Le Meilleur des mondes possibles (ancienne version)

Chapitre 1 : Prologue ~ Le paradoxe des sens uniques

2418 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 31/08/2013 06:11

 

Prologue ~ Le paradoxe des sens uniques

~ Parce qu’il faut se poser la question :

Pourquoi les ennuis ne vont-ils que dans un seul sens,

alors que les portes sont ouvertes des deux côtés ?

 

Bruit.

 

Un homme marche. Il a l’uniforme d’un avocat, bien qu’il ne soit pas en plein travail.

Une femme est à ses côtés. Elle mâche un sandwich en faisant attention pour que ses mèches noires ne viennent pas entrer en contact avec son déjeuner. Il est midi.

 

Bruit.

 

La rue est calme. Les gens marchent, insouciants. Ils ne s’attendent à rien de particulier.

Il fait beau. Mais le ciel n’est pas dégagé. C’est habituel. Donc cette journée n’aura rien de spécial. Il n’y a aucune raison.

 

Bruit.

 

L’homme lève le regard attentif, sorti de ses pensées. La femme cesse de mâcher, mais sa bouche est pleine.

La foule accélère le pas. Les gens courent et font demi-tour. Ils vont tous dans la même direction. Ils fuient.

 

Bruit.

 

Quelque chose sort du coin de rue. Cela se rue sur les gens qui ne sont pas assez rapides. Ces gens deviennent noirs, puis partent en fumée. Ils ont été carbonisés. Cela les tue.

 

Bruit.

 

Ils courent. Mais c’est trop nombreux. Cela se divise et va dans toutes les directions. C’est un prédateur. Anthropophage.

 

Bruit.

 

Ils s’arrêtent. Cela les a cernés. De toutes parts. Ils se serrent l’un contre l’autre, comme des amis terrifiés. La femme laisse tomber son hamburger. Elle ne le regarde même pas. Elle a encore sa bouchée, mais elle n’ose pas l’avaler. Ils sentent la mort arriver. Mais elle ne veut pas venir. Elle aime se faire attendre quand on a peur de souffrir et qu’on veut qu’elle vienne vite.

 

Lumière.

 

L’homme regarde l’intérieur d’une de ses poches et en sort un petit pendentif. Il luit de toutes parts. Cela les protège. Mais cela les fait disparaître.

 

Silence.

 

 

 

« Personne n’a aucune idée de ce dont il s’agit, mais les autorités feront tout leur possible pour les stopper. En attendant, il est fortement conseillé à toute la population de Tokyo et ses environs de rester chez elle et de ne sortir sous aucun prétexte jusqu’à nouvel ordre. Nous avons à votre disposition une carte de la ville qui indique par les points rouges les emplacements où se concentrent ces choses, ainsi que leurs déplacements. Restez vigilants, et surtout bloquez toutes vos issues. »

 

La télévision restait allumée. La situation dans cet appartement semblait être totalement contradictoire : en effet, l’aîné qui était probablement père de famille dormait dans son fauteuil, une cannette de bière à la main ; il devait s’être ennuyé de ne pas avoir vu sa cantatrice préférée à l’écran ce matin et de l’avoir vue remplacée par ce message d’alerte qui repassait en boucle depuis environ une heure. Une jeune femme qui devait avoir dix-sept ou dix-huit ans cuisinait dans la salle d’à côté, n’ayant cependant perdu aucune miette de ce bulletin d’informations particulièrement inquiétant. Elle avait attaché ses longs cheveux aux boucles noires afin qu’ils ne vinssent pas se tremper par mégarde dans ses nouilles en train de cuire. Seul le petit enfant qui devait avoir entre six et huit ans regardait fixement, derrière ses grosses lunettes noires, la carte de sa ville. Seul l’enfant était resté attentif tout du long, contrairement aux adultes à l’allure insouciante.

 

Quelque chose clochait. Les points s’écartaient les uns des autres. Ce qui ne pouvait logiquement signifier qu’une seule chose : qu’ils provenaient tous du même endroit qui n’était pas complexe à déterminer…

C’était une chance : tout un réseau de petites rues épargnées par l’invasion y menait. Il lui suffisait d’être suffisamment rapide et discret pour comprendre et trouver l’origine de ces êtres qui étaient apparus sans raison le matin-même… C’était tentant. Beaucoup trop tentant.

Il regarda une dernière fois la carte, avec plus d’attention encore qu’auparavant. Puis il se tourna vers l’homme qui ronflait sur son fauteuil. Il ne se réveillerait pas de sitôt, et Ran était dans la cuisine. Avec un peu de chance il serait de retour pour le déjeuner, et personne n’aurait rien vu.

Conan se rua alors vers la porte d’entrée avec la plus grande discrétion possible. Celle-ci geignit lorsqu’il l’ouvrit avec difficulté à cause de sa lourdeur, mais il parvint à taire ces gémissements afin qu’ils ne fussent plus que des murmures étouffés. Il passa le cadre, arriva dans le couloir de l’appartement ; la porte devint alors trop lourde à retenir et claqua ; il se mordit la lèvre en jurant intérieurement. Ran avait entendu. Il en était certain.

 

Donc il allait devoir courir.

 

 

 

Le ciel se couvrait peu à peu de nuages, qui devenaient de plus en plus noirs au fur et à mesure des minutes. Quelques instants plus tard, une pluie fine se déversa sur Paris. La foule se hâtait afin de s’abriter le plus rapidement possible, tandis que certains attendaient sous les stores des boutiques que l’averse cessât.

Parmi eux, deux adolescents patientaient tranquillement, abrités par l’échoppe d’un fleuriste. Le premier était un étudiant aux cheveux roux, qui essuyait ses lunettes salies par les quelques gouttes tombées dessus. La seconde, une jeune fille blonde, étreignait dans ses bras un étui à violon depuis que le ciel s’était assombri, voulant protéger l’instrument qui s’y trouvait et auquel elle tenait tout particulièrement. À leurs pieds, un chien attendait avec eux, l’air excédé par l’eau qui allait lui valoir un bain une fois qu’ils seraient rentrés.

 

« Ça n’a pas l’air de se calmer, Raphaël… » souffla-t-elle en se tournant vers le ciel couvert.

 

L’intéressé fit de même et lâcha un soupir agacé.

 

« Eh bien nous allons courir, si nous voulons y être à temps ! Marie, Fondue, vous êtes prêts ? »

 

Tous trois s’élancèrent soudainement sous l’averse en réponse à ces paroles prononcées d’un ton annonçant pourtant une plaisanterie, prenant cet imprévu comme un jeu. Ils riaient. Ils n’avaient pas de parapluie, ils étaient en train de se mouiller et bientôt ils seraient trempés, mais peu leur importait. Ils n’auraient qu’à se sécher une fois arrivés, ce n’était pas la mer à boire !

Pourtant, la plaisanterie ne dura pas : le rouquin perdit rapidement son amie du regard dans la foule. Puis il entendit un cri. C’était elle, il en était certain. Il se précipita vers l’origine du hurlement, et vit trois individus qui la retenaient. Sans hésiter, il se jeta sur eux pour la libérer ; en réponse, un des deux hommes affairés à maintenir l’adolescente le saisit à son tour sans aucune difficulté. Le dernier, ainsi que la femme qui les accompagnait, s’enfonça dans une ruelle voisine, Marie se débattant toujours dans ses bras. La femme lui plaqua un pan de tissu contre le nez, ce qui eut pour effet de l’endormir.

 

Du narcotique. Mais que faisaient-ils avec du narcotique ?! Que lui voulaient-ils ?

 

L’homme qui détenait Raphaël se tourna vers ses camarades et leur dit quelque chose dans une langue qu’il ne comprit pas. Puis tous les cinq entrèrent dans la ruelle, suivis de près par Fondue qui aboyait comme un fou.

 

« Qu’est-ce que vous faites, bon sang ? Qu’est-ce que vous nous voulez ?! » hurlait le jeune roux tandis que ses lunettes avaient glissé le long de son nez sur au moins un centimètre et demi à cause de ses tentatives vaines de se libérer.

 

Celui qui le maintenait était très calme, à l’air triste. Déçu. Il n’avait pas l’air de vouloir faire de mal à qui que ce fût, alors pourquoi faisait-il ça ?!

 

« Désolé… »

 

L’adolescent n’eut pas le temps de lui dire qu’il ne comprenait pas ce qu’il disait car une vive lumière l’aveugla soudainement.

 

Puis ce fut le noir complet.

 

 

 

« Génial. Je n’arrive pas du tout à retrouver cette galerie sur la carte. J’crois que là, on est carrément perdus… »

 

La créature qui le suivait poussa un petit grognement lassé qui laissait deviner quelque chose comme « Je te l’avais bien dit » ; en réponse, le jeune homme répliqua dans son énervement qu’il n’avait pas besoin d’en rajouter une couche.

 

« Quelle galère… Y’a même plus de réseau ! » grommelait-il en regardant l’écran de son téléphone.

 

Son étrange compagnon, ressemblant à un dragon bleu sombre au ventre rougeâtre, ricanait malicieusement face à la déroute de l’adolescent à l’aube de la vingtaine d’années.

 

« Très drôle, Carmache. J’suis mort de rire. »

 

De la lumière sortait d’un trou dans la paroi, sur la droite. Il poussa un cri de victoire tout en s’épongeant le front plein de sueur au-dessous de son bandeau vert, avant de contraindre le dénommé Carmache de le suivre. Le passage laissé par la roche mena, contre toute attente, à une simple torche encastrée dans un mur. Déçu, il s’en saisit afin d’y voir plus clair sur le reste de la route ; du moins, il tenta car celle-ci était coincée sur son socle, et il ne put que la faire basculer vers le bas. Il entendit un déclic qui lui confirma que, finalement, ce genre de clichés n’était pas réservé à la cinématographie, et en effet ce qui ressemblait à un mur s’affaissa sur ce qui devait être une grande salle sombre. Intrigué, il entra, suivi de son pokémon. Le dresseur aperçut un emplacement pour un brasier éteint ; il l’alluma tout naturellement à l’aide de son briquet, histoire d’y voir plus clair.

Carmache paraissait nerveux et tirait sur le bras du jeune homme, mais celui-ci n’y prêtait pas attention.

Il entendit enfin un ronflement qui, en réalité, résonnait depuis longtemps. Peut-être y avait-il finalement pris garde parce qu’il venait de s’arrêter. Soudainement inquiet, il regarda autour d’eux. Et il le vit enfin.

 

Blanc.

Énorme.

Énervé. Ou plutôt, très énervé.

 

Cela ressemblait à un dragon blanc et mauve. Son regard écarlate et enragé d’avoir été ainsi réveillé se plongeait sur les deux visiteurs.

 

Il s’approchait.

Lentement.

Sournoisement.

 

Brice n’eut que le temps de rattacher cette créature à l’une des légendes de la région dans laquelle il se trouvait : Palkia. Et il l’avait mis en colère par pur hasard, sans le faire exprès ni même le savoir.

 

“Holy shit…” murmura-t-il ébahi, dévisageant avec terreur la légende vivante qui le toisait avec courroux.

 

Ce fut à partir de ce moment qu’il regretta sérieusement de s’être levé ce matin-là.

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