La Marée des Ténèbres

Chapitre 19 : Préparation

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:34

Maverick sortit du petit salon maintenant déserté, et ne trouva nul signe de ses nouveaux 'collègues' à l'extérieur. Pour une organisation secrète et plus que secrète, ses membres vagabondaient plutôt à leur aise; il pourrait peut-être profiter de la même liberté dans une certaine limite.
Du moins, peut-être pas dès ce soir- enfin, soir, ici où la lumière n'était qu'artificielle, il ne pouvait donner une indication de temps. Son engagement ne lui donnait aucun problème moral, mais il brûlait d'impatience de mettre à jour ce fameux Voïvode pour voir ce qu'il était vraiment. Quelque chose qui passait le temps à vous éblouir sous le feu d'un projecteur, où que vous soyez, et à vous parler d'une voix goguenarde, tout en ne prétendant rien posséder du divin, et en pouvant ramener les morts à la vie, devait forcément être intéressante à rencontrer en chair, en os, et en tout ce quoi d'autre cela pouvait être fait.
Maverick prenait réflexion pour la marche à suivre, lorsque le même homme à l'air si soigné, qui paraissait être un maître d'hôtel pour autant qu'on pût en avoir besoin en un tel endroit, l'aborda, l'air guindé.

" Monsieur Maverick, si je puis me permettre d'interrompre le cheminement de vos pensées, j'ai une annonce à vous faire de la part de mademoiselle Noïs Nimed.
- L'attention est touchante, toutefois, je ne connais pas cette femme.
- Je conviens que sa demande peut paraître cavalière, monsieur, mais tel est le caractère de cette demoiselle. C'est l'un des Agents de l'Utopie dont, je vois, vous faites également partie à présent. Je vois que ce sobriquet vous fais sourire, monsieur.
- Rien d'important. Mais, ma foi, pourquoi ne pas accepter ? Je n'ai aucun ordre de mission, et malgré un petit tour du propriétaire, je crois que je me perdrai facilement dans le Palais. De plus, le souvenir des baies de ce matin se fait lointain pour mon estomac. Dites-lui que j'accepte sa proposition.
- Elle en sera ravie, fit Jeeves en exécutant une parfaite révérence. J'ai bien peur qu'elle s'ennuyait quelque peu depuis quelques temps, votre compagnie lui apportera certainement un réconfort roboratif. Le dîner sera servi dans une heure et demie, au Classicium. Que monsieur me pardonne, mais monsieur aurait-il des problèmes pour se repérer temporellement au Palais du Crépuscule ?
- Vous avez mis dans le mille, mon bon Jeeves.
- Prenez ceci, dans ce cas. On aurait du vous le remettre tôt ou tard."
Le serviteur lui remit une sorte de grosse montre faite d'un métal jaune terne, à laquelle on aurait rajouté un couvercle en forme de balla coupée en deux. Maverick la mit à sa main droite, au contraire de la majorité des gens qui ont posé comme Règle Universelle Mystérieuse le port de la montre au poignet gauche.
" Vous voudrez bien examiner ses différentes fonctionnalités un peu plus tard, monsieur. Je vous remet également ce plan simplifié des lieux. Vous obligeriez fort mademoiselle Noïs en vous rendant tout d'abord à l'Allée du Textile Florissant, où l'on vous vêtira d'un costume de soirée adapté à votre morphologie.
- C'est obligatoire ?
- A moins que, répliqua l'autre avec un frémissement de dédain respectueux pointant aux lèvres, vous ne jugiez votre accoutrement actuel comme répondant aux critères d'habillement d'un dîner en compagnie d'une jeune damoiselle honorable.
- Je n'ai aucunement l'habitude de ce genre de choses, Jeeves. Je vous fais confiance si vous le dites.
- Je remercie monsieur de sa bienséance. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, Nekroïous m'a fait demander pour que je lui prépare une fournée de cookies, si je puis me permettre, j'ai une assez bonne main pâtissière. Je vous souhaite une bonne soirée, monsieur Maverick, et que vous trouviez intérêt à rester au sein de notre congrégation. "

Jeeves le salua et partit au coin du couloir. Maverick profita de solitude renouvelée pour ouvrir cette sorte de montre. Il s'agissait en fait d'un genre d'appareil électronique multi-fonctions, beaucoup plus évolué tout de fois que ce que l'on pouvait espérer trouver sur le marché civil de Wars World, et même militaire, se dit-il. Il y avait, en vrac, un communicateur, un agenda, une alarme, un compteur de radioactivité, et divers autres indicateurs de choses dont il ne devinait pas l'utilité, un thermomètre, un lance-fléchettes, un tazer, un micro-laser, un GPS, un émetteur d'ondes sonores, un potentiomètre, un jeu au nom bizarre de "Tetris", un podomètre, et une bonne fournée d'autres choses plus ou moins utiles, avec, heureusement, l'heure qu'il était ici. Il s'en informa, abandonna le plan papier pour lui préférer le plan digital, et alla à cette allée vestimentaire. Le Palais du Crépuscule commençait à devenir de plus en plus louches avec tous ces lieux excentriques pour le quartier général d'une société de l'ombre...
Un habilleur le reçut fort courtoisement, lui demanda d'enlever les couches de vêtement superflues, prit ses mesures, et lui amena en moins d'une demi-heure un complet de soirée sobre, classique et élégant. Maverick se trouvait complètement endimanché en se mirant dans la glace, se demandant si une telle comédie était réellement nécessaire pour une dîner, même en compagnie d'une femme, le premier qu'il aurait. Il ne comptait pas vraiment dans le lot les rares fois où il avait mangé en tête-à-tête avec Kat, dont les habitudes alimentaires et le maintien à table avaient de quoi rebuter les plus blasés et les moins exigeants.


L'habilleur le complimenta sur sa nouvelle apparence qui lui seyait fort bien, lui assura que ses anciens habits seraient déposés dans la chambre qui lui était attribuée et dont il lui donna l'emplacement, et lui souhaita la bonne soirée.
Ainsi transformé, avec toutefois quelque chose qui continuait à sonner faux dans son allure, car il était difficile de passer du général sombre au dîneur raffiné, il se rendit au Classicium.
Le Classicium s'avéra être une salle à manger de taille modeste, et tout comme le petit salon, elle n'avait rien d'extravagant et n'aurait pas déparé la riche demeure d'un politicien ou d'une des dernières familles nobles encore nanties sur Wars World. Le lustre au-dessus de la longue table vernie brillait de vraies bougies, qui bizarrement, ne laissaient couler aucune cire, les tableaux représentaient quelques scènes exotiques qu'il devina être de ce monde d'où ils devaient tous provenir (Voïvode y compris ?), le sol était recouvert de tapis moelleux et finement tissés.
Lorsqu'il arriva, deux couverts face à face étaient déjà disposés et des entrées froides attendaient patiemment d'être dévorées, mais il n'y avait personne. Comme son nom avait été inscrit sur une petite plaque de papier à la place idoine, il s'y installa, et attendit.
Un événement assez surnaturel survint ensuite, l'air devant lui sembla propulsé en ondes par un rectangle transparent qui rapetissa jusqu'à disparaître. A sa place, une jeune femme habillée en bouffonne se tenait devant lui, en train de mettre du mascara.
" Oh, vous êtes déjà là ? fit-elle en ne cessant pas de se maquiller pour autant. Vous êtes vraiment ponctuel, je ne pensais pas que vous prendriez cela au sérieux !
- J'essaye de suivre les règles fixées par cet endroit.
- Mon grand, je ne pense pas que vous soyez du genre à suivre les règles lorsque vous pouvez vous en abstenir ! dit-elle malicieusement en rangeant son nécessaire de maquillage. Vous n'avez rien contre mon habit ? Je n'ai pas eu le temps d'en changer.
- J'ai déjà vu plus surprenant, se contenta de répondre Maverick. Pourquoi avoir pris la peine de m'inviter à ce dîner ? Je ne suis vraiment pas de ce genre, et je ne pense pas que ce soit Black Sun qui m'y convertisse.
- Aux oubliettes Black Sun ! pesta Noïs en faisant tinter ses clochettes. Oubliez donc pour le moment Voïvode et ses grands airs, et tout cet embrouillamini sur la paix. Vous en avez déjà pas mal fait pour arriver jusqu'ici, hm ? Détendez-vous un peu.
- J'ai peur de ne pas arriver à me détendre quand je sens sur moi ce petit picotement, ce regard omniprésent...
- Oh, vous voulez parlez de ça ? Ne vous inquiétez pas, ce n'est pas lui. Ce n'est pas un voyeur, et il a bien d'autres moyens de savoir si vous allez faire ou pas une bêtise. Vous savez, moi aussi je ressens ce genre de picotement parfois. Ma spécialité, c'est les dimensions, et je suis presque sûr qu'on nous regarde et qu'on nous entend, même maintenant. Je crois que ces créatures s'appellent des 'Laiktheurs'. Excitant, non ?
- Les dimensions ? reprit-il sans tenir compte de sa théorie fantaisiste.
- Oh, oui, ça, répondit-elle avec un geste insouciant de la main. C'est mon petit talent à moi. Je peux me rendre à n'importe quel point d'un monde en un instant, et je sais aussi voyager entre les mondes. La dimension dans laquelle se trouve le Palais du Crépuscule, c'est moi qui l'ai ouverte.
- Je dois avouer que je suis de plus en plus fasciné par tous ces pouvoirs que vous et les autres 'agents de l'utopie' possédez... Même si je ne les connaît pas vraiment, je peux dire au moins une chose, ces qu'ils n'ont rien à voir avec nos habilités de généraux.
- Oh, à des années-lumières de là ! rit Noïs. Ils produisent des effets qui paraissaient être dans la même catégorie, mais ont une tout autre source. Mais pourquoi s'embêter avec ce genre d'histoires ? Vraiment, mettez votre méfiance et votre sérieux au placard au moins juste pour cette soirée, mon grand. Vous ne risquez rien, ici. Nous sommes juste tous les deux, vous et moi, dans une bulle pour la soirée. En fait, vous êtes vous jamais vraiment reposé dans votre vie, Maverick, depuis que vous avec eu le cœur assombri. Allez, faites-moi plaisir, partagez ce repas avec moi, et laissez vos soucis s'envoler. Cela fait bien trop longtemps que je n'ai pas été avec un homme pour que je laisse la chose se gâcher !"

Il aurait voulu dénier et continuer sur la piste qu'il avait enclenchée, mais il n'arriva pas à vaincre l'exubérance de la belle jeune femme. C'était vrai, de sa vie, il ne s'était jamais reposé d'une telle façon... Depuis son premier meurtre, lorsqu'il avait abattu l'assassin de ses parents, il n'y avait jamais eu le temps pour le repos. Il avait du toujours courir, courir. Pour un homme seul, les ennemis sont partout et peuvent surgir à tout moment. Il n'accordait jamais sa plaine confiance, et déblayait tout ce qui pouvait se mettre sur la route qu'il s'était tracée. Arrivé à l'adolescence et ayant acquis prématurément un grande expérience de la vie, il avait conçu l'idée de devenir un justicier de l'ombre, pour que d'autres n'aient pas à subir le même genre de chagrin que lui. Une idée très noble, et très niaise également, comme il s'en aperçut au fil des années qui l'amenaient de plus en plus sensiblement à ce qu'il était devenu, un général de Black Hole ne sauvant plus la veuve ou l'orphelin mais en créant à tour de canons. Pourtant, des quatre, il n'avait pas le dédain pour la vie ennemie d'Adder, la pulsion destructrice primaire de Helmut, et la douce folie ravageuse de Kat. Les émotions des autres ne le touchaient pas vraiment, à l'époque, tellement il avait enfoui les siennes aux tréfonds de son âme. Rejoindre l'armée de Black Hole n'avait été qu'un test pour sa puissance, car, finalement, il n'y avait qu'elle qui comptait pour survivre.
Oui, c'était cela...
Tout du long, il n'avait pas vraiment vécu, mais toujours baigné dans cette affaire de survivance.

Contrairement à ce qu'il avait prévu, ce dîner en compagnie de cette drôle de femme lui plut beaucoup. Elle avait un effet sur lui inédit, son insouciance déteignait l'espace de plusieurs heures sur lui, le décalquant littéralement de son Moi habituel. Il se surprit même à rire une ou deux fois aux blagues qu'elle faisait, et à l'écouter raconter des épisodes passionnants de sa vie, tout en ne violant jamais sa propre intimité. Elle semblait débordante de joie de vivre, et souhaitait lui en instiller une partie. En toile de fond, le repas était varié et excellent, le cuisinier, sans qu'il sache comment, faisait servir tous ses plats préférés, et l'alcool aidant, il relâcha presque intégralement sa méfiance. Presque, car toutes ces années de dure existence avaient implanté en lui un noyau dur de vigilance qui ne s'éteignait que dans l'inconscience.

Quant à elle, même s'il n'était pas des plus bavards, elle paraissait bien heureuse de sa compagnie. Toute cette discussion ne l'amena pas à en apprendre sur elle autant que l'on pourrait croire, et point crucial, il n'avait pas l'ombre d'un doute sur le pourquoi de son habillement en bouffonne noire et rouge. Il n'était pas certain non plus qu'elle soit porteuse d'un parfait équilibre psychologique...
Finalement le dîner en vint à son terme avec un délectable tiramisu, et cette touche de poésie, ou du moins de moins sombre que d'habitude, s'acheva sans même qu'il puisse se souvenir de tous les détails. Si quelqu'un voulait frapper à son encontre, il ne pourrait pas choisir meilleur moment, il était complètement relâché, et même s'il ne l'avouerait pas publiquement, il en ressentait un certain contentement, comme quand vous découvrez une nouvelle chose à la saveur bien meilleure que vous ne l'auriez cru, et que vous auriez eut tort de passer à côté plus longtemps. Il n'adopterait pas un nouveau comportement pour autant, mais l'expérience n'avait pas été désagréable.
Noïs le renvoya dans ses pénates et lui décerna un baiser transmis par la main. Préférant le café bien noir à l'alcool, il ne marcha pas tout à fait droit en sortant du Classicium. Ce drôle de vin avait coulé si facilement dans sa gorge qu'il avait cru boire de l'eau pure.
Heureusement, cette 'montre' dont il était équipé devait être connectée à quelque système bienveillant, car elle décela son taux d'alcoolémie et l'orienta providentiellement sur le bon chemin, en lui transmettant une décharge électrique à chaque fois qu'il se trompait. Il arriva à destination, trouva là une chambre confortable, sans apparats superflus, se déshabilla et mit au lit fonctionnel.
Cela faisait une éternité qu'il n'avait pas connue une telle douceur pour le repos nocturne, et ce lit lui rappelait étrangement celui de son enfance, en plus grand.
Il resta quelques moments les yeux ouverts, dans le noir, songeant que si Black Sun comptait de tels membres en son sein, l'organisation ne pouvait pas être pourrie jusqu'à la moelle. Et si jamais le monde après son action pouvait en vérité devenir un endroit de paix où il n'avait plus de raison de vivre dans la survivance, il pourrait toujours tenter de se reconvertir et de recoller les morceaux dispersés de ce soir-là, passé depuis une vingtaine d'années.
Il se tourna sur la côté droit pour profiter du sommeil du juste, lorsqu'un léger son de clochettes parvint à ses oreilles. Bruit du tissu qui chute, puis il sentit un corps dénudé se glisser près de lui.
" Chuuuut, fit Noïs. Ne t'inquiète pas, je n'ai aucune vue sur toi (du moins peut-être pas encore), dans ton état, faire l'amour avec toi doit ressembler à copuler avec un frigidaire. Dors... J'ai juste besoin d'une présence. Ce château est si vide..."
Et il sut sans se retourner qu'elle s'endormit en prononçant cette dernière phrase. C'était bien la première fois que quelqu'un partageait sa couche, et d'une manière plutôt inattendue. Ne s'interrogeant pas plus pour cette journée sur toutes les bizarreries que pouvait lui offrir le nouvel aiguillage de son existence en si peu de temps, il se laissa également chuter dans l'abîme du sommeil.

Le lendemain, il se retrouva seul dans le lit. Pour seule preuve de la présence nocturne de Noïs, une petite carte agrémentée de dessins de clochettes avec un mot de remerciement, et la forme d'un baiser imprimée par du rouge à lèvres. Il sourit devant cette attention déconcertante, et s'occupa de toutes les corvées matinales pour être présentable et rassasié.
A peine sortit de sa chambre, il tomba en arrêt devant un Jeeves planté raide comme un piquet en train de l'attendre.
" Ah, je vois que Monsieur est un matinal. C'est une qualité fort appréciée et qui est utile à tout point de vue. Que Monsieur s'excuse d'apparaître devant lui de manière si primesautière, toutefois, l'entité Céphyrym a requis votre présence en son, hm, antre, pour vous donner quelques explications que vous nécessiterez par la suite. C'est, en quelque sorte, le chef du département Recherche et Développement de notre organisation. Vous voudrez bien consulter votre plan pour prendre connaissance du chemin. Je sous souhaite la bonne journée, Monsieur."
Et il s'inclina, repartant sans un autre mot d'éclaircissement. Maverick de nouveau vêtu de son éternel imperméables dont les poches semblaient sans fond, haussa les épaules et consulta comme demandé sa montre. Ce nouvel habitant du Palais du Crépuscule localisé dans les étages souterrains de la forteresse, il y accéda par un ascenseur qui donnait l'impression de descendre en enfer, accompagnée d'une des musiques les plus idiotes qu'il ai jamais entendu. Tout comme le crépuscule était l'embrassement entre le jour mourant et la nuit naissante, tout ce qu'il rencontrait semblait à la fois mâtiné de sérieux et de résolument fantaisiste.
Lorsque la machine termina sa chute mécanique contrôlée, il déboucha dans une véritable cathédrale de l'expérimentation. La salle était immense, avec pour seules couleurs murales le noir imprimé de lignes vertes qui s'associaient en motifs complexes, avec des touches de violet, et contenait des dizaines de prototypes de divers engins et machines, certains tout à fait démolis, d'autres en cours de réparation, d'autres encore semblaient fonctionnels; diverses machines aux fonctions variées étaient essaimées dans la salle. Plusieurs paillasses de chimistes occupaient également le lieu, certaines garnies d'expériences en cours, que surveillaient de petits drones volants, qui se baladaient un peu partout. L'un d'eux remarqua l'arrivée de Maverick et lança quelques couinements électroniques de bienvenue. Il fonça ensuite dans un coin de la salle qu'il ne pouvait pas distinguer de là où il était, et revint bientôt accompagné de celui qui devait sans doute être son mandant, Céréphyrym.
Bon, il n'était pas humain, mais Maverick commençait à élargir son catalogue de créatures non-humaine depuis qu'il avait rencontré Sturm.
Par contre, il avait une apparence humanoïde marquée, à la plastique rendue plus impersonnelle- pectoraux bien carrés, jambes lisses, pas d'ongles, etc. La texture de son corps rendait un effet métallique, et de toute évidence, c'était une sorte de robot noir. Le visage comme le crâne étaient allongés, avec une mâchoire renforcée et les yeux rouges. L'être se frotta les mains d'un chiffon sec, et lui en tendit une, que Maverick serra avec circonspection.
" Bienvenue dans ma caverne personnelle, Maverick ! Je suis confus de tout le désordre qui est règne; seulement, je ne reçois pas beaucoup et j'ai souvent à faire ici. J'ai tout ce qu'il me faut, matériel, calme, et assistants, et, autre chose très appréciable, une quantité illimitée de ce délicieux chocolat que vous produisez à Blue Moon.
- Du chocolat ? s'étonna le nouveau agent de l'utopie de Black Sun.
- Oui, est-ce si surprenant ? Oh, je vois, bien sûr, mon corps. Je n'ai pas toujours été comme ça, vous savez ! J'étais autrefois bien en chair, tout comme vous. N'avez-vous jamais fait d'expérience avec des cuves d'acide ? Non ? Je vous ne recommande pas cette exercice, c'est assez mauvais pour le corps, j'ai pris un bain forcé, et je ne dois mon salut qu'à ce bon Voïvode. Mon corps était tellement abîmé de partout, et mes viscères si endommagés par toutes mes autres expériences, qu'il me dit qu'il serait mieux que je me satisfasse de ce nouveau corps, et ma fois, il y a pire. Seul mon cerveau, mon squelette et mon annulaire droit étaient récupérables. Mon cerveau est bien encastré dans cette tête que vous voyez, et j'ai toujours besoin d'un peu de glucose pour l'alimenter, voilà pour le chocolat. Dommage d'ailleurs que je ne puisse plus avoir d'appétit, mes os sont les seuls autres restes naturels à l'intérieur de corps de métallique, quant à l'annulaire, je l'ai fait empailler pour souvenir. Avec toute une batterie de capteurs sensoriels que je peux activer à tout moment, je ne suis pas trop nostalgique des sensations humaines. Et maintenant je peux assouvir mes passions sans craindre des choses bénignes mais embarrassantes comme la soude caustique !
Enfin, je parle, je parle... Pourquoi êtes-vous donc venu jusqu'ici ?
- Err, c'est à dire, c'est Jeeves qui m'a dit que vous vouliez me voir.
- Quoi, Jeeves, cette vieille tête de pie ?"
Il s'asséna une claque retentissante sur le crâne.
" Oui, bien sûr, bien sûr ! Je me souviens, maintenant. Excusez-moi, ami de chair et de sang, j'ai tellement de choses en route que j'en perds le fil de mes idées. Voïvode m'avait proposé de pousser plus loin la fusion esprit/machine, mais si je suis aventureux je ne suis pas imprudent à l'extrême, et je ne voudrais pas voir mon beau cerveau trop parasité par l'électronique. Il ne vous a pas dit pourquoi vous deviez venir, non ? Non, je détecte sur votre visage que non. Mille ferrailles ! Attendait un instant."
Il appuya sur un bouton situé derrière son crâne, et ses yeux artificiels se mirent à rouler dans ses orbites métalliques, avant de revenir à la normale.
" Injection instantanée d'un petit aide-mémoire, précisa-t-il. Je n'aime pas trop y recourir, mais il faut maintenir son cerveau en forme, pas vrai ? Le chocolat ne suffit malheureusement pas. Voilà, tout est clair, maintenant, vous êtes le dernier venu dans la familia ?
- Err... Je crois que l'on peut dire ça comme ça. Plus ou moins.
- Bha, ne faites donc pas de manières ! C'est une bonne chose, vous verrez. Je me rappelle, maintenant, il fallait que je vous donne une petite leçon sur notre armada. Savoir commander est une chose, et je ne doute pas que vous la possédiez, mais si vous avez sous vos ordres des unités dont vous ne connaissez rien, vous risquez de ne pas faire long feu sur le champ de bataille.
- Une assertion d'évidence.
Ravi que vous l'entendiez aussi de cette façon. Oubliez ce que vous avez connu, Maverick ! Nous utilisions bien sûr des unités conventionnelles qui vous seront familières, mais pour le reste, vous verrez que le dernier cri de Black Hole ou des Alliés n'est rien que jouets par rapport à ce que nous possédons, et que pour bon nom j'ai personnellement mis au point. Bien entendu, vous n'aurez accès qu'à des unités nouvelles de base, nous devons garder les meilleurs morceaux pour les occasions idoines.
- A ce point ?
- Je vous le dis. Suivez-moi donc, je vous emmène à l'ordinateur central pour que vous puissiez voir cela de vos propres yeux. Il ne sera pas trop tôt : il paraît qu'on va vous envoyer bientôt dans le feu de l'action. Vous reviendrez me dire ce que valent mes inventions, hm ? Ah, attention où vous marchez. Non, je ne parle pas des débris un peu partout, mais je crois me souvenir d'avoir enterré quelques mines qui ne réagissent qu'en présence de chaleur humaine. Défectueuses, me semblent-ils, elles n'explosaient qu'une fois sur deux et j'ai du en laisser traîner quelques-une par-ci, par-là... Allons, vous venez ? Ne faites pas le timide..."
Et Maverick vint tout de même, espérant que ses futures découvertes n'allaient pas être trop explosives.

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