Entre Vengeance et Chaos

Chapitre 1 : Nanda Parbat

2856 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 29/10/2025 18:06

En débardeur noir, ses longs cheveux flottant sous les flocons qui tombaient, Sam bondit sur le sol de pierre. Elle venait à peine de terminer sa méditation lorsque son odorat capta une note familière : l’odeur de jasmin dans l’air glacial. Un sourire effleura ses lèvres. Ra’s al Ghul était là, derrière elle, immobile, ses pas si silencieux qu’on aurait dit qu’il flottait au-dessus de la neige.

- Bonjour, père, murmura-t-elle, les yeux toujours fermés.


Il ne répondit pas. Les bras croisés, son regard perçant la fixait, évaluant chaque geste. Sa tunique noire, ornée du dragon rouge, semblait vibrer sous le vent glacial. Sam l’avait toujours considéré comme un père, même si le sang ne les liait pas. Depuis le jour où ses parents l’avaient confiée à lui avant de mourir, il veillait sur elle avec une rigueur implacable. La neige craqua sous ses pieds alors qu’elle se redressait. Elle sentit la tension dans l’air, ce silence dense et suspendu qu’il savait si bien créer.

- Nous t’attendons pour manger, dit-il simplement avant de disparaître sans un bruit.


Sans hésiter, Sam bondit à sa suite. La neige volait autour d’elle, ses pieds nus s’enfonçant à chaque foulée. Les arbres défilaient comme des ombres mouvantes, le torrent rugissait au loin, mais elle n’y prêta pas attention. Son regard restait fixé sur l’endroit où il avait disparu, ses sens en alerte maximale. Un vent glacial fouetta son visage, mais elle ne ralentit pas. Chaque pas, chaque souffle était mesuré. Elle se mouvait comme une ombre parmi les flocons, prête à réagir au moindre signe. La montagne entière semblait retenir son souffle, consciente de l’énergie qui émanait de cette jeune femme. Sam savait que suivre Ra’s al Ghul n’était jamais simple. Il apparaissait et disparaissait, testant sa vigilance. Et elle, déterminée, refusait de céder à la fatigue ou à la distraction. Car elle le savait : la prochaine leçon serait sans doute la plus difficile. La pente devenait plus raide. Sam s’élança d’un rocher à l’autre, son souffle formant des nuages dans l’air gelé. Le vent hurlait autour d’elle, mais elle ne ralentit pas. Puis, soudain, un mouvement. À peine perceptible. Une ombre. Elle se jeta sur le côté juste à temps. Une lame fusa devant son visage, sifflant à quelques centimètres de sa peau. La neige éclata à l’impact. Elle roula au sol, se redressa d’un bond. Ra’s al Ghul se tenait à quelques mètres, son sabre encore levé, le regard impassible.

- Tu es lente, dit-il simplement.


Sam serra les dents. Aucune réponse. Le froid mordait ses bras nus, mais elle ne bougea pas. Elle attendait. Il attaqua de nouveau. Une frappe fulgurante, suivie d’une seconde, plus basse. Sam para la première, esquiva la seconde d’un pas arrière. Son pied glissa sur la neige, mais elle retrouva aussitôt son équilibre.

- Ton corps hésite, continua-t-il, sa voix aussi froide que le vent. La montagne ne pardonne pas l’hésitation.


Il avança, implacable. Chaque coup était une leçon, chaque parade un test. Sam sentait ses muscles brûler, son souffle se raccourcir. Elle tentait d’anticiper, de lire ses mouvements, mais Ra’s al Ghul restait insaisissable, comme s’il dansait entre les flocons. Finalement, il la désarma d’un mouvement brusque, son sabre volant dans la neige. En une seconde, il la fit basculer au sol. Sa lame se posa sur sa gorge, fine et froide. Le silence tomba. Sam leva les yeux vers lui. Aucune peur. Juste un éclat de défi.

- Si tu veux survivre à ce monde, dit-il lentement, tu devras apprendre à sentir avant de voir, à frapper avant de penser.


Il retira la lame, tendit la main. Sam la fixa un instant… puis se releva seule. Un mince sourire effleura les lèvres de Ra’s al Ghul.

- Bien. Tu commences à comprendre.


Le souffle encore court, Sam resta immobile quelques secondes après qu’il se fut détourné. La neige retombait lentement, effaçant déjà les traces de leur affrontement. Son cœur battait fort, non pas de peur, mais d’une étrange lucidité. Chaque coup, chaque parole de Ra’s al Ghul résonnait encore en elle. Elle avait cru maîtriser son corps. Elle découvrait qu’elle ne maîtrisait encore rien. Lorsqu’il commença à marcher vers le manoir, elle le suivit en silence. Ses pas s’enfonçaient dans la neige, réguliers, précis. Lui ne se retournait pas, mais elle savait qu’il sentait sa présence, comme si la montagne entière lui obéissait. Autour d’eux, tout semblait suspendu. Le vent, les arbres, même le bruit du torrent au loin paraissaient étouffés. Sam fixait la silhouette sombre qui ouvrait la marche. Chaque mouvement de Ra’s al Ghul était un rappel : la maîtrise ne venait pas de la force, mais de l’abandon de soi. Ses muscles la brûlaient, ses doigts tremblaient encore de l’effort, mais elle accueillait cette douleur comme une vérité. C’était le prix à payer pour devenir ce qu’il attendait d’elle. Un instant, elle leva les yeux vers le ciel. Les flocons fondaient sur sa peau, glissant sur ses cicatrices. Elle se demanda si ses parents auraient été fiers d’elle, ou effrayés par ce qu’elle devenait. Cette pensée la traversa comme un souffle avant de disparaître, avalée par le froid. Ra’s al Ghul s’arrêta devant les grandes portes du manoir. La neige tombait doucement, étouffant le monde autour d’eux. Il resta un instant silencieux, les mains jointes dans le dos, avant de dire d’une voix posée :

- Il est temps pour toi de partir, Sam.


Elle s’immobilisa.

- Partir ?

- Tu as appris tout ce que Nanda Parbat pouvait t’enseigner. Le reste… tu devras le trouver seule.


Sa voix n’avait rien perdu de sa fermeté, mais il y avait, dans son regard, une nuance qu’elle n’y avait jamais vue, une forme de fierté, peut-être. Ou de tristesse. Sam sentit sa gorge se serrer. Elle avait imaginé mille fois ce moment, mais jamais ainsi. Nanda Parbat était devenue son monde. Lui, son repère.

- Vous m’aviez promis que je serais prête, dit-elle d’une voix basse.


Ra’s esquissa un léger sourire.

- Personne ne l’est jamais vraiment. Mais tu l’es plus que tu ne le crois.


Il s’approcha, posa une main sur son épaule. Le contact, rare, la fit frémir.

- Tu n’es plus l’enfant que j’ai recueillie, dit-il doucement. Tes parents seraient fiers de la femme que tu es devenue. Et moi aussi.


Sam ferma les yeux un instant. Les souvenirs remontèrent, les rires, les visages effacés par le temps, le feu qui avait tout emporté. Une larme unique glissa sur sa joue avant de disparaître dans le froid. Ra’s la laissa en silence, puis ajouta d’une voix plus grave :

- Là-bas, tu ne trouveras pas la paix, Sam. Ce que tu cherches, c’est la vérité sur la mort de tes parents… et la justice qu’ils méritent. Mais n’oublie pas : la vengeance peut aussi consumer celle qui la porte.


Elle releva les yeux vers lui, déterminée.

- Ce n’est pas la vengeance que je veux. C’est la promesse que je leur ai faite.


Ra’s hocha lentement la tête, comme s’il reconnaissait ces mots depuis longtemps.

- Alors tiens-la jusqu’au bout. Trouve ceux qui leur ont pris la vie. Fais-le avec la force et la sagesse que tu as acquises ici. Mais souviens-toi de ceci : ne deviens pas comme eux.


Sam inspira profondément.

- Je ne vous décevrai pas.

- Tu ne l’as jamais fait, répondit-il avec douceur. Et je sais que tu ne le feras pas maintenant.


Le vent souleva la neige entre eux comme un voile. Ra’s recula d’un pas, son ombre se fondant peu à peu dans la lueur des torches. Sam le suivit du regard jusqu’à ce qu’il disparaisse dans le silence du temple, puis se tourna vers les montagnes. La peur et la détermination se mêlaient en elle comme deux flammes contraires. Elle savait ce qui l’attendait : le sang, les mensonges, la vérité cachée derrière la mort de ses parents. Et au fond d’elle, elle sentit une certitude brûler, pure et implacable : ses parents la regardaient. Et ils seraient fiers de la femme qui allait les venger.






Le jour commençait à peine à percer la brume lorsque Sam rejoignit la cour intérieure. Elle croyait être seule. Mais une silhouette l’attendait, adossée à une colonne de pierre, les bras croisés. Talia. Sa tunique sombre se fondait dans l’ombre, mais ses yeux, eux, brillaient d’un éclat que Sam connaissait bien. Ce mélange d’ironie et de tristesse qu’elle affichait quand elle voulait cacher ce qu’elle ressentait.

- Je savais que tu partirais avant même que mon père ne te le dise, lança-t-elle avec un sourire en coin.


Sam s’arrêta à quelques pas.

- Tu écoutes toujours derrière les portes ?

- Seulement quand les conversations sont intéressantes.


Leurs regards se croisèrent. Un silence s’installa, lourd de tout ce qu’elles n’arrivaient pas à dire. Pendant des années, elles avaient partagé la même douleur, les mêmes cicatrices, les mêmes rêves impossibles. Talia s’approcha lentement.

- Tu vas leur faire payer, n’est-ce pas ?

- Oui.

- Alors promets-moi une chose, dit-elle en posant une main sur son épaule. Ne perds pas ton âme en le faisant. C’est la seule chose que la vengeance ne peut pas te rendre.


Sam esquissa un sourire triste.

- Tu parles comme ton père.

- Quelqu’un doit bien le faire quand il n’est pas là.


Un léger rire, presque étouffé par le froid, passa entre elles. Puis Talia glissa la main dans sa tunique et sortit une petite dague, fine et gravée de symboles anciens.

- Prends-la. C’était la mienne. Elle m’a protégée plus d’une fois. Peut-être qu’elle fera de même pour toi.


Sam la prit avec précaution, observant la lame à la lueur grise du matin.

- Tu es sûre ?

- Si tu ne reviens pas, je viendrai la chercher moi-même, répondit Talia avec un sourire amusé.


Elles restèrent ainsi un instant, face à face, sœurs de cœur et d’armes, liées non par le sang, mais par les épreuves qu’elles avaient traversées ensemble. Puis Talia la serra dans ses bras. Un geste rare, sincère.

- Tu es ma sœur, Sam. Comme l’est Nyssa. Où que tu ailles, Nanda Parbat ne t’oubliera pas. Et moi non plus.


Sam la serra à son tour, la gorge nouée.

- Je reviendrai. Je te le promets.


Quand elles se séparèrent, Talia la regarda s’éloigner, droite, déterminée, la neige se refermant derrière sa silhouette. Une larme, unique, glissa sur la joue de Talia avant de disparaître dans le froid. Dans le silence du matin, elle murmura pour elle seule :

- Que les ombres te protègent, ma sœur.






Le vent s’était levé sur Nanda Parbat. Les torches vacillaient, projetant sur les murs de pierre les ombres mouvantes des disciples rassemblés en silence. Ra’s al Ghul s’avança vers Sam, tenant dans ses mains un long tissu de soie noire. Il s’arrêta à quelques pas d’elle. Son regard, impassible, portait pourtant une lueur qu’elle n’y avait vue qu’une seule fois : la fierté.

- Tu pars pour accomplir ce que le destin t’a confié, dit-il d’une voix grave. Et aucun de mes enseignements ne pourra te protéger autant que ta propre volonté.


Il déroula lentement la soie. Un katana apparut, sa lame noire miroitant à la lumière des torches, comme si elle avalait la clarté plutôt que de la refléter. Le manche, enveloppé d’un cuir sombre, portait gravé le symbole du Démon. Sam sentit un frisson la traverser.

— Cette lame a été forgée ici, il y a longtemps, poursuivit Ra’s. Elle ne pardonne ni l’hésitation… ni le mensonge. Quiconque la manie doit être certain de sa voie.


Il la tendit vers elle.

- Aujourd’hui, elle t’appartient. Qu’elle soit ton guide, ton fardeau, et ton héritage.


Sam s’agenouilla et prit le katana à deux mains.

- Je l’honorerai, comme je vous ai honoré.


Ra’s resta silencieux un moment, avant de glisser la main dans sa tunique. Il en sortit un petit objet de métal, usé par le temps : une clé, suspendue à un cordon de cuir.

- Tes parents m’avaient confié ceci avant de mourir, dit-il d’une voix plus douce. C’est la clé de leur coffre, celui qui contient ton héritage. Tu es l’unique héritière de leur fortune, Sam. Tu es désormais à la tête d’une richesse immense et de tout ce qu’elle attire. Utilise-la avec sagesse, car elle peut autant bâtir que détruire.


Il déposa la clé dans la paume de Sam et referma ses doigts autour. Le silence s’abattit sur la cour. Sam se releva, le katana à la ceinture, la clé serrée dans sa main. Devant elle, les montagnes s’étendaient, immobiles et éternelles. Derrière, Nanda Parbat retenait son souffle.






La cour s’était vidée. Le vent ne portait plus que le bruit des torches et le froissement de la neige. Ra’s al Ghul demeurait immobile, le regard tourné vers les montagnes où Sam venait de disparaître. Derrière lui, des pas discrets s’approchèrent.

- Elle est partie, dit Talia doucement.


Ra’s resta silencieux un long moment avant de répondre :

- Oui. Et le monde ne lui fera aucun cadeau.


Talia croisa les bras, le regard perdu vers l’horizon.

- Elle est prête, père. Vous le savez.


Ra’s hocha lentement la tête.

- Prête… peut-être. Mais la force attire la convoitise, et l’héritage qu’elle porte attirera bien pire.


Il se tourna vers sa fille, son regard plus grave que jamais.

- Veille sur elle, Talia. De loin. Sans qu’elle ne le sache.


Talia hésita.

- Vous me demandez de la suivre ?

- Non. Je te demande de la protéger, répondit-il. Sam doit croire qu’elle est seule pour comprendre qui elle est vraiment. Mais si elle tombe… c’est toi qui la relèveras.


Un silence pesa entre eux. Puis Talia inclina la tête, solennelle.

- Je le ferai. Pour elle… et pour vous.


Ra’s se détourna, son ombre se fondant dans celle des colonnes.

- Alors que les ombres la guident, et qu’elles t’obéissent.






Le vent glacial mordait la pierre, soulevant les derniers flocons du matin. Du haut des remparts, Talia observait la silhouette de Sam s’éloigner, une ombre noire glissant dans le blanc des montagnes. Ra’s lui avait demandé de veiller sur elle. Sans qu’elle ne le sache. Une mission simple, mais lourde. Parce qu’elle savait que son père ne confiait jamais ce genre de tâche à la légère. Talia croisa les bras, suivant Sam du regard jusqu’à ce qu’elle disparaisse derrière la brume. Elle se souvenait de leur première rencontre. Une enfant farouche, brisée, qui refusait de pleurer. Elle se souvenait aussi du jour où cette même enfant l’avait surpassée à l’entraînement, le regard empli de cette rage silencieuse que Ra’s appelait “la marque du destin”. Un léger sourire effleura ses lèvres.

- Ne me déçois pas, petite sœur, murmura-t-elle pour elle-même.


Elle ferma les yeux, laissant le vent glacé s’enrouler autour d’elle. Elle savait que Sam devrait tomber pour apprendre à se relever seule. Mais si l’ombre venait à la dévorer entièrement, alors Talia serait là. Invisible, fidèle, prête à intervenir avant que le monde ne la brise. Quand elle rouvrit les yeux, le sentier était vide. Talia tourna les talons, sa cape noire se déployant derrière elle comme une aile.

- Que les ombres te protègent, Sam, pensa-t-elle. Et puisse mon père ne jamais apprendre à quel point je tiendrai cette promesse.

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