Jonah
Chapitre 2 : Chez nous pour la première fois
2892 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 04/10/2025 02:45
Le trajet jusqu’à la maison s’était fait dans un calme presque irréel. Jonah, assis dans son siège d’auto à l’arrière, serrait son doudou contre lui sans lâcher un mot. De temps en temps, il levait les yeux vers TK, assis sur le siège passager, comme pour s’assurer qu’il était toujours là.
Carlos, au volant, jetait des coups d’œil dans le rétroviseur. Il ne disait rien, mais son cœur fondait à chaque fois qu’il croisait le regard de l’enfant.
Quand ils arrivèrent enfin à la maison, Carlos coupa le moteur et se tourna vers Jonah.
— On est arrivés, bonhomme.
Jonah ne bougea pas.
TK se leva puis ouvrit la portière arrière et desserra la ceinture du siège d’auto, puis lui tendit les bras. Jonah s’agrippa à son frère tendit qu’il s’avançait vers la maison.
Carlos les suivit en portant la valise et le cartable de papiers. Lorsqu’ils franchirent la porte, Jonah enfouit de nouveau sa tête dans le cou de TK.
— C’est notre maison, expliqua doucement TK en refermant derrière eux. C’est chez toi maintenant.
Carlos s’approcha et posa la valise dans l’entrée.
— On a préparé ta chambre, ajouta-t-il en souriant.
Jonah leva la tête un instant, regarda Carlos, puis retourna se coller à TK.
— C’est pas grave, murmura Carlos à TK avec un sourire tendre. Il a juste besoin de temps.
Ils firent lentement le tour de la maison. Jonah ne voulait pas descendre. Il gardait ses petits bras fermement autour du cou de son frère, même quand TK lui montrait les jouets dans le salon, les peluches alignés sur les tablettes et le petit lit en forme de voiture.
— Regarde celui-là, murmura TK en pointant une petite ambulance blanche. Elle fait du bruit quand on appuie ici. Tu veux essayer ?
Jonah ne répondit pas. Il ne regarda même pas le jouet.
— T’es peut-être fatigué, ajouta TK en retournant doucement vers le salon. C’est un long voyage, surtout pour un si petit bonhomme.
Il s’assit sur le divan, gardant Jonah lové contre lui.
Carlos revint du frigo avec un gobelet de jus entre les mains.
— Je me suis dit que tu aurais peut-être soif, Jonah, dit-il avec un sourire doux.
Il s’approcha à petits pas, tendit le gobelet, sans brusquer.
Mais Jonah détourna la tête et se réfugia encore plus contre TK, serrant fort son doudou contre lui.
— Pas de souci, dit Carlos avec une infinie douceur. Je vais le poser ici, d’accord ? Tu pourras le prendre quand tu voudras.
Il déposa le gobelet sur la table basse, puis s’assit à côté d’eux.
TK lui jeta un regard. Il n’avait pas besoin de mots. Juste un petit sourire ému, reconnaissant. Carlos lui répondit par un léger hochement de tête, le cœur serré lui aussi.
Ils restèrent là, tous les trois dans le calme du salon. Le soleil déclinait lentement à travers les rideaux. TK berçait Jonah machinalement, ses mains caressant doucement son dos minuscule. Carlos observait la scène sans rien dire, mais les yeux brillants.
Peu à peu, les paupières de Jonah commencèrent à papillonner. Sa tête retomba sur l’épaule de TK, lourde de sommeil. Sa petite main s’agrippait toujours à son doudou… et à la chemise de son frère.
— Tu peux dormir, mon cœur, chuchota TK en l’embrassant sur la tempe. Tu n’es plus seul, d’accord ? On est là. Pour toujours.
Jonah ne répondit pas. Mais ses petits doigts se détendirent lentement. Juste assez pour que TK sente, pour la première fois depuis l’aéroport… qu’il commençait à avoir confiance.
Le calme régnait toujours dans la maison.
Carlos s’était doucement levé pour aller commencer le repas. Il avait sorti quelques légumes, posé une planche à découper sur le comptoir, et faisait sauter doucement des oignons dans la poêle, le regard encore accroché à la scène dans le salon.
TK, lui, ne bougeait presque pas. Jonah dormait profondément contre lui, bercé par les battements de son cœur.
Mais au bout d’un moment, TK sentit ses jambes s’engourdir.
— Mon cœur… chuchota-t-il tout bas. Je vais te déposer juste là, OK ? Je suis pas loin, je reste à côté.
Il se leva avec précaution, comme s’il manipulait du verre, et déposa doucement Jonah sur le divan, la tête sur un coussin moelleux, toujours son doudou entre les bras. Le petit gémit à peine, mais ne s’éveilla pas tout de suite.
TK s’étira silencieusement, puis jeta un œil vers la cuisine.
— Ça sent bon, dit-il à voix basse en s’approchant de Carlos.
— J’ai fait simple, répondit celui-ci en remuant les légumes. Quelque chose que Jonah pourra peut-être grignoter, s’il a un peu d’appétit plus tard.
Mais à peine eut-il fini sa phrase qu’un petit cri étranglé les figea tous les deux.
— TK ! appela Jonah, affolé.
Le petit s’était redressé d’un coup sur le divan, les yeux pleins de panique. Désorienté, il regardait partout autour de lui, haletant, comme s’il ne comprenait plus où il était. Ses bras s’agitaient, cherchant quelqu’un.
— TK ! TK !
TK fonça aussitôt vers lui, le cœur serré.
— Je suis là, je suis là mon cœur, chuchota-t-il en s’agenouillant devant le divan.
Jonah s’agrippa à son cou, des larmes roulants sur ses petites joues.
— Je suis là, répéta TK en le serrant fort. Je ne suis pas parti. Je reste avec toi, toujours.
Carlos s’approcha lentement, le regard inquiet.
— Il a fait un cauchemar, tu crois ? demanda-t-il doucement.
— Je pense qu’il s’est réveillé et qu’il ne savait plus où il était, répondit TK, berçant Jonah contre lui. Avec tout ce qu’il a vécu… normal qu’il panique un peu.
Jonah ne parlait pas. Il avait enfoui son visage dans le cou de son frère, le corps secoué de petits sanglots silencieux.
Carlos s’agenouilla à côté d’eux et posa une main rassurante sur le dos du petit garçon.
— T’as eu peur, hein ? C’est fini maintenant. On est là…
Jonah ne répondit pas, mais au bout d’un moment, ses pleurs se calmèrent.
— Tu as faim ? murmura TK en lui caressant doucement le dos. Carlos a préparé quelque chose de bon.
Jonah hocha très légèrement la tête, sans lever les yeux.
TK se releva en le gardant dans ses bras, puis le porta jusqu’à la table. Carlos avait déjà disposé les assiettes et placé un petit bol coloré devant un banc d’appoint, qu’ils avaient installé en prévision.
— Regarde, fit doucement TK. C’est ta place. Tu veux t’asseoir ici, ou rester un peu sur moi ?
Jonah hésita, puis accepta de se laisser glisser sur le petit banc.
Carlos s’approcha avec une fourchette qu’il tendit à l’enfant.
— J’ai mis du fromage râpé sur ton riz et ton poulet, dit-il. Parce que tout est meilleur avec du fromage, non ?
Jonah leva les yeux vers lui. Et, contre toute attente… il esquissa un petit sourire timide.
Carlos s’arrêta net, un peu surpris.
Il jeta un regard complice à TK.
— Tout comme TK, tu souris quand tu es devant de la nourriture, fit Carlos.
TK éclata d’un petit rire discret, soulagé de voir son frère se détendre.
Après le repas, les deux hommes débarrassèrent la table. Jonah, collé aux pas de TK, le suivait comme son ombre. Finalement, il s’approcha timidement des bacs à jouets, jetant des regards inquiets vers son grand frère pour s’assurer qu’il ne s’éloignait pas trop.
— Tu peux y aller, mon cœur, l’encouragea TK depuis la cuisine. Tous les jouets ici sont pour toi.
Jonah hésita, les yeux grands ouverts, passant du visage rassurant de TK au bac débordant de jouets colorés. La curiosité finit par l’emporter : il s’agenouilla sur le tapis et fit rouler une petite voiture, concentré, silencieux.
— Il est craquant, souffla Carlos en observant la scène depuis la cuisine.
— Il commence à se détendre, répondit TK tout bas, un petit sourire aux lèvres. Ça fait du bien de le voir jouer.
Carlos s’approcha doucement et s’installa au sol, sans un mot, pour ne pas briser l’élan fragile de l’enfant. Jonah leva à peine les yeux, puis prit une petite figurine de pompier rouge et la tendit à Carlos.
— C’est pompier, murmura-t-il d’une toute petite voix, presque timide.
Le cœur de Carlos se serra. Il lui fallut un instant pour répondre, tant l’émotion lui serrait la gorge. C’étaient les premiers mots que Jonah lui adressait.
— Oui, souffla-t-il avec un sourire tremblant. Oui, comme TK… quand il portait son ancien uniforme.
Jonah acquiesça très sérieusement, comme s’il confirmait un fait important. Puis, sans prévenir, il approcha la figurine d’un camion en plastique et imita le bruit de la sirène.
Carlos pouffa doucement, la larme à l’œil.
TK s’était installé dans un coin du canapé, les jambes repliées sous lui. Il les regardait, un sourire paisible aux lèvres, le cœur gonflé. Jonah jouait calmement sur le tapis, tandis que Carlos hochait la tête, attentif à chaque geste, chaque son.
Au bout d’un moment, Jonah s’arrêta. Il posa sa figurine, se releva avec un peu de maladresse, puis marcha lentement jusqu’au canapé, les pieds traînants. Sans un mot, il grimpa sur les genoux de TK et enfouit son visage contre sa poitrine.
— Dodo… souffla-t-il en se frottant les yeux.
TK l’enlaça aussitôt, une main dans son dos, l’autre venant lisser ses boucles.
— Oui, mon grand… C’est l’heure du dodo.
Carlos s’était relevé aussi et s’approcha doucement. Jonah leva les yeux vers lui, les paupières lourdes mais l’air apaisé.
— Tu veux que je te lise une histoire ? proposa Carlos en souriant.
Jonah hésita un instant, puis hocha la tête en silence.
— Alors viens, champion. On va aller choisir un livre dans ta chambre, dit TK en le soulevant doucement.
Dans la chambre, la veilleuse projetait de petites étoiles au plafond. Jonah, peluche contre le torse, se cala dans les oreillers. Carlos s’assit près de lui avec un petit livre aux pages épaisses.
— Celui-là ? demanda-t-il en lui montrant la couverture. Le camion de pompier courageux ?
Jonah hocha la tête, les yeux déjà à moitié fermés. TK, assis au pied du lit, observait la scène avec tendresse.
Carlos lut doucement, sa voix posée et rassurante. Jonah ne comprenait peut-être pas encore chaque mot, mais il écoutait, accroché à la mélodie de la voix. Ses petits doigts jouaient machinalement avec l’étiquette de sa peluche. À la dernière page, Carlos referma le livre.
— Fini, chuchota-t-il en se levant. Bonne nuit, mon cœur.
Mais Jonah ne répondit pas. Ses grands yeux bruns passaient de Carlos à TK, puis se remplirent soudain de larmes.
— Hey…? murmura TK en s’approchant doucement du lit. Qu’est-ce qui ne va pas, mon cœur ?
L’enfant pinça les lèvres, secoua un peu la tête, puis souffla d’une voix minuscule :
— Veux pas faire dodo tout seul…
Le regard de TK s’adoucit encore.
— Je reste avec toi, promit-il en s’asseyant au bord du lit. Jusqu’à ce que tu t’endormes, d’accord ? Je ne bouge pas d’ici.
Jonah le fixa un moment, les yeux pleins de doute et d’espoir mêlés, puis il tendit une petite main vers lui. TK la prit avec une infinie douceur, ses doigts refermés autour des siens.
— Je suis là, mon grand. Tout va bien maintenant.
Jonah se tourna sur le côté, sans lâcher sa main. Au bout de quelques minutes, sa respiration ralentit. Endormi.
TK resta là encore un moment, assis, à écouter le souffle paisible de l’enfant.
Quand il ressortit enfin de la chambre, il retrouva Carlos dans le salon, une couverture sur les jambes, tasse de thé à la main. TK s’effondra doucement à ses côtés.
— Il s’est endormi ? demanda Carlos à voix basse.
— Oui.
Carlos soupira.
— Pauvre petit cœur. Il a tellement vu de monde aller et venir…
TK posa sa tête sur l’épaule de son mari.
— On va lui prouver qu’on reste.
Carlos tourna la tête vers lui, leurs regards se croisèrent, doux et déterminés à la fois.
Ils restèrent ainsi, blottis l’un contre l’autre, bercés par le silence apaisant de la chambre. Le calme du soir les enveloppait comme une couverture tiède.
Mais soudain, un cri perça la quiétude. Jonah.
Il s’était redressé, les joues mouillées de larmes, le visage bouleversé. Il sanglotait, secoué de tremblements.
TK se leva d’un bond et retourna à son chevet.
— Jonah ! Je suis là, je suis là, murmura-t-il en s’accroupissant près du lit.
La nuit était tombée depuis un bon moment déjà. Dans la chambre principale, Carlos était étendu sur le grand lit conjugal, un roman ouvert entre les mains. Ses lunettes glissaient doucement sur le bout de son nez tandis que ses yeux suivaient les lignes, plus par habitude que par réelle concentration. Il écoutait d’une oreille ce qui se passait dans la chambre d’à côté.
Dans la pièce voisine, la veilleuse projetait une lueur douce contre les murs. Jonah, bien emmitouflé sous sa couverture dans son petit lit en forme de voiture rouge, fixait le plafond sans ciller. Une main agrippait fermement le chandail de TK, comme s’il craignait qu’on le lui arrache. Couché à ses côtés, TK lui caressait lentement les cheveux, fredonnant à mi-voix une berceuse imparfaite, les paupières lourdes, luttant contre le sommeil qui le guettait.
— Tu peux dormir, murmura-t-il, la voix douce et basse. Je suis là, mon cœur. Je partirai plus.
Jonah ne répondit pas. Il ne bougeait presque plus, mais ses petits yeux trahissaient encore une vigilance inquiète. Puis, lentement, son poing se détendit, et sa respiration gagna en régularité.
TK, bougea légèrement pour trouver une position plus confortable dans le petit lit. À peine eut-il bougé que Jonah gémit doucement, les larmes revenant briller au coin de ses yeux.
Son regard brillait à nouveau de larme.
— Shhh… je suis toujours là, souffla TK, en reprenant aussitôt sa place, ses gestes lents et rassurants.
Il posa une main ferme mais douce dans le dos de Jonah. L’enfant se blottit contre lui, son souffle tremblant cherchant celui de TK comme un ancrage. Ses grands yeux bruns se levèrent vers son frère, pleins d’une tristesse silencieuse. Il semblait résigné à ne plus les fermer, comme si le sommeil lui faisait peur, ou pire, risquait de l’éloigner de cette chaleur rassurante.
Au bout d’une heure, TK, engourdi des pieds à la tête et le corps tout ankylosé, se tourna lentement vers Jonah. L’enfant, lové contre lui, gardait toujours les yeux ouverts, fixant un point invisible dans la pénombre.
— Tu veux venir dans le grand lit ? murmura TK. Dormir entre moi et Carlos ?
Jonah ne répondit pas tout de suite. Il cligna lentement des yeux, comme s’il réfléchissait, puis hocha la tête sans un mot.
TK se redressa en étouffant un grognement discret, ses muscles protestant après deux heure passée dans le petit lit trop étroit. Il souleva Jonah avec précaution, l’enfant glissant naturellement dans ses bras, les bras autour de son cou, la tête posée contre son épaule.
— On va aller retrouver Carlos, souffla TK à son oreille.
Dans la chambre principale, la lumière de la lampe de chevet était encore allumée. Carlos, à moitié endormi, leva les yeux en les voyant entrer. Un sourire s’étira doucement sur ses lèvres.
— Tout va bien ? demanda-t-il à mi-voix.
— Il n’arrive pas à dormir, répondit TK. J’ai tout essayé…
Carlos sourit doucement, puis il déposa son livre sur la table de chevet, ajusta ses lunettes, puis se poussa pour faire de la place au petit garçon.
TK déposa Jonah entre eux, puis s’installa à son tour. Jonah se tourna naturellement vers TK, attrapa le tissu de son chandail d’une petite main, puis tendit l’autre vers Carlos, à l’aveugle.
Carlos la prit aussitôt, refermant ses doigts autour des siens.
Jonah ferma enfin les yeux, ses traits détendus pour la première fois depuis le début de la nuit.
— Vous êtes beaux à voir, chuchota Carlos avec tendresse.
Quelques minutes plus tard, Jonah dormait profondément, blotti entre les deux hommes.