Le pilier fragmenté

Chapitre 4 : Retour vers le passé

3124 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/05/2021 04:12

  • Je vois dans tes yeux que tu n’es pas sereine, n’oublie pas, je veille sur toi. Dit-il avec assurance.


Je lui jète un regard bref puis souris légèrement à sa réponse... 


  • Voilà, je t’ai trouvé le profil idéal pour ta mission.
  • Qui est-ce ?
  • Meryem Ibna Mohamed. La logique fait qu’elle a les mêmes origines que toi comme tu maitrises bien l’Arabe et le Berbère. C’est la fille d’un richissime marchand Arabo-Berbère, sous ses airs de princesse, ç’en est presque une. Sa mère descend des maures, les anciens envahisseurs musulmans en Europe, et ses frères ont hérités du prestige colonial de leurs ancêtres. Ils sont dispersés aux quatre coins du monde : L’ainé vie sa plus belle vie à Narbonne, en France. Le benjamin détient une résidence à Cuba grâce à leur aïeul, qui avait généreusement aidé financièrement Christophe Colomb pendant sa conquête de l’Amerique. Et enfin, le cadet réside à Cordoue, en Espagne.
  • D’accord, mais as-tu une piste pour moi pour que dès mon arrivé, je puisse savoir ce que je devrais faire ?
  • Évidemment et c’est très simple, tu dois aider un certain Laureano de Torres y Ayala, maître des Templiers des Caraïbes et gouverneur de Cuba. Désolé pour la longueur de ce nom, mais il est la clé de notre mission et tu devras empêcher mon moi du passé à s’évader.
  • Ça va aller, j’ai déjà retenu. Mais comment pourrais-je l’aider ?
  • Tu devras le guider jusqu’à l’Observatoire et exécuter ce qu’il te demande.
  • Compris... Une dernière chose... Ce Templier, mérite-il mon aide ?
  • De mes souvenirs, la seule chose qui m’a vraiment interpellé chez lui était sa sagesse. De toute manière, tu le verras par toi même... Dit-il en me souriant. Prépare toi, c’est l’heure.


Je m’installe avec hésitation et nonchalance sur le tombeau, John prépare la désintégration de mon corps et mon esprit et s’apprête à fermer le couvercle sur moi. Il s’arrêta pour me contempler, comme si il avait oublié de me dire un dernier mot.


  • Ton pouvoir risquerait d’être enfoui en toi, tu devras recommencer à zéro pour le maîtriser et t’entraîner seule...


Super... Manquait plus que ça. De toute façon, ce serait bien trop dangereux d’essayer de l’utiliser et je pense que je n’aurais pas assez d’occasion pour m’entraîner, c’est ma dernière préoccupation pour l’instant.


  • J’essaierai... John, fais vite.


John me contempla une bonne minute puis me lâche un « Fais attention. » et referme le couvercle. Le noir complet. J’ai l’impression d’être enterré sous terre. J’entends John s’éloigner chuchotant « Au revoir, 7. ».


Je vis une lumière étrange me pulvériser les yeux, cette lumière était tellement forte que je l’ai sentie transpercer mon âme, burn-out. Je n’ai pas encore ouvert les yeux mais je sens mon corps sacrément lourd et une migraine intense. 


Janvier 1714, Al hoceima, Royaume du Maroque


Lorsque j’ouvris les yeux, John a bel et bien fait son travail. Suante dans mon lit, je scrute autour de moi : la chambre est assez spacieuse avec une décoration typiquement Berbère. Je m’empresse de rechercher un miroir dans la pièce, même si en faisant abstraction de la douleur que mon corps subit, elle refait surface en étant plus intense et je trébuche sur quelque chose, qui je pense ,est une commode. Je pris une bougie puis l’alluma et me contemple sur le miroir, je touche mon visage dégoulinant de sueur avec la paume de ma main : je n’ai pas changé... Meryem Ibna Mohamed... Espérons que tu me ressembles beaucoup ma chère. Eh merde ! J’ai oublié de demander son âge, si elle a la trentaine ou voire même plus alors que je suis au début de la vingtaine, ça ne va pas le faire du tout auprès de sa famille ! Fait chier... Et si elle était mariée ? Je ne me suis pas réveillé en présence d’un homme, mais quand même... Je n’étais définitivement pas prête, quelle débile je suis.


Je peine à marcher, j’éteins la bougie puis alla me coucher, j’ai besoin de repos, beaucoup de repos. 


J’entends les oisillons chanter et les rayons du soleil rayonner sur mon visage, c’est maintenant que débute ma nouvelle vie... je reste allongé quelques minutes en laissant mes yeux s’ouvrir par eux même. Je profite de ce calme reposant pour me dégourdir quand j’entends soudainement des pas qui s’approchent. Une jeune femme plaque la porte de ma chambre en me regardant avec des yeux pleins de gaieté, elle se jette sur moi comme une enfant puis s’écrie en Berbère :


  • Comment va la nouvelle patronne ? C’est aujourd’hui qu’on décidera d’aller où on veut maintenant que tu détiens le commerce de Père !


D’accord... Dois-je jouer la carte de l’amnésique ? Oú bien je redouble de concentration et d’effort pour retenir des infos sur eux sans me faire repérer ? ... Non, pas la première, sinon je risquerais de perdre ce commerce, et si je le perds, ce serait très difficile d’aller à Cuba... Sois la plus naturelle possible.


  • Je sais sœurette mais laisse moi savourer cette matinée paisiblement, veux-tu ? Dis-je avec paresse. C’est tellement gênant.


Elle ricane puis s’éloigne de moi.


  • Je te retrouverai dans le bureau de Père à 15h.


Je rétorque en lui faisant oui de la tête puis me retourne de l’autre côté... Je m’imagine les tonnes d’épreuves qui se dresseront devant moi... J’espère ne pas vivre un calvaire.


Je me lève puis m’habilla d’un long caftan que je trouve accroché sur un meuble. Je sors de ma chambre et commence à chercher la salle de bain, ou plutôt, un hamam. En marchant quelques mètres dans la maison, je remarque la grandeur de celle-ci et que ce détail me fait prendre plus de temps à trouver une pièce. J’essaye de mémoriser le plus possible chaque pièce sans pour autant paraître suspecte devant les gardes... Oui, cette famille possède des gardes. Ils doivent sûrement être assez importants pour être protégés comme ça.


Je trouve enfin ce hammam puis me laisse guider par ces femmes qui s’occuperont de moi.


Après m’être bien lavé et habillé soigneusement, personne ne s’est aperçu d’un couac sur moi, cette Meryem devait beaucoup me ressembler, étrange. Je me retrouve dans une sorte de salle à manger, les tables sont déjà garnies. Cependant, il n’y a personne. Je m’assoie donc en profitant de la situation et déguste ce petit déjeuner exquis, fruits, pain fraîchement préparé, miel, beurre, du fromage de chèvre, thé parfumé à la menthe et de jolies crêpes à trous. Je regarde l’horloge en face de moi : 10h15. Je comprends maintenant pourquoi tout le monde n’est pas à table, je me suis levé trop tard.


Après avoir prit mon petit déjeuner, la gouvernante me propose de faire un tour dans le jardin de la résidence le temps de m’occuper un peu avant de retrouver mon “père”... J’espère que ce ne sera pas un moment désagréable, je ne connais rien de cette famille... Je dois privilégier le silence et partir le plus vite possible de cette demeure pour rapidement accomplir ma mission.  


Je m’apprête à sortir de la véranda et je suis immédiatement ébahi par la beauté de ce jardin, ça m’a très vite rappelé les jardins maures en Andalousie : des variétés de fleurs et de feuillage luxueux extrêmement bien taillés, et des fontaines éparpillées un peu partout. Je m’approche d’une table puis m’assoie dessus en feuilletant un livre qui était posé dessus. C’est écrit en Arabe et j’ai un peu de mal à le lire: c’est un Arabe ancien.

Soudain j’entends “benti! (Ma fille)”, le voilà. Je le regarde puis souris et je vis sa main tendu vers moi, il attend à ce que je lui baise la main et sans hésitation j’exécute.


  • Alors... Pas trop effrayée ? Me demande-t-il en me souriant.
  • Non, Abi (père), jamais. Dis-je sans avoir froid aux yeux.
  • Voilà ma fille, brillante et déterminée comme son père. Viens, nous partons d’abord aller voir mon associé pour votre présentation, ce ne sera plus le miens mais le tiens. Ensuite, nous rentrerons directement dans mon bureau pour que je te fasse part de plusieurs clés. Dit-il en feuilletant le livre que je lisais.
  • Compris. 


Nous prenons nos montures puis je suis mon père dans sa route. C’est un bel homme âgé qui a probablement dans la soixantaine, il paraît affaibli, ce doit être 

pour cette raison qu’il me remet ses biens avant l’inévitable. Il est aimable mais il est un peu bavard et je reste tout de même silencieuse parce que je ne comprends rien de ce qu’il me dit. Si je devais faire une métaphore de ma situation actuelle, c’est comme si je commençais une série à un épisode lointain au lieu de la première. C’est très compliqué de recontextualiser mais je fais de mon mieux et surtout, je fais gaffe à retenir tout ce qu’il me dit, j’ai intérêt à avoir une très bonne mémoire. Pendant que nous galopons dans les contrées Berbères, je prends peine de contempler le paysage et je n’ai jamais vu une nature aussi pure. 300 ans nous séparent et la différence est énorme, c’est comme si je vivais dans un film ancien très réel.


Nous arrivons dans une sorte d’entrepôt près d’un port puis je fais enfin la rencontre de cet associé, merde, Meryem devait sûrement connaître son nom. Mon père le salue tandis que moi je lui fais simplement un signe de la main, j’ai retenu ce détail que les hommes ne devaient pas serrer la main aux femmes.


  • Voilà que la petite Meryem devient une grande femme d’affaires ! Tu te souviens de moi ?
  • Oui, bien sûr. Dis-je gêné.
  • Tu étais petite la dernière fois que tu l’avais vu. Dit mon père. Vous aurez tout le temps de discuter, Imrân, nous sommes venus pour te demander si tu as reçu le traité de passation du commerce par le chef d’état ?
  • En effet, il part prendre un parchemin puis nous fais signe d’approcher, tu n’as plus qu’à signer ici. Dit-il en me tendant sa plume.


Avant de signer je prends le temps de lire un peu, c’est un contrat définitif. Grâce à ce parchemin, je serais reconnue comme étant héritière et chef de son commerce. Quelle veinarde. Je ne tarde pas de signer puis remet la plume à Imrân. 


  • Félicitations. Je tiendrai compte de transmettre une copie de ce papier à tous ceux qui travaillent pour vous. Dit-il avec aisance.


Mon père me tapote le haut de mon crâne puis nous saluons notre associé avant de rentrer. C’est un homme qui doit avoir la quarantaine avec un certain charme, il semble comme quelqu’un de maniaque et soigné, il paraît intelligent et je n’ai pas aimé le ton que mon père et lui prenait envers moi, c’est comme si ils avait une idée derrière la tête. Quand j’y repense, je n’ai pas fait attention mais… c’est vrai que son regard était louche à ce monsieur. De toute façon je n’ai pas à m’en faire, je ne ferais pas long feu ici.


Nous rejoignons enfin notre demeure et nous déjeunons très rapidement. Je suis un peu surprise mais néanmoins très rassuré du fait que moi, ma sœur et mon père avions très peu parlé et surtout, aucune présence de la mère. Lui était-elle arrivé quelque chose ? Je suis curieuse mais ce serait une faute grave de poser la question. 


  • Te voilà me remplacer à tes 21 ans comme promis. Dit-il en mangeant en même temps. Ah, et ne sois pas trop dur avec Imrân, je connais ton tempérament bouillant et ça risquerait de mettre à mal ton commerce. Il sait ce qu’il fait et tu dois lui faire confiance, tu comprends ?


Quelle révélation incroyable, elle n’a seulement un an de moins que moi ! Comment John a pu me choisir un profil aussi identique que le miens, quand j’y pense, c’est vrai qu’il y a une rumeur qui dit que nous avons 7 sosies dans le monde, fait-elle donc parti d’une de mes sosie ? c’est sûrement le cas. Avec toutes ces informations je crois que je n’ai plus à stresser maintenant, enfin, plus tellement. Quel soulagement...


  • Oui père, ne vous en faites pas. Dis-je en finissant de manger.


Nous finissons de manger puis je regarde l’horloge du salon, il est presque 15 heures. Je suis mon père jusqu’à son bureau, bureau qui est immense avec énormément de livres, et me remettre tout ce qu’il devait me remettre. Je m’installe sur ce bureau qui est le miens désormais, puis j’attends patiemment ma sœur. 


  • Te voir comme ça te donne une prestance folle ! Dit-elle avec un ton joyeux, en ouvrant la porte.
  • Tu trouves... Mais je ne dois pas négliger le travail colossal que je dois gérer. Dis-je avec froideur.
  • J’ai entièrement confiance en toi et je pense même que tu seras meilleure que Père. Affirme-t-elle en souriant.
  • Oh ma soeur, n’exagérons pas... 
  • Tu peux m’appeler Nadia. 


Hein ?! Comment ?


  • Ça fait un moment que tu m’appelles ma soeur, sœurette, je sais que je suis ta soeur voyons. Se moque-t-elle.


Ouf... J’ai bien cru qu’elle m’avait démasqué.


  • Alors ? As-tu choisis une destination ? Me demande-t-elle en s’approchant et observant le globe.


Je penche ma tête sur le côté, lui faisant comprendre que je ne vois pas où elle veut en venir...


  • Ton prochain QG, tu as oublié ?
  • Ah oui... Dis-je en faisant semblant... J’irais à La Havane, à Cuba.
  • Oula, c’est un pays fort lointain, tu es sûre de ton choix ?
  • Certaine. Affirmais-je.
  • Ton goût pour le risque et l’inconnu me plait, je te suis. Et... Quand est-ce que tu voudrais t’y installer ?
  • Je pense m’en aller vers Mai... Voire Juin.
  • Cette année ? Dit-elle surprise.
  • Oui.
  • Tu ne perds pas ton temps toi dis donc. Cependant, nous avons vu Oncle Abbas seulement une fois et c’était lorsque nous étions jeune, il faut voir avec père si ce serait toujours possible de s’installer dans sa demeure.


Ce Abbas doit sûrement être notre oncle qui vit à Cuba. Je lui réponds par un hochement de la tête puis laisse ma soeur aller demander à mon père au sujet de notre oncle, le verdict s’avère positif je n’ai donc qu’un objectif en tête : Aller à La Havane coûte que coûte. Des mois passent, pour l’instant rien ne les a alarmés et nous voila enfin Mai.


Nous avons décidé de prendre le Cap au mois de Mai pour les Caraïbes. La veille de notre départ, nous avons eu droit à une sorte de cérémonie typiquement Berbère et nous avons eu le privilège moi et Nadia, de nous faire tatouer le visage. Ces tatouages sont gravés sur nous qui est une sorte de rappel à nos origines et nos ancêtres : ne jamais oublier d’où nous venons. Nous nous dirigeons vers le port avec toutes nos affaires transportés et de l’or : notre frégate valera plus qu’un frégate Espagnole tellement nos biens sont précieux. Mon père nous fait entièrement confiance et m’a fait part de son projet de nous rejoindre peu de temps après nous. Par sécurité, il me confie la moitié de ses gardes pour notre protection durant ce long trajet. Pendant l’arrimage des cargaisons dans notre navire, nous discutions sur quelques projets mon père, Nadia et moi. En réalité, je ne faisais qu’écouter mon père, je ne m’y connais pas totalement dans ce genre de commerce.


En bref, la stratégie est que après notre installation à Cuba, je devrais m’approprier quelques entrepôts Espagnols pour lancer mon commerce là bas et ensuite, faire venir mon associé pour étendre notre influence... 


Le timonier nous annonça que toutes les cargaisons ont été bien arrimées et c’est à ce moment là que nous faisions nos adieux à notre Père.


  • Prenez soin de vous mes filles, je prierais pour que la mer vous soit indulgente. Meryem, je compte sur toi et surveille ta soeur. Chuchote-il en mettant son doigt sur son œil.
  • Prends soin de toi aussi Abi, nous ne te décevrons pas.


Nadia est une jeune femme émotive, elle s’agrippa sur son père en pleurant et en lui avouant tristement qu’il lui manquera beaucoup. C’est avec stupéfaction que je vis que mon père se mit à réagir comme elle, je ris face à cette scène pathétique puis monte dans le frégate en attendant ma soeur. Le frégate se mit à quitter le port, Nadia et moi, avec son tissu faisant un signe d’adieu à mon père, voilà enfin que nous faisons départ pour La Havane. 


À suivre...


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