquement), il n’est pas encore venu le temps des grands discours, mais plutôt celui de diner.
Elle claqua des doigts et un banquet fait de plats dorés remplis de victuailles apparut sous les yeux ébahis des nouveaux élèves. Harry en avait l’habitude et se servit une grande louche de ragoût tandis que Mme McGonagall se rasseyait. Ron, comme à l’accoutumée, remplit à ras bord son assiette de mets en tout genre, et se mit à manger bruyamment sous le regard consterné d’Hermione.
Le fantôme de Gryffondor sortit d’un mur au fond de la salle et vola au-dessus de la table. Il s’amusait de l’air apeuré des jeunes sorciers qui découvraient les fantômes de Poudlard pour la première fois. Coiffé d’une immense fraise pour soutenir sa tête pendante, il salua Harry. Son nom était Sir Nicholas de Mimsy-Porpington, mais tout le monde l’appelait Nick-Quasi sans tête.
Pas perturbé le moins du monde par l’apparition du fantôme, Ron, avalait gloutonnement tout ce qu’il lui passait sous la main. La plupart des élèves de la table avaient déjà fini de manger depuis un moment quand il daigna enfin passer au dessert.
Les première année qui les entouraient détournèrent momentanément leur attention d’Harry pour observer Ron manger. Ils semblaient se demander comment il était capable d’engloutir autant de nourriture. Rouge de honte, Hermione s’était camouflée derrière son immense manuel. Harry était très amusé par la situation, et regretta que McGonagall claque à nouveau des doigts pour mettre fin au festin et reprendre la parole. Hermione osa enfin lever les yeux de son livre et jeta un regard glacial à Ron avant d’accorder son attention à la directrice.
- Maintenant que vous êtes tous bien repus, je peux donner quelques informations supplémentaires, et notamment aux nouveaux arrivants. Avant tout, je me dois de faire un point complet au niveau du personnel enseignant, car de nombreux changements ont eu lieu depuis l’année dernière. En premier lieu, j’ai eu le grand honneur d’être nommée directrice principale de ce collège, succédant ainsi au meilleur directeur que Poudlard n’ait jamais eu. Sans compter l’intermède honteux de l’année dernière (elle baissa significativement la voix pour prononcer ces mots). Je mesure donc la difficulté de la tâche qui m’incombe, et je tenterai d’être à la hauteur de la prestance qu’a donné Albus Dumbledore à ce rôle. Concernant les enseignants à proprement parler, le poste de professeur de Potions revient a Mr Aliquibus ici présent.
D’un geste de la main, elle désigna un professeur assis à sa gauche. C’était un homme de grande taille aux cheveux blonds, avec des yeux bleus perçants. Harry se dit qu’il avait un air beaucoup plus sympathique que Rogue (l’ancien professeur de Potions) dans son costume indigo parfaitement taillé. Même si le professeur Rogue s’était révélé être un allié précieux de Dumbledore avant de mourir, Harry n’avait pas oublié les enfers qu’il vivait lors de ses cours. Harcelé par le père d’Harry au collège, Severus Rogue avait défoulé sa haine sur le fils des Potter, se montrant particulièrement injuste et cruel.
Mr Aquilibus salua l’assemblée d’un hochement de tête en souriant lorsque son nom fut prononcé. La Grande Salle lui offrit une chaleureuse acclamation de bienvenue.
- Quant au poste de professeur de Métamorphoses, que j’occupais moi-même préalablement, il sera occupé par Mr Smith.
Sous les applaudissements de la salle, un bonhomme bien en chair et court sur patte se leva de sa chaise pour s’incliner.
- Enfin, vous n’êtes pas sans savoir qu’un cours d’Art de la magie noire nous avait été imposé l’année dernière. Cette honteuse matière est bien évidemment remplacée par le rétablissement de la Défense contre les Forces du Mal. Et pour l’enseigner, c’est avec grand plaisir que j’ai pu recruter Robert Loyd, un Auror que le ministère de la Magie a bien voulu nous céder pour partager ses connaissances !
- On peut dire merci à Ritipus, blagua Ron d’une voix forte pour couvrir le tonnerre d’applaudissements qui avait suivi cette annonce.
Mme McGonagall attendit que le calme revienne avant de poursuivre.
- Je crois que j’ai fait le tour en ce qui concerne vos nouveaux enseignants. Vous connaissez les autres professeurs assis autour de moi, qui continueront d’apporter leur savoir aux élèves de Poudlard.
La plupart des anciens professeurs saluèrent les élèves avec un sourire bienveillant. Il y avait parmi eux le garde-chasse Hagrid, un semi-géant qu'Harry appréciait beaucoup et qui enseignait le Soin aux Créatures Magiques. On pouvait aussi retrouver à l’extrême droite de la table Mme Bibine, qui donnait les cours de vol sur un balai, ou l’étrange professeur de Divination Sibylle Trelawney.
- Mr Flitwick et Mme Chourave restent professeurs régents de leur maison, respectivement de Serdaigle et Poufsouffle. Notre nouveau tuteur de Gryffondor est le professeur de potions Aquilibus (la table de Gryffondor applaudit bruyamment) tandis que Mr Loyd sera affilié à Serpentard, termina Mme McGonagall.
A ses mots, et alors que la table des Serpentard acclamait à nouveau le professeur de Défense contre les Forces du Mal, Anguis poussa un autre grognement.
- Manquait plus que ça, notre formateur Auror est le prof des Serpentard, se plaigna-t-il à Harry et Ron.
- Mais tu ne veux pas arrêter, le sermonna Hermione. Tu ne peux pas le juger juste là-dessus, et il a l’air d’être très compétent.
Harry jeta un œil à l’intéressé qui était assis à gauche de Hagrid à la table des professeurs. C’était un homme fort, dont les épaules carrées encadraient un visage tout aussi cubique. Comme l’oncle Vernon, il n’avait quasiment pas de cou. De larges sourcils bien fournis surmontaient ses yeux d’un noir de geai. Son nez était cabossé et il lui manquait quelques dents, ce qui lui donnait un air menaçant quand il ouvrait la bouche. Mais malgré son faciès émacié, il n’avait pas l’air désagréable, au contraire. Il était plongé dans une conversation avec Hagrid, qu’il regardait respectueusement. Hermione avait raison, il avait tout l’air d’un bon professeur.
- On verra bien, marmonna Anguis, mais je n’y crois pas trop. Il faut avoir soi-même appartenu à la maison Serpentard pour y être nommé professeur référent. Ça veut dire qu’il appartient à leur sale race.
- Pourquoi tu les détestes tant ? demanda Ginny d’un ton moins agressif qu’Hermione.
- Je vous l’ai dit, parce que ce sont des Mangemorts en devenir. J’ai perdu toute ma famille à cause des alliés de Voldemort. Avant, je vivais avec mes deux parents et ma petite sœur. Elle était un peu plus jeune que vous, et c’était une Poufsouffle, loyale et attentionnée. Mes parents aussi avaient appartenu à Poufsouffle, j’étais le seul intrus à Gryffondor. Mais c’était logique que j’aille à Gryffondor, je me suis toujours senti plus courageux que tolérant, contrairement au reste de ma famille.
- On a vu ça, glissa discrètement Hermione à Harry.
- Mais ils sont tous morts ! continua Anguis d’un air grave sans se préoccuper d’Hermione. Ils ont osé dire non à Voldemort quand il a voulu les enrôler il y deux ans. Une certaine Bellatrix Lestrange est venue à notre maison en compagnie de quelques Mangemorts, et elle a tout brûlé alors qu’ils dormaient. Je n’étais pas là, je venais de partir faire ma formation d’Auror. Je ne m’en suis jamais remis, je n’avais même pas eu l’occasion de les défendre. Évidemment, après ça, j’ai combattu contre les Mangemorts, j’ai participé à la bataille de Poudlard. Ma seule obsession était de retrouver cette Lestrange pour venger ma famille. Mais j’ai simplement retrouvé son corps mort par terre, quelqu’un s’était déjà défoulé à ma place.
Ginny baissa la tête. C’était sa mère Molly qui avait tué Bellatrix Lestrange pour la protéger. Bellatrix avait tué Fred, comme Sirius ou Dobby avant lui. Ils pouvaient donc parfaitement comprendre la peine et la fureur d’Anguis. Les yeux durs d’Hermione s’étaient adoucis, et elle regardait désormais l’apprenti Auror avec compassion.
- Ma frustration était telle que je n’ai même pas savouré la victoire, continua Anguis. J’étais heureux que Voldemort disparaisse, bien sûr, mais je n’avais pas eu ma vengeance personnelle. Ça me ronge toujours, j’en rêve la nuit.
Harry pouvait maintenant s’identifier à Anguis. Lui-même avait souvent eu des cauchemars à propos de son parrain Sirius, de sa chouette Hedwige et de ses amis Lupin, Fred, Dobby…
- Et devine de quelle maison venait cette horreur de Bellatrix Lestrange, demanda Anguis à Hermione avec un rire sans voix.
Même si elle savait pertinemment que Bellatrix était une Serpentard, Hermione resta muette et se contenta de hocher la tête.
- Voilà, dit Anguis d’un air satisfait. Comme elle, ils mériteraient tous Azkaban !
Tous restèrent silencieux. L’atmosphère du groupe en avait pris un coup. Ils scrutaient leurs assiettes vides d’un regard sombre. La jeune Gryffondor qui était assise parmi eux n’en avait pas raté une miette et se retrouvait très mal à l’aise.
« Moi qui voulais éviter ce genre de souvenir, c’est raté » se dit Harry à lui-même sans quitter son assiette des yeux.
L’ambiance du reste de la Grande Salle était beaucoup moins lourde, et il régnait un brouhaha conséquent.
Mme McGonagall décida que c’était le moment de mettre fin au banquet.
- Il est déjà tard, et les festivités de début d’année ne doivent pas déjà vous fatiguer, clama-t-elle. Rejoignez rapidement vos salles communes respectives dans le calme. Les préfets de chaque maison accompagneront les première année jusqu’à leurs dortoirs. Bonne soirée à tous.
Dans un capharnaüm indescriptible, tous les élèves se levèrent pour sortir de la Grande Salle. Seul le groupe d’Harry resta assis. La consigne de la directrice les avaient sortis de leur torpeur monotone, mais ils avaient prévus d’attendre pour interpeller Mme McGonagall quand le calme serait revenu.
La salle se vidait progressivement et Anguis se leva à son tour.
- Eh bien, bonne soirée. De toute façon, on se verra dès demain, dit-il à Ron et Harry.
- ‘Soirée, marmonnèrent-ils d’une seule voix.
- D’ailleurs, mon nom de famille, c’est Econiuratis, et je dors aussi dans la salle commune des Gryffondor, au cas-où tu voudrais me trouver, glissa Anguis à Harry avant de s’enfoncer dans la foule qui s’éloignait.
Quand il fut parti, Ron regarda Harry d’un air interrogateur.
- Anguis Econiuratis, ça te dit quelque chose ?
- Pas du tout, pourtant, il a vécu avec nous au château s’il n’a que deux ans de plus que nous.
- Je crois que j’avais déjà entendu son nom, et sa tête me dit quelque chose, se rappela Hermione. Mais il devait être plutôt discret.
- On aurait dû y faire attention, avec un nom pareil, rigola Ron.
- Et avec des idées aussi extrémistes, ajouta Hermione d’un ton sarcastique.
- Il n’a pas totalement tord, répliqua Ron. Je n’ai jamais vu un Serpentard agréable.
- Mais de là à dire qu’ils méritent tous Azkaban, même les pauvres enfants de onze ans, ça n’est pas décent.
- N’empêche, moi aussi, j’aurais bien aimé me défouler sur Bellatrix, marmonna Harry en grinçant des dents.
C’était une remarque pour lui-même, mais il l’avait prononcé à voix haute et Hermione lui lança un regard accusateur mêlé de compassion.
- Ce n’est pas comme ça que ça marche. Vous leur ressemblez plus qu’autre chose quand vous dites ça. Vous pouvez être tristes, ou même énervés, mais ce n’est pas une raison pour tuer à tout bout de champ comme le font les Mangemorts. Vous vous abaissez à leur niveau.
- De toute façon, ils sont tous morts maintenant, c’est trop tard, ironisa Ron.
- Oh, si vous n’essayez pas de comprendre, ça ne sert à rien, s’énerva Hermione.
Elle saisit son livre, se leva brusquement et se dirigea vers la sortie.
- Je t’attends dans la salle commune, grommela-t-elle à Ron sans même le regarder.
- Je vais avec elle, à tout à l’heure ! lança précipitamment Ginny en se levant à son tour.
La Grande Salle était désormais presque vide et les pas énervés d’Hermione résonnèrent tandis qu’elle passait la porte. Ginny la rattrapa en courant et disparut elle aussi dans le hall.
- Si on ne peut même plus rigoler, se renfrogna Ron en se tournant vers Harry.
Ce dernier jeta un œil à la table des professeurs. Quasiment tous étaient partis et il ne restait plus que Mme McGonagall qui discutait avec le professeur Flitwick.
- Allons-y, lança Harry à Ron.
Ils traversèrent la salle pour rejoindre l’estrade. A leur arrivée, Flitwick s’éclipsa et Mme McGonagall tourna son regard perçant vers eux. Son visage rude et son regard sévère ne trompait plus Harry. Il savait qu’elle était une femme chaleureuse et pleine d’empathie pour ses élèves.
- Bonsoir, vous deux.
Elle leur souriait chaleureusement.
- Bonsoir madame, les vacances ont été bonnes ?
- Plutôt bonnes, merci Weasley. Ça n’a pas été simple de tout réorganiser, mais nous y voilà, comme avant. Mon discours était bon ?
Harry fut très surpris de cette question. Même s’il avait régulièrement eu des discussions amicales avec elle, il ne l’avait jamais entendue leur parler comme ça. Elle s’exprimait de manière complice et Harry réalisa qu’il représentait dorénavant un ami à ses yeux. Elle continuait de les appeler par leur nom de famille mais ils avaient désormais un rapport beaucoup plus personnel que celui entre une professeure et ses élèves.
- Oui très bon, lui répondit Ron d’un ton mielleux mais franchement sincère.
- Vous avez très bien rendu hommage à Dumbledore, ajouta Harry.
Il avait beaucoup apprécié que Mme McGonagall ait qualifié Dumbledore du « meilleur directeur que Poudlard n’ait jamais eu ».
- Bon, ça me fait plaisir, répondit-elle sans pouvoir camoufler son soulagement. Et je remarque que vous écoutez les discours, désormais. Vous aviez tendance à vous appuyer sur l’écoute de Granger sans être vous-mêmes attentifs.
- Nous ? Jamais ! dit Ron d’un ton offusqué qui ne trompait personne.
Harry ne put réprimer un sourire en voyant la tentative grossière de son ami de nier la vérité.
- Oui, bien sûr, Weasley, s’amusa McGonagall. Mais j’imagine que vous n’êtes pas venus me voir pour commenter mon discours.
- Non, c’était à propos de notre formation, dit Harry. On est allé voir Ritipus Peakbic…
- Ah oui, charmant petit homme !
Ron gloussa nerveusement en se rappelant de l’attitude de Ritipus vis-à-vis de McGonagall. Cette dernière lui jeta un regard intrigué sans pour autant lui faire de remarque.
- Et il nous a expliqué qu’on allait étudier ici, mais sans nous spécifier comment, reprit Harry. On voulait voir avec vous…
- Je comprends. Si telle est votre question, vous avez des lits prêts dans un dortoir de la salle commune des Gryffondor, en compagnie d’un autre apprenti Auror. Vos bagages y ont déjà été montés.
- Parfait, merci ! dit Ron en se retournant pour partir.
- Ça n’est pas tout, Weasley, l’interrompit Mme McGonagall. J’imagine que Mr Peakbic ne vous a pas fait mention de vos obligations scolaires...
- C’est à dire ? demanda Ron d’un ton inquiet.
- Oui, Weasley, vous n’imaginiez tout de même pas que vous alliez passer vos journées à gambader dans la forêt. La formation d’Auror consiste aussi en un apprentissage plus théorique. Il faudra donc continuer à étudier, ne vous en déplaise (cette précision répondait directement à la moue de Ron). Vous assisterez donc aux cours des septième année dans les matières de Potions, Métamorphose, Sortilèges et, tout naturellement, Défense contre les Forces du Mal. Et ce en plus de votre formation d’Auror.
- QUOI ? lâcha Ron dans un cri de désespoir non contrôlé.
- Ne vous lamentez pas comme ça, Weasley, on dirait que je vous demande de vider le lac sans baguette. Étudier ne peut pas vous faire de mal.
- Mais vous aviez dit…
- Je sais ce que j’ai dit, et je maintiens que vous ne passerez pas vos A.S.P.I.C en fin d’année, mais ça ne vous dispense pas d’assister aux cours. Vous ne croyez pas qu’on puisse se former à devenir Auror en ayant raté une année entière de sa scolarité. C’était pour une raison très noble, c’est pourquoi je vous fais le cadeau de valider vos examens d’office pour vous permettre de commencer immédiatement vos études. Mais vous allez devoir travailler si vous voulez y réussir. Je n’ose pas croire que vous ne vous le soyez pas dit vous-même.
Ron avait l’air de quelqu’un à qui on venait de diagnostiquer une maladie incurable. Malgré tous ses efforts pour le cacher, Mme McGonagall semblait beaucoup s’en amuser.
- Mais non, le cours de Potion est une option facultative à partir de la cinquième année, se rappella Ron, à nouveau plein d’espoir.
- Mais une option indispensable à un futur Auror, qui se retrouvera face à des poisons de toutes sortes, s’impatienta Mme McGonagall. Je ne vous impose pas tous ces cours pour vous punir, même si cela serait très efficace. C’est pour votre future vie professionnelle que j’ai organisé tout cela, et les conditions ne sont pas discutables.
- Dis-toi qu’on n’a pas Divination, blagua Harry à l’adresse de Ron.
- Bien sûr que non, car cela, par contre, aurait été une vraie punition, s’amusa elle aussi McGonagall.
Elle se tut aussitôt, reprenant un air sérieux. Elle se rappela de sa nouvelle fonction, qui ne lui permettait plus ce genre de plaisanterie sur le cours de Mme Trelawney.
- Vous savez très bien ce que je pense de cette matière, Potter, ne me faites pas dire plus de bêtises.
Ron était toujours indigné d’apprendre qu’il devrait assister à des cours, mais ce n’était pas ce qui importait le plus à Harry.
- Et est-ce qu’on pourra jouer dans l’équipe de quidditch de Gryffondor ?
- Je m’attendais à ce que vous me posiez cette question. Et je suis navrée de devoir vous répondre que non. Vous n’êtes pas officiellement des élèves de ce collège, et vous n’êtes pas non plus assignés à une maison en particulier. Vous dormez et mangez avec les Gryffondor mais je ne peux pas vous considérer comme des membres de la maison. Ce serait trop injuste et j’essuierais des plaintes de la part des autres maisons. Je regrette.
- Mais si on assiste au cours, on est bien élèves, se désespéra Ron avec un visage qui se décomposait à vue d’œil.
- Mais pas membres d’une maison, comme je viens de vous le dire, Weasley.
Cette fois, Harry aussi était désemparé. McGonagall le regarda avec compassion. Elle savait à quel point il aimait le quidditch.
- Allez, je pense qu’il est temps pour vous de monter vous coucher. Il est déjà tard et il vaut mieux être en forme pour commencer votre formation d’Auror. Je ne supporterai plus longtemps de voir vos têtes d’enterrement, de toute façon.
Harry sourit poliment à sa dernière plaisanterie mais il n’avait pas la tête à rire. Lui et Ron souhaitèrent une bonne nuit à Mme McGonagall et traînèrent des pieds en quittant la Grande Salle.
La mine sombre, ils montèrent machinalement les escaliers mouvants jusqu’à la salle commune de Gryffondor.
- Je n’y crois pas, s’indignait Ron. On n’a pas signé pour ça.
- On n’a même pas regardé ce qu’on signait, lui rappela Harry. Les plumes ont tout géré à notre place.
- Cette fourberie ! Je suis sûr qu’Hermione était au courant, râla Ron.
- Bien sûr que j’étais au courant !
Hermione les attendait devant le portrait de la Grosse Dame qui donnait accès au dortoir de Gryffondor. Leurs regards étaient si concentrés sur leurs pieds qu’ils ne l’avaient pas remarquée en arrivant.
- Elle m’avait dit qu’elle se débrouillerait pour que vous ayez des cours de rattrapage et j’ai trouvé que c’était une très bonne idée, même si je ne savais pas encore que ce serait à Poudlard, poursuivit-elle en les toisant d’un regard impérieux.
- Ben voyons, maugréa Ron sans lui adresser un regard.
Il voulait entrer dans la salle commune sans avoir à s’adresser à Hermione, mais le tableau ne s’ouvrit pas. Il ne connaissait pas le mot de passe.
- Il faut lui dire quoi ? demanda froidement Harry à Hermione en montrant le tableau de la Grosse Dame.
Il n’était pas de meilleure humeur que Ron, et la satisfaction d’Hermione ne faisait que l’énerver davantage.
- Je vais vous le dire… commença-t-elle.
Un sourire malicieux se forma sur son visage.
- …mais vous devez me regarder dans les yeux, pour commencer. Et nous adresser vos plus beaux remerciements, à Mme McGonagall et à moi, pour vous avoir permis d’être plus instruits.
C’était l’humiliation ultime. Ron et Harry se retrouvaient obligés de remercier Hermione pour une action qui les agaçait au plus haut point.
- Merci Hermione. Merci professeur McGonagall, grommelèrent-ils en chœur.
- On voyait bien que ça n’était pas sincère, et c’est directrice McGonagall, mais je saurai m’en satisfaire, dit Hermione. Le mot de passe est « Chant du phénix ». Bonne nuit !
Très fière de son coup, elle les précéda dans la salle commune et rejoint le dortoir des filles.
Quand il entra à son tour, Harry tomba nez à nez avec Ginny. Le sourire amusé de cette dernière lui fit comprendre qu’elle était au courant de la plaisanterie d’Hermione.
- Allez, c’est pas si grave, lui dit-elle en essayant de paraître conciliante, réprimant un fou rire.
- C’est pas pour les cours, lui répondit froidement Harry. Je ne pourrai pas jouer dans l’équipe de quidditch.
Ginny perdit immédiatement son sourire et resta muette tandis qu’il lui passait devant pour rejoindre les escaliers menant à son dortoir.
Une fois dans la chambre, Harry se mit rapidement en pyjama, se glissa sous la couverture et regarda tristement par la fenêtre. Décidément, entre les commentaires déprimants d’Anguis, les mauvaises nouvelles de McGonagall et la sournoiserie d’Hermione, sa rentrée à Poudlard n’avait pas été aussi idyllique qu’il l’aurait espéré.