Avant qu'Henry ne revienne

Chapitre 9 : Space (espace)

798 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 05/12/2022 18:25

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Il n'aurait jamais pensé que la magie démoniaque puisse être aussi... Belle. Après tout, rien de tout ce à quoi il s'était abaissé depuis qu'il avait fait cet accord avec Caym ne l'y avait préparé.

C'est le démon qui lui avait proposé spontanément. Peut-être qu'il aurait dû se méfier davantage. Mais il lui avait assuré qui n'y aurait pas de prix supplémentaire à payer, et Joey avait vraiment besoin de pouvoir continuer ses expériences avec la machine à encre sans devoir prendre sans arrêt sa voiture pour se rendre dans des locaux vides. Il avait pensé que Caym se contenterait de créer un portail vers le Studio, peut-être avec un pentacle caché dans le petit cagibi de sa cuisine dont il ne se servait jamais. Mais si le démon lui avait effectivement demandé de tracer un cercle de pouvoir sur la porte avec de l'encre mélangée à son sang, il fit bien plus que ça. Il se tenait dans un autre cercle identique, incarné pour une fois dans un grand corps de fumée maigre et agité, et sa face lisse seulement fendue d'une bouche ravagée par des agrafes rouillées était tournée vers la porte qui s'ouvrit sous son regard invisible. Mais l'ampoule unique, éclairant les quelques caisses de soupe au bacon et les innombrables toiles d'araignées avaient disparus. Il n'y avait que des ténèbres scintillantes de l'autre côté, aussi sombres que ces nuits sans lune que Joey admirait enfant. La sensation d'immensité, l'envie presque d'y tomber pour s'y noyer était la même et il sut que c'était vraiment l'espace de l'autre côté, et non une absence de lumière. Il était incapable d'en détacher les yeux. Le vide, contenu par le pouvoir de Caym, n'aspira pas avidement tout l'air de la pièce, mais répandit une vague poignante de froid qui le fit frissonner. Il savait que le démon n'aimait pas les questions, mais il s'entendit tout de même demander d'une voix émerveillée:

- Où est-ce que ça donne ?

La réponse résonna dans sa tête.

"Sur un coin sans astéroïdes, pas loin de votre petit système solaire."

- Mais, pourquoi..?

Caym agita impatiemment l'une de ses quatre mains à peine esquissées.

"C'est plus simple d'occuper un espace vide que d'avoir à en créer un. Maintenant, approche."

Joey fit quelques pas, mais en gardant une distance prudente entre lui et le démon. Il aurait juré voir un sourire amusé jouer un instant sur ses lèvres abîmées avant qu'il ne souffle doucement dans ses pensées en utilisant sa propre voix intérieure.

"Passe la porte."

- Non! C'est hors de question que je me jette là-dedans.

"Rapelle-toi que je ne peux pas provoquer ta mort, Joseph. Tu es le maître... Pour l'instant. J'ai seulement besoin de ta volonté pour lui donner forme."

- À quoi, bon sang?

"À ta propre version du Joey Drew Studios. Si tu t'y prends bien, tu pourras avoir dans la même dimension tout ton précieux atelier et l'ensemble les locaux qui y étaient associés."

- Tu peux vraiment faire ça ?

"Oui."

- Et qu'est-ce que tu y gagnes ?

Lire des émotions sur un visage sans yeux était presque impossible, mais Joey eut le ventre noué en voyant sourire largement le démon. Il étira les lèvres sans sembler souffrir, creusant profondément les sillons des agrafes sur sa bouche et laissant apparaître un terrible instant la multitude de dents pointues comme des aiguilles qui s'y cachait.

"Une aire de jeux."

Joey prit un instant pour réfléchir, les yeux fixés sur le noir profond. Il se doutait que Caym avait d'autres raisons en tête et ne lui disait pas forcément tout. Mais il était sur de pouvoir être plus malin que lui et reprendre le dessus.

-Très bien. Mais à une condition.

Le démon se contenta de baisser la tête vers lui en silence. Joey sentait son attention comme il aurait sentit d'une multitude d'insectes ramper sur sa peau.

- À part moi, je veux que personne ne puisse en sortir sans mon consentement.

A sa grande surprise, Caym opina, et aussitôt, Joey sentit le pentacle qu'il portait gravé au-dessus du cœur le brûler. Ça avait été rajouté au contrat qui les liait, ce qui était sécurisant. Quelque chose se dénoua en lui et il s'autorisa sourire, satisfait.

Il aurait un espace à lui, dans sa propre maison, avec l'assurance qu'aucune de ses 'donneurs' ne pourrait aller raconter partout ce qui lui été arrivé. Parfait, vraiment. Qu'est-ce qui pourrait bien mal tourner ?


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