Bioshock : Le Dernier Cauchemar de Rapture

Chapitre 8 : Le Deuil du Passé partie 1

4137 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 28/07/2022 17:01

_"Déploiement avancé, Lot 111 Dr. Suchong/Client Fontaine Futuristics. Le bébé a maintenant un an, il pèse 26 kilos, sa musculature est celle d'un enfant de 19 ans en bonne santé. Les résultats sont… décevants, mais ne dépassent pas les seuils de tolérance."

Allongé sur ce lit d'hôpital, Jack ouvrit très douloureusement les yeux. Il sentait que tout son corps était endolori, ses bras, son torse et son crâne couverts d'électrodes reliées à plusieurs machines. Une lumière blanche aveuglante l'éclairait d'en haut et une machine de cardiogramme émettait de légers bips lents et répétitifs, balayant constamment les rythmes cardiaques du sujet.

De sa vision floue, Jack remarqua le Dr Suchong, vêtu de sa chemise blanche de scientifique et le visage caché derrière des lunettes et un masque, terminant l'enregistrement de son journal audio et s'approchant du lit.

_"Tss... Regarde ça... Vraiment pitoyable... Déjà parfaitement formé et il ne tient même plus debout... Il va falloir augmenter les doses d'injections d'hormones, et tant pis si Tenenbaum n'est pas d'accord avec ça."

Sur ces mots dénués d'empathie envers le sujet, le docteur quitta la pièce, frustré par cette journée, laissant Jack seul dans cette pièce sombre plongée dans la pénombre.

Soudain, d'un coin sombre de la pièce, tel un ange tombé du ciel, une jeune fille semblant âgée de 10 ans, aux cheveux noirs coiffés en petite queue de cheval et nouée d'un petit nœud bleu, et vêtue d'une élégante robe blanche aux bords sertis de dentelles rouges, dans un style des années 1900, s'approcha du lit. Jack, incapable de bouger, vit alors la jeune fille grimper sur le lit, son visage souriant penché sur lui et le regardant avec bienveillance. Elle embrassa le front de Jack et mit sa main dans la sienne, comme s'ils ne faisaient qu'un.

_"Dors, et fais de beaux rêves... Tu verras, un jour... ils se réaliseront."

Puis tout devint blanc, la lumière aveuglante envahissant peu à peu le champ de vision de Jack, comme si elle l'avalait au fur et à mesure que la silhouette de la petite fille s'évanouissait…


Jack ouvrit les yeux, réveillé de son court sommeil, pour voir qu'il était toujours dans sa petite chambre dans la planque de Tenenbaum. Il sentit immédiatement une main fine et chaude sur sa poitrine. Elizabeth était là, allongée et blottie contre lui, dormant profondément. Elle était si belle, pensa-t-il, ne se lassant pas d'admirer sa peau si douce et blanche, ses lèvres rouges si délicates et captivantes... Il passa ses doigts dans ses cheveux noirs ébène en prenant soin de ne pas la réveiller.

Il repensa au rêve qu'il venait de faire. Mais était-ce juste un rêve ou... quelque chose de plus compliqué ? Il se souvenait avoir déjà vu plusieurs fois Suchong venir l'interroger dans cette maudite chambre, mais il n'avait jamais eu le souvenir de la visite d'une jeune fille aux cheveux noirs et vêtue d'une robe datant des années 1900... D'ailleurs, cette jeune fille aurait très bien pu être… Elizabeth plus jeune… Non, c'était ridicule, pensa Jack, essayant de rationaliser. Les rêves et la réalité ne pouvaient pas se mélanger. Jack préféra oublier cela et n'ayant plus sommeil malgré qu'il soit encore tôt, il essaya de se concentrer sur la journée d'aujourd'hui qui allait être consacrée principalement à la recherche d'un moyen de localiser la bathysphère privée d'Andrew Ryan.

Mais avant cela, Jack voulait régler une dernière chose. Une chose personnelle qui lui tenait à cœur et qu'il devait faire pour alléger son cœur. Sans réveiller Elizabeth, il se leva du lit et commença à rassembler ses armes, vérifiant les munitions, sa réserve de trousses de soins et les seringues d'EVE en stock...

Elizabeth, pour sa part, sortit de sa torpeur et ouvrant les yeux, réalisa l'absence de Jack à côté d'elle. Elle n'eut pas à le chercher longtemps, le voyant à genoux dans un coin de la pièce, préparant ses armes.

_ "Hmm, Jack..." gémit la jeune femme en se frottant les yeux et en s'asseyant sur son lit.

_ "Désolé, je ne voulais pas te réveiller." répondit-il en se tournant vers elle.

_ "Tu vas quelque part?" demanda-t-elle ensuite en jetant un coup d'œil à son arsenal d'armes.

Autant ne pas le lui cacher, pensa Jack. Elle n'était pas idiote et il n'avait aucun intérêt à lui mentir.

_"J'ai quelque chose à faire, à la Forteresse Folâtre. Quelqu'un que je dois voir une dernière fois et à qui... je dois dire au revoir."

Elizabeth haussa un sourcil, se demandant de qui il parlait mais devina qu'il avait du mal à en parler, sa voix serrée dans sa gorge. Elle se leva du lit pour le rejoindre et ramassa son pistolet et son arbalète.

_"Je viens avec toi." dit-elle, déterminée.

_ "Tu n'es pas obligé. Je reviendrai." Jack lui a alors dit.

Elizabeth se tourna vers lui et s'approcha, venant déposer un court et tendre baiser sur ses lèvres.

_"Ce n'est pas une obligation, mais le choix que je fais." répondit-elle avec un petit clin d'œil affectueux et un sourire.

Jack lui rendit son sourire, et sachant qu'elle pouvait être têtue, un autre point commun qu'ils partageaient tous les deux, il l'autorisa volontiers à venir. Jack écrivit une note à l'intention de Tenenbaum et aux petites filles, leur disant de ne pas s'inquiéter de leur absence, qu'ils partaient tous les deux à la recherche de la bathysphère de Ryan, mais avant cela, ils avaient des dernières choses à faire. Elizabeth alla embrasser Sally, toujours endormie, sur le front, avant de rejoindre Jack au niveau du petit escalier qui menait à une porte plus loin et qui débouchait hors de la planque. Le couple, prêt et armé, quitta alors la sécurité de la planque et se dirigea d'un pas déterminé, destination la Forteresse Folâtre.


Le voyage dura de longues minutes mais finalement, grâce à une bathysphère communicante, un modèle utilisé uniquement pour transporter les gens d'un point précis à un autre dans la ville, Jack et Elizabeth ont enfin pu rejoindre la station de la Forteresse Folâtre. Durant la traversée, Elizabeth avait pu contempler à travers le hublot toute la ville de Rapture, perdue dans les profondeurs océaniques et ressemblant désormais plus à une gigantesque crypte sous-marine qu'à une ville resplendissante vouée à un brillant avenir. Un paradis transformé en enfer. Cela lui rappelait une autre ville soi-disant utopique qu'elle préférait ne pas nommer.

Après avoir émergé du trou d'eau de la station, la bathysphère ouvrit son sas, laissant enfin le couple sortir. Dès son arrivée, Elizabeth remarqua la décoration plus que discutable. Un masque de carnaval géant en forme de lapin ornait le sommet, lumineux comme un phare, et surtout, de chaque côté du chemin de ronde, de hautes et fines tiges métalliques pendaient du plafond et sur lesquelles étaient fixées des statues d'hommes et de femmes, totalement faits de glace, et figés dans des poses diverses et dansantes, comme des pole-danseurs... ou alors...

_ "S'il te plaît, dis-moi que ce ne sont que des statues de glace…" Elizabeth déglutit.

_"Puisque Sander Cohen est responsable de la décoration, je préfère ne pas la vérifier..." répondit Jack, pas vraiment ravi.

Elizabeth soupira, un petit frisson de terreur parcourant sa colonne vertébrale. Les années n'avaient pas aidé l'état mental déjà gravement endommagé de Cohen. Préférant être prudent, Jack dégaina son pistolet d'une main et prépara un plasmide dans l'autre, juste au cas où. Elizabeth emboîta le pas, préparant son arbalète dans une main et marchant à ses côtés alors qu'ils marchaient tous les deux vers le centre de la forteresse. Ils traversèrent d'abord un grand couloir puis des sas restés ouverts, pour finalement arriver dans une immense salle presque en forme de dôme, le plafond couvert de larges baies vitrées offrant une vue splendide sur les fonds marins et sa faune et sa flore. Ce grand escalier, ces vieilles affiches qui couvraient les murs, ces oeuvres d'art douteuses exposées sous des dômes de verre, toutes ces vieilles enseignes lumineuses aussi diverses et variées qu'une pâle imitation d'un quartier de Las Vegas... Maintenant, Elizabeth se souvenait pourquoi. Elle n'avait jamais aimé cet endroit. Jack ne montra pas non plus de satisfaction à revenir ici, mais il le devait.

Au pied de l'escalier principal d'où coulait un jet d'eau de mer provenant d'une petite cascade un peu plus haut, sûrement due à une brèche, se trouvait un cadavre très abîmé par le temps et l'humidité poisseuse, vêtu d'un smoking noir poussiéreux qui était ensanglanté et lacéré par de multiples balles dans la poitrine. En s'approchant, Elizabeth reconnut immédiatement l'individu. Comment oublier ces moustaches fines et pointues, ces yeux injectés de folie et ce visage sournois maquillé comme un mime...

_"Cohen..." murmura Elizabeth sans aucun remords envers lui. "Lui qui voulait devenir un artiste reconnu dans le monde entier, le voilà à pourrir dans les plus grandes profondeurs et aujourd'hui oublié de tous... Douce ironie."

Se souvenant qu'il avait été responsable de l'enlèvement de Sally au nom de Fontaine, Elizabeth ne put retenir son envie et donna au cadavre de Cohen un coup de pied ferme dans les côtes. Jack la laissa faire, sachant qu'il avait lui-même vidé un chargeur de pistolet entier dans la poitrine pour le tuer.

Devant l'escalier, il y avait cette petite scène, sur laquelle figuraient également d'autres personnes transformés en statues de glace, tous portant des masques de lapin, et tenant chacun dans leurs mains de grands cadres sur lesquels avaient été accrochées des images de morts gisant sur le sol.

_"Et voici ce fameux "chef-d'oeuvre" qu'il m'a forcé à terminer en tuant ses acolytes." dit Jack sans fierté.

Elizabeth le rejoignit pour voir cela et ne put que montrer du dégoût pour cette chose. Quelle personne sensée pourrait voir cela comme de l'art ? Sur l'une des photographies, Elizabeth reconnut l'un des hommes morts, celui qui gisait sur une scène à côté d'une carcasse carbonisée d'un piano.

_ "Fitzpatrick..." murmura-t-elle. "Même lui n'a pas pu échapper à la folie meurtrière de Cohen. J'ai pu lui parler plusieurs fois. Il semblait être une personne décente, mais trop admiratif de Cohen. Son dévouement l'aura conduit à sa perte."

_ "Cohen l'avait enchaîner à un piano dans une sorte de petit théâtre délabré..." expliqua Jack, témoin de cette fin violente. "Il semblait le forcer à jouer encore et encore le même morceau et sans lui laisser le moindre répit. Il avait l'air épuisé, mais surtout désespéré. Finalement, Cohen l'a tué en faisant exploser le piano, et lui avec. J'ai même pas eu le temps de réagir que c'était déjà fini... Après ça, Cohen m'a demandé de prendre une photo du cadavre encore chaud... J'étais horrifié de faire ça bien sûr, j'aurais pu refuser, mais je savais c'était la seule façon de continuer mon chemin vers Ryan, alors..."

Il a préféré ne pas continuer. Elizabeth comprit très bien et ne lui en voulut pas, le soutenant en prenant sa main dans la sienne. Jack lui lança un regard reconnaissant et alors qu'ils s'éloignaient tous les deux vers un escalier pour continuer, le jeune homme se retourna et avec son plasmide de télékinésie, d'un mouvement brusque de la main, fit s'effondrer la statue de glace inférieure, qui lorsqu'elle se cassa, entraîna inévitablement les autres statues dans sa chute, dans un fracas brutal de milliers de fragments de glace qui vinrent se déverser en masse sur le cadavre de Cohen, l'ensevelissant presque.

_ "J'aurais dû le faire il y a longtemps." Jack commenta sans regret et partit avec Elizabeth, sans se retourner.


Le couple poursuivit son exploration des lieux à travers un tunnel entièrement recouvert de glace et de plusieurs cadavres congelés, pour arriver dans la section recherchée : la Place Poséidon, où se trouvaient encore plus de boutiques et d'établissements divers et variés. Mais un seul intéressait Jack et semblant savoir où il se trouvait, Elizabeth le suivit, non sans rester sur ses gardes car cet endroit pouvait être un paradis pour les Chrosômes Plafonniers avec tous ces plafonds, murs et recoins sombres. Ils passèrent devant d'autres cadavres ensanglantés de Chrosômes, ainsi que celui d'un Protecteur. Ses anciennes victimes, se souvenait Jack, d'ailleurs la petite sœur qu'il avait libérée de ce protecteur devait être Leta si sa mémoire était bonne.

Elizabeth continua à suivre Jack jusqu'à ce qu'elle arrive avec lui aux portes de l'établissement qu'il cherchait. Le nom du signe faisait resurgir en elle des souvenirs.

_ "Le Eve's Garden..." murmura-t-elle. « Qu'est-ce qu'on est venu faire ici ?

_ "Je... c'est compliqué." fut la seule réponse que lui donna Jack.

Elle haussa un sourcil, devinant facilement l'inconfort qui imprégnait sa voix. Ils entrèrent, et Elizabeth put voir que si auparavant cet endroit semblait miteux, il l'était encore plus maintenant. De la saleté, de l'humidité partout, des bouts de parquet cassés, des rideaux de scène en lambeaux... Et cette scène... Elle s'y revit un instant, en train de chanter... Alors qu'elle s'approchait pour toucher du bout des doigts le vieux micro encore pourri sur la scène, elle vit Jack sauter sur la scène et se diriger d'un pas plutôt déterminé vers la porte de derrière, qui menait dans les coulisses.

_"Jack?"

Il ne répondit même pas, continuant dans le couloir. Plus qu'intriguée par son comportement, Elizabeth le suivit, et le trouva alors qu'il poussait la porte située au bout du couloir et pénétrait dans une loge. Elizabeth s'en souvint... Oui, c'était la loge de Jasmine Jolene.

En arrivant et en entrant dans cette loge devenue un véritable cloaque d'humidité et de ruine comme les autres, Elizabeth eut un hoquet d'horreur à la vue d'un cadavre étendu sur l'unique lit de la chambre. Un cadavre d'une jeune femme aux cheveux blonds, qui bien qu'ayant été très abîmé par l'humidité et le temps, a pu être identifié. Elizabeth s'est approchée, devant se couvrir le nez et la bouche à cause de l'odeur nauséabonde de chair pourrie et d'eau de mer, mais a malheureusement reconnu la personne...

_ "Oh non... Jasmine..." Elizabeth soupira sincèrement.

Jack se tenait de l'autre côté du lit, restant silencieux et contemplant le cadavre avec un regard à la fois morose, en colère, mais aussi triste. Elizabeth le remarqua, mais a également vue quelque chose sous le lit de Jasmine. Un journal audio toujours en état de marche, qu'elle ramassa et cliqua, brisant le silence dans la pièce. La voix plutôt anxieuse de Jasmine se fit entendre.

_"Cette horrible Dr Tenenbaum m'a promis que ce ne serait pas une grossesse normale, qu'ils allaient extraire l'embryon une fois que M. Ryan et moi aurions... J'avais besoin d'argent... Mais je sais que M. Ryan va le découvrir, il va savoir que je n'ai pas fait attention...Il va savoir que j'ai vendu le... M. Ryan va être furieux après moi..."

Elizabeth resta confuse par ce qu'elle venait d'entendre mais crut deviner. Alors Jasmine et Andrew Ryan avaient été en couple ? Au début, Elizabeth s'en était un peu douté à la façon dont Jasmine avait parlé de Ryan, mais ne pensait pas que c'était devenu si concret. Jasmine avait donc été mise enceinte par Andrew Ryan, et qu'apparemment, pour des raisons financières, avait été forcée d'avorter et de vendre le fœtus à Tenenbaum... Silencieusement, Elizabeth regarda Jack, montrant qu'elle avait deviné...

_"J... Jasmine était ta mère ?" elle soupira.

Jack se mordit la lèvre, essayant d'empêcher les larmes de couler, mais hocha la tête en signe d'accord.

_ "C'était Fontaine..." expliqua Jack, la voix étouffée par la colère et le chagrin. "Il savait que Jasmine voulait être financièrement indépendante, mais qu'elle avait de sérieux problèmes d'argent. Il a ordonné à Tenenbaum de la convaincre de me vendre alors que je n'étais même pas encore né, pour une belle somme d'argent... Andrew Ryan l'a découvert, et dans un accès de rage, il a tué Jasmine."

Incapable de supporter d'en parler plus longtemps, Jack se détourna, tapant du pied durement contre le sol et, les larmes coulant sur ses joues, alla s'asseoir contre le mur dans un coin. Elizabeth était vraiment désolée pour lui, blessée de le voir dans cet état et le rejoignit, s'agenouillant à côté de lui et prenant sa main dans la sienne.

_ "Je... je suis tellement désolé, Jack. Je sais ce que tu ressens."

_"Vraiment?" il a dit.

_"Oui... Quand j'étais bébé, mon père, Booker Dewitt, m'a vendue, pour effacer les dettes de jeux sous lesquelles il croulait depuis des mois... Crois moi, je sais ce que ça fait."

Jack avait écouté, semblant surpris par l'histoire d'Elizabeth mais aussi désolé pour elle d'avoir vécu quelque chose de similaire.

_ "Quand je l'ai découvert, je détestais ma mère autant que je déteste mon père." soupira Jack en frottant ses joues humides. "Je suis toujours en colère contre elle, je veux la détester pour ce qu'elle a osé me faire, mais aussi... je suis triste pour elle..."

Elizabeth soutint Jack en le serrant amoureusement dans ses bras.

_"Jasmine, comme Booker, a fait des erreurs, mais tous deux ne l'ont pas fait par cruauté, mais par désespoir, et des âmes malveillantes ont profité de leur faiblesse pour les utiliser... Ce sont des victimes, comme nous... On peut avoir de la colère envers eux, mais aussi du regret, car eux-mêmes l'ont vécu…"

Jack écoutait attentivement les paroles de sa première petite amie, et ne pouvait que lui sourire et la soutenir moralement, voyant qu'elle aussi souffrait de se rappeler certains souvenirs de son passé. Lentement, il vint déposer un baiser sur ses lèvres, la remerciant d'un regard et se leva pour revenir vers le lit.

_"Je t'attendrai sur la scène. Prends ton temps." Elizabeth lui dit, souhaitant le laisser seul un instant pour dire un dernier au revoir à sa mère.

Le cœur lourd, Elizabeth revint des coulisses et se tenait maintenant seule sur la petite scène crasseuse de ce bar infâme. Mais seule, elle ne le resta pas longtemps, car…

_"Il semble que malgré les constantes et les variables..."

_"Peu importe le monde, certaines choses restent inchangées."

Elizabeth sauta sur ses pieds, se retournant, pour voir deux vieilles connaissances debout à quelques mètres d'elle sur la scène. Robert et Rosalinde Lutèce. Pas tout à fait les personnes qu'elle voulait le plus voir, arborant toujours leurs expressions détachées et presque suffisantes, comme s'ils pensaient qu'ils étaient les plus intelligents.

_ "Vous ... Que voulez-vous encore de moi ? Je pensais que vous en aviez fini avec moi après m'avoir amené à Rapture." Elizabeth demanda prudemment, gardant une distance entre elle et eux.

_ "Eh bien, voilà une drôle de façon de remercier ceux qui ont aidé à vous ramener à la vie." dit Robert pas vraiment outré, mais plutôt neutre.

_"Même si nous t'avons aidé à atteindre le lieu de ta mort. Un point partout en somme." ajouta Rosalinde.

_"Arrêtez vos insinuations." demanda Élisabeth. "Dites-moi pourquoi vous avez obligé Jack à me ramener."

_ "Comment va votre nez, Elizabeth ?" demanda alors Robert.

_ "Quoi ? Ne changez pas de sujet..."

Elle cessa soudain de parler, devinant ce qu'il voulait dire par là. Maintenant qu'elle y pensait, elle se frotta un peu les narines, et regarda sa main... Depuis son retour, elle n'avait pas eu un seul saignement de nez, pas un seul rejet de son corps à propos de sa présence anormale dans ce monde qui n'était pas le sien et où elle était déjà morte deux fois. D'ailleurs, elle ne se sentait plus mal, mais tout à fait normale, et remarqua alors un autre détail des plus frappants : son petit doigt... il était à nouveau court et caché par un petit dé, alors qu'avant son doigt était tout à fait normal...

_"Mais comment...?" haleta-t-elle, plus que confuse.

_"Très simple : lorsque M. Jack a programmé la Vita-Chambre avec votre échantillon de cheveux, le programme a non seulement assimilé l'ADN de votre corps actuel dans son scanner, mais aussi celle du cadavre de l'autre vous." Robert expliqua.

L'autre elle ? Il parlait probablement de l'Elizabeth tuée par le protecteur après qu'elle se soit débarrassée du dernier Comstock dans le magasin de jouets.

_"Peu importe le monde, l'ADN reste le même pour chaque Elizabeth, tout comme il reste le même pour chaque Booker, et ainsi de suite." Rosalinde continua. "Ainsi, une fois activée, la Vita-Chambre a récupéré les cellules des deux Elizabeth mortes, les fusionnant en une seule. Pour le dire simplement : vous n'êtes donc jamais mort dans ce monde."

Elizabeth avait presque mal à la tête en écoutant ces explications loufoques, mais elle pouvait voir qu'ils ne plaisantaient pas du tout. Elle était donc une Elizabeth ressuscitée ayant fusionnée son propre corps avec une autre elle-même ? Donc l'ADN demeurait identique dans chaque version ? Ces deux décès ayant été annulés et considérant qu'Elizabeth n'était donc jamais morte dans ce monde, elle pouvait donc désormais y exister sans contrainte.

Elle aurait pu s'en réjouir, mais restait tout de même prudente envers les Lutèce.

_ "Mais j'imagine que vous ne l'avez pas fait par bonté de cœur." dit la jeune femme un peu froidement. "J'imagine que je vous dois une dette maintenant. Que voulez-vous en retour?"

Les Lutèce échangèrent un bref regard avant de reprendre la parole.

_"Rien de plus facile..." commença Robert.

"... Vous n'avez qu'à détruire notre appareil." Rosalinde termina.

_ "Votre appareil?" demanda Elizabeth, intriguée. "Celui du... Restaurant Silver Fin ?"

_"Plus précisément, c'est l'appareil que le Dr. Yi Suchong a réussi à fabriquer et à mettre en résonance avec le nôtre, créant ainsi un lien entre deux réalités qui n'auraient jamais dû se rencontrer." expliqua Rosalinde.

Elizabeth se souvenait en effet avoir vu cela dans le Silver Fin. Cette faille qui reliait Rapture et Columbia, et grâce à laquelle Suchong et Jeremiah Fink avaient pu communiquer et échanger des informations et des connaissances. Elizabeth se sentit coupable parce qu'elle était responsable de cette connexion entre deux mondes lorsqu'elle était arrivée à Rapture par une faille qu'elle n'avait pas pu refermer.

_"Mais... Pourquoi ne pas le faire vous-même ?" demanda Élisabeth.

_"Impossible. Nous n'appartenons même pas à ce monde." dit Robert.

_"Ni à aucun autre d'ailleurs." ajouta Rosalinde. "Mais nous aimerions nous assurer que cette technologie ne tombe pas entre de mauvaises mains. Il serait sage de dire que..."

_"...Les mondes ne sont pas prêts." termina Robert.

Elizabeth hésita un instant.

_ "Si je le fais... Alors je n'entendrai plus parler de vous ... Plus jamais?" elle demanda.

_"C'est bien possible..." dit Robert.

_"Mais comme on dit si bien : on n'est jamais sûr de rien." ajouta Rosalinde.

Elizabeth se retourna un instant, réfléchissant toujours, puis prit sa décision. Mais en se retournant, elle constata que, comme d'habitude, les Lutèce avaient disparu sans laisser de trace. Je déteste quand ils font ça, pensa-t-elle.

_ "Très bien... je vais le faire ..." soupira-t-elle.

_ "Elizabeth?"

Surprise sur le moment, elle se tourna pour voir Jack qui venait de revenir des coulisses et la rejoignit sur scène.

_"Ça va ?"

Il n'avait donc rien entendu de la conversation. Elizabeth aurait pu y voir une opportunité, mais finalement, au fond... Il ne lui avait rien caché, alors pourquoi le ferait-elle ? Elle le prit doucement par la main.

_ "Jack... je dois te montrer quelque chose..."

_"Quoi?"

Elle soupira.

_ "Il est temps que tu saches vraiment qui je suis et d'où je viens."



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