Jonah
Chapitre 3 : Premiers rayons, premiers liens
1219 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 04/10/2025 02:48
Le jour n’était pas encore levé.
Carlos sentit d’abord un petit pied taper doucement contre sa cuisse. Puis un coude, discret mais insistant, se loger dans ses côtes. Il entrouvrit les yeux, encore engourdi de sommeil.
— Mmmmh…
À moitié endormi, il tourna la tête. Jonah, allongé en travers du lit, gigotait doucement, les jambes emmêlées dans la couverture. TK, de son côté, dormait à poings fermés, le visage écrasé dans l’oreiller, complètement inconscient du remue-ménage.
Carlos soupira, mi-amusé, mi-résigné.
— Déjà réveillé, toi ?
Jonah le regarda avec ses grands yeux brillants et esquissa un petit sourire coupable.
Carlos jeta un œil au réveil.
4h52.
— Tu veux pas essayer de refermer les yeux, juste un petit peu ?
Jonah secoua la tête avec sérieux.
— Pas dodo…
Carlos poussa un léger grognement, se frotta le visage, puis se redressa à contrecœur. Avec précaution, il se glissa hors du lit, évitant de réveiller TK, et tendit la main à Jonah. Le petit garçon la saisit immédiatement.
À pas feutrés, ils quittèrent la chambre.
Dans la cuisine, Carlos alluma la petite lumière au-dessus de l’évier. Jonah se tenait à distance, un peu intimidé par le calme de l’appartement. Il serrait son doudou contre lui, l’air encore mi-réveillé, mi-gêné.
— Tu as faim, mon cœur ? demanda Carlos doucement.
En guise de réponse, Jonah grimpa sur une chaise, les jambes ballantes dans le vide, et hocha la tête.
Carlos ouvrit les placards, souriant malgré la fatigue.
— Et si on faisait des crêpes ? Toi et moi, comme des vrais chefs.
Jonah acquiesça vivement, les yeux soudain brillants d’excitation.
Carlos posa un grand saladier sur la table. Jonah écarquilla les yeux.
— Tu veux m’aider ?
— Oui ! Moi aider ! fit-il en tapant doucement sur la table de ses petites mains.
Carlos lui donna une cuillère en bois, versa la farine dans le bol, puis alla chercher les œufs. Quand il revint, Jonah avait de la farine sur le nez, les joues, et ses petites mains étaient couvertes de poudre blanche.
— Oh là là… dit Carlos en riant. C’est de la farine, mon cœur. C’est pas très bon tout seul.
Il l’essuya doucement avec un linge humide.
— Tu veux casser les œufs avec moi ? Attention, doucement…
Jonah hocha la tête très sérieusement, puis fracassa un œuf sur le bord du bol… un peu trop fort. Le jaune coula sur ses doigts.
— Oh oh… fit-il en regardant ses mains gluantes.
Carlos éclata de rire.
— C’est pas grave, on nettoiera après.
Jonah rit à son tour, visiblement fier malgré tout. Ils continuèrent à préparer la pâte. Jonah touillait énergiquement, la langue sortie, concentré comme un petit scientifique.
— Moi brasse vite vite ! dit-il en faisant tourner la cuillère.
— Tu fais ça comme un pro ! Tu crois que TK va aimer ?
— Oui ! déclara Jonah, très sûr de lui.
Le soleil commençait à poindre derrière les rideaux. Une lumière dorée et douce s’étalait sur le plancher.
Carlos était au fourneau à verser la pâte, et Jonah l’observait de sa chaise, le menton posé sur la table.
— TK fait dodo ? demanda-t-il soudain.
— Oui. Mais tu vas voir, l’odeur des crêpes va le réveiller…
À peine Carlos eut-il terminé sa phrase qu’un pas lent et traînant se fit entendre dans le couloir.
— Hmm… ça sent drôlement bon… marmonna une voix endormie.
TK entra dans la cuisine, les cheveux en bataille, les yeux à moitié fermés. Jonah leva les bras comme un champion.
— Regarde ! Moi et Carlos, on fait crêpes !
TK sourit aussitôt, attendri.
Carlos posa une assiette de crêpes encore chaudes sur la table.
— Une ou deux, Jonah ?
— Deux ! Avec banane… et sirop ! Et lait, lait aussi ! dit-il d’une traite, tout fier.
Carlos rigola en allant chercher du lait.
— Lait Lait de vache, fit Jonah en pointant. Vache fait “meuh meuh” !
TK jeta un regard complice à Carlos, qui haussa les épaules avec un sourire.
— Il est en feu ce matin, dit-il.
— Je vois ça, fit TK. Où est passé le petit garçon gêner d’hier.
Comme réponse Jonah se tourna vers TK.
— Couper crêpe à moi ?
Après le déjeuner, la cuisine retrouva un peu de calme. TK chargeait le lave-vaisselle pendant que Jonah faisait rouler ses petites voitures dans le salon. Carlos, lui, essuyait le plan de travail quand son téléphone vibra.
Mama.
Son cœur fit un petit bond. Il prit une grande inspiration avant de décrocher.
— Hola, Mamá.
La voix chaleureuse d’Andréa lui répondit aussitôt, vibrante d’émotion :
— Mi amor, comment tu vas ? Et le petit ? Il est arrivé hier, c’est ça ? Comment ça s’est passé ? J’ai tellement hâte de le rencontrer !
Carlos leva les yeux vers Jonah. Le petit, assis en tailleur, avait cessé de jouer. Il fixait Carlos, attentif, curieux.
— Oui, il est là. Ça s’est bien passé. On prend notre temps. Hier il était très timide, mais ce matin ca va mieux.
— Ay, qué bueno. Je suis si contente pour vous. Je meurs d’envie de le voir, Carlitos.
Carlos ferma les yeux un instant, le cœur serré de tendresse. La joie dans la voix de sa mère lui faisait du bien. Mais il ressentait aussi ce petit tiraillement, cette peur d’en faire trop, trop vite.
— Je sais, Mamá… Je sais. Mais on veut aller doucement. Il découvre tout, c’est déjà beaucoup.
— Bien sûr, bien sûr. Tu fais bien. Je suis juste si heureuse… J’ai tellement hâte de le serrer dans mes bras.
— Je sais, murmura Carlos. Mais chaque chose en son temps.
Jonah s’était rapproché sans bruit. Il posa sa petite main sur la hanche de Carlos, comme pour dire : Je suis là, moi aussi.
Carlos baissa la main machinalement pour caresser ses cheveux. Il écouta sa mère lui dire au revoir, puis raccrocha doucement.
— C’est qui ? demanda Jonah en levant les yeux.
— C’était ma maman, répondit Carlos avec un sourire tendre. Elle a très hâte de te rencontrer.
— S’appelle comment ?
— Andréa.
Jonah tourna la tête vers TK, puis baissa un peu la voix.
— Maman, à moi… au ciel, expliqua Jonah en levant les yeux vers le plafond.
Un silence doux s’installa. Carlos sentit un pincement au cœur. Il s’agenouilla lentement, pour être à hauteur du petit garçon, et posa ses mains sur ses bras potelés.
— Je sais, mon cœur. Ta maman est partie, mais elle est toujours dans ton cœur. Et maintenant, TK et moi, on est là. Et on t’aime très, très fort.
Jonah baissa les yeux, puis souffla :
— Très loin…
— Oui. Mais tu peux penser à elle, quand tu veux. Et ici, avec nous, tu es chez toi.
Jonah releva la tête, hésita, puis ouvrit ses bras. Carlos ne se fit pas prier. Il l’enlaça aussitôt, serrant le petit contre lui comme pour le protéger de tout.