En dernier recours

Chapitre 2 : Ceux que l'on rejette

Chapitre final

5175 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 15/04/2022 14:30

Ceux que l'on rejette


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La porte s’ouvrit sur la place devant le magasin d’Urahara lui-même. Le ciel était masqué par quelques nuages et une faible humidité se faisait sentir, un temps idéal pour profiter de la chaleur d’un foyer. Le propriétaire apparut lentement face à eux, accueillant le groupe de sa voix chantante.

"Allons, allons. Tant d’invités ce soir. Que me vaut le plaisir de votre venue à mon humble boutique ?

— Urahara Kisuke, sur ordre du Central 46 et du commandant il vous est ordonné de nous suivre au Gotei 13 pour interrogatoire, répondit froidement Hitsugaya.

— Ooow ! Quelle façon bien impolie de saluer quelqu’un. Ça me fait mal."

En réponse Hitsugaya plaça ses mains sur son zanpakuto, il n’aurait visiblement aucune patience. Tout le monde pouvait sentir que la tension montait rapidement. Urahara baissa légèrement la tête, cachant ses yeux gris dans l’ombre de son chapeau. C’était une attitude qu’Ichigo connaissait bien. Il signifiait que l’homme n’appréciait guère le déroulement de la situation et qu’il ne fallait pas le pousser trop loin.

"Okayyy, et si on se calmait, tous ? proposa le jeune Shinigami. Je suis sûr qu’en en parlant tous ensemble nous pouvons trouver une explication. Je vous rappelle qu’on est dans le même camp."

Son pouls s’intensifiait avec ses mots et ses pensées étaient agitées. Il avait du mal à se concentrer et alors Ichigo réalisa : il avait peur. Ce n’était pas la même peur à laquelle il avait face en affrontant son premier Hollow, c’était plus proche de ce qu’il avait ressenti en apprenant qu’Inoue avait été emporté par Ulquiorra. Pour lui, les dernières paroles d’Aizen étaient celles d’un homme qui n’avait plus rien à perdre. Mais la culpabilité d’Urahara paraissait déjà évidente aux yeux de certains dans la Soul Society, que savaient-ils que lui ignorait ? Les mains levées à hauteur de hanches, il se plaça entre les capitaines et son mentor. Son regard dirigé vers ce dernier. Il fallait que quelqu’un fasse avancer les choses : un côté devait arrêter la provocation. Alors il dit simplement :

"Urahara-san, s’il vous plaît. 

— Et bien Ichigo ? Moi qui pensais que tu étais une tête brûlée. Quand as-tu commencé à réfléchir ? répondit l’homme en toute légèreté.

— Tout ceci est sérieux, Urahara. Ichigo a raison sur un point, nous ne voulons pas de blessés. Nous préférerions que vous veniez de votre propre volonté avec nous pour expliquer votre situation et votre position vis-à-vis de la Soul Society, annonça Toshiro.

— Ma situation ? Qu’entendez-vous par là ?" répliqua Kisuke Urahara d’une voix très différente. Il avait perdu son côté provocateur et léger. Il s’appuya sur Benihime toujours dissimulé sous forme de cane et d’un ton grave il continua :

"Il me semble que c’est vous, qui venez chez moi pour me donner des ordres sans aucune explication."

Silencieux, Unohana et Ukitake préféraient se tenir à distance de la conversation. Ils avaient toujours vu Urahara comme une bonne personne, attendre de voir le déroulement des choses leur convenaient et ils n'interviendraient que lorsqu'ils en sentiraient le besoin.

Toshiro Hitsugaya de son côté avait été choisi pour mener les négociations, si on pouvait véritablement appeler ça des "négociations". Il ne voyait pas Urahara comme ses compagnons. Il n'avait ni bonne, ni mauvaise opinion de l'homme. À ses yeux, toutes les choses qui orbitaient autour de l'ancien capitaine provoquaient catastrophes sur catastrophes. Il n'était pas quelqu'un digne de confiance et la prophétie d'Aizen ne pouvait pas être ignorée, le risque était trop grand.


Il réitéra alors sa demande au nom du conseil.


Une mention qui eut pour seul effet d’accentuer la tension qui régnait. Rien de bon ne sortait du Central 46 d’après Urahara. Ceux qui y siégeaient ne visaient qu’à maîtriser les actions du Gotei 13, ils étaient manipulables et irréfléchis. Au fond de lui la haine avait prospéré au fil des années : jamais il n'avait su pardonner l'institution pour l'injustice dont il avait été victime.

"Il suffit Kisuke !"

C’était Yoruichi, exaspérée par les deux camps et par le comportement de son ami de toujours qui haussa la voix. Elle ne souhaitait qu’une chose, le frapper, assez fort pour avoir osé lui cacher des éléments, encore. Mais en cet instant, le sauver d’une bataille qui finirait mal quel que soit le vainqueur était son seul objectif. Les poings serrés, elle fixa Urahara d'un regard de plomb. Cela n’avait rien d’une supplication, c’était beaucoup plus proche d’un ordre.

Sa bonne intention était évidente pour Kisuke. Alors il s’excusa :

"Pardonne moi Yoruichi-san. Mais je ne peux pas.

— Kisuke… commença-t-elle en grinçant les dents pour retenir sa colère.

— Au vu du ton que tu as utilisé contre moi, je sais que tu m’en veux, la coupa-t-il. Je suis sûr que le garçon est suffisamment intelligent pour avoir compris quand tu es partie avec lui aujourd’hui."

Il prit une courte pause et répéta :

"Vraiment Yoruichi, je ne mens pas. Je ne peux pas."

Il insista fortement sur la fin de sa phrase. Il ne pouvait pas, pas physiquement, c’est ce que Yoruichi comprit. Elle le regarda à la fois triste et déçue. Pourquoi ne lui en avait-il jamais parlé ? Ses épaules retombèrent, emportant avec elles toute la pression de son corps et elle soupira.

"Donc, Ichigo m’a dit la vérité ? Le Senkaimon te repousse."

Ichigo eut un léger pincement au cœur. Avait-elle douté de lui ? Elle pensait qu’il avait cru voir des choses ? À croire qu’il n’était jamais pris au sérieux dès que le sujet s’éloignait des batailles.

"Hum. Le repousser ?"

Cette fois, Ukitake venait de prendre la parole. Il semblait sur la défensive, les yeux grands ouverts de surprise, comme ceux d’Unohana et d’Hitsugaya. C’était une certitude, ils savaient ce que cela signifiait.

"Très bien, annonça Toshiro en adressant un regard menaçant à Urahara, la main ferme sur son zanpakuto. Aizen disait donc vrai, il est maintenant clair que vous n’êtes pas un allié de la Soul Society. Dites-nous, en plus, qui êtes-vous ?"

Son reiatsu les entourait et remplissait toute la zone, mais Kisuke Urahara ne bougea pas d’un pouce. Comme toujours, l’homme était calme sous son chapeau, sa main appuyée sur Benihime, prêt à donner au jeune capitaine sa réponse si son attitude continuait de lui déplaire.


"Mr. Urahara ? appela une voix innocente. Est-ce que tout va bien ?"


L’expression de l’ancien capitaine de la Douzième division changea en un instant. Il redressa sa tête et se tourna vers Ururu qui venait du magasin derrière lui, avec un sourire un peu forcé. Il n’avait plus rien de menaçant sur son visage.

"Ururu ! S’il te plait, retourne à l’intérieur avec Tessai, demanda-t-il.

— J’ai senti beaucoup de reiatsu. J’ai cru que quelqu’un voulait vous voulez du mal."

Toshiro compris que la fillette était à la fois innocente et particulièrement attachée à Urahara Kisuke. Comment cet homme était-il devenu une figure paternelle pour une humaine ? Il n'aurait pas plus la réponse à cette question qu'à ses demandes précédentes. Le capitaine de glace relâcha la poignée de sa lame et se détendit, libérant la zone de son reiatsu.

"Allons, allons. Tu n’as pas à t’inquiéter pour moi, Ururu. S’il te plait, rentre avec Jinta et Tessai. Ne sortez pas tant que je ne vous l’ai pas dit. D’accord ?"

Sa voix était douce et rassurante, digne de l'amour qu'il portait à cette petite en retour. Et comme tout le monde, il ne voulait pas qu’elle soit impliquée dans cette affaire.

"Je reviens très vite, ajouta-t-il pour l’apaiser.

— Hum... D’accord."

Frustrée, la petite retourna lentement vers le magasin en marmonnant qu'elle en avait assez d'être toujours mise à l’écart des événements importants. Son entraînement, ses combats contre les Hollows, rien n’était jamais suffisant. Sa déception avait été immense quand Urahara l’avait envoyée avec Tessai à la Soul Society. Elle avait espéré combattre avec eux au "Faux Karakura" … Elle se sentait forte, pourtant elle restait à leurs yeux une enfant à protéger. Avant de passer le seuil de la porte, elle marqua une pause et se retourna vers Urahara, lui décochant son regard le plus noir accompagné d’une forte moue, signe évident de son mécontentement.


Ukitake vit en cet instant l’opportunité de régler leur problème pacifiquement. Kisuke était un homme intelligent qui serait sans doute raisonnable face à un discours moins agressif.

« Je vous ai toujours vu comme un bon capitaine, Urahara-san. Vous étiez proche de votre division, vous les écoutiez, annonça Ukitake dans le plus grand calme. Nous avons accepté les Vizards au Gotei 13 et vous nous avez aidés. Je ne sais pas si vous êtes un Hollow ou quelque chose de différent encore, mais cela ne pourra pas changer la façon dont nous vous voyons. »

Il avait insisté sur le « nous », choisissant délibérément de parler au nom de la Soul Society. Il étudia la réaction de son interlocuteur avant de poursuivre. La tension semblait définitivement avoir disparue. Le Central 46 s’était rapidement emporté au sujet d’Urahara Kisuke, sans doute à cause du passé litigieux entre l’homme et l’institution, mais aussi à cause du choix des mots biens trop précis d'Aizen. Peut-être n'était-ce qu'une coïncidence ? Aux yeux d’Ukitake, il était important de rappeler à cause de qui, ils étaient présents.

"Nous sommes ici uniquement parce que Aizen vous a accusé de trahison devant le Central 46" annonça-t-il.

Pourquoi le capitaine Hitsugaya n’avait-il pas commencé par présenter la chose ? Ukitake en cherchait la raison mais il n’avait jusque-là que des hypothèses, rien d’assez concret. Le jeune capitaine laissait bien souvent ses émotions dicter sa conduite et ses pensées. Il était fortement attaché à Matsumoto, et la jeune femme avait beaucoup souffert lors des actes d'Aizen. Toshiro tenait toujours Kisuke Urahara en partie responsable dans ces évènements, inconsciemment, cette colère qu’il n’arrivait pas à dissiper était rejetée sur l’ancien capitaine.


Lorsque le conseil du Gotei 13 avait proposé de restituer Yoruichi, Urahara et Tessai à leurs titres de Shinigamis de la Soul Society, le capitaine de glace avait perdu son sang-froid. Tessai avait fait de son mieux dans cette sombre affaire et Toshiro pouvait comprendre une utilisation exceptionnelle du Kido interdit. Mais il lui était impossible d’entrevoir une amnistie pour Urahara. La création du Hogyoku était une erreur mais sa dissimulation au sein même d’une âme de la Soul Society, une âme d’enfant, était un acte impardonnable à ses yeux.

Avec cette pensée, il ne savait pas comment se positionner vis-à-vis de Yoruichi. Était-elle dans la confidence depuis le début ? Ou avait-elle découvert l’existence et l’emplacement du Hogyoku en même temps que le Gotei 13 ? Le jeune capitaine avait du mal à croire que ces éléments auraient pu lui échapper. Urahara Kisuke était quelqu’un de secret, mais Yoruichi était toujours présente à ses côtés et elle avait toute sa confiance.

"Aizen vous avait déjà accusé par le passé, ajouta le capitaine Ukitake. Et nous avions eu tort de le croire. Aujourd’hui, la seule vérité que je vois, c’est que vous n’appartenez pas à la Soul Society. Mais cela ne fait pas de vous un traître, non ?

— Vous parlez bien, Ukitake. Vous étiez toujours de bons conseils. Et vous avez raison à nouveau : je n’appartiens plus à la Soul Society."

Urahara appréciait à la fois le capitaine et l’effort qu’il produisait pour apporter un peu de diplomatie. Mais rien de tout ceci n’était nécessaire, l’ancien capitaine de la Douzième division avait vu ce jour venir depuis une centaine d’années. Répondre à quelques questions était tout à fait acceptable, mais Kisuke ne partageait ses informations qu’avec ses proches, amis et alliés. Si vous le traitiez comme un adversaire, alors il fallait s’attendre à ce qu’il vous réponde par la lame.

Ukitake l’avait fortement aidé lors de ses débuts en tant que capitaine. Malgré sa personnalité nonchalante et sa maladresse naturelle, Urahara avait fini par être respecté des autres capitaines et de leurs divisions. C’était quelque chose qu’il devait en partie à Ukitake, ainsi qu’à Shinji Hirako.


La capitaine de la Quatrième division fit aussi son entrée dans la conversation, elle fit un pas en avant et haussa un sourcil :

"Alors, de quoi faites-vous partie ? demanda-t-elle, confuse et curieuse.

— J'accepte de vous répondre, à une condition, spécifia l’homme. Cela ne m’importe pas de rester banni, vous pouvez m’apprécier ou non, mais laissez-moi dans mon magasin, avec ma famille ».

Une demande légitime pour Kisuke. Il vivait hors de la Soul Society depuis maintenant plus de cent ans. Avec Yoruichi à ses côtés, il ne restait plus rien de lui au Gotei 13. Des inventions, des recherches portaient aujourd’hui encore son nom mais peu de Shinigamis faisaient allusion à lui. Il avait beaucoup changé depuis son bannissement, pas uniquement le style vestimentaire, son attitude aussi, sa façon de penser. Même ses anciens lieutenants ne reconnaîtraient peut-être pas l’homme qui s’asseyait à leurs côtés pour apprécier la douce chaleur du soleil matinal.

La Soul Society faisait pleinement partie de son passé, rien là-bas ne représentait un objectif. Dans le monde des vivants, il avait construit quelque chose de nouveau : Ururu, Jinta, la boutique, tout ceci faisait partie de lui et il ne laisserait personne l’éloigner de cette vie.

Toshiro et Ukitake échangèrent un regard : ce n’étaient pas à eux de promettre cela si facilement. La Soul Society avait laissé Kisuke Urahara en paix seulement car il avait été retrouvé tardivement. Depuis, il avait été plus utile au Central 46 ici, à aider comme il l’avait fait, que dans un des cellules du Mugen. Le Central 46 leur en voudrait certainement de prendre cette décision sans concertation.

"C’est bon, souffla Ichigo, brisant le silence. Je pense qu’il mérite le droit de vivre en paix après tout ce que le Gotei 13 a fait. Vous ne pensez pas ?

— Oh, oh, Kurosaki-kun. Je ne vous aurais jamais imaginé sauver la situation par la diplomatie, rit Kisuke.

— Il a raison, ajouta la capitaine de la Quatrième division. Je vote pour accepter les termes.

— Et je vous suis, Unohana. Notre mission est de déterminer si Urahara Kisuke est un danger pour les Shinigamis ou la Soul Society et dans quelle mesure. J'espère que nous avons déjà accompli notre tâche. Maintenant, nous cherchons seulement des explications à donner au Commandant, déclara simplement Ukitake.

— Alors c’est décidé. Urahara Kisuke, vous serez laissé en paix dans le monde des humains, aussi longtemps que vous ne vous révèlerez pas être une menace, conclut Toshiro.

— Bien… Le dernier point sera peut-être un problème, mais cela dépendra de vous. »


Kisuke prononça ces derniers mots le sourire aux lèvres, sachant parfaitement que Toshiro n’était toujours pas convaincu de leur accord. Ichigo, quant à lui, ne pouvait pas croire que l’homme venait de les provoquer. Avait-il perdu l’esprit ? Ils avaient tout arrangé et maintenant il venait semer le doute en eux. Le visage crispé par la colère, Ichigo le regarda, bien déterminé à relever la stupidité de son comportement. Mais il n’eut pas le temps de parler, Urahara dégaina Benihime et planta sa fine lame dans le sol à ses pieds. La tenant du pommeau, il entama une incantation.

Les Shinigamis portèrent leur main sur leur zanpakuto, guidés par leur instinct. Même Ichigo s’éloigna de l’homme en préparant Zangestu.

Une énergie rouge enveloppa Urahara et un léger vent se leva.

"Pour vous, qui n’avez pas trouvé la lumière lorsque vous étiez entouré par les ténèbres. Pour vous, qui avez brisé toutes les limites pour l’étincelle d’une bougie. Pour vous, qui avez brisé ceux que vous aimiez, ceux que vous haïssiez, ceux que vous ne connaissiez pas, pour éviter l’obscurité, maintenant seul l’oubli demeure. Au-dessus, une nuit sans fin se lève, dessous, vous paierez pour vos crimes. Le Second niveau retient le désespoir, puisse votre âme être pardonnée."

Le ciel était dégagé, mais la cour s’assombrissait à vue d’œil, la faible lueur émise depuis la boutique d’Urahara paraissait timide. L’air devenait lourd, tenir debout demandait un effort alors que la terre les appelait tous. Comme les autres, Ichigo décupla ses forces pour résister, mais se mouvoir lui semblait impossible.

Face à eux, Kisuke rengaina Benihime. Il bougeait lentement, sans faire de geste brusque, sans prendre le risque que les Shinigamis perdent leur sang-froid et l’attaquent. Cet environnement pesant ne l’affectait aucunement, il se déplaçait aisément. Assuré que chacun restait à sa place, Urahara déplaça le col de son kimono, révélant une marque sous son cou, juste à côté de sa clavicule droite.

C’était un cercle d’encre noir, au centre le chiffre deux en lettres romaines était gravé dans chair. Bientôt, la marque tout entière s’enflamma et consuma l’aura accablante, dissipant la noirceur. Ce feu vivace ne semblait pas chaud, il ne brûlait même pas Urahara.

"Qu’est-ce que c’est ? demanda Ichigo, n’ayant aucune idée de la signification de ce symbole.

— C’est la marque des Enfers, marmonna difficilement Yoruichi."

Ses yeux reflétaient très bien le sentiment de trahison qui l’habitait. Elle fût prise par surprise, car jamais elle ne l’aurait imaginé capable de lui dissimuler une telle information. À sa grande déception, l’homme hocha simplement la tête dans sa direction pour valider son explication.

"Je suis la sentinelle du Second niveau des Enfers. Sous les ordres de la Reine, je veille sur les âmes de ceux qui sont tombés.

— Si cela est vrai, alors vous ne devriez pas pouvoir quitter les Enfers, nota Hitsugaya.

— Je suis venu à la Reine en tant que Shinigami et je suis parti en tant serviteur mais je resterai libre aussi longtemps que je remplirai ma tâche. Elle m’a rebaptisé "Le sans foyer", avoua l’ancien capitaine en soulignant l'ironie d'un sourire.


Personne ne remit en cause son histoire. Les Shinigamis connaissaient très bien la marque des Enfers. À l’académie d’entrée, le rôle de la Soul Society et des Enfers étaient contés à tous les futurs Shinigamis. Il était important que chacun comprenne pourquoi ils pratiquaient le rituel du Konso ou tuaient les Hollows. Cette occasion permettait aussi aux maîtres Shinigamis d’énoncer une règle du serment : les Enfers étaient un royaume interdit, aucun Shinigamis ne devait y pénétrer.

"Pourquoi ? Pourquoi aller chercher la Reine des Enfers ? Quel était votre contrat ?" demanda Yoruichi, confuse et contrariée.

Quand avait-il gagné les Enfers ? Et comment ? Beaucoup de questions envahissaient l’esprit de Yoruichi. Kisuke avait toujours partagé chacun de ses plans avec elle, même s’il ne respectait pas toujours les règles qu'avait établi leur séjour à la Soul Society. Les Gargantas, le sceau pour emprisonner Aizen… C'était leur accord, celui qui nouait leur amitié : il ne devait rien cacher de ses activités, sans quoi, Yoruichi ne pourrait pas porter son jugement et éviter que l’histoire du Hogyoku ne se répète.

"Ceci ne concerne pas notre arrangement. J’ai répondu à vos questions, maintenant laissez-moi. Vous êtes cependant les bienvenus pour le thé, répliqua l’homme de sa voix mélodieuse."

Yoruichi n’aimait pas ça, mais elle n’ajouta rien. S’il ne voulait pas répondre face au Gotei 13, elle comprenait. Mais il devrait lui répondre à elle et à Ichigo, ou alors elle allait le tuer, ce qu’il savait parfaitement.


Les Shinigamis rentrèrent à la Soul Society pour faire un rapport des plus compliqués. Rien n’indiquait que l’ancien capitaine soit un traître, cependant son appartenance aux Enfers était indéniable : le sceau de feu était une marque aussi naturelle que le Reiatsu ou la relation entre un Shinigami et son zanpakuto. Appliqué par le Seigneur du royaume d’en-dessous en personne, il ne pouvait être retiré ou imité. La relation entre les Enfers et la Soul Society était extrêmement tendue, des événements passés avaient brisé la collaboration qui subsistait autrefois. Ce nouvel élément aurait pu être ignoré dans un contexte différent, mais un vieux conte portait avec lui un présage des plus sombres. Cette affiliation entre un ancien Shinigami et les Enfers serait sans doute perçue d’un très mauvais œil par le Central 46 et par quelques anciens capitaines.


Yoruichi et Ichigo eux restèrent, il était temps d’avoir une conversation honnête entre amis. Mais avant d’entrer dans le magasin, Yoruichi chargea l’ancien capitaine et le frappa au visage d’un poing ferme et puissant, le faisant tomber, il en perdit même son précieux couvre-chef.

"Et bien… souffla-t-il en se relevant lentement. C’était justifié, je pense… Je suis désolé, Yoruichi-san."

Il remit son chapeau en place et baissa la tête. Il aurait tout à fait pu éviter ce coup, pourtant il était resté délibérément sur sa trajectoire, une juste mais faible punition pour ne pas avoir partagé tout ceci avec elle. Elle était sa plus vieille et proche amie après tout.

Ils se retrouvèrent assis autour d’une table de bois fin, au-dessus, un fin tissu vert la protégeait de la théière chaude que personne ne toucha. L'heure n'était pas à l'agréable dégustation du thé. Tessai de son côté était toujours avec Jinta et Ururu : ils n’avaient pas à savoir.

"Alors, Kisuke. Pourquoi es-tu allé aux Enfers ?"

Yoruichi ne comptait pas prendre des pincettes ou laisser le temps à Urahara de construire une minutieuse et fausse histoire.

"Tu te souviens de ce jour, Yoruichi-san ? Quand tu as forcé le Central 46 pour me sauver avec Tessai ?

— Oui, bien sûr.

— Bien, je suis désolé de te l’apprendre mais tu es arrivée trop tard. Ils avaient déjà placé le sceau sur moi pour me purger de tous mes pouvoirs de Shinigami. Ce n’était qu’une question de temps, puisque, grâce à toi, ils n’avaient pas pu finir. Je ne voulais pas que tu imagines avoir échoué.

— Tu es vraiment stupide pour un génie Kisuke Urahara ! Je m’en moque d’avoir réussi ou non ! Je voulais juste que tu ailles bien !"

Ichigo se sentait un peu mal à l’aise. Yoruichi-san avait une étrange autorité sur Urahara. Il préféra recentrer la conversation avant d’assister à des échanges houleux et indiscrets de leur part.

"À quel moment la reine des Enfers entre-t-elle dans l’histoire ? demanda-t-il.

— Je planifiais la chute d’Aizen Sosuke. Donc, perdre mes pouvoirs était inacceptable. J’ai vendu mes services en échange des pouvoirs de sentinelle des Enfer. Cela m’a aidé à rompre le sceau et à préserver mes pouvoirs de Shinigamis, expliqua-t-il simplement, sans une once de regret.

— Vendu tes services ? Tu as vendu ton âme ! répliqua Yoruichi, d’un ton accusateur. N’as-tu jamais entendu parler des limites à ne pas franchir ?"

Exaspérée, l’ancienne capitaine d’Urahara serra les poings, contenant ses désirs de briser le mobilier avoisinant. La rage bouillait en elle, alimentée par ses craintes et décuplée par les mémoires de leur passé commun. Il lui était impossible de dénombrer les fois où Kisuke avait dépassé le seuil du raisonnable. Les expériences sur le Kido, les recherches sur le Hueco Mondo, la semi-hollowfication d’Ichigo, le Hogyoku… Chacun de ces récits auraient pu tourner à la tragédie, ils se plaçaient tous à la lisière du point de non-retour. Ils étaient déraisonnables, parfois essentiels mais à chaque fois il existait une parade pour écarter le drame. Les corps peuvent être soignés par le Kido, les monstres anéantis par les lames et les édifices reconstruits. Mais après la mort, seul l’âme restait, elle était ce qui était de plus précieux, c’était un ticket pour la seconde vie.

"Et bien… ce n’était pas grand-chose à l’époque, avoua Urahara. Veiller sur quelques âmes désespérées qui avaient commis l’impardonnable, empêcher les évasions... Je peux même entrer et sortir quand je le souhaite. La Reine des Enfers est plutôt futée et c’est une femme pleine d’ironie, vous ne trouvez pas ? Me confier la charge des désespérés quand c’est le désespoir lui-même qui m'a conduit à elle.

— Je suis plutôt inquiet à propos de ce que cela signifie pour toi de garder le Second niveau, dit Ichigo.

— Que sais-tu exactement du royaume des Enfers, Kurosaki-kun ? demanda l’homme.

— Très peu en réalité, mais ça n’a pas l’air bon."


Urahara devint assez jovial à l’idée de partager son savoir avec son ancien apprenti, l’homme mit de côté sa culpabilité et commença son explication :

"Il y a dix niveaux aux Enfers. Plus grand est ton crime, plus petit est le numéro. Le premier est bien entendu le pire. Au Niveau Zéro, tu trouves le palais de la reine. Les sentinelles, sont normalement des âmes des Enfers qui ont payé leurs actes et ont trouvé une forme de rédemption. Mon statut,... on peut dire qu’il est unique.

— Oh, et ça te plait, je n’en doute pas, le coupa Yoruichi la voix aussi tranchante qu'une dague."

Urahara préféra ignorer l’agressivité du ton employé par Yoruichi, sachant qu’aucune parole ne pourrait jouer en sa faveur face à la colère de son amie. Il s’efforça de rester sur des réponses informatives :

"Eh bien,... en un sens, oui. C’est la seule raison pour laquelle je peux quitter les Enfers comme bon me semble. Autrement, personne ne sort sans la permission de la reine, et elle ne la donne jamais.

— Alors, où est le "mais" ? ça me paraît trop bon pour les Enfers. Comme quand tu avais la charge du Maggots, hein ? souligna Yoruichi.

— Aawww, c’était le bon temps, sourit Kisuke.

— N’évite pas sa question."

Le ton d’Ichigo était volontairement provocateur. Urahara détestait quand il le défiait, généralement, cela signifiait que le Shinigami remplaçant avait raison.

"Ce n’est pas très gentil de ta part, Kurosaki-kun. Je m’en souviendrai à notre prochain entraînement, mais tu vois juste.

— Alors ? insista Yoruichi.

— C’est assez simple. Si je ne remplis pas ma tâche, je serais damné au Second niveau des Enfers, pour toujours. Comme je l’ai dit : assez simple et attendu, affirma-t-il en agitant sa main devant lui comme si cela pouvait chasser ces détails désagréables.

— Bien sûr ! Qu’est ce qui pourrait être pire qu’une éternité aux Enfers ? cria Yoruichi.

— Pas si fort. Tu vas alerter les jeunes, Yoruichi-san. Mais je comprends ton point vue, admit Urahara. C’est parfois difficile. J’ai souvent voulu combattre avec toi, Kurosaki-kun. Vraiment, mais je ne pouvais pas, parce que les Enfers m’appelaient et je ne peux pas me permettre d’échouer.

— Pas de soucis, Urahara-san. Vous en avez fait bien assez."

Kisuke sourit au jeune homme. Cela faisait du bien de savoir qu’il avait tout de même eu une forme d’impact. Yoruichi quant à elle aurait besoin de temps pour pardonner à Urahara, mais elle le ferait, comme toujours.

Ichigo souhaitait en savoir plus sur les Enfers. Ce royaume semblait tout aussi bien organisé que la Soul Society, les sentinelles représentaient un peu le Gotei 13. Mais avant qu’il n’ait pu poser ses questions, le visage d’Urahara devint très sérieux et l’homme était tendu.

"Urahara ? interrogea Yoruichi."

L’homme ne lui répondit pas, en tout cas, pas directement. Il plaça une main sur la marque, sous son cou, elle semblait lui créer une petite douleur.

"Eh bien…, grinça-il en serrant les dents. Il semblerait que quelqu’un désire s’échapper des ténèbres de mon domaine. Je dois partir, mes amis. Mais maintenant que vous savez, plus besoin de me cacher."

Sur ces mots, il déposa son éventail et cacha ses yeux sous son chapeau. Son célèbre sourire disparu, quelque chose dans sa mission de sentinelle lui avait ôté ce qui était la marque même de sa personnalité. Une nouvelle occasion pour l'inquiétude de germer dans le cœur d'Ichigo et de Yoruichi. Derrière Kisuke, une grande porte se dressa, recouverte d’os, de sang, elle était effrayante, et écarlate. Tout comme sa propre princesse, celle qui guidait sa lame et occupait son monde intérieur : Benihime.


"Je reviens bientôt."


Un faux sourire et il était parti sans remarquer la fragilité de sa voix. La porte venait de l’enterrer dans le sol avant de disparaître dans une nuée de flammes. À cet instant précis, Yoruichi en était sûre, malgré la crainte que portait sa voix, c’était quelque chose qu’Urahara appréciait vraiment. Autrefois, il avait été volontaire pour s’occuper du Maggots et maintenant, il remplissait sa tâche de sentinelle des Enfers avec le même plaisir. C'était la part de la Soul Society qu'il avait emmené avec lui. L’homme n’était pas du tout fou, il suivait juste son propre chemin, uniquement guidé par ses envies et sa curiosité. Seulement, un jour viendrait où il approcherait du point de non-retour, Yoruichi espérait seulement qu'elle serait prête. Le moment venu, elle le protégerait de lui-même et de ses plus mauvais côtés.


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