Elle s'apellera Lily

Chapitre 17

3074 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 08:37

Lui assis sur la chaise, moi sur le lit, un silence pesant s’installait. Je n’arrivais pas à m’arrêter de pleurer. Comme Cast restait figé, je prenais mon second oreiller et le serrait comme si ça allait résoudre mon problème.

-Qu’est-ce qu’on fait ?

Castiel me regarde, il n’a jamais été aussi sérieux.

-J’ai prie rendez-vous pour avorter.

-T’es sure ? Enfin, je veux dire, c’est ce que tu veux ?

-Je n’en sais rien. Qu’est-ce que tu veux toi ?

-Ce n’est pas à moi de prendre la décision, elle t’appartient.

-C’est facile pour toi de dire ça, je l’ai pas fait toute seule ce môme !

Il se lève de sa chaise, s’approche de moi et s’agenouille devant moi.

-Ecoute Thèm, toi et moi, on se connait depuis toujours. Si je te dis que je veux le garder et que tu le fais uniquement pour moi, tu pourrais m’en vouloir plus tard. Si je te dis le contraire, et qu’encore une fois, tu le fait pour moi, là encore tu m’en voudras.  La seule chose que je peux te dire, c’est que je serais là quelque soit ton choix et que je ne veux pas te perdre. Je t’aime depuis trop longtemps.

Je le déteste, surtout quand il a raison. Je m’effondre en pleure dans ses bras. Il me serre contre son cœur, me prodiguant tout l’amour dont il est capable, mais incapable de me dire quel est le bon choix. Il resta avec moi, je m’endormais complètement épuisée entre ses bras. Le lendemain, je lui demandais de me laisser aller seule à mon rendez-vous. Je ne voulais pas qu’il soit là. Puisque je devais choisir seule, autant assumer jusqu’au bout…Je me retrouvais d’abord assise dans une petite salle d’attente remplie de prospectus sur la contraception… Si seulement j’avais pris la pilule, on ne s’en serait pas trouvé là. Un très jeune couple à l’air angoissé était assis à côté de moi, une jeune femme en face pleurait. L’endroit était glauque et sordide à souhait. La nausée me revenait doucement.Quand enfin mon nom fut appelé, je me levais précipitamment, pressée de quitter cette salle d’attente angoissante.J’entrais dans un petit cabinet, séparé par un rideau de tissus qui isolait une table d’examen gynécologique. L’homme assis derrière son bureau avait un air à la fois doux et blasé.

-Mlle Kaine ? Je serais votre médecin référent pour la procédure. Tout d’abord, connaissez-vous la date présumée de la conception.

-3 semaines.

-Vous avez fait votre choix ? Avez-vous été informée des droits qui sont les vôtres ?

-Je veux avorter Docteur, je ne suis pas prête.

-Dans ce cas, nous allons d’abord effectuer une échographie vaginale pour voir à quel stade précisément vous en êtes. Si vous êtes certaine de votre choix, nous procéderons à l’interruption volontaire de grossesse dans 14 jours. Après l’examen, je vous dirais si une interruption par voie médicamenteuse est possible, sinon, nous ferons une intervention chirurgicale.

Je m’installais sur la table d’examen, le laissais faire, ne pouvant pas m’empêcher de jeter un œil à son écran. C’est ça un bébé de 3 semaines ? Cette petite boule foncée qui se détache sur le fond clair ? Je détourne le regard, j’en ai assez vue.

Il m’expliqua l’ensemble de la procédure, une chance que la voie médicamenteuse soit possible, sinon j’aurais dût demander l’autorisation à Elisa…D’ici 14 jours, je n’aurais qu’à avaler un petit cachet bleu. J’aurais des crampes dans le bas-ventre et mes règles seront de retour. Il ne se sera jamais rien passé…Dans mon sac à dos, je portais des plaquettes qui disaient les droits et les aides aux jeunes mères célibataires. Le médecin me les avaient fait prendre, il était soit disant obligé de les donner par soucis éthique d’information.Lorsque je rentrais, je balançais le sac sous mon lit en me promettant de ne pas y toucher.

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Je passais les 2 semaines suivantes dans un état second. Les répétitions avaient reprises leur cours mais ni moi ni Castiel n’étions vraiment dedans, notre agent, vraiment en rogne repoussa l’enregistrement du cd. Heureusement que le prochain concert n’est que dans un mois. Je finissais par demander un arrêt de travail à mon médecin, je n’étais pas capable de me concentrer sur le groupe  et encore moins d’interpréter une chanson. Castiel ne me parlait quasiment pas, prenant ses distances pour me laisser faire mon choix. Quand je descendais le soir pour le rejoindre dans son lit, il se contentait de me serrer dans ses bras et de me prodiguer son foutu réconfort.

Lorsque je me promenais dans la rue, je ne voyais que les jeunes mères avec leurs bébés ou les femmes enceintes à l’air épanouie. D’un seul coup, j’avais l’impression que la ville entière était enceinte, et que chacune de ces femmes me narguaient avec un air supérieur. Vers la fin de la deuxième semaine, je ne sortais plus que par nécessité, la simple vision de ces femmes me donnait l’envie de pleurer… Quand enfin le jour fatidique arriva, je demandais à Castiel de m’accompagner à l’hôpital où se trouvait le planning familial. Il devait m’attendre dehors et me ramener à la maison une fois que ce serait fait. Son air triste me brisait le cœur mais ça devait être pareil pour lui…

J’entrais de nouveaux dans la salle d’attente sordide, d’autres personnes aussi blasées ou tristes avaient cédées la place à celles de la dernière fois. Je me demandais en les dévisageant si moi aussi j’avais une tête pareil. Quand le médecin appela mon nom, j’avançais au ralenti puis m’asseyais face à lui.Il me fit signer une décharge attestant que je n’avais subie aucune pression concernant l’acte en cours et que celui-ci relevait de ma seule volonté ainsi qu’un autre papier attestant que j’avais bien été informée de mes différents droits et devoirs. Je signais les documents. Il glissa ensuite vers moi une petite pilule bleue encore emballée ainsi qu’un verre d’eau.

-Vous devez avalez ceci ici même, je n’ai pas le droit de vous laissez partir avec.

Je contemplais le gobelet de plastique remplie d’eau et le cachet. Tendais la main vers ceux-ci alors que mon cœur me criait non et que mon cerveau me disait vas-y…Je mettais le comprimé dans ma bouche et l’avalais, clouant le bec à mon cœur qui hurlait de désespoir. Je sortais ensuite de l’hôpital, la tête encore remplie des indications du médecin « Vous commencerez à saigner d’ici 3 ou 4 h, le temps que la pilule face effet, ensuite, d’ici 5 à 6 jours, vous reviendrez me voir pour qu’on fasse une autre échographie afin de s’assurer que tout s’est bien passé. Si d’ici demain matin vous n’avez toujours pas saignée, revenez me voir, sans rendez-vous cette fois, je vous donnerais alors une dose plus puissante… »Les larmes amères couraient sur mon visage. J’étais bien comme celles de la salle d’attente, triste et froide.

Je repérais la veste rouge de Castiel un peu plus loin, il était adossé contre un arbre, sa moto garée à côté. Je me rapprochais de lui comme un zombi. Quand je levais la tête et croisais son regard de chien battu, mon cœur s’arrêta un instant de battre. Qu’est-ce que j’avais fait ?

Alors qu’il allait me prendre dans ses bras, je le repoussais violement, pris appuie sur l’arbre d’une main alors que de l’autre j’enfonçais deux doigts au plus profond de ma gorge.Mes nausées matinales combinées à ce geste contre-nature me donnèrent de violents haut le cœur suivis peu après de vomissements… Là, sur le sol, la pilule bleue assassine ne ferait plus de mal à personne et certainement pas à mon bébé ! Quand enfin mes haut le cœur cessèrent, je me rendis compte que Castiel me frottais le dos pour m’aider à me calmer.Je me retournais pour lui faire face, mon visage défiguré par les larmes et l’émotion…

-Je ne peux pas!

C’était un cri de douleur, de souffrance, mais aussi de libération. Le cri de la vie en quelque sorte. Puisqu’à cet instant précis, je me suis sentie mère pour la première fois.Castiel écarta les bras pour m’accueillir contre son cœur. Je m’y jetais à corps perdue, effrayée de ce qui s’était passé, peut-être encore plus que de ce qu’il allait se passer.J’avais l’impression de n’avoir fait que pleurer depuis des jours, moi qui avant étais tellement fière de mon self-control, tout ça a été jeté aux orties, balayé par l’amour.

Une fois enfin calmée, je sortais de mon sac une bouteille d’eau, me rinçais la bouche et le visage puis me séchais avec un mouchoir en papier. Cast à mes côtés n’avait pas prononcé un mot. Il me tendit mon casque et je montais derrière lui. Je fermais les yeux et le laissais me conduire, bercée par les mouvements de la route, la chaleur de son corps. Les yeux fermées, je commençais à penser à cette vie en moi, que je n’avais pas voulue voir en face jusque là. Ce bébé qui serait bientôt le mien.

Une résolution nouvelle, une force que je ne me connaissais pas m’envahie alors. Quoiqu’il arrive, j’aurais cet enfant !

La moto s’arrêta, j’ouvrais les yeux, nous étions à la plage. Je pensais qu’il me ramènerait à la maison. J’enlevais mon casque, le posais sur la moto alors qu’il faisait de même. Pris la main qu’il me tendit. Je le suivais un peu perplexe, mais je n’avais pas la moindre envie de briser ce moment de tendresse entre nous. Je m’asseyais à ses côtés, me glissais contre son flanc alors que son bras m’attirais à lui.

-Tu as pris la bonne décision Thèm.

Bah voilà, je pleurais de nouveau.

-Mais comment on vas faire, il y a le lycée, les concerts, l’album… Je ne veux pas tout gâcher…

-On se débrouillera…. Tu pense pouvoir aller jusqu’au bout du premier contrat ?

-Bah… Ouais… Enfin si je tombe pas dans les pommes à chaque fois que je monte sur scène…

-Alors on verra après le premier contrat, avec ce qu’on touchera, on pourra au moins se trouver un appartement à acheter, après… ça dépendra de l’agence.

-Mais…

- Ecoute Thèm,  te met pas la rate au court-bouillon ! De toute façon, si on a signés, c’est grâce à toi, si les autres sont pas contents on s’en fout !

-Vas falloir le dire aux parents….

Mon Castiel si sure de lui à l’instant devient d’un seul coup blanc comme un linge.

-Ils vont me tuer…

-Moi les miens vont me laisser tomber, comme d’hab…

Il me serra plus fort contre lui.

-Y’a qu’un moyen de le savoir. Viens, je te ramène à la maison.

Je le retenais par la manche de sa veste.

-Restons encore un peu… Je veux faire une pause avant d’avoir d’autres problèmes sur le dos…

Il me regarde avec ce sourire en coin que j’aime tellement.

-ça serait pas plutôt sur le ventre ?

Je lui file un coup de coude dans les côtes alors qu’il se met à éclater de rire. Je me mets à rire moi aussi, finalement soulagée d’avoir pris la bonne décision, et surtout soulagée de le voir toujours à mes côtés comme il me l’avait promis. En le dévisageant, je devenais d’un coup plus sérieuse. Je me penchais vers lui et l’embrassais.

-Je t’aime Cast…

Il me rendit mon baiser, tout en douceur.

-Je t’aime aussi Thèm. Allez, rentrons, il faudrait pas que tu attrape froid.

Je ne m’étais pas rendu compte que le reste de la journée avait passée durant notre ballade. Alors que je me levais, mon ventre fit un espèce d’énorme gargouillis vraiment pas classe. Je rougissais alors que Castiel éclatait de nouveaux de rire.

-Je crois qu’il va falloir te nourrir un peu avant de rentrer, sinon tu vas finir par me bouffer !

J’enfilais mon casque sans dire un mot pour dissimuler mon visage écarlate et le laissai me conduire à une baraque à frite pas très loin de la plage avant de rentrer à la maison.Lorsque nous rentrions Castiel et moi, ses parents étaient déjà couchés. Le lendemain serait un début de week-end, alors on aurait aucun mal à leur annoncer dans la journée.Epuisée, je m’allongeais à ses côtés dans son lit. Mon dos contre son ventre, son souffle sur ma nuque, un bras protecteur glissé autour de ma taille. La sensation était vraiment étrange.

Je me sentais à la fois sereine et terriblement angoissée.

Je repensais à tous ce que nous avions déjà partagés lui et moi. A ces moments de complicités uniques qui nous unissaient. Je ne doutais pas un instant qu’il serait un bon père, mais moi, est-ce que j’arriverais à aimer cet enfant ? Quand je vois la relation tendue que je peux avoir avec mes parents, je m’interroge… On reproduit souvent les mêmes schémas familiaux…Je me retournais pour voir le visage de l’homme que j’aimais. Il était endormi, un léger sourire restait figé sur ses lèvres. Je posais la main sur son visage, le dévisageant, cherchant dans ses traits l’enfant qu’il était, me demandant à quoi ressemblerait celui qui grandissait en moi. J’avais du mal à comprendre pourquoi les gens le trouvaient difficilement abordable, Castiel avait un sacré caractère, mais il a toujours été tendre envers moi.

Je fermais les yeux, le sourire aux lèvres, alors que dans ma tête l’image d’un enfant espiègle comme nous l’avions été prenait forme. 

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