Mes mémoires

Chapitre 46 : C'est gratuit à quel prix

1638 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 20/09/2025 11:20

Il était tôt ce vendredi et je n’avais pas du tout envie d’aller en cours. Je n’avais pas de cours qui me plaisait réellement, enfin... Qu’est-ce qui m’intéressait vraiment à présent ? Oui, oui, je sais, mais il ne fallait pas que j’y pense. J’avais mon casque sur les oreilles et marchais sans trop savoir où aller. Tout d’abord, je m’étais retrouvée au Quidom parc, je haussais les épaules. Pourquoi pas ? Je m’arrêtais sous l’un des kiosques boisés du parc pour m’y installer et dessiner un peu pour évacuer. Évacuer quoi ? Je ne savais pas vraiment. Lizzy m’avait laissé en paix depuis quelques jours et ça faisait un bien fou. Peut-être que je n’étais pas atteinte de la maladie dont parlait Jacob? Jacob. Je ne l’avais plus vu depuis des semaines déjà, nous parlions quelques fois par sms mais depuis ma tentative de suicide, je ne l’avais plus contacté, ni même vu. Je rangeais mon carnet à dessin sur lequel, de toute façon, rien ne s'était ajouté. 


Je savais qu’il ne travaillait pas le vendredi matin, donc j’allais en direction du refuge. Il y était à coup sûr. Je quittai donc le parc pour me diriger vers son deuxième chez-lui. Je ne me pressais pas, je savais où le trouver dans les deux cas. Allumant une cigarette, je m’engouffrais dans les ruelles des « oubliés ». C’était ainsi que les drogués à la devil’s appelaient l’endroit qui menait au refuge. Personne ici ne venait par hasard, à part pour se perdre… Même les flics ne pasaient plus faire de rondes par ici, comme si nous n’existions plus dans ce bas monde. Lorsque j’arrivais au refuge je me fis barrer la route par un type. Remontant mes yeux injectés de sang dû aux nuits d’insomnie, j'enlevai mon casque et le regardai de haut en bas.


« Y’a un veilleur ici maintenant ?»


Je pouffai et il ouvrit sa main qui ne contenait nul autre qu’un pochon avec des pilules. Il me sourit et prit la parole.


« Je t’ai déjà vu venir quelques fois... T’en veux?»


« J’ai pas de thune, je viens voir un ami.»


« On est tous amis ici, tu le sais… C’est gratuit…»


Je me mordis la lèvre inférieure en entendant le mot « gratuit ». Et puis… Il avait raison, ici tout le monde se serrait les coudes. 


« Ok…»


Le type me donna donc une pilule de Devil’s qui ne tarda pas à faire effet. Cette drogue était rapide, je le savais, mais… Aussi vite ? Non, c'était impossible, pas dans mes souvenirs. Là, elle était bien trop chargée. 

 Je ne me rappelais plus honnêtement, cependant mon état s'était drôlement amélioré. Drôlement, hein? L’homme eut un petit sourire.


« Maintenant tu peux payer… Elle est meilleure, donc crache les thunes» Il m’attrapa par le bras et m’emmena un peu à l’écart.


Je me débattais, mais impossible de me séparer de sa poigne.


« J’ai dit j’ai pas de thunes connard !»


« Alors file-moi ce que t’as de plus cher sur toi, salope!  Et plus vite que ça !»

 

Je remarquai alors ses pupilles rétractées, il était lui-même drogué et lorsqu’il me lâcha, croyant que j’allais vraiment lui donner quelque chose, je lui mis un gros coup de poing dans le ventre. Il se tordit de douleur et jura alors que j’essayai de partir. Malheureusement, il me rattrapa par l’une de mes tresses et me fit tomber au sol. La chute me fit hurler et enfin, certaines autres personnes du refuge accoururent, dont Jacob. Il poussa les autres et se mit à frapper l’homme comme jamais sans essuyer plusieurs coups lui aussi. Le type était costaud, mais avec la drogue ses coups étaient plus brouillons alors que Jacob, lui, était clean. Ils se battirent comme pendant bien cinq minutes jusqu’à ce que deux drogués l'arrêtent. 


« Jacob! Il en a eu assez, il ne reviendra plus ici, tout le monde a vu son visage…»


Et effectivement, l’homme, en voyant que tout le monde le regardait, s'enfuit en courant.


« Je crois que c’est toi qui as pris la petite sous ton aile... Va t’occuper d’elle.»




Il hocha la tête et vint vers moi pour m’attraper par les mains délicatement. Je regardai autour de moi, l’air bête.


« Y s’passe qu.. Ça.. Ça tourne!»


« Je l’emmène chez moi, si elle fait un bad je préfère que ce soit dans un lieu safe… ‘Fin vous comprenez quoi…»


« T’inquiète pas on a confiance ramène la gosse.»


Jacob me tenait et je marchais à ses côtés, nous prenions notre temps pour aller chez lui. C’était, comme il l’avait dit, un endroit safe. Cependant, au fur et à mesure que nous marchions, je commençais à me sentir mal et ressentais de drôles de sensations dans mon corps. Pas des plus agréables d’ailleurs. Non, je ne me sentais pas bien du tout. La dose de la pilule avait été vraisemblablement trop forte, comme je l’avais deviné. Mais voilà, j’en voulais et elle était gratuite.


J’étais à présent à moitié dans les vapes et je me sentais marcher comme sur du coton. Je ne voyais presque plus rien et j’avais mal au cœur. Il tambourinait tellement fort que cela se répercutait jusque dans mes tempes. Je me sentais mal, réellement mal… Je ne savais pas que cette drogue pouvait faire cet effet. C’était ça les bad de la devil’s? Ma vue était floue et j’étais à la limite de l’inconscience. Il paraissait que le Myst faisait le même effet. Mais… Ce type aurait pu me faire tout ce qu’il voulait si je n’avais pas hurlé ? Et si Jacob voulait se servir de moi une fois chez lui ? Non, il était un protecteur pour moi, un confident, un meilleur ami. 


J’entendis le bruit de la serrure, assourdissant, de la porte de l’appartement de mon ami. Par chance, le portail d’entrée était à badge. J’avais les sens plus aiguisés et tout ça était horrible. Cependant, je me sentais poser sur quelque chose de moelleux. Son canapé, très certainement. J’ouvrais les yeux comme je pouvais, tout était déformé, comme un kaléidoscope. 


« Ça… Tourne… En… Encore…»


Je ne pus prévenir Jacob que j’avais envie que déjà mon maigre repas de la veille se retrouvait dans… Un seau ? Il avait déjà prévu ? Qu’importe… Je devais vomir, mon estomac ne voulait que ça. Je sentais ensuite que Jacob posait une couverture sur moi. Tant mieux, j’avais froid et tremblais comme une feuille morte. J’essuyais ma bouche du revers de la main. J’étais toujours en.. Bad? Mais le pire était passé. Enfin, je crois?


« Ça va mieux…»


Je regardais autour de moi mais pas de Jacob dans la pièce, mais par chance je le vis revenir dans mon champ de vision avec une tasse fumante en main.


« Ça va te faire du bien.»


Je m’asseyais.


« Pardon…»


« Jinx putain! Pourquoi t’as accepté de la devil’s d’un inconnu?»


« T’étais bien un inconnu quand tu m’en as proposé…»


« Joue pas à ce jeu. Pourquoi ta pris sa pilule alors qu’il avait  l’air clairement louche?»


Je soupirai. 


« C’était… Gratuit…»


Il souffla.


« Juste pour ça? Tu sais à qui en demander gratuitement, lui n’en faisait pas partie. Fait attention s’il te plaît…»


Je hochais la tête. 


« Jacob… J’ai des trucs.. À te raconter… Entre autres pour mon silence radio.»


Il s'assit à côté de moi et me regarda.


« Je t’écoute.»


Je jouai avec mes doigts, m’arrachant la peau de mes ongles abîmée et commençant à saigner. Je les regardais pour ne pas avoir à affronter le regard de Jacob. Il avait perdu sa petite soeur ainsi et à travers moi il la voyait comme il me l’avait avoué ce jour orageux.


« J’ai… Tenté de me suicider… À cause des hallucinations et… Je suis restée cinq jours dans le coma.»


Je le sentis bouger du canapé et pousser le seau pour se mettre en face de moi et me serrer dans ses bras. Si la première fois où il avait tenté une étreinte j’avais refusé, ce n’était pas le cas de ce second essai. J’étais comme une poupée de chiffon.


« Alors, tu es vraiment touchée par la maladie ?»


« Je.. Je crois» dis-je à voix basse, et il y avait autre chose à lui avouer, je me raclai la gorge. « Et… On a découvert que je suis une hybride…»


Il relâcha son étreinte et me regarda, alors que de la peur dans mes yeux s’installa.


« Tu vas me rejeter? Tu ne vas plus vouloir me voir ?»


« Idiote! Bien sûr que non ! Tu es comme ma petite sœur et je ne veux pas perdre une seconde fois ma petite sœur. »


Je hochai la tête.


« Merci Jacob.»


Il prit la tasse qui avait refroidi et  me la donna. Nous avions donc commencé à parler de ma tentative, de ce qu’était la maladie, de mon hybridation aussi, puis lorsqu’il fut l’heure de l’arrêt des cours que j’aurais dû avoir, je me mis en route pour rentrer chez moi.




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