Quand la sirène sonne pour Jonah

Chapitre 1 : Sous les flammes de Barton Hills

1001 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 05/10/2025 18:20

Les mois défilaient dans une routine douce, presque rassurante. Mais à la caserne 126, le destin n’attendait jamais longtemps avant de frapper.

La salle de repas résonnait encore des rires de l’équipe, entassée autour de la grande table. T.K. venait tout juste d’entamer sa bouchée quand la sirène déchira l’air, stridente, brutale, arrachant les conversations comme une lame.

Les rires s’éteignirent d’un coup. Le silence retomba, tendu.

Le haut-parleur grésilla :

Appel d’urgence – incendie structurel dans un établissement scolaire. École élémentaire Barton Hills. Feu actif, évacuation en cours.

Le monde de T.K. s’arrêta.

Son cœur fit un bond violent dans sa poitrine. Ses doigts se crispèrent sur la table, son souffle se bloqua.

— …Non, murmura-t-il, presque inaudible.

Nancy, déjà debout, se figea en le voyant pâlir.

— T.K. ?

Il leva les yeux vers elle, la voix blanche, étranglée.

— C’est l’école de Jonah… C’est son école…

Un silence glacial s’abattit sur la pièce. On aurait entendu une épingle tomber.

— On bouge ! aboya Judd, déjà en direction du camion.

Tommy posa une main ferme sur l’épaule de T.K. Son regard accrocha le sien, solide.

— Respire. On fait notre job. Et on va le retrouver.

Il hocha la tête, brutalement, et se leva d’un bond, courant vers le vestiaire. L’ambiance avait changé. Plus un mot. Juste le bruit sec des casiers, le claquement des bottes, le métal qui s’entrechoque.

Dans l’ambulance, la tension était palpable, presque électrique. La sirène hurlait, couvrant le vrombissement du moteur. Assis à côté de Nancy, T.K. fixait la radio, incapable de tenir en place. Sa jambe tremblait, ses doigts battaient nerveusement contre sa cuisse. Les gyrophares projetaient des éclats bleus sur son visage tendu.

— On va le retrouver, dit Nancy d’une voix ferme, sans le quitter des yeux. On va le ramener, T.K. Mais tu dois tenir jusque-là, tu m’entends ?

Il hocha la tête, une larme échappant malgré lui. Il l’essuya d’un revers sec.

Tommy attrapa sa radio.

— Central, ici la capitaine Vega de la 126. Un de nos secouristes est directement concerné, son fils pourrait faire partie des victimes. Demande renfort immédiat.

— Bien reçu 126, tenez la ligne…

Mais T.K. n’écoutait déjà plus. Ses mains tremblaient quand il sortit son téléphone. Il composa le numéro de Carlos.

Une sonnerie. Deux. Trois. Puis la voix essoufflée de son mari.

— T.K. ? Je suis en intervention, qu’est-ce qui se passe ?

La gorge de T.K. se serra.

— Carlos… c’est l’école… L’école de Jonah. Il y a un incendie. On est en route.

Un silence. Puis un éclat de voix.

— Quoi ?!

On entendit des pas précipités, un ordre lancé quelque part.

— J’arrive. Je lâche tout et j’arrive.

— Carlos…

— Dis-le, T.K. Dis-le-moi. On va le retrouver.

T.K. ferma les yeux, la voix brisée.

— On va le retrouver. Entier. Vivant. Je te le promets.

La ligne se coupa. T.K. resta figé, le téléphone serré dans sa main tremblante.

— Et si j’ai menti, Nancy ? Et si j’ai menti à Carlos ?

Elle tendit la main et serra la sienne, fort.

— Concentre-toi. On y est presque.

L’ambulance freina sec devant l’école. L’air était saturé de fumée. Les gyrophares coloraient les nuages gris de reflets rouges et bleus. Des enfants pleuraient sous des couvertures de survie, serrés contre des enseignants hagards. Le chaos.

Avant même l’arrêt complet, T.K. bondit hors du véhicule.

— Jonah ! hurla-t-il. JONAH !

Ses yeux balayèrent la foule jusqu’à tomber sur Mme Harper, la maîtresse de son fils. Le visage noirci, les lunettes embuées, elle tremblait devant un pompier. Quand elle vit T.K., elle blêmit.

Il accourut.

— Mme Harper ! Jonah ! Il est avec vous ? Il est sorti ?

Ses lèvres tremblaient.

— On était à la cafétéria… il y a eu une explosion… On a évacué par l’aile nord mais… Jonah… je ne l’ai pas vu sortir. J’ai voulu retourner… mais ils m’ont retenue…

T.K. chancela. Un pompier s’approcha, grave.

— On a encore des équipes à l’intérieur. Le couloir ouest est instable, mais on tente un passage. S’il est là-dedans, on ira le chercher.

— Alors je viens avec vous ! cria T.K.

Tommy surgit derrière lui et l’agrippa par le bras.

— Non ! Tu restes ici. Tu n’es plus pompier…

T.K. faisait les cent pas, la radio collée à la bouche.

— Judd ? Mateo ? Marjan ? Paul ? Vous me recevez ?!

Rien. Juste le grésillement. Le silence.

Nancy croisa les bras, la mâchoire serrée.

— Ils sont peut-être dans une zone morte. Ça arrive.

Mais T.K. n’entendait déjà plus. Un crissement de pneus attira leur attention. Une voiture civile s’arrêta en trombe. Carlos en jaillit, son badge à la main, écartant les policiers.

Ses yeux cherchaient désespérément dans la foule. Quand il vit T.K., il fonça.

— Où est-il ?! Où est Jonah ?!

T.K. ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit. Nancy prit le relais, la voix sombre.

— Ils ne l’ont pas encore retrouvé. Ils sont rentrés depuis environ 10 minutes…

Carlos vacilla, une main sur ses hanches, l’autre dans ses cheveux.

— Dix minutes… Dix minutes dans un incendie…

T.K. ferma les yeux, la douleur lui lacérant la poitrine.

— Je sais…

Les pompiers sortirent avec une enseignante blessée. Mais pas Jonah. Pas la 126.

T.K. tomba à genoux à côté de Carlos. Leurs fronts se touchèrent, leurs souffles s’entremêlèrent.

— Il va bien, répéta Carlos comme une prière. Il va bien?

T.K. ne répondit pas.

Il n’en savait rien.


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