Mes mémoires

Chapitre 47 : Pourquoi ces propos

1353 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 17/10/2025 04:07

Samedi. Nous y voilà. J’avais mon rendez-vous chez monsieur Donovan. Inutile de dire que je n’avais pas du tout envie, mais au moins, je pourrai lui dire pour ma prise de drogue hier, pour mon bad trip. Il pourra m’aider, il le pourra forcément, n’est-ce pas ? Je n’en savais trop rien, alors je l’espérais, je l’espérais par-dessus tout. J’étais à présent dans sa salle d’attente, en train de dessiner avec ma musique dans les oreilles. Puis j’entendis la porte s’ouvrir et j'enlevai mon casque en l’éteignant. Le docteur Donovan sortait avec l’un de ses patients et je les regardais. Il me fit un sourire et vit que je dessinais.


«Encore en train de dessiner ? C’est très bien, mademoiselle Vistellween. C’est l’heure de votre séance.» Il me faisait un geste du bras pour m’inviter à entrer dans son cabinet.


Encore ? Oui. C’était l’une des rares choses qui arrivait à me vider réellement l’esprit, tout comme mes devoirs d’école. Bizarre… Je devrais peut-être lui en parler ? Non, ça ne servait à rien. Je m’installais dans le fauteuil en face de lui après avoir posé mes affaires et commençais à jouer avec la peau de délimitation de mes doigts et mes ongles, un vrai tic ou toc? Allez savoir… J’avais les yeux rivés sur cet endroit qui était devenu encore un peu plus meurtri. C’était ce que je faisais souvent lorsque je ne pouvais pas me scarifier. J’entendis soudain la voix douce et réconfortante de mon thérapeute.


« C’est votre hybridation qui vous pose encore souci ? »


Non. Ça je m’en foutais… Toutes les personnes de mon entourage m’avaient accepté ainsi et c’était l’essentiel. Mais pour le coup, je ne savais pas comment orienter le besoin d’expression de mon mal-être.


« Non… Enfin je crois?»


« Nous en avons déjà parlé à l’hôpital, mais c’est important de le refaire en séance. Pour se sentir mieux dans son corps. Pour accepter ce que l’on est. Nous devons faire un travail sur cela avant tout.»


Je le regardai, et le reste?


« Et mes autres problèmes ? Ils sont bien plus importants. Tout se passe bien dans ma vie en tant qu’hybride…»


« Justement… Comment peut-on voir cette mue? Personne ne l’avait vu auparavant. Il y a bien une raison… N’est-ce pas?


« Ptetre parce que j’me coupais pas assez profond ? Peut-être… Au-delà de plusieurs millimètres ? J’veux dire pour que ça saigne assez abondamment mais pas assez pour perdre connaissance ou toucher un tendon ou j’sais pas quoi… »

Il hocha la tête.


« Vous n’avez donc pu la voir qu’une seule fois?»


Je réfléchis. Bordel je voulais pas parler de ça!


« Quand mes plaies guérissaient et que je grattais… Oui je pouvais voir ma mue, mais ça m’a jamais vraiment inquiété.»


« Pourtant c’est rare de voir ça, vous ne trouvez pas?»


« Pas autant que quelqu’un qui a des hallucinations depuis plusieurs mois…» 


Répondis-je du tac au tac. Peut-être que ça le réveillerait et le mettrait sur la route du syndrome du spectre ? Je le vis me regarder avec les sourcils froncés.


« En effet.. Mais pour cette séance, je préférerais que nous nous concentrions sur votre hybridation.» Dit-il d’un ton presque… détaché. Il était sérieux !? Je claquai ma langue sur mon palais.


« Vous pensez pas que c’est plus important que ma putain d'hybridation ?! » Sifflai-je, perdant patience.



« Mademoiselle… Calmez-vous, chaque chose en son temps. Vous avez tenté de vous suicider il y a peu et avez reçu une lourde révélation. Les hybrides serpents sont très rares, méconnus, il faut donc les encadrer du mieux que l’on peut. Il faut que nous en parlions avant de parler de tout autre chose. » essaya-t-il de me persuader.


Je soupirai. Il ne voudrait donc pas abandonner son sujet qui semblait plus important que ma santé mentale ? Au final je commençais à me demander s’il était vraiment un psy adéquat pour moi. Il m’avait donc poussé à ne plus parler de la séance. Moi qui le prenais pour un psy à l’écoute, j’avais même l’impression qu’il était tendu que je ne parle pas de la découverte que les médecins avaient à mon propos. Nous avions assez discuté de ça lorsque j’étais à l’hôpital. Ce sujet était clos pour moi et je m’enfonçais dans un mutisme prolongé jusqu’à ce que monsieur Donovan comprenne enfin que cette séance ne donnerait plus rien. Il paraissait d’ailleurs déçu de ne rien avoir appris d’autre.


En sortant de chez lui, je mis ma musique et repensai à Jérôme. Peut-être qu’il pourrait me donner un avis sur cette séance qui avait été, pour moi, une véritable catastrophe. Pourquoi voulait-il savoir autant de choses sur mon hybridation ? Alors oui il me l’avait brièvement expliqué, mais n’étais-je à présent qu’un simple sujet d'étude ? Peut-être… J’étais en train de devenir une expérience pour en apprendre plus sur le demi-animal que j'étais ? L’enfer… Mon hybridation était invisible aux yeux de tous sauf… Aux yeux du corps médical, je sentais que tout le monde allait me traiter comme le docteur Donovan à présent. Et je regardais ce sms que j’avais écrit sur mon téléphone. Devais-je l'envoyer ? Peut-être qu’il aurait les réponses ? Je savais qu’en tant que petite amie de son fils il ne me jugerait pas, j’envoyais donc le message.


« Bonjour Jérôme, la séance avec Silco s’est très mal passée… Je peux vous en parler ? Je voudrais un point de vue professionnel.»


Quelques secondes passèrent et mon portable sonna.


« Bonjour Jinx, comment vas-tu?»


« Ça pourrait aller mieux, comme je te l'ai dit, la séance ne s’est pas très bien passée… Je te dérange ? »


« Que s’est-il passé ? J’ai du temps devant moi pour te donner un peu de mon temps, ne t’en fais pas.»


« Pour te la faire court, il a fait passer mon hybridation avant mon mal-être…»


« Comment ça? Tu as l'impression qu’il ne t’a pas écouté?»


« Pas du tout ! J’ai essayé d’aller dans cette voie mais à chaque fois il en revenait au fait que j’étais hybride et qu’il fallait surtout parler de ça.»


« Je crois comprendre le souci. Le docteur Donovan s’occupe des hybrides en difficulté habituellement, ce n’est donc pas étonnant qu’il soit parti sur ce chemin-là.»


« Et mes autres problèmes ? Je veux dire, il m’a même pas parlé de mes scarifications, juste de comment j’allais depuis cette révélation. Alors que je le voyais tous les jours à l'hôpital… Nous en avons assez parlé et… Je dois avouer que j’ai l’impression qu’il ne s’intéresse plus qu’à ça…»


« Jinx, il veut juste être sûr que le sujet a été assez abordé pour passer à autre chose.»


« Oui… Il doit le savoir à présent. Merci Jérôme.»


« À bientôt Jinx, merci de me faire confiance.»


Je souris à son dernier texto et rangeai mon portable dans la poche avant de mon sweat. Parler avec la personne qui allait probablement devenir mon beau-père un jour m’avait fait un bien fou, la musique aussi d’ailleurs. Mais ça, c’était habituel. Je rentrais donc chez moi, cette séance m’avait vraiment déçue, j’espérais réellement que la prochaine soit meilleure étant donné que j’étais prête à lui avouer pour mes hallucinations, enfin, ce que j’avais déjà fait aujourd’hui et qu’il n’avait pas jugé bon d’étoffer.





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