Marcheuse de rêve

Chapitre 1 : Anaonbourg

1819 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 23/10/2025 21:59

Illustrations liées à l’histoire, à découvrir sur le Forum (Attention Spoilers !) :

https://forum.fanfictions.fr/t/ff-avatar-marcheuse-de-reve-illustrations/7399

Merci à "Crapule" pour la relecture du chapitre.



Cher journal : me voilà arrivé chez Tante Marthe, à Anaonbourg. Et je voudrais déjà repartir ! Comment peut-on vivre ici ?! Papa, maman, vous me manquez !


Anaonbourg

 

Ce tunnel semblait interminable ! Les grincements de la vieille micheline résonnaient dans ce tube de pierre. Plusieurs néons du plafonnier du wagon étaient grillés et éclairaient péniblement les banquettes en skaï d’une couleur marron défraîchie. En plus ça sentait le gasoil maintenant ! Peu de gens devaient trouver ce voyage utile ou intéressant, j’étais seule dans ce wagon ! Mais je voyais la lumière au bout du tunnel.

 

Puis, on se retrouva en extérieur face à un paysage… Comment dire… Je comprenais pourquoi on n’était jamais venu voir tante Marthe chez elle !

 

C’était une vallée étroite bordée par des falaises vertigineuses grisâtres. Les bois sur les pentes au pied des falaises étaient gris – on était en hiver. Et le haut des falaises disparaissait dans une épaisse couche de nuages gris. Le fond de la vallée était occupé par de petits immeubles, des maisons et des usines aux hautes cheminées de brique qui se bousculaient dans cet espace étroit. Les tuiles, les briques, les enduits, les pierres de ces constructions semblaient recouverts d’un voile… gris. Et coincés entre les bâtiments, on devinait une petite rivière aux eaux… grises.

 

« Anaonbourg, Anaonbourg, deux minutes d’arrêt ! » grommela le chef de train dans un haut-parleur nasillard. Il était temps d’arriver, on avait 20 minutes de retard !

 

Et la Micheline s’arrêta dans la gare dans un grincement qui me fit mal aux oreilles.

 

En sortant du train, je fus saisie par l’air froid à l’odeur de suie de la ville. La gare tapissée de tags, avec des vitres cassées et ses enduits dégradés ressemblait à une ruine. Et elle était déserte. Tante Marthe n’était pas là ?!


Le clodo

 

- Allo, tante Marthe ? Je suis arrivée à la gare. Tu viens me chercher ?

 

- Ah c’est toi Mégane. J’ai eu…euh… un empêchement. Et puis ce train a toujours du retard, il fait froid dehors. Tu peux marcher jusqu’à chez moi. A peine 5 minutes.

 

- Mais ma valise, elle est lourde !

 

- Oui et bien moi je ne suis pas porteur. Et puis j’ai de l’arthrose. Et penses à te déchausser avant de rentrer, les rues sont sales.

 

 

Et me voilà partie pour traîner ma valise dans les rues d’Anaonbourg en suivant les indications de mon téléphone. Heureusement qu’il ne pleuvait pas.

 

Effectivement la maison de tante Marthe n’était pas très loin de la gare. Mais il fallait maintenant monter une rue en escalier pour l’atteindre ! Je remarquais tout au bout de cet escalier une immense demeure qui écrasait la perspective. Elle était aussi délabrée ce qui renforçait son aspect sinistre et menaçant.

 

Je hissais ma valise, marche après marche… Et soudain je sentis une odeur… beurk… Un homme crasseux était avachi dans l’embrasure d’une porte, une bouteille à la main.

 

« Hey poulette… Tu es nouvelle ici ? Elle est lourde ta valise, hein ! Tu veux que je t’aide ? »

 

Je ne répondis pas, détournai mon regard et continuai mon effort. Rien que sa simple vue me répugnait. Comment peut-on vivre ainsi ! Comment peut-on se laisser aller à devenir une épave vivante ! Mais le gars ne me lâchait pas.

 

« Hey je te cause ! Tu pourrais au moins me répondre ! Salope ! »

 

Et il se leva et s’approcha de moi. Je sentais son odeur infecte. J’avais peur, si peur…

 

Je ressentis une sensation de froid intense, effrayante. Une sorte de vibration traversa l’air, je la perçus dans tout mon corps, et l’homme fut repoussé en arrière comme s’il avait été frappé par un très violent coup de vent.

 

Des corbeaux s’envolèrent des toits tandis que le clochard tombait dans la rampe, rebondissant de marche en marche. Je regardais la scène comme si elle était au ralenti.

 

Finalement l’homme arrêta sa chute au bas de l’escalier. Allongé sur le dos, il regardait en l’air les yeux ouverts. Il ne bougeait plus.

 

Il s’était fait mal !? Il était mort !? »

 

Je ne pensais qu’à une chose, prendre la fuite en espérant que personne n’avait rien vu. Car si la rue était vide, il pouvait y avoir bien des yeux derrière les rideaux des maisons.


Tante Marthe

 

Pressée par l’adrénaline, je parvins au sommet de la rue, au 13 de la Rampe de l’Ankeu.

 

La maison de Tante Marthe, étroite et en retrait de la rue, était coincée entre deux maisons plus grandes. Le rez-de-chaussée avait une porte et une fenêtre et l’étage deux fenêtres. Le crépi de la façade sans doute autrefois beige était maintenant gris. Les briques des encadrements de fenêtres avaient aussi noirci comme les tuiles du toit. Des rideaux en dentelles cachaient l’intérieur d’ou on distinguait une faible lueur.

 

Entre la rue et la maison, il y avait un petit jardin arrangé comme un minuscule parc avec ses petits buis taillés. Et ses nains de jardin. Il y avait aussi une sorcière avec son nez crochu et son chapeau pointu.

 

Je poussais le portillon en fer un peu rouillé qui grinçait. J’ai eu peur que le bruit attire l’attention. Je jetai un dernier coup d’œil au clochard qui n’avait toujours pas bougé. Puis je refermais le portillon.

 

 

« Ding Dong » fit la cloche de l’entrée.

 

« Entre, c’est ouvert ! »

 

J’entrais dans la maison. Odeur de parquet ciré mêlée à celle des oignons frits, pièces étroites et sombres, tapisseries florales jaunies, meubles sculptés en bois sombre, bibelots ringards et animaux empaillés, des chats et une énorme tête de cheval ! L’intérieur de la maison était dans le même ton que la ville. Sinistre.

 

Tante Marthe était dans le petit salon, assise dans son fauteuil face à la TV qui diffusait je ne sais quel programme pour maison de retraite.

 

« Betty, oust ! » dit elle d’un ton sec. Et un chat noir descendit prestement d’un fauteuil pour se cacher sous un meuble.

 

« Assied-toi, Mégane ».

 

Je m’assis dans le fauteuil délaissé par le chat. J’étais mal à l’aise. Depuis l’accident, après avoir découvert cette ville sinistre et évidemment après l’événement avec le clochard.

 

Tante Marthe commença la discussion, ou plutôt son monologue, sans vraiment me regarder.

 

« Tu vois, je ne suis pas loin de la gare. Tu n’as pas été embêté par Gégé le clodo ? Ce vieux débris alcoolique finira par tomber dans les escaliers de la rue ! »

 

Tante Marthe marqua une pause. Elle attendait une réaction de ma part ? Je n’osais rien dire, pétrifiée. Mais elle reprit.

 

« Ma petite nièce, je suis vraiment désolée de n’avoir pas pu venir aux obsèques de tes parents. Quel stupide accident vraiment. Mais mon arthrose… et puis mes chats à garder.

Mais je prends mes responsabilités. Juste qu’à ta majorité je te prendrai sous mon toit, à mes frais. Tes parents avaient des dettes et toute leur assurance vie est partie dans leur… cercueil de glace. Je ne sais pas trop comme on dit. Une idée absurde mais c’était leur choix. »

 

Maman et papa avaient souscrit une cryogénie. Leur corps mort était préservé dans une cuve d’azote liquide dans l’attente d’une éventuelle résurrection médicale. Une place m’avait aussi été réservée. C’était coûteux.

 

« Tu prendras la chambre de ma fille Morgane. La pauvre est morte trop jeune, elle était si douée. Je te prierai de ne rien déranger. Il y a des restes dans le frigo pour ton repas. Et ne t’endors pas trop tard, demain tu vas à l’école. »


Ma cousine d’outre tombe

 

Tante Marthe n’était pas très accueillante, c’est le moins qu’on puisse dire. Je l’avais peu vue auparavant, elle m’avait laissé le souvenir d’une personne distante mais pas si froide. Peut être le chagrin d’avoir perdu sa sœur, ma mère ou sa fille ?


Après un repas vite avalé, je montais à l’étage. La chambre de Morgane était étroite et sombre malgré la large fenêtre qui dominait une bonne partie de la ville. Au moins j’avais une vue et je pouvais voir dans un coin de la fenêtre la grande maison que j’avais déjà vue dans la rue.


La décoration de la chambre était moins vieillotte que le reste la maison. Vu les posters sur les murs et les bibelots, Morgane était fan de Harry Potter. Il y avait aussi plein de livres sur le fantastique, les légendes, la magie. Au moins ça me ferait de quoi m’occuper car ici pas d’Internet et le réseau mobile était vraiment faiblard.


Je cherchais un endroit pour mettre mes affaires. En ouvrant une petite armoire, je tombais sur plein de petites fioles. Il y avait un carnet intitulé « Expériences sur les potions ». Cousine Morgane prenait vraiment la magie au sérieux !


Mes rêveries furent interrompues par une sirène de pompiers. Je pensais à Gégé le clochard. On avait dû le découvrir. Et si la police venait m’interroger ? Mais je ne l’avais pas touché ? Il avait sûrement dû trébucher. J’y étais pour rien. Cette sensation bizarre, c’était juste en moi. Oui mais je n’avais pas été l’aider ? C’est une faute non ?


J’ai passé une très mauvaise nuit, torturée par la culpabilité, la mélancolie que me procurait cette triste ville et l’anxiété de découvrir une nouvelle école demain.

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