En dernier recours

Chapitre 1 : Ceux que l'on accepte

2951 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 15/04/2022 14:01

Ceux que l'on accepte


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Aizen défait, la paix et le calme était de retour au sein de la Soul Society, mais aussi chez les vivants. Une semaine où chacun profita de journées sans Hollow pour penser ses plaies, rebâtir et retrouver une vie presque normale. Pourtant quelque part dans le royaume d'au-dessus, esprits tendus s'agitaient avec beaucoup de vigilance : Aizen ferait face au Central 46 plus tard dans la soirée afin que sa sentence soit prononcée.

Une formalité tant ses actes avaient été cruels envers les vivants comme les morts, mais une nécessité pour une société entachée par sa traîtrise, bien déterminée à clore ce sombre chapitre de son histoire. Une façon officielle de sonner la fin de la guerre contre le Hueco Mondo et de sceller le passé.

Pour ses actions décisives, qui lui auraient coûté tous ses pouvoirs spirituels sans l'intervention des capitaines de la Soul Society, Ichigo avait été choisi pour représenter le monde des vivants au Conseil. À ses yeux, cette nomination était des plus honorables. Un signe que le Gotei 13 reconnaissait enfin sa force et sa valeur, que les Shinigamis étaient prêts à l'accepter comme un allié et non un vulgaire remplaçant ou pire un odieux amalgame entre un humain et un Vizard.


Avec l'impatience d'un enfant, Ichigo se tenant donc avec plaisir devant le Senkaimon que Rukia venait d'ouvrir pour lui. Une porte vers la Soul Society, créée par Rukia elle-même pour lui permettre de voyager. Se remémorant sa première intrusion forcée dans la noble citée dans le but de sauver la dite Shinigami, Ichigo ne put s'empêcher de glousser face à l'ironie de la situation. Jamais il n'aurait pensé être l'invité d'honneur et pénétrer les lieux sans emprunter un passage dérobé à la fiabilité douteuse !

Il s'apprêtait à franchir le Senkaimon lorsqu'il entendit quelqu'un l'appeler au loin.

"Ichigo !"

Surpris en reconnaissant la voix de Yoruichi, le jeune se retourna et laissa son sourire s'effacer. Quel drame était arrivé ?

"Attends ! Je viens avec toi ! criait-elle totalement essoufflée.

— Tout va bien, Yoruichi-san ?"

Son visage était étonnamment détendu, bien loin de toutes les fois où Ichigo l'avait aperçu avec son expression grave des temps de guerre et de combats. Un sourire sincère venait même rehausser ses pommettes écarlates à la hauteur de ses yeux félins, légèrement plissés et pétillants d'excitation.

Elle paraissait tellement heureuse, presque trop heureuse aux yeux du Shinigami remplaçant. Derrière cette expression légère, Yoruichi lui rappelait les traits de ses petites sœurs ou d'Inoue, une vision très perturbante quand Ichigo réalisa l'âge réel de Yoruichi.

Rukia quant à elle ne fut que peu déroutée par l'attitude de Yoruichi, elle comprenait très bien ce qui l'animait en cet instant. Elle accepta de l'emmener sans aucune objection, c'était une journée très spéciale pour l'ancienne capitaine de la Seconde division. 


Sans un mot, ils passèrent tous les trois à travers le Senkaimon et retrouvèrent les grandes rues de pierre de la Soul Society. Un lieu où chaque construction était placée avec soin, où ruisseau et végétation apportait une vie semblable au monde réel. Cette cité incarnait la noblesse et la prospérité, mais Ichigo détourna son regard au-delà des grandes portes qui en scellaient les frontières. Derrière cette muraille sainte, des âmes moins chanceuses se battaient pour survivre et espérer un jour rejoindre ce havre de paix où la vie semblait aisée. Presque coupable de se retrouver ici, le jeune baissa la tête, évitant autant que possible de poser ses yeux sur les immenses murs blancs qui les entouraient. Il ne se redressa que quelques fois, pour saluer à son tour les Shinigamis qui s'inclinaient respectueusement à leur passage.


Levant la tête vers le ciel, Yoruichi ferma les yeux un instant et prit une grande inspiration. L'air frais portait le parfum du verger de la Huitième division, il accompagnait l'odeur de sueur des guerriers de Kenpachi et de la terre que les apprentis remuaient encore et encore à l'entraînement. Un mélange de souvenirs portés par la nostalgie qui lui apporta une forme de réconfort. 

"Me voilà de retour, murmura-t-elle, chez moi et libre."


Rukia était soulagée en apercevant son amie ainsi. Elle avait maintes fois vanté ses actes lors de l'assemblée qui avait décidé de réintégrer l'ancienne Shinigami. Ce n'était pas encore suffisant à ses yeux pour rattraper toutes les injustices qui avaient été commises cent ans auparavant, mais c'était ce que le Gotei 13 avait pu offrir de mieux à Yoruichi et aux autres. Elle ne pourrait pas contempler le résultat de ses bonnes actions plus longtemps, rattrapée par la réalité, elle rappela à ses deux invités l'heure du jugement, puis retourna à ses affaires en cours.


Profitant de la solitude qu'on leur offrait, Ichigo envoya un regard curieux à Yoruichi, déterminé à comprendre ce que cachaient ces sourires.

"Est-ce que tout va bien ?

— Hum ? Oh, pardonne-moi, Ichigo, commença-t-elle lentement, j'étais perdue dans mes souvenirs. J'attends ce jour depuis très longtemps.

— Vraiment ? Pour quelle raison ?

— Il y a un siècle, quand j'ai aidé Kisuke et les Vizards, j'ai été bannie comme eux, expliqua-t-elle. Revenir ici, en sachant que je suis la bienvenue, ça me fait beaucoup de bien.

Ichigo soupira, ce sentiment lui était familier. La même sensation l'avait envahi quand le Gotei 13 l'avait accepté, un mélange de soulagement et de bonheur, supplanté d'une pointe de fierté. Mais très vite, il cet instant de grâce lui échappa et ses sourcils se froncèrent dans l'incompréhension. Quelque chose n'allait pas.

"Comment avez-vous traversé le Senkaimon pour nous aider à sauver Rukia si vous étiez bannie ? lui demanda-t-il perplexe.

— Tu sais, le bannissement signifie juste que tu n'es plus le bienvenu, rit-elle devant son air si troublé, presque inquiet. Si tu traverses et que l'on te voit, tu seras arrêté, puis tu subiras une autre punition. C'est plus une interdiction qu'une réelle restriction."

Ichigo comprit la nuance, mais les paroles de son ancienne instructrice ne le rassuraient pas du tout. C'était même l'inverse, il se retrouva envahit par un mauvais pressentiment. Le cœur battant plus vite qu'il ne le devrait, il laissa son esprit s'égarer et parcourir sa mémoire. Les événements se dessinaient devant lui. Il revivait cette nuit-là, quand Urahara Kisuke avait ouvert un passage pour lui et ses amis. Il revoyait l'homme touchant la porte, sa main repoussée par un champ invisible et de petites étincelles rouges.

"Yoruichi-san, dit-il avec une pointe d'inquiétude. Urahara n'était pas autorisé à traverser le passage.

— Évidemment ! Nous avons été bannis tous ensemble. Avec son style vestimentaire et son caractère, il aurait été détecté au moment même de son intrusion ! Vraiment, j'étais votre meilleur soutien.

— Non, non. Vous ne saisissez pas, insista le jeune homme de plus en plus angoissé. Quelque chose, dans le Senkaimon improvisé, le rejetait. il ne pouvait pas traverser."

Il marqua une pause, le souffle court et accompagna ses prochaines paroles de gestes hasardeux et des mains tremblantes.

"Il y avait cette énergie rouge dans la porte, tout autour de sa main. Elle le repoussait, j'en suis certain."

Au fond de lui, il sentait que rien de tout ça ne serait une bonne nouvelle, ses craintes se décuplèrent encore lorsqu'il chercha une forme de réconfort dans les yeux de Yoruichi. Mais il n'y trouva rien, bien au contraire.

"Écoute attentivement. Ne parle de ça à personne sauf à moi ou à Tessai, ordonna-t-elle. Nous serons chanceux si nous pouvons traiter de ça en privé, tu comprends ?"

Elle parlait sèchement, chacun de ses mots prononcés trop rapidement ou trop fort. Un véritable chaos désordonné et autoritaire qui ne laissait aucun choix à Ichigo. Une attitude qui ne ressemblait pas à Yoruichi. En cet instant, elle était froide, à moitié furieuse et à moitié terrifiée. Sachant parfaitement ce que ce détail signifiait, sa tête cherchait des réponses, mais ne trouvait aucune explication sur les raisons qui avaient accompagné les actes de Kisuke. 


Ce sont les mains d'Ichigo, posées amicalement sur ses épaules qui coupèrent sa transe. Face à une Yoruichi comme il ne l'avait jamais vu, il avait décidé d'employer un geste inhabituel à son tour. Ils savaient ses mains fortes, ce poids qu'il exerçait sur le corps de Yoruichi était le même qu'il utilisait pour réconforter ses petites sœurs.

"Non, Yoruichi-san, répondit finalement le jeune Shinigami. Non, je ne comprends pas."

Ichigo, évidemment perdu, faisait preuve de beaucoup de contrôle pour paraître le plus serein possible. Lui aussi voulait comprendre, il le devait pour aider Yoruichi et sans aucun doute Kisuke, mais n'avait aucune pièce du puzzle pour l'aiguiller.

Alors Yoruichi s'approcha et baissa la voix, avant de commencer ses explications :

"Comme je te l'ai dit, le bannissement n'est pas une restriction. Mais il y a des… choses, en dehors de la Soul Society et de ton monde, comme les Hollows, qui ne peuvent pas traverser le Senkaimon."

Ichigo mesura ses propos, et lu une conclusion semblable à la sienne dans les yeux de la Shinigami. C'était la seule raison évidente : Kisuke était l'une de ces choses.

"Aucune d'elles n'est la bienvenue à la Soul Society et pour de bonnes raisons."

Ils baissaient tous les deux la tête, se grattant ici et là nerveusement en évitant le regard de l'autre. Urahara serait-il un Hollow ? Un vrai ? Non, bien sûr que non… Cela expliquerait sa facilité à ouvrir des Gargantas et son excellente compréhension de l'hollowification, mais Kisuke n'avait aucun des signes. Il ne ressemblait ni à un Hollow, ni à un Vasto lorde. Ichigo avait toujours eu une grande confiance en son mentor. Même si l'homme était toujours très secret et parfois manipulateur, il avait toujours été d'une grande aide, pour tout le monde.

Plus le jeune homme y réfléchissait, moins cela devenait le centre de sa réflexion : d'autres tracas s'immiscèrent dans son esprit. Quelles étaient les "autres choses" ? Était-ce pire qu’une âme transformée par la peine et consumée par la soif de ses semblables ? Yoruichi ne semblait pas ouverte à plus de questions, alors Ichigo se tut, sachant que bientôt, Urahara leur devrait des réponses.


Demeurant tous deux silencieux jusqu’à l’heure du Conseil, Yoruichi entraîna Ichigo dans une brève visite des lieux qui avaient compté dans son passé. Si le quartier des opérations spéciales et les portes du Mugen étaient impressionnants et incarnaient les folles années de la jeunesse de Yoruichi, Ichigo resta contemplatif devant la grande salle souterraine. Il y était déjà venu, mais sa ressemblance avec celle du sous-sol d’Urahara le laissa en suspens. C'était comme si Yoruichi et Kisuke avaient emporté un fragment de la Soul Society avec eux, le lieu qui se rapprochait le plus d'un foyer sans doute.

Leur périple se termina aux portes du Central 46 : le dernier endroit où Yoruichi avait été aperçu avant qu’Urahara, Tessai et elle-même ne disparaissent avec les Vizards. La simple vue de cette grande grille déplaisait à Yoruichi. Ce n’était pas un lieu qu’elle appréciait, il ne rimait qu’avec beaucoup de douleurs. N’étant pas invitée, elle préféra rester un peu loin dans l’allée, attendant Ichigo pour le retour.


L'intérieur du Central 46 quant à lui était particulièrement familier pour Ichigo, des rangées et des rangées de sièges parfaitement alignés en cercle autour d'une faible estrade de bois. Un véritable tribunal humain organisé en spiral. Au centre de ce dernier, il n'y avait qu'une barre d'accusation et une chaise sur laquelle Aizen était maintenu à l'aide de Kido.

"Aizen Sosuke, vos crimes ne sont plus à prouver. Votre culpabilité est un fait. Nous tenons cette audience seulement pour que vous expiiez tous vos actes, connus ou toujours secrets. C’est une heure pour la vérité seulement, votre peine a déjà été fixée : vous finirez au plus profond du Mugen, où vous ne verrez personne et ne serez plus jamais vu."

Le président du Conseil avait parlé. Maintenant, c’était au tour de son second de récapituler tous les crimes dont Aizen était accusé avec, à chaque fois, un témoin présent pour en certifier la véracité. Cela prit un temps certain : il devait retracer une majeure partie de l'histoire de la Soul Society et celle-ci s’étendait sur plus de cent ans. Depuis les expérimentations sur l’hollowfication, jusqu’à la guerre de l’hiver, en passant par l’exécution de Rukia et les Arrancars.

Quand l’homme eut fini d'énumérer diverses atrocités, tous étaient fin prêts à exécuter la sentence.

"Aizen Sosuke. Le traître de la Soul Society. Pour tous vos crimes, vous serez à jamais oublié dans les profondeurs du Gotei. Vous...

—Hahaha ! Quel titre hilarant."


C’était le rire d'Aizen gras et faux qui venait d’interrompre le Conseil. Lui qui était resté silencieux depuis le début, se décidait enfin à prendre la parole. Non pas pour se défendre, mais pour porter un dernier coup à ses adversaires. C’était enfin l’occasion parfaite, peut-être la seule, de prendre sa revanche sur l'homme qu'il détestait tant. Un air sournois se dessina sur son visage quand il reprit :

"Vous êtes tous si fiers de m’appeler le traître. Vous êtes là, pensant avoir libéré le Gotei 13 et entourés d’alliés. Vous avez même pardonné les Vizards. Si noble de votre part, pourtant si naïf…

— Le prisonnier n’est pas autorisé à parler ! Faites-le taire !

— Vous voulez le nom d'un traître ? j’ai toujours été très fier de mon intelligence, mais il a été prouvé que quelqu’un me surpasse dans ce domaine.

— Que voulez-vous dire ? demanda le président du conseil. Aviez-vous un allié ? Parlez !

— Le Central 46 a autrefois banni Urahara Kisuke pour trahison. Le pardon que vous lui avez accordé est une erreur, vous n'aviez commis aucune faute. 

— Parlez clairement ! Quelles accusations ou preuves avez-vous à l'encontre de Urahara Kisuke ?

—Urahara Kisuke n’était pas mon allié, mais il n’est pas non plus le vôtre. Je dirai même que sa trahison égale la mienne… Et un jour vous le verrez marcher sur les cendres de la Soul Society"

Aizen savoura chacuns de ses mots, sachant parfaitement qu'ils avaient été choisis avec la plus grande minutie et qu'ils feraient à coup sûr de nombreux dégâts. Le Conseil devint alors un véritable chaos et le foyer des hurlements et des propos médisants. Seul Ichigo était profondément choqué et particulièrement silencieux. Comment pouvait-il accuser son mentor aussi simplement ? La Soul Society avait-elle une justice aussi douteuse, ou si peu de foi en Kisuke ? Ceux qui avaient toujours douté de l’ancien capitaine de la Douzième division devinrent furieux, ceux qui croyaient en sa bonne volonté commencèrent à douter. Ichigo savait que Urahara n'était pas tenu en haute estime : ses expériences, son implication dans diverses affaires suspectes, un comportement souvent limite vis-à-vis des réglementations et sa tendance à garder ses buts réels secrets avaient beaucoup terni son image. Mais tout ceci n’avait aucun sens pour l'humain, ils n’allaient tout de même pas croire Aizen sur parole ?


Une heure seulement après le début du conseil, Yoruichi vit passer le capitaine Hitsugaya, le regard sombre, mâchoire crispée et poings fermés. Toute cette colère semblait se diriger contre elle. Pourquoi ? Qu’avait-elle fait ? La dernière fois qu’elle avait vu un tel jugement dans les yeux d'un camarade Shinigami, c’était à travers ceux de Soi-Fon. Son ancienne sous-capitaine était pleine de reproches à l’époque, la considérant responsable de beaucoup de choses. Cette sensation que lui transmettait Toshiro était là même, elle avait l’impression qu’on la blâmait. Pourquoi ? Elle n’en avait pas la moindre idée, mais quelque part son esprit lui remémora les paroles d'Ichigo concernant Kisuke et le Senkaimon.



Le capitaine Ukitake et Mastumoto suivirent, sans même tourner la tête dans la direction de l’ancienne capitaine de la Seconde Division. Tous semblaient très pressés. Non loin derrière arriva Ichigo, le pauvre enfant tentait vainement de les interpeller. Seul au milieu de l'allée, il n'avait plus aucun contrôle sur sa posture. Épaules rentrées, dos votés, il semblait aussi abattu que lors de ses plus terribles combats. ses yeux cherchait une connexion avec Yoruichi, comme s’il espérait y trouver une forme de miracle. Yoruichi n’attendit pas les explications, quand Ichigo lui fit finalement signe de venir, elle s’exécuta. En suivant les trois Shinigamis jusqu’au Senkaimon, Ichigo lui raconta.


Aux portes du royaume, Ukitake et Hitsugaya furent rejoints par Unohana, capitaine de la Quatrième division avant d'être rattrapés par Ichigo et Yoruichi. Ce n’était pas un bon présage, pensa cette dernière. La présence de la capitaine de la division des soigneurs ne signifiait qu’une chose : ils étaient prêts à se battre et ils pensaient que cela pourrait être une option.


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