Le secret de Nathaniel [Amour sucré]

Chapitre 5 : Chapitre 5 : Violences

2561 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 19/02/2019 15:21


Le temps avait jeté sa cape noir sur le ciel, éternel cycle universel. Alternance de clair et d'obscurité, le ciel était à l'image de la vie. Entre le bien et le mal, l'obscur et le lumineux, l'heureux et le malheureux. C'est sur cette réflexion qu'Inaya, la tête penchée sur la fenêtre, regardait mélancoliquement les astres. Celle-ci caressa du regard la grande ourse, puis la petite ourse, et tenta de repérer ce qu'elle avait pu lire dans ses grimoires. Mais inconsciemment, Inaya repensait à la soirée qu'elle venait de passer avec Kentin et le groupe, un moment qui faisait déjà partie du passé. Elle se demandait avec un peu de pessimisme, ou simplement beaucoup d'inquiétude, quel évènement sombre allait servir pour combler l'alternance de clair-obscur universel. Elle pria pour que cela ne concerne pas ses proches, pour que cela ne concerne pas Nathaniel. Inaya ne pensait plus à son passé, mais s'inquiétait de ce que l'avenir lui révèlerait. Toutes ces pensées l'empêchaient de dormir, d'accéder à un sommeil profond.


Les yeux de plus en plus lourds, elle se déplaça de la fenêtre vers son lit, en s'étendant sur le dos. Sans même s'en rendre compte, elle rejoignit les bras de Morphée, et entra dans un long sommeil sans rêves.


***

L'esprit dans les nuages, Inaya était encore plongée dans les méandres de ses pensées. Dans la cour du lycée, elle percuta de plein fouet un élève qui poussa un cri de douleur. Tous deux tombèrent violemment par terre. La maladresse innée d'Inaya s'était de nouveau manifestée.


-Excuse-moi! s'exclama la jeune fille


-Ce n'est rien, dit une voix masculine qui se tenait douloureusement le bras

Inaya, la tête contre le carrelage, avait les mèches de ses cheveux qui recouvraient son visage de part et d'autre. Sans même avoir besoin de le voir, elle reconnut tout de suite cette voix et identifia l'individu en question. Quelques élèves formèrent un cercle autour d'eux, intrigués par ce qui venait de se passer.

-Nathaniel! s'exclama Inaya.

"Il n'est plus absent!" se dit-elle intérieurement. Il reprit ses esprits et vérifia l'état de son bras. La jeune fille vit une tâche de sang imbiber la jointure entre son avant bras et son bras. Qu'est-ce qu'il avait?!


-Oh mon dieu, je suis désolée .

Inaya fronçait les sourcils d'inquiétude. Elle tripotait une mèche trop courte de sa masse d'ébène, culpabilisant. Elle allait poser une main sur son épaule quand il se recula légèrement.


-Ce n'est rien, assura-t-il en regardant le tissu se recouvrir de sang. Je cicatrise vite.


-On devrait l'emmener à l'infirmerie, dit un élève.

Sans prêter la moindre attention à cette remarque, Nathaniel se leva lui-même et partit en boitillant, sous le regard ébahi des élèves. Ceux-ci jetèrent à Inaya un regard noir, la désignant ainsi comme la seule et unique coupable.


-Je n'ai pas fait exprès! dit-elle à l'attention des étudiants.


Elle se leva et fendit la foule à pas colériques. C'était toujours elle la fautive! Inaya ne comprenait pas. Tous ces regards inquisiteurs l'énervaient! Elle l'avait heurtée, certes, mais pas assez violemment pour le faire saigner. "Il doit être terriblement fragile" se dit-elle intérieurement, peut être pour calmer sa culpabilité.

Elle croisa Kentin, mais n'avait pas envie de lui parler.


-Hé, mais... Inaya?!

Il la suivit. Elle tentait de faire les plus grandes enjambées possibles, mais qu'elle que soit l'amplitude de ses pas, mais ils ne faisaient visiblement pas jeu égal, au grand désespoir de la jeune fille...


-Inaya, où est-ce que tu vas? J'avais un truc à te dire, Nathaniel n'est plus abs-...


-Je m'en fiche! cria-t-elle. Lâche-moi maintenant.


-Mais qu'est-ce qui s'est passé encore? Je te jure que s'il t'as fait du mal, je...

Inaya s'arrêta le coupant brutalement dans sa phrase.


-Il ne m'a rien fait Ken... Rien, dit-elle les larmes aux yeux. Tu avais raison depuis le début. Tout ce qui se passe, c'est qu'il me déteste, et que j'essayais de me persuader du contraire, parce que... je ne supporte pas cette idée!

Inaya s'était arrêtée et regardait, les yeux remplis de larmes, son ami. Elle ne semblait ni en colère, ni enragée... elle était simplement triste. Triste de recevoir la vérité en pleine figure.


-Inaya...


-Maintenant laisse-moi seule s'il te plait. Dis au prof que j'aurais du retard.


Elle sortit du lycée, pour prendre un peu l'air. Elle en avait marre de cet établissement, marre des élèves, et marre de Nathaniel! Elle ne savait plus ce qu'elle voulait, mais cette situation commençait à terriblement lui peser. Les larmes toujours coulant le long de ses joues, Inaya ne remarqua pas l'ombre qui la suivait...

S'aventurant aléatoirement dans la ville, elle ne se rendit pas compte des lieux de plus en plus sombres qu'elle arpentant, et puis, cela lui importait peu! Il n'y avait pas âme qui vive, elle ne savait même plus où elle était. Elle voulait être seule. Tout le reste importait peu.


Après de longues minutes à errer avec ses pensées sombres, elle regarda l'heure. Elle s'était absentée bien trop longtemps. Un peu vidée à force d'avoir tant exprimé sa colère et sa tristesse, elle se dit qu'elle avait suffisamment fait sa crise, qu'il était peut être l'heure de rentrer. Mais où était-elle? Elle ne savait pas. On n'entendait que des miaulements sournois de chats; il faisait nuit en plein jour...


A peine avait-elle fait quelques mètres pour rentrer au lycée qu'elle sentit un corps la plaquer brutalement contre le mur. Tout se bouscula dans son esprit, et l'angoisse prit possession de son âme.


Elle sentit un corps musclé l'emprisonner fermement. Elle était prise entre le mur et cet homme. Non loin de l'évanouissement, Inaya se débattait comme elle pouvait.

Elle plaqua ses bras contre les pectoraux de son agresseur, et poussa de toutes ses forces pour tenter de s'échapper, mais en vain... Il fallait qu'elle se rende à l'évidence, sa force physique à elle valait un dixième de la sienne. Elle avait l'impression de pousser sur de l'acier.


-Ne souhaites-tu donc pas poursuivre ce qu'on a commencés, susurra-t-il à la jeune fille.


Elle sentait que son parfum toxique avait un effet soporifique. Un parfum puissant, embaumant, étouffant, vulgaire, l'empêchant de respirer. Elle était là, à la merci d'un homme... Voilà le cycle de clair-obscur qui recommençait...


-Tu verras, on va s'amuser...

Larmes, cris, sueur,

Cordes vocales sur le bord de l'explosion

Le vice

Vomissant,

Appelait Méphistophélès et ses partisans


Ses yeux débordaient de larmes, elle n'arrivait même pas à balbutier quelques mots. Elle ne voyait plus que des mèches rouges lui barrer la vue de part et d'autre, ne sentait plus que des bras explorer les contours de son corps. Souvenirs et cauchemars se mêlaient dans un tourbillon d'angoisse.

Sans même qu'elle ait le temps de réagir, elle sentit les bras de Castiel s'accrocher à ses vêtements. Elle sentait ses lèvres humides se balader le long de son cou, déguster sa gorge comme un vampire en proie à une crise d'excès. Il ne parlait plus. Elle ne bougeait plus. Elle était trop faible, sur le point d'accepter son destin, quand elle sentit ce qui l'étouffait tomber violemment par terre, déchirant dans sa chute son chemisier.

Le visage rouge, les larmes aux yeux, elle rabattit ses mains sur sa poitrine comme elle le pouvait.


-Tu la touches, tu meurs! cria la voix de son libérateur.

Inaya se laissa tomber par terre contre le mur, ses forces la lâchant. Elle commençait à comprendre ce qui se passait. Castiel, à terre, avait la lèvre fendue, dont dégoulinait des coulées de sang. Il allait se relever quand il reçut un nouveau coup qui le terrassa. Inaya découvrit le visage de son sauveur, qui se tourna vers lui. Ces sourcils froncés à l'extrême, cette bouche tordue par la rage, cette poitrine qui se soulevait et se reposait de manière frénétique, poussé par l'adrénaline... méconnaissable. Pourtant...c'était bien Nathaniel.

Quand leurs regards se croisèrent, Inaya eut l'impression que les yeux du jeune homme blond brillaient davantage que la normale. Elle crut voir ses yeux s'embuer. Nathaniel semblait en vouloir à l'univers, semblait être habité par une créature étrangère, semblait posséder une force divinement supérieure à celle qu'il aurait dû avoir.

Nathaniel s'approcha vers elle, et sans la regarder, lui donna en rougissant sa veste. Inaya prise de pudeur, la saisit, et balbutia un "merci".


-Viens, je te raccompagne chez toi, dit-il d'une voix tendre en lui proposant sa main ensanglantée.

Il l'aida à se relever. Nathaniel, qui était dos à Castiel, lui demanda:


-Est-ce que ça va?

Avant même qu'elle ne réponde elle lui cria de tous ses poumons:


-Attention!!

Castiel s'était rué vers Nathaniel, le faisant chuter avec lui. Il l'empoigna par le col de sa chemise et jeta violemment contre le mur.


-Toujours son mon chemin, connard! dit-il en lui assénant divers coups de poing sur le corps.

Inaya cria à l'aide, déchirant ses cordes vocales. Il n'y avait vraiment personne dans la rue. Personne ne lui vint en aide.


-Lâche-le Castiel! répétait-elle les larmes aux yeux. Lâche-LE!

Castiel saisit Nathaniel par la gorge, il était sur le point de l'étouffer. Puis, remarquant la tâche de sang qui perlait sur son bras depuis ce matin, il appuya dessus avec force arrachant un cri de douleur à Nathaniel. Sans hésiter davantage, Inaya prit possession de toute son courage et se jeta sur Castiel qui était sur le point d'asphyxier Nathaniel, et de le torturer en même temps. Avec ses maigres cinquante kilos, Castiel sentit à peine qu'il avait un poids sur le dos. Miraculeusement, cela suffit pour que Nathaniel réussisse à se dégager de l'emprise de Castiel, et lui asséner divers coups.


-Ne t'approche plus jamais d'Inaya! Jamais!

C'est sur cette phrase que Castiel, la bouche en sang, souffla quelques paroles inintelligibles, avant de s'évanouir.

Inaya, choquée, tremblait de tous les côtés. Elle n'arrivait pas à croire que ce qui venait d'arriver était vraiment arrivé. Elle faisait des vas et viens oculaires entre le corps inerte de Castiel barbouillé de sang, le visage de Nathaniel couvert de bleus. Les mains de son sauveur étaient ouvertes jusqu'aux os. Pétrifiée, elle n'arrivait plus à bouger.


-Viens Inaya, on pars vite.

Voyant qu'elle ne réagissait pas, il se répéta. Après quelques secondes, elle balbutia faiblement:


-E-et...l-lui?


-Il se réveillera dans quelques minutes. Ne t'éloigne pas de moi pour un moment. Il n'osera rien te faire.

Inaya n'arrivait pas à calmer les tremblements de son corps. Elle n'arrivait plus à marcher, n'arrivait plus à retenir les larmes qui coulaient à flots de ses grands yeux en amande. C'était vraiment l'émotion de trop.

Nathaniel lui prit la main fermement, la regarda et lui sourit. C'était le sourire le plus chaleureux qu'on ne lui ait jamais adressé. Son visage, qui jusque là était fermé, s'était enfin ouvert à elle. Inaya avait tellement de choses à dire, mais rien ne dépassait la frontière de ses lèvres. Elle ne comprenait rien du tout, elle ne savait même pas pourquoi Nathaniel était là et pas en cours.

Pendant un bon moment, les deux restèrent silencieux. Inaya était encore sous le choc, et Nathaniel veillait à surveiller les alentours. Après un long moment, Inaya se résolut à prendre la parole.


-Je veux retourner en cours, fit-elle d'une voix tremblotante mais sûre

Nathaniel posa calmement:


-Il en est hors de question.

Inaya écarquilla les yeux, mais pour qui est-ce qu'il se prenait?


-Je ne te demandais pas ton avis, lui dit-elle à deux doigts de la crise de panique. Je fais ce que je veux. Personne ne me donne d'ordres! Ni toi ni Castiel! Personne ne peut me forcer à faire quoi que ce soit merde!


Elle lui lâcha violemment la main et le devança.Nathaniel grimaça en voyant qu'il était comparé à Castiel.


-Inaya... écoute-moi!


-Pourquoi est-ce que je t'écouterais? lui cria-t-elle. Tu débarques de je ne sais où alors que tu devrais être en cours, et tu t'ériges en sauveur. Tu me fuis comme la peste et tu manques à la simple politesse de dire bonjour, et là tu prétends vouloir mon bien. Comment est-ce que je peux te faire confiance?

Nathaniel ne répondit pas. Un silence s'installa. Nathaniel regardait ses pieds piteusement.


-Tu étais absente, Castiel aussi. Il ne faut pas être un génie pour comprendre.

Ce fut comme un heurt en plein coeur. Elle se rendit compte qu'il avait remarqué que Castiel tentait des approches... Elle détestait les comparaisons, mais Kentin, lui, n'avait rien remarqué. Seul Nathaniel lui était venu en aide. Mais malgré cela, elle ne souhaitait pas se laisser conquérir par ces douces paroles, ces prétendus mots qui assuraient qu'il tenait à elle, ou au moins à sa sécurité. Elle ne comprenait plus rien à son attitude. Elle sentit son téléphone vibrer dans sa poche. C'était Kentin. Elle ignora l'appel.


-Je ne l'ai pas quitté des yeux ce cours-là... poursuivit-il. J'aurais dû intervenir à ce moment là.

Il grinça des dents.


-Et lorsque je ne t'ai pas vu en classe, j'ai compris que... Enfin, que j'aurais dû être plus rapide. Je m'excuse Inaya. Pour ça. Et aussi de t'avoir incitée à me suivre. Mais il faut que tu saches que pour un moment, tu ne seras pas en sécurité. Ce n'est pas ton petit appartement qui va te protéger d'une personne comme lui. Il te traquera...


Inaya blêmit.


-Mais il y a mon frère à la maison...


-Ecoute-moi, Castiel est dangereux et expérimenté. Je sais que c'est dur mais il faut que tu me fasses confiance. Tu dois me suivre. Appelle ton frère pour le rassurer. Dis-lui que tu seras chez une amie pour quelques jours.


-Il ne va jamais accepter! Et je ne vois pas pourquoi je serai plus en sécurité avec toi qu'avec mon frère.

Nathaniel, sans perdre son calme, regarda tendrement Inaya. Il mit une de ses mèches derrière son oreille. Inaya sentit ses mains devenir moites. Nathaniel posait ses grands yeux ambrés, sur ceux, noisettes, d'Inaya. Elle se dit qu'ils étaient magnifiques, que malgré toutes ses réticences, cet homme ressemblait à un ange...à un ange sorti tout droit des écrits théologiques. Des traits aussi fins, aussi harmonieux... était-il vraiment réel? Il n'était que beauté, que subtilité. Un tel visage pouvait-il mentir? Ne serait-ce pas tomber dans l'arbitraire et les préjugés? Au fond d'elle-même, elle avait l'impression que ce visage ne pouvait pas mentir, dans cette vulnérabilité qu'il exposait.

Sans même s'en rendre compte, elle avait accepté de ce livre au contrat... Un contrat tacite, mais bien réel.


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