Ce qu’il reste de moi

L’appartement de Carlos baignait dans la lumière douce du soir. TK était assis sur le bord du canapé, encore en t-shirt d’uniforme, les coudes sur les genoux. Ses doigts s’amusaient distraitement avec la bande de sa montre. Carlos, accoudé au comptoir de la cuisine, le regardait en silence.

— T’as été ailleurs toute la soirée, dit-il doucement. Qu’est-ce qui s’est passé aujourd’hui ?

TK leva les yeux vers lui. Il hésita, chercha ses mots.

— On a eu un appel pour un gamin… coincé dans un vieux champ de mines, au nord. Il était vraiment mal en point…

Carlos fronça les sourcils, inquiet.

— Il s’en ai sorti ?

— Ouais, répondit TK avec un léger rire nerveux. Je lui ai donner les premiers soins. Tommy de disait quoi faire à la radio…

Il passa une main dans ses cheveux, comme pour remettre un peu d’ordre dans ce qui bouillonnait dans sa tête.

— Tu sais… cette intervention… ça ma replongé à New York, à l’époque où j’avais les deux certifications, pompiers et secours. Et là, ça m’a frappé : j’ai envie de revenir à ça.

Carlos s’approcha, s’assit à côté de lui.

— Tu veux dire…

— Je crois que je veux devenir ambulancier à la 126. Tommy chercher encore une recru…

TK le regarda enfin, avec un mélange de peur et d’excitation.

— J’ai envie de… changer d’air. De faire partie de l’équipe médicale au lieu d’attendre qu’elle vienne me ramasser quand je fais une connerie. J’ai envie d’aider les gens autrement.

Carlos esquissa un sourire.

— C’est pas une petite décision, ça.

— Je sais. Mais pour une fois, j’ai l’impression que c’est la bonne.

Carlos posa une main sur la nuque de TK, doucement.

— Alors fonce. Si c’est ce que tu veux, je suis là. Toujours.

TK laissa un petit sourire lui échapper.

— C’est bizarre… Pour la première fois depuis longtemps, j’ai pas envie de fuir. Juste d’avancer.

Un an.

Il y a un an, il n’aurait jamais cru pouvoir en arriver là.

Il avait touché le fond, puis remonté.

Il avait quitté New York, recommencé à zéro, aimé à nouveau, retombé, s’était relevé.

Et ce soir, pour la première fois depuis longtemps, il savait exactement où il allait.

Être ambulancier à la 126, ça sonnait juste. Ce n’était pas une fuite ni une impulsion. C’était une direction. Un sens.

TK se laissa aller contre le dossier du canapé, le cœur plus léger.

Sa vie n’était pas parfaite…

Mais cette fois, il ne voyait plus tout comme des obstacles. Plutôt comme… la vie, tout simplement.

Il pensa à ce petit frère à venir. L’idée l’avait d’abord bouleversé, puis attendri. Peut-être qu’il pourrait lui montrer deux-trois trucs : comment attacher ses lacets, comment tomber amoureux sans se perdre.

Et surtout, comment se relever, encore et encore.

Il tourna la tête vers Carlos.

Tout ce qu’il avait fui, tout ce qu’il avait craint… il l’avait trouvé ici.

De l’amour, de la stabilité, un sens.

Peut-être que l’avenir lui réservait encore beaucoup de drame et de soucis… Mais pour la première fois depuis longtemps, TK Strand n’avait plus peur de demain.