Tranche de vie

La voiture roulait doucement sur la route déserte. TK, les mains crispées sur le volant, jetait de fréquents coups d’œil vers le petit siège d’auto à l’arrière. Rose dormait paisiblement, emmitouflée dans une couverture douce, son minuscule poing entrouvert reposant près de sa joue. Son souffle régulier faisait fondre, malgré l’inquiétude qui serrait la poitrine de TK.

Carlos, assis à côté, ne détachait pas ses yeux du bébé. Son visage s’éclaira d’une tendresse rare.

— Elle est… parfaite, souffla-t-il, comme s’il n’osait pas briser le calme de l’instant.

TK hocha la tête, mais ses yeux restèrent fixés sur la route.

— Ouais… Mais elle mérite plus que quelques mois de foyers provisoires, murmura-t-il, la voix serrée. Je veux dire…

Les mots se perdirent dans le ronronnement du moteur.

Sans rien ajouter, Carlos glissa sa main sur celle de TK, un contact simple, solide, qui valait toutes les promesses.

— On va se battre pour elle, TK, dit-il d’une voix basse, mais ferme.

Arrivés à l’appartement, le silence se rompit. Carlos détacha Rose avec précaution et la prit contre lui. Le bébé gémit un instant, puis s’apaisa aussitôt contre sa poitrine. Les deux hommes échangèrent un regard avant de sortir : mélange de fatigue, de crainte… mais surtout d’un immense espoir.

À la porte, Andréa les attendait déjà, le sourire large, Jonah accroché à sa jambe, les yeux écarquillés par la curiosité.

— ¡Bienvenida, mi querida! (Bienvenue, ma chèrie), lança-t-elle en apercevant la petite.

Jonah s’approcha lentement, ses pas hésitants trahissant à la fois l’envie et la timidité.

— Est-ce que… des fois, elle va pleurer ? demanda-t-il d’une voix sérieuse.

Andréa s’accroupit pour être à sa hauteur.

— Bien sûr, mi corazón. Mais tu seras là pour la rassurer.

Carlos, qui tenait Rose contre lui, s’agenouilla pour se mettre à la hauteur de Jonah.

Rose émit un petit gémissement, et Jona sourit timidement puis tendit la main vers la couverture qui enveloppait le bébé.

— Je peux… lui tenir la main ?

Le bébé émit un petit gémissement, et Jonah esquissa un sourire timide, tendant sa main.

Avec une douceur infinie, Carlos guida ses doigts.

— Voilà… tu vois ? Elle sent déjà qu’elle est en sécurité avec toi.

Rose remua, puis soudain ses pleurs éclatèrent, fins mais insistants. Jonah fronça les sourcils, paniqué.

— Elle… elle n’est pas bien ?

Carlos leva les yeux, un peu désemparé.

— Je crois… qu’elle a faim ? Enfin… peut-être…

Andréa éclata de rire, secouant la tête.

— Vous n’avez jamais géré ça, hein ?

TK et Carlos échangèrent un regard coupable, l’air de deux recrues maladroites.

Andréa s’avança, sûre d’elle, et prit Rose dans ses bras avec une aisance naturelle. Son geste était fluide, comme si elle avait attendu ce moment depuis toujours.

— Viens, mon trésor, dit-elle au bébé d’une voix douce et chantante. Abuela va montrer à tes pauvres papas comment on s’occupe d’une princesse comme toi.

La petite se calma presque aussitôt dans ses bras, et TK sentit ses épaules se relâcher enfin, tandis que Carlos ne put s’empêcher de sourire devant ce tableau inattendu : leur nouvelle vie commençait, maladroite et chaotique… mais pleine d’amour.