Protocole Rapatriement - An Alien Story

Chapitre 1 : PART//001 - Acclimatation

2128 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 01/11/2025 15:18

Le bruit des ventilateurs résonnait. C’était son environnement habituel depuis des années. Mais elle ne s'était jamais habituée à ce bourdonnement permanent. Personne ne s'habitue vraiment, il faut juste l'accepter.


Cette idée qu’on ne pouvait pas oublier, seulement accepter, lui paraissait insurmontable.


« Ici, chaque travailleur est un maillon important de la colonie, pour la réussite de notre objectif, il faut que tout le monde garde ça en tête.

- Je suis sur la même longueur d’onde, la solidarité et la bienveillance sont les clés importantes d’une équipe efficace », acquiesça-t-elle sans tourner la tête. Elle avait déjà entendu ce genre de discours des dizaines de fois. Il suffit de répondre les banalités attendues. Mais depuis le début de la visite, elle avait envie d'y croire un peu plus qu’à son habitude.


Les sas de sécurité, les murs aseptisés, une odeur de métal dans l'air, cette colonie était la copie conforme de son ancien boulot. Pas l'idéal pour repartir de zéro et mettre le passé derrière elle, mais en faisant les efforts nécessaires, tout irait pour le mieux.


« Tout est parfaitement optimisé, aucun problème à signaler, tu ne devrais pas avoir de problèmes à t'adapter, je connais tes qualités, je n'ai aucun doute là-dessus. » Elle baissa les yeux et rougit légèrement. Les compliments se répétaient toutes les cinq minutes depuis son arrivée. Elle n'allait pas s'en plaindre, sa confiance en elle n'était pas au sommet dernièrement, tous les encouragements étaient bons à prendre. Mais d’un autre côté, elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle ne les méritait pas.


« Un nouveau protocole est en place depuis peu, toutes les informations importantes sont dans le dossier PR002. » Elle dut décrisper son poignet pour attraper la carte à puce que son collaborateur lui tendait. Il n'avait pas encore prononcé un seul mot. Il semblait préférer les silences pesants.


« Le protocole rapatriement sélectionne les ouvriers qui doivent quitter la colonie pour rentrer chez eux. L'algorithme de sélection est très performant, et génère les rapports automatiquement, ton rôle sera simplement de les approuver… » Sa respiration se bloqua quelques instants. Elle ferma les yeux, puis expira lentement.


« Les vérifier et les approuver. L'ouvrier peut ensuite quitter la colonie. C'est le rôle de Lewis ici présent de l'accompagner dans la phase de départ. » Son compagnon de visite hocha la tête, comme pour valider les informations.


Les couloirs semblaient interminables tout comme les briefings à propos des protocoles en cours d'exécution.


« Pourquoi il y a toujours au moins un néon qui ne fonctionne pas ? » souffla-t-elle en direction de Lewis pour plaisanter. La lumière blanche clignotante désagréable lui avait fait plisser les yeux.


« Avec le temps, le gaz perd de sa pression, les électrodes s’usent, la poudre fluorescente perd de son efficacité. Ce qui fait que la tension d’amorçage devient plus difficile à atteindre. », répondit Lewis d’un ton monotone, le visage blanchi par les saccades de la lumière artificielle. Sa réponse la fit rire intérieurement. Elle pourrait détourner quelque chose de positif de sa rigidité.


Elle bâilla. Elle avait espéré voyager en hypersommeil pour compenser ses insomnies. Mais le trajet était trop court.


« Voici ton module de repos, tes bagages y ont été déposés. La visite est terminée. À demain pour ton premier jour, Agent Responsable de la Sécurité Jones. » Elle la remercia pour l'accueil et la visite. Elle ajouta un hochement de la tête envers Lewis.


Le bruit caractéristique d’air comprimé de la porte lui apporta un certain soulagement. Un bip retentit dans son oreille. La journée était terminée.


La pièce était conforme à ses attentes. Le couvercle en plexiglas du lit était relevé. Sa présence était un soulagement. Seul rempart au bruit permanent de la ventilation mécanique obligatoire pour la vie en sous-sol.


Son reflet lui sauta aux yeux dans l’écran posé sur le bureau. Sa nouvelle coupe de cheveux. Banale, simple, passe-partout. Un changement indispensable pour effacer le passé.


Elle posa la carte à puce du dossier PR002. Les lettres MA// étaient gravées au-dessus d'une encoche lumineuse clignotante.


Elle plaça la ventouse électronique qui se trouvait sur sa tempe dans l'emplacement. Un nouveau bip retentit.


MA//, l'intelligence artificielle qui gérait cette colonie, était identique à la précédente qu’elle avait côtoyée. Sauf que le curseur d’empathie semblait avoir été poussé trop loin.


Elle resta immobile une minute, les yeux fixant les lettres, mais le regard vide. Cette voix lui rappelait inévitablement l’incident.


Il n’était pas très tard, mais dans une poussée optimiste, elle décida de se coucher tôt.


Elle referma le dôme, le bruit cessa. L'espoir d'un sommeil sans rêve s'effaça au bout de quelques minutes. La culpabilité ça ne s’envole pas d’un simple geste de la main.


Elle ne savait pas combien de temps elle avait dormi, ou si elle avait réellement dormi. La fatigue était toujours présente.


Alors qu'elle finissait de s'habiller, le heurtoir électronique de la porte émit une mélodie désagréable.


« Bonjour CJ, tu as bien dormi ? Prête pour ton premier jour ? » dit l'homme en entrant.


« Bonjour papa. Très bien. En pleine forme », mentit-elle en ne le regardant pas dans les yeux. Il comprit tout de suite, il remarquait immédiatement quand elle n’allait pas bien. Depuis l’incident elle n’était plus que l’ombre d’elle-même.


« J’espère que tu n’as pas sauté de repas. Tu as mangé hier soir ? Et ce matin ? Tu sais bien que c’est important. » Il s’arrêta, se rendant compte qu’il était trop paternaliste et que ce n’était plus une enfant.


Ignorant la remarque, elle passa à autre chose.


« Ton installation s'est bien passée ? » Ils avaient été séparés à leur arrivée la veille.


Elle essayait de se comporter normalement, mais elle lui en voulait de l'avoir accompagnée ici. Même si c'était une intention bienveillante.


« Oui, mais mon module de repos est assez loin de celui-ci. Et plus petit. » Il fit quelques pas vers elle, hésita, puis se ravisa.


« J’espère que j’arriverai à m’adapter rapidement, il y a beaucoup de protocoles à apprendre. » Il se rapprocha à reculons de la sortie.


« Tu n’aurais pas à t’adapter si tu avais gardé ton ancien poste. » Des mots qu’elle regretta immédiatement.


Il ouvrit la bouche mais aucun son n’en sortit.


Ils restèrent un trop long moment en silence.


« Je ne reste pas, je ne veux pas être en retard pour la répartition des tâches d'extraction. Passe une bonne journée » ajouta-t-il.


Elle n'eut pas le temps de répondre. La porte s'était refermée derrière lui.


« Bonjour Agent Jones, j’espère que vous avez passé une excellente nuit. Veuillez prendre connaissance des opérations de la journée, elles ont été chargées sur votre écran » entendit-elle dès qu’elle eut positionné le dispositif de communication sur sa tempe.


MA// lui détailla aimablement les parties des opérations qu’elle ne comprenait pas. Lui assurant que c’était normal pour un premier jour.


Elle sortit et alla rejoindre la salle des agents. Dès son entrée, son regard croisa celui de Lewis qui lui lança son hochement de tête qui était déjà devenu habituel.


« Je te déconseille le thé, je pense qu’ils cultivent des Camellia dans des serres hydroponiques polluées » dit une voix étonnamment chaleureuse. « Par contre le café est plutôt bon ». Elle se retourna un peu surprise.


« Saldano, biologiste. Tu dois être la nouvelle responsable de la sécurité ? » L’homme était petit, trapu et jovial.


« Enchantée, CJ Jones. La nouvelle. Merci pour le conseil précieux » répondit-elle en saisissant une tasse à côté d’une machine automatique de boissons chaudes.


« Si tu as besoin de quelque chose, passe au labo dans le secteur 4, j’y passe tout mon temps »


MA// lui détailla immédiatement où se trouvait le secteur 4. L’intervention la fit tressaillir, un jour elle la confondrait avec sa propre voix intérieure.


La routine semblait très similaire à ce qu’elle avait connu auparavant. En une demi-journée elle avait déjà pris ses marques.


La compagnie de Lewis n’était finalement pas désagréable, certes il parlait peu, mais il était d’une grande aide pour les tâches qu’elle ne maîtrisait pas encore.


« Voici les rapports d’extraction du jour, ils ont été préremplis et vérifiés, il ne manque que ta signature. » Leurs consultations furent assez surprenantes. Ils comportaient des anomalies et des manquements. Des erreurs que MA// aurait dû remarquer.


« Ne t’inquiète pas pour cela, j’ai déjà fait valider par la compagnie. Cela permet d’éviter les délais de validation, d’accélérer le traitement du minerai. » C’était pour la bonne cause, si le minerai arrivait plus rapidement en zone d’analyse, les scientifiques auraient plus de chances d’enfin réussir sa synthèse en une substance qui serait utilisée par de nombreux hôpitaux dans le monde. « Être utile et performante, c’est se racheter », se martelait-elle dans la tête pour justifier ses choix.


Elle signa et envoya les rapports pour archivage. Elle se sentait redevable, après tout elle avait été acceptée pour ce poste malgré ses antécédents.


L’ouvrier choisi pour le prochain rapatriement était aussi désigné dans ce rapport, elle se réjouissait pour lui, alors qu’elle ne le connaissait pas.


Lors de sa ronde de fin de journée, elle remarqua qu’une partie de la zone minière était condamnée.


« La zone est interdite car elle n’est pas sécurisée, nous avons constaté il y a un risque élevé d’effondrement », lui précisa la voix.


Après une longue marche, l’ouvrier matricule WK005 se réjouissait d’enfin arriver aux abords du sas. Celui-ci s’ouvrit dans un fracas métallique. Il pénétra à l’intérieur de la pièce.


Le noir dominait. Une sensation glaçante d’humidité émanait des parois.


Un petit cliquetis de gouttes d’eau qui frappaient le sol faisait écho à ses pas.


Une odeur de putréfaction le fit hoqueter de dégoût. Il plissa les yeux pour tenter d’apercevoir dans quelle direction il devait se diriger.


Il avançait difficilement, ses jambes lui faisaient mal après ce périple.


Cherchant à tâtons des repères pour progresser, il toucha un objet ovale. Gluant comme un caoutchouc organique fondu.


L’œuf bougea à son contact ce qui le fit reculer d’un pas. Puis s’ouvrit soudainement telle une fleur malfaisante qui éclot.


Une odeur de soufre éclata dans l’air.


Cette fois il n’eut pas le temps d’être écoeuré. Une créature surgit d’un bond d’une précision chirurgicale.


Une queue fine et froide s’enroula solidement autour de la gorge du pauvre homme le faisant vaciller en arrière.


La face interne de la chose se plaqua puissamment sur le visage de sa victime. Ses huit pattes en profitèrent pour s’agripper en se rejoignant à l’arrière de la tête, aussi fermement que les serres d’une chouette entourant sa proie.


Un fluide anesthésiant commença à s’écouler lentement dans ses veines. Ses forces le quittèrent peu à peu jusqu’à l’inconscience.


C’est alors que la trompe jaillit et s’introduisit dans la bouche du malheureux. Elle s’insinua dans sa gorge pour atteindre la trachée. Une fois en place, commença l’injection d’une bactérie.



Lumière,

Chaleur,

Pulsation approche,

Analyse,

Action,

Attaque,

Repos.


MA//LOG 045 : Rapport d’incident périmètre Z346


  • 03:46:55 Zone346 : Alarme déclenchée.
  • Responsable d’intervention et de détection des anomalies : Agent Lewis.
  • Corps inanimé : Agent Responsable de la Sécurité Robins.
  • Analyse du corps : Mutilation sévère du torse.
  • Activité biologique détectée dans la zone : inconnue.
  • Prise d’échantillons. Analyse :
  • Niveau d’information base de données : Faible.
  • Risque d’infestation : Inconnu et élevé.
  • Action attendue de la compagnie :
  • Décision sur le comportement à adopter.
  • Remplacer l’agent responsable de la sécurité au plus vite.





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