Entre Vengeance et Chaos

Chapitre 2 : Les Ombres de Starling City

4237 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 05/11/2025 05:55

La pluie tombait sans relâche sur Starling City, inlassable, tissant un rideau liquide entre les immeubles fatigués. Les ruelles étroites n’étaient plus que des coulées d’eau grise où les néons se reflétaient comme des lames de verre brisées. Chaque goutte semblait effacer quelque chose. Une trace, un souvenir, un visage. La ville tout entière se dissolvait lentement sous le poids du ciel. Les toits dégorgeaient des torrents qui ruisselaient le long des façades. Des enseignes clignotantes vacillaient dans la nuit. Bar, motel, magasin. Leur lumière artificielle battant comme un cœur malade. Dans les hauteurs, les gratte-ciel disparaissaient dans la brume, silhouettes fantomatiques d’acier et de verre, tandis que les docks, en contrebas, résonnaient du grondement sourd des conteneurs déplacés par les grues. L’air sentait le sel, la rouille et la pluie stagnante. Les rares passants pressaient le pas, parapluie baissé, têtes courbées. Les trottoirs reflétaient leurs ombres déformées. Par endroits, des sirènes lointaines découpaient la nuit, suivies du crissement d’un moteur et du claquement sec d’une portière. Puis, le silence retombait, seulement troublé par le bruit constant de l’eau. Dans ce décor détrempé, au cœur du quartier des docks, se dressait un vieil immeuble de briques rongées. Les fenêtres y étaient noircies par la suie, certaines barricadées de planches, d’autres laissées béantes sur le vide. Au dernier étage, une lueur vacillante perçait faiblement la pluie. C’était là que vivait Sam. L’appartement était minuscule. Deux pièces et un couloir étroit où la peinture s’écaillait par plaques. Les rideaux, toujours tirés, étouffaient la lumière du jour, ne laissant passer qu’un halo gris. Les ampoules, jaunâtres, diffusaient une clarté instable, faisant danser les ombres sur les murs. L’air y était froid, chargé de poussière et d’humidité, une odeur de café froid se mêlant à celle du métal huilé. Le lit était défait, draps froissés comme les vestiges d’une nuit sans repos. Sur la table, s’entassaient des papiers, des plans griffonnés, une tasse abandonnée depuis des heures. Au centre, un katana reposait sur un chiffon, la lame parfaitement entretenue. À côté, une dague à la garde ouvragée, le dernier présent de Talia, brillait faiblement dans la lumière grise filtrant par la fenêtre. Tout respirait la précaution et la fuite. Rien ne trahissait une vie, sinon la régularité méthodique avec laquelle tout semblait à sa place.


Sam y vivait depuis plusieurs mois, sous un nom qui n’était pas le sien. Elle s’était fondu dans l’anonymat de la ville comme une ombre dans la pluie. Le soir, quand le silence montait des docks, elle restait assise près de la fenêtre, jambes repliées sous elle, à regarder les lumières trembler sur la vitre. Son reflet s’y mêlait à la ville, indistinct, presque spectral. Parfois, elle effleurait du bout des doigts le verre froid, suivant le parcours d’une goutte qui descendait lentement. On aurait dit qu’elle cherchait à lire dans la ville le secret de sa propre mémoire. Sa silhouette se dessinait dans la pénombre : fine, nerveuse, forgée par la discipline et la douleur. Ses longs cheveux noirs, souvent ramenés en une queue de cheval désordonnée, brillaient sous la lumière grise des néons. Ils encadraient un visage aux traits marqués, à la beauté troublante. Une beauté sans artifice, faite de force contenue et de cicatrices invisibles. Ses yeux, d’un bleu sombre, semblaient toujours sur le qui-vive, observant tout, ne livrant rien. Leurs contours étaient cernés d’ombres. La fatigue, les nuits sans sommeil, les fantômes qui ne la quittaient jamais. Sa peau, pâle sous la lumière artificielle, portait les marques discrètes d’un passé d’entraînement : cicatrices fines sur les avant-bras, éclats de brûlure sur les phalanges, souvenirs muets de Nanda Parbat. Quand elle bougeait, c’était avec une précision mécanique, sans hésitation, comme si chaque geste avait été répété des centaines de fois. Il n’y avait rien d’inutile dans sa façon d’exister. Même son souffle semblait contrôlé, mesuré. Une tension constante vibrait sous sa peau, prête à se déployer au moindre danger. Le jour, elle se mêlait à la foule sans laisser de trace. Un manteau long, une capuche, une démarche fluide mais ordinaire. Elle traversait les marchés, les stations de tram, les couloirs de métro avec cette aisance des gens qui ne veulent pas être remarqués. On aurait dit une employée, une anonyme, une silhouette de plus parmi les milliers que la ville engloutissait.

Mais la nuit, tout changeait.


Quand la pluie cessait un instant, on pouvait l’apercevoir sur les toits des docks, silhouette sombre au bord du vide, immobile sous les éclairs des lampadaires. Ses yeux fixaient les lumières lointaines de la ville haute, là où se concentraient le pouvoir et la corruption. Chaque nuit, elle redevenait l’arme que la Ligue avait façonnée : un esprit discipliné, un corps entraîné à frapper, disparaître, survivre. Et pourtant, malgré la maîtrise, malgré la froideur qu’elle s’imposait, quelque chose en elle demeurait brisé. Les visages revenaient sans cesse. Son père, sa mère, leurs rires. Puis les cris, les flammes, la trahison. Elle revoyait leurs yeux au moment où tout s’était effondré. Elle revoyait aussi la silhouette d’un homme, son ombre découpée dans la lumière rouge de l’incendie. Ce souvenir la hantait. Elle le portait comme une blessure qui ne cicatrise pas. Chaque nuit, les mêmes cauchemars la réveillaient : des corridors sombres, des chaînes, le froid de la pierre, le murmure de voix oubliées. Elle se redressait, haletante, la main serrée sur le couteau qu’elle gardait sous l’oreiller. Puis, lentement, elle retrouvait son calme, écoutant le bruit régulier de la pluie contre la vitre. Le seul son capable de l’ancrer encore à ce monde. Dans ces moments de silence, un seul nom traversait son esprit. Toujours le même. Ethan Hunt. Un nom comme une lame. Un souvenir transformé en mission. Ethan Hunt, ancien agent de la Ligue des Assassins, celui qui avait trahi, celui qui avait tout pris. Celui qui avait effacé son passé, détruit son avenir. C’était pour lui qu’elle vivait encore. Pour cette promesse qu’elle s’était faite au milieu des flammes : le retrouver. Elle n’avait plus rien à perdre. Seulement ce but, brûlant, précis, comme un fil tendu dans l’obscurité. Et dehors, la pluie continuait de tomber, inlassable, comme un métronome du destin. Chaque goutte sur la vitre semblait battre au rythme de son cœur. Un cœur de silence, de douleur, et de feu contenu.





Ce soir-là, elle le traquait. Une brume épaisse roulait entre les quais, s’accrochant aux grues immobiles et aux containers rouillés. Les lampadaires diffusaient une lumière jaune, vacillante, qui transformait les flaques d’eau en miroirs troublés. Au loin, le grondement sourd de la ville semblait étouffé par la pluie qui tombait en biais, fine et tenace, couvrant les bruits de pas, les voix, les respirations. L’air sentait le sel, le gasoil et le fer mouillé. Les docks avaient ce parfum de désolation que seule la nuit savait révéler. Sam avançait sans bruit, glissant entre les ombres. Son manteau sombre se confondait avec la suie des murs, ses bottes effleuraient l’eau stagnante sans éclaboussure. Son katana battait légèrement contre sa cuisse, comme un rappel silencieux de ce qu’elle était. Chaque pas était mesuré, précis, le fruit d’une discipline ancrée au plus profond d’elle. Sous la capuche de son blouson, ses yeux bleus balayaient les environs avec la concentration d’un prédateur. Elle savait qu’il était là. Elle le sentait. Le silence se rompit soudain : un froissement léger, au-dessus d’elle. Elle eut juste le temps de tourner la tête. Une flèche siffla dans l’air humide et se planta dans le mur, à quelques centimètres de son épaule. L’impact fit résonner le métal, sec, bref, comme un avertissement. Sam pivota, lame dégainée. Le katana étincela sous la lumière d’un projecteur. Et là, sur la passerelle, il était là. L’homme à la capuche verte. Le justicier dont les rumeurs murmuraient le nom à voix basse dans les rues de Starling.

Arrow. Sa silhouette se découpait sur le fond gris du ciel, massive et parfaitement immobile. La pluie glissait sur son cuir sombre, traçant des lignes brillantes sur l’arc qu’il tenait bandé. Ses bras, puissants, restaient d’une stabilité presque inhumaine. Sous la capuche, son regard, deux éclats d’acier, la fixait avec une intensité glacée. Il n’y avait ni peur, ni colère, seulement une vigilance aiguë, celle d’un homme qui a vu trop de morts pour encore douter. Sa voix, quand elle s’éleva, avait ce timbre rauque, grave, marqué par la fatigue et la retenue.

« Qui êtes-vous ? »


Sam resta immobile, la lame toujours en garde. Le vent fit claquer un panneau au loin.

« Personne », répondit-elle, d’un ton égal.


Il descendit lentement de la passerelle, chaque pas résonnant sur le métal. Même dans le mouvement, tout en lui semblait calculé, mesuré, comme si la moindre hésitation pouvait lui coûter la vie. À mesure qu’il approchait, la lumière révéla davantage son visage : la mâchoire anguleuse, les traits marqués, les ombres creusées autour des yeux. C’était un homme brisé qui continuait malgré tout.

« Vous n’avez rien à faire ici », dit-il, son arc toujours tendu. « Ces docks ne sont pas sûrs. »


Un coin de ses lèvres se releva. Un sourire sans chaleur, presque ironique.

« Je n’ai jamais cherché la sécurité », répondit-elle doucement.


Leurs regards se croisèrent, et la tension devint palpable, presque tangible dans l’air saturé d’humidité. Deux ombres, deux survivants, taillés dans la même solitude. Elle fit un pas de côté. Il ajusta immédiatement sa visée, sans trembler. Un instant suspendu. Une respiration. Le temps sembla s’étirer, prêt à se briser. Puis elle disparut. Un simple mouvement, fluide, insaisissable. Une ombre avalée par d’autres. Oliver abaissa lentement son arc, scrutant les containers. Il n’entendait plus que la pluie qui frappait les tôles. Le vent fit claquer la corde de son arc. Là où elle se tenait, il ne restait qu’une flèche fichée dans le métal et l’écho de son souffle. Un silence dense, chargé d’électricité et de questions. Il savait déjà qu’il la reverrait.





À quelques mètres, dissimulé dans l’ombre des caisses abandonnées, un homme observait silencieusement la scène. La lumière tamisée des réverbères qui perçaient à peine la brume de la nuit effleurait ses traits durs, accentuant le regard glacial qu’il portait sur Sam. Ethan Hunt, l’homme qui, dans les ombres, agissait comme un fantôme, un spectre du passé qui continuait de hanter sa vie. Il portait un costume sombre, impeccable, dont les coutures trahissaient une coupe sur mesure, mais son allure ne laissait rien deviner de son élégance. Il semblait une partie de l’obscurité elle-même, avec ses yeux d’acier et son sourire froid, comme un prédateur attendant le moment exact pour frapper. Ses cheveux sombres étaient peignés en arrière de manière soignée, mais ils semblaient presque trop rigides, comme s’ils étaient eux-mêmes une part de sa façade implacable. Ses traits étaient taillés dans le marbre de l'expérience et de la douleur. Hunt avait l’habitude de disparaître dans les recoins de la ville, toujours silencieux, toujours implacable. Il n’était pas un homme qui se perdait dans des détails inutiles. Il connaissait Sam depuis trop longtemps, et il savait où la trouver, ce qu’elle ferait, ce qu’elle pensait. Ses yeux, d’un bleu acier presque perçant, suivaient chaque geste de Sam avec une précision glacée. Chaque mouvement qu’elle faisait était enregistré, analysé, anticipé. La traque, pour lui, n’était qu’un jeu, un jeu où il connaissait toujours la fin avant même que l’histoire ne commence.

« Toujours aussi prévisible, petite élève de Ra’s, » murmura-t-il pour lui-même, un sourire froid effleurant ses lèvres.


Un sourire dénué de chaleur, sans émotion, juste un constat. Sam, à ses yeux, était une énigme déjà résolue, une personne dont les faiblesses et les points forts étaient parfaitement clairs. Mais cette fois, il n’était pas là pour la tuer. Il était là pour la convaincre de l’aider, à sa manière. Lentement, il sortit son téléphone de la poche intérieure de son manteau, un modèle discret mais efficace, comme tout dans la vie de Hunt. Avec des gestes mesurés, il composa un numéro qu’il connaissait par cœur. La communication se fit attendre quelques secondes, le bruit sec de l’alarme de la ville dans le fond de la ligne. Puis une voix familière, froide comme l’acier, répondit de l’autre côté.

« Elle est ici. Bientôt, elle nous ramènera ce que nous cherchons. »


Il parla d’un ton calme, presque dénué d’émotion, comme s’il s’agissait d’un ordre que l’on exécute sans discuter. L’assurance qui émanait de ses mots était celle d’un homme pour qui tout allait suivre son cours, sans surprises. Il savait que Sam serait inévitablement un atout, qu’elle finirait par se retrouver dans sa main. Puis, sans un regard en arrière, il rangea le téléphone et s'éloigna dans la brume, effaçant sa présence aussi rapidement qu’il l’avait marquée. La silhouette d’Ethan Hunt disparut dans la nuit comme un prédateur disparu dans l’ombre, sa silhouette ne laissant qu’un soupçon de ce qui avait été. Dans la brume dense de Starling City, il n’y avait ni trace ni empreinte de sa présence. Juste le froid glacial du vent et l’écho lointain de ses paroles.






Sur un toit dominant les docks noyés sous la pluie, Talia al Ghul se tenait immobile, silhouette élancée découpée dans la lumière blafarde des lampadaires. Le vent marin faisait danser les pans sombres de sa cape, soulevant par instants quelques mèches de ses longs cheveux bruns, lustrés par l’humidité nocturne. Elle observait en silence, chaque muscle tendu, chaque souffle maîtrisé. Ses yeux, d’un vert profond, suivaient chacun des mouvements de Sam en contrebas avec la précision d’une prédatrice. Ou d’une sœur inquiète. Autour d’elle, Starling City s’étendait comme un labyrinthe de fer et de brume. Les docks formaient un dédale de containers empilés, de grues immobiles, de reflets tremblants sur l’eau noire. L’odeur du sel se mêlait à celle du mazout, lourde et poisseuse. Des néons clignotaient au loin, perdus dans le brouillard, dessinant des éclats intermittents sur la surface du fleuve. Plus haut, le grondement du tonnerre roulait au-dessus de la ville, étouffé par la pluie constante. C’était un décor de fin du monde. Parfait pour les âmes qui, comme elles, vivaient entre ombre et loyauté. Talia se pencha légèrement, posant un genou sur le rebord du toit. Sous sa cape de cuir sombre, on devinait la souplesse d’une armure fine, forgée à Nanda Parbat. Noire et bordée de fil d’or terni, symbole de sa lignée et de son rang. Chaque détail en elle respirait la maîtrise : la discipline des assassins, la noblesse des al Ghul, l’élégance d’une femme qui avait appris à transformer sa douleur en puissance. Mais sous cette apparente froideur, quelque chose vibrait. Un trouble discret, une émotion qu’elle s’efforçait de contenir. Son visage, éclairé par les reflets dorés d’une enseigne lointaine, révélait une beauté austère. Des traits ciselés, presque royaux, mais assombris par le poids des décisions et des pertes. Ses lèvres, d’ordinaire impassibles, tremblèrent d’un murmure.

« Tu marches dans les ténèbres, Sam… mais pas seule. »


Sa voix se perdit dans le vent, à peine audible. Mais le ton, lui, portait la force d’une promesse. Elle savait que Sam portait en elle la rage et la douleur des orphelins forgés par la Ligue. La même flamme, la même solitude. C’était ce qui la rapprochait d’elle plus que de n’importe quel autre disciple de son père. Talia serra les poings. En contrebas, Sam glissait entre les containers, rapide, presque invisible. Et quelque part, dans la brume, Ethan Hunt rôdait. Elle sentait sa présence, comme une menace diffuse, familière. L’homme avait été l’un des meilleurs de la Ligue avant de trahir. Un prédateur sans loyauté, un esprit calculateur dont les yeux ne reflétaient rien d’humain. Talia connaissait sa cruauté, et plus encore, sa patience. Un pli soucieux barra son front. Ra’s al Ghul lui avait ordonné de ne pas intervenir. D’observer seulement, d’attendre que les événements suivent leur cours. Mais le sang des al Ghul bouillonne toujours contre les ordres, surtout lorsqu’il s’agit de ceux qu’ils aiment. Elle inspira profondément, forçant son corps à l’immobilité. Obéir. Pour l’instant. Son regard resta fixé sur Sam, minuscule ombre mouvante au milieu du chaos. Une sœur d’armes, une élève, un fragment de ce qu’elle avait été avant que le monde ne devienne un champ de ruines. Talia savait que, tôt ou tard, elle devrait choisir entre la volonté de son père et son instinct. Et ce soir-là, sur ce toit balayé par la pluie, cette certitude s’imposa en elle comme un pressentiment amer. Dans la brume et le tonnerre, Talia al Ghul resta seule, impassible et silencieuse, statue vivante entre loyauté et amour, prête à frapper le jour où les ombres cesseraient d’obéir.





La pluie redoublait, martelant les toits de tôle et transformant les ruelles de Starling City en couloirs de verre et d’ombre. La nuit avalait les sons, ne laissant que le murmure continu de l’eau et, parfois, le claquement lointain d’un néon qui s’éteint. C’est là, dans cette artère oubliée du centre industriel, qu’Oliver Queen la retrouva. Sam se tenait seule, dos au mur, le visage à moitié dissimulé sous la capuche trempée de sa veste sombre. La lumière des lampadaires découpait des éclats d’argent sur ses cheveux noirs, encore plus sombres sous la pluie. Son katana reposait contre la brique, incliné comme une extension de son propre corps, prêt à être repris à tout instant. Une vapeur légère s’élevait du sol, brouillant sa silhouette, comme si la ville elle-même hésitait à la laisser se fondre dans son décor. Oliver, silhouette massive dans sa tenue verte, avançait lentement. Sa capuche projetait une ombre sur ses traits, mais ses yeux, d’un vert acéré, brillaient avec une intensité contenue. L’eau ruisselait sur les bords de son blouson en cuir renforcé, sur les muscles tendus de ses bras, sur l’arc qu’il portait en bandoulière, prêt à servir. L’éclat métallique de ses flèches se devinait à peine dans la pénombre. Il s’arrêta à quelques mètres d’elle, laissant le vent et la pluie remplir l’espace entre eux. Son regard glissa sur la dague à la ceinture de Sam, sur la posture alerte de son corps. Souple, mais méfiante, comme un animal acculé. Il brisa enfin le silence.

« Vous avez du talent. »


Sa voix, grave et calme, semblait absorber le bruit de la pluie. Sam ne répondit pas ; elle se contenta de tourner légèrement la tête, lui lançant un regard par-dessus l’épaule. Ses yeux, d’un bleu glacé, portaient une fatigue ancienne. Celle de ceux qui ont trop vu, trop perdu. Le vent fit voler quelques mèches trempées autour de son visage, accentuant encore cette aura sauvage et insaisissable. Oliver fit un pas en avant.

« Ce que vous cherchez ici va vous détruire. »


Elle laissa échapper un rire bref, sans joie.

« Ce que je cherche, c’est déjà perdu. »


Ses mots tombèrent entre eux comme une lame qu’on enfonce lentement. Oliver voulut répondre, trouver quelque chose qui briserait la distance. Mais elle recula, les doigts frôlant machinalement la garde de son katana.

« N’approchez pas. Vous ne comprenez pas. »


Sa voix tremblait à peine, mais son regard, lui, était inébranlable. Il y avait dans cette femme quelque chose d’à la fois brisé et invincible. Oliver reconnut ce feu. Celui qu’il avait vu dans ses propres yeux, autrefois, sur l’île. Le feu de ceux que la vengeance tient debout quand tout le reste s’effondre. Sam fit volte-face, sa cape détrempée dessinant une traînée sombre derrière elle. Ses pas s’éloignèrent sans un bruit, avalés par la pluie et les reflets d’eau. Le halo des lampadaires glissa un instant sur sa lame avant qu’elle ne disparaisse dans la brume des docks. Oliver resta seul, figé sous l’averse. L’eau ruisselait sur son arc, le long de son visage, se mêlant à la sueur et au doute. Il sentit son cœur battre plus fort. Non pas de peur, mais d’un pressentiment : cette femme n’était pas une simple inconnue perdue dans la nuit. Elle portait en elle une guerre silencieuse, et s’il la laissait s’enfoncer davantage dans l’ombre, elle finirait par s’y noyer… ou par y allumer un feu que nul ne pourrait éteindre. Mais pour l’instant, il ne pouvait que la regarder s’effacer dans le brouillard, se demandant s’il venait de perdre une alliée… ou de croiser le fantôme d’une menace encore à naître. Et autour de lui, Starling City continuait de pleurer sous la pluie, indifférente aux âmes qui s’y affrontaient dans le silence.





Plus tard, sur un toit qui dominait la ville comme une estrade sur un théâtre en ruine, Sam s’agenouilla. Le bitume chaud, à peine rafraîchi par la pluie, collait à ses genoux ; des flaques miroitaient autour d’elle, reflétant les néons en éclats disséqués. En contrebas, Starling s’étendait. Une nappe de lumières tremblantes, ponctuée de phares et d’enseignes fatiguées, un horizon de verre, de métal et de béton où chaque source lumineuse semblait raconter une histoire brisée. Les tours formaient des silhouettes noires, les ponts dessinaient des arcs lumineux, et le fleuve renvoyait des glissements d’argent comme autant de promesses illusoires. Le vent, encore chargé d’odeur de mer et d’huile, fouettait ses cheveux trempés ; des mèches collèrent à sa nuque, puis au coin de sa bouche quand elle pencha la tête. Sa veste, alourdie par l’humidité, claquait par instants contre ses cuisses ; la lame de son katana, rangée à portée, renvoyait de petits éclats quand la ville lui renvoyait la lumière. Autour d’elle, le toit vibrait du murmure lointain. Un moteur qui tourne, une sirène qui s’éteint, le crissement d’un camion sur le port. Tous ces sons réduits à un fond continu, comme un cœur mécanique que rien ne semble pouvoir apaiser. Son regard restait dur, fixe : ce n’était pas seulement la carte des rues qu’elle lisait, mais la topographie de son passé. Les endroits où la douleur avait laissé des marques, les noms des visages qu’elle portait en elle. Les cicatrices sous sa peau semblaient chauffer au contact de la brise nocturne ; la mémoire lui apportait des images trop vives : flammes, chuchotements en langue ancienne, des pas qui fuyaient dans la nuit. Pourtant, rien dans l’air n’affectait la fixité de son regard ; il y avait dans sa posture une volonté d’acier, comme si son corps tout entier s’était mis en garde contre l’oubli. Elle abaissa la tête, inspira longuement. L’air salé lui brûla les poumons et calma pourtant la tension à ses tempes. Et murmura, comme une promesse jetée au vent et à la pluie :

« Je te trouverai, Hunt. Même si je dois brûler cette ville. »

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