Ce qu’il reste de moi
Chapitre 1 : Le goût du sang et du vide
1352 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 23/10/2025 20:45
TK était assis à l’arrière d’une voiture de patrouille, menotté, la lèvre fendue, les côtes douloureuses, les poumons en feu et la tête bourdonnante. Le goût métallique du sang lui collait au palais. Il se sentait idiot — idiot d’avoir mis les pieds dans ce bar, idiot d’avoir provoqué ce type juste pour sentir quelque chose, idiot de s’être encore laissé déborder par ce besoin absurde de se prouver quelque chose.
C’était pourtant exactement ce qu’il cherchait : ressentir. Avoir l’impression d’être encore vivant, de redevenir celui qu’il avait été, se rappeler l’adrénaline, la tension, le goût métallique du danger… sans toucher à la came.
Sauf que cette fois, il s’était pris la réalité en pleine gueule.
Owen croyait-il vraiment qu’en l’amenant ici, au Texas, il allait miraculeusement perdre tous ses vieux réflexes ?
TK savait très bien où trouver ce qu’il ne fallait pas chercher. Même dans cette ville qu’il ne connaissait pas. Les junkies peuvent facilement en repérer d'autre... et il était passé maître dans l’art de se saboter.
Mais cette fois, il n’en voulait pas. Il avait déjà gâché trop d’années, avec cette foutue overdose. Il ne voulait plus infliger cette douleur à ses parents — surtout pas à sa mère.
Il aurait voulu se convaincre que tout ça, c’était la faute de Judd. Cet idiot de Texan qui voulait tout contrôler, comme si TK n’était pas capable de gérer une intervention sans lui.
Bodel, il était pompier et secouriste... donc bien plus qualifié que lui, bon sang.
Mais, le survivant de la 126 voulait montrer au petit new-yorkais ses habiliter avec un silo à grain. C’était stupide, TK avait fait des interventions bien plus risquer dans sa ville natal…
Mais, au fond, ce n’était pas Judd le problème. C’était lui.
Il était en colère — pas seulement contre les autres, mais contre lui-même. Contre ce vide intérieur, cette impression d’avoir perdu ses repères, d’être un étranger dans sa propre peau. Et depuis qu’il avait rencontré Carlos Reyes, tout semblait encore plus confus.
Par moments, des images revenaient sans qu’il ne puisse les repousser : la chaleur de sa peau dorée sous ses doigts, l’odeur subtile se son parfum, le timbre grave de sa voix et des mots qu’il n’avait pas compris. Des mots d’une autre langue, qui roulait comme un murmure contre son oreille et qui l’avait encore plus excité …
Il revoyait sans cesse la lumière du midi passant par les fenêtres du salon de Carlos, la piqure froide du cuir du sofa sous sa peau dénudé, leurs respirations mêlées, l’envi pressante de ce moment suspendu.
TK ne comprenait plus ce qu’il ressentait, ni pourquoi ça le troublait autant. Il savait seulement qu’il avait claqué la porte et tourné le dos à cette relation qui commençait à lui faire peur.
La radio grésilla à l’avant de la voiture, couvrant un instant le bruit monotone de la pluie sur les vitres. Les gyrophares diffusaient des reflets rouges et bleus qui dansaient sur les flaques du trottoir.
TK ferma les yeux, appuya sa tête contre la vitre froide et soupira. Il se sentait à la fois honteux, fatigué… et terriblement seul.
Ce n’était pas de la faute de Carlos. Qui n’avait probablement rien comprit… C’était à cause d’Alex. Qui avait détruit en un souper, la frêle personne que TK était devenu. Il se serait cru plus fort, mais non…
Quand les policiers grimpèrent dans le véhicule de patrouille, la pluie s’était changée en crachin persistant, traçant des filets sur les vitres. TK fixait les gouttes qui glissaient, les voyait s’unir puis disparaître dans le néant de la nuit texane. Le métal froid des menottes lui sciait les poignets. Il n’avait pas dit un mot depuis qu’on l’avait embarqué. La lèvre fendue lui lançait, son crâne tambourinait à chaque battement de cœur et sa respiration était difficile comme si des hématomes avaient déjà recouvert la peau de ses flancs. Une douleur sourde, bien méritée.
La voiture ralentit, vira à gauche, puis s’arrêta devant le poste de police. L’agent qui conduisait coupa le moteur, puis descendit lentement avant d’ouvrir la portière arrière.
— Descend.
Il obéit sans résistance. L’eau s’infiltra aussitôt dans ses cheveux, son t-shirt collait à sa peau. On le fit entrer par une porte latérale. Ses poignets brûlent sous les menottes. À l’intérieur, tout semblait trop blanc, trop brillant. Le néon bourdonnait au-dessus de sa tête, agressant un peu plus son mal de crâne.
On le fit passer dans un petit bureau qui sentait le désinfectant et le café tiède. Un autre agent, plus jeune, s’avança vers lui et vida ses poches : son portefeuille, son téléphone, ses clés, quelques billets froissés. Le policier nota quelque chose sur une feuille, puis mis le tout dans un bac en plastique et fit signe de s’asseoir sur une chaise métallique.
TK s’exécuta. Le siège était dur, le métal froid contre ses bras nus. Le silence pesait, interrompu seulement par le grésillement d’une radio dans la pièce voisine.
Quelques minutes plus tard, un autre officier entra, un alcootest à la main.
TK avait failli éclater de rire tellement c’était ironique. Il n’avait pas bu une seule goutte depuis des mois. Mais il s’était retenu, conscient que le moindre sourire pourrait être mal interprété. Il inspira profondément et souffla dans l’embout.
Le bip strident de l’appareil brisa le silence. L’agent leva les yeux vers l’écran, haussa légèrement les sourcils, mais ne dit rien.
On lui tendit un petit sac de glace. TK le prit sans un mot et le pressa contre son front. Le froid le fit grimacer, mais la douleur s’adoucit légèrement.
Le temps passa lentement. Chaque minute semblait s’étirer. Des policiers allaient et venaient, indifférents. TK, lui, se sentait vidé.
Puis un agent finit par revenir.
— Venez.
Il se leva, la glace toujours dans la main, et suivit le policier dans le couloir. Les murs étaient tapissés d’affiches de prévention et de portraits officiels.
On le fit entrer dans une salle remplit de bureau.
— Assoyez vous là, un agent viendra vous voir…
TK hocha simplement la tête et s’installa, la tête entre les mains.
Les minutes passèrent.
Des pas résonnèrent.
TK leva les yeux.
Carlos Reyes entra, dossier à la main, vêtu de son uniforme bleu marine impeccablement ajusté.
— Sérieusement…
TK souffla ces mots sans s’en rendre compte, un mélange d’exaspération et de frustration. Il sentit son propre cœur battre plus vite, cette sensation étrange d’être à la fois vulnérable et irrité.
Carlos leva un sourcil, surprit par la réaction de TK, puis s’assit derrière son bureau.
— Austin est une petite ville, TK… Enfin, Tyler-Kennedy, je veux dire, répondit-il d’une voix calme, mais chaque mot semblait pesé.
Son regard ne quittant pas TK.
— L’inconvénient de t’être fait arrêter c’est que j’ai découvert ton vrai nom. D’ailleurs, c’est la première chose que j’apprends sur toi.
TK resta silencieux, le souffle un peu court, puis détourna légèrement le regard. Il ressentait une étrange chaleur à la pensée que Carlos connaisse enfin cette part de lui. Mais il comme si rien n’était et ajouta :
— T’as le droit de me parler ? Y’a pas conflits d’intérêt ?