Sentiments et Ressentiments

Chapitre 8 : Chapitre 7 - Un événement majeur pour changer le destin

18318 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 23:32

Chapitre 7 : Un événement majeur pour changer le destin

 

 

Toshiro regardait avec une affection dissimulée la jeune sœur de son employé évoluer avec grâce sur la piste de danse. Le sourire que la jeune fille affichait était pour lui un baume sur son cœur meurtri. Mais il ne put profiter de cette vue bien longtemps car sa fiancée fit son apparition à côté de lui. Il retint un profond soupir d'agacement. L'expression contenue dans les yeux de celle-ci ne laissait rien présager de bon. Qu'avait-elle encore ? Il avait parfaitement remarqué le regard froid qu'elle posait sur Karin et il n'en comprenait pas la raison.

_ Vous avez l'air contrariée, mon amie, fit-il sans la regarder. Tout va bien ?

Le jeune duc entendit le discret soupir poussé par Hinamori. Sa question la dérangerait-elle ? Intéressant. Mais il se demandait pour quelle raison. Après tout, elle n'avait pas de quoi être irritée de la sorte...

_ Je commence à ressentir la fatigue, rien de grave, répondit-elle mielleuse.

Était-ce seulement la fatigue ? Bref, il s'en moquait un peu. Malgré le fait qu'elle soit sur le point de devenir sa femme, il voulait éviter sa présence le plus possible.

Plus Toshiro passait de temps avec elle, plus il la trouvait étrange. Trop gentille, trop compréhensive, trop douce... Trop de tout. Personne n'était aussi parfait, c'était impossible. Il profita de son silence pour prendre la parole avec un soupçon d'impatience dans la voix :

_ Veuillez m'excuser, dit-il en s'inclinant. Je dois parler à mon régisseur d'une affaire importante.

_ Je vous en prie.

La jeune femme le regarda s'éloigner, non sans déception. Elle trouvait que le comportement du duc était de plus en plus inquiétant. Peut-être cachait-il quelque chose ? Ce ne serait pas étonnant, songea-t-elle irritée. Il ne se confiait jamais à elle – pour ne pas l'inquiéter disait-il – mais elle sentait une menace peser sur son mariage. Elle serait duchesse, il le fallait et elle ferait tout pour y arriver. Hors de question qu'elle échoue maintenant alors qu'elle était sur le point de réussir.

Tandis qu'il s'éloignait de sa fiancée, le jeune duc songeait qu'il aurait pu trouver une meilleure excuse pour s'échapper. Maintenant le voilà contraint de se rendre auprès de son employé et de sa sœur qui venait de revenir auprès de lui. Toshiro aimait la compagnie de la brune, même un peu trop. Il voulait prendre le temps de réfléchir sur ce qui se passait en lui mais sa fiancée l'avait irrité.

Arrivé à la hauteur des Kurosaki, Toshiro s'éclaircit la gorge pour annoncer sa présence.

_ Votre Grâce, tout va bien ? s'enquit Orihime en remarquant la dureté de son visage.

_ Oui, ne vous en faites pas, la rassura-t-il cependant, ne voulant pas l'ennuyer plus que de raison.

Karin écoutait la conversation sans rien dire mais elle sentait que le duc Hitsugaya était contrarié. Rien que le ton crispé de sa voix le lui disait. Cependant, la jeune fille ne se sentait pas le droit de demander ce qui se passait donc elle garda le silence.

Ses pieds la faisaient souffrir et elle se retint d'enlever ses chaussures pour les masser. Voilà qui ne serait pas du meilleur effet parmi toutes ces personnes de la noblesse, songea-t-elle en esquissant involontairement un sourire amusé.

_ Qu'est-ce qui vous fait sourire ainsi ?

La brune réprima un sursaut à grand-peine en entendant la voix si proche du noble aux cheveux d'argent. Elle ne l'avait pas vu prendre place à côté d'elle.

_ Une pensée idiote, Votre Grâce, murmura-t-elle en levant la tête vers lui.

Karin était aussitôt comme happée par ses prunelles de glace. Leur pouvoir hypnotique était sans égal. Peu importe le nombre de fois où elle croisait son regard, elle se noyait toujours dans ses profondeurs turquoises.

L'expression du visage de Toshiro changea du tout au tout et la jeune fille espérait qu'elle n'y était pour rien. Elle se risqua alors à lui demander timidement :

_ Quelque chose vous tracasserait-il ?

_ Beaucoup de choses, soupira le jeune homme en baissant les yeux sur ses mains jointes. Mais je ne veux pas vous ennuyer.

La brune s'attendait à cette réponse. Elle commençait à y être habituée.

_ Comme vous voudrez, fit-elle en souriant.

Non loin de là, Ichigo lorgnait sa sœur et le duc du coin de l'oeil. Il poussa un soupir d'impatience et se décida à aller les trouver. Mais il se fit arrêter par sa femme qui posa une main délicate sur son épaule.

Ichigo, laisse-les, soupira la rousse en le faisant asseoir. Que veux-tu qu'il se passe ?

_ Regarde la fiancée du duc, lui chuchota son mari d'une voix sourde. Je n'aime pas le regard qu'elle pose sur Karin.

Sa femme obéit discrètement et ce qu'elle vit lui donna la chair de poule. Le regard de la jeune femme était vraiment haineux, elle n'avait jamais vu ça. Elle enviait Karin ? Ce n'était pas vraiment étonnant. Hinamori était le genre de femme possessive et jalouse, méprisant les autres femmes qui s'approchaient de son cher fiancé d'un peu trop près.

_ Mais enfin, pourquoi se comporte-t-elle de la sorte ? murmura la rousse à l'oreille d'Ichigo. Sa Grâce est un homme digne de foi, le connaît-elle vraiment si peu que ça ?

Le régisseur haussa les épaules d'un air désabusé.

_ Elle n'a jamais vraiment cherché à le connaître, tu sais... Il n'y a que sa petite personne qui lui importe.

En voyant la jeune femme s'approcher d'eux discrètement ou presque, Ichigo prit doucement le bras de sa femme et l'invita à danser. Orihime ne comprit pas ce soudain empressement et c'est alors qu'elle remarqua la fiancée du seigneur venir vers eux avec une expression qui n'annonçait rien de bon.

De son côté, Momo Hinamori fulminait. Comment osaient-ils l'éviter, elle ? Ils ne l'emporteraient pas au paradis. Un petit sourire machiavélique aux lèvres, elle se dirigea alors vers la jeune Karin, seule depuis le départ du duc quelques instants auparavant.

_ Mademoiselle Kurosaki, fit-elle d'une voix mielleuse. J'ose espérer que vous appréciez cette soirée.

Entendant une voix féminine s'adresser à elle, la brune releva vivement la tête et vit que la fiancée du duc Hitsugaya était proche d'elle. Sa présence la mettait mal à l'aise mais elle prit sur elle pour répondre aimablement :

_ Je passe un excellent moment, je vous remercie.

Tandis que la future duchesse prenait place au côté de Karin, un silence pesant s'installa entre les deux femmes. Aucune des deux ne prit la parole pendant un long moment. Hinamori en profita pour examiner discrètement celle qu'elle considérait déjà comme sa rivale. De mauvaise grâce, elle reconnut qu'elle était vraiment jolie. Une menace sérieuse pour son accession au trône ducal, se dit-elle pleine de ressentiments.

Karin n'était pas dupe : elle sentait parfaitement le regard plein d'animosité de la jeune femme sur elle, même si elle essayait de se faire discrète. Qu'avait-elle donc fait pour mériter une haine aussi intense ? Des frissons de mauvaise augure lui parcouraient l'échine et son malaise augmentait de minute en minute.

_ C'est vraiment extraordinaire, murmura la brune au chignon. Jusqu'à récemment, j'ignorais que Kurosaki avait une sœur...

_ Deux, en fait, rectifia Karin sans la regarder. J'ai une sœur jumelle mais elle n'est pas présente, ce soir.

_ Oh, que c'est dommage ! se désola faussement Hinamori. J'aurai apprécié de faire sa connaissance.

_ Ce sera pour une autre fois, fit la sœur d'Ichigo avec un sourire d'excuse.

Quand elle vit son frère s'approcher avec sa femme, Karin réprima un soupir de soulagement. Décidément, elle ne comprenait vraiment pas comment cette femme était sur le point de devenir duchesse. D'ailleurs, celle-ci lui donna un prétexte fumeux pour pouvoir s'éclipser avant l'arrivée d'Ichigo.

_ Tout va bien, Karin ? s'enquit Ichigo anxieux.

_ Ça pourrait aller mieux, soupira la brune en souriant à son frère. Mais je voudrais bien savoir pour quelle raison elle me déteste autant...

Orihime retint un sourire triste et posa sa main sur l'épaule de sa jeune belle-sœur.

_ Elle est jalouse du fait que tu t'entendes bien avec Sa Grâce, lui révéla-t-elle dans un souffle. Elle a peur que tu marches sur ses plates-bandes.

Karin ne comprenait pas la raison de cette jalousie. Après tout, elle allait se marier avec lui alors que la jeune fille perdrait à tout jamais sa seule chance d'être heureuse. « Si il y a bien une personne qui devrait envier l'autre, c'est bien moi », songea-t-elle irritée et blessée. Elle devrait laisser l'homme qu'elle aimait se marier avec une autre, si ce n'était pas une assez bonne raison pour envier Hinamori, rien ne le serait.

_ Elle est bête ou c'est moi ? Elle n'a pas confiance en son fiancé ou quoi ? C'est pas l'amour qui l'étouffe, celle-la, gronda la Kurosaki à voix basse.

_ Tu as tout compris, petite sœur, confirma Ichigo avec un regard en coin en direction de la femme au chignon. Seul le titre l'intéresse et elle n'est pas vraiment discrète...

Le visage triste de sa sœur cadette brisa le cœur d'Ichigo. Il voulait lui changer les idées mais il ne savait pas trop comment il allait y parvenir. Puis une idée lui vint sans prévenir. Le jeune roux se plaça devant Karin et lui demanda d'une voix où perçait un soupçon de moquerie :

_ Ma chère sœur, me ferez-vous l'insigne honneur de m'accorder cette danse ?

Devant le manège d'Ichigo, les deux femmes retinrent un fou rire. Décidément, il ne s'arrangeait pas avec l'âge, songea Karin en mettant sa main devant sa bouche pour cacher son sourire.

_ Avec plaisir, mon cher frère, répondit-elle sur le même ton.

Alors que le frère et la sœur se dirigeaient vers la piste de danse, Orihime les fixait d'un air attendri. Pour Ichigo, rien n'était trop beau pour sa sœur. Un peu fatiguée, la jeune femme partit s'asseoir en espérant pouvoir se reposer tranquillement.

Elle sursauta brusquement en entendant une voix masculine s'adresser à elle.

_ Orihime, tout va bien ?

La rousse tourna la tête et fut rassurée de constater qu'il s'agissait de Renji, le meilleur ami de son mari. Elle esquissa un sourire empreint de fatigue et lui répondit sur un ton taquin :

_ Tu t'inquiètes pour moi, Renji ?

Sa réponse amusa le jeune vicomte qui lui rendit son sourire en prenant place à côté d'elle.

_ Normal, non ? C'est mon filleul que tu portes et tu es mon amie...

_ Je sais bien.

Orihime posa ses perles grises sur le jeune homme aux cheveux rouges et vit comme de la tristesse dans ses yeux sombres. Elle posa doucement une main sur l'avant-bras de Renji et lui dit d'une voix douce :

_ Quelque chose ne va pas ?

Le vicomte Abarai retint de justesse un soupir. La femme de son ami était toujours aussi perspicace, on dirait. Il aurait dû se souvenir de cela mais à présent, c'était trop tard.

_ Je ne peux rien te cacher, murmura-t-il les yeux baissés.

_ C'est juste que j'ai appris à te connaître, fit la rousse sur le même ton. Tu n'es pas obligé de m'en parler, tu sais...

Renji sourit sans répondre. Oui, il le savait. Jamais Orihime ne forçait les gens à se confier à elle, elle attendait simplement qu'ils le fassent d'eux-même. Elle était toujours de bons conseils et Dieu savait qu'il en avait besoin, en ce moment.

De leur côté, Ichigo et Karin dansaient tout en parlant. Le jeune homme était content des progrès de la jeune fille. Elle n'avait commis aucun impair en présence de cette noblesse psychorigide. Elle ne cesserait jamais de l'étonner...

_ Dis Ichi-nii, à quoi penses-tu ?

La voix de sa sœur le ramena à la réalité et le roux posa ses prunelles noisettes sur le visage souriant de Karin. La voir un peu plus joyeuse qu'à l'accoutumée était un vrai baume au cœur pour lui. Même si il était vrai qu'avec les menaces qui pesaient sur leur famille, ils n'étaient jamais vraiment tranquilles.

_ Qui aurait cru qu'on danserait ensemble, un jour ?

La brune esquissa un sourire teinté d'amusement à la phrase de son frère aîné. Il avait raison, elle n'aurait jamais pensé qu'un tel jour puisse arriver.

_ Pas moi, en tout cas, dit-elle avec son franc parler habituel.

_ Ça, c'est sûr, se moqua Ichigo. Déjà, tu n'aurais jamais pensé mettre les pieds dans un bal de la noblesse...

_ Je ne te le fais pas dire, pouffa la jeune fille. Je ne me sens pas vraiment à ma place.

_ Rien de plus normal, la rassura son frère plus sérieusement. Laisse-toi du temps pour t'habituer à tout ça et on en reparlera dans quelques mois.

Son frère avait raison, pour une fois. À cette pensée, la jeune fille retint un sourire moqueur. La danse achevée, ils partirent rejoindre Orihime qui était accompagnée.

En voyant son ami aux côtés de sa femme, Ichigo réprima un intense soulagement. Au moins, ce n'était pas cette idiote de future duchesse qui lui tenait compagnie. À voir l'expression du visage d'Orihime, il sut qu'elle tentait de remonter le moral du vicomte. Encore Rukia Kuchiki, supposa-t-il en soupirant tristement. Il ne savait pas pas ce que le duc Byakuya Kuchiki attendait vraiment de Renji mais cette histoire devenait vraiment compliquée.

Plus le temps passait, moins il savait ce que le duc Hitsugaya avait prévu pour rompre ses fiançailles. Il fallait vraiment qu'il se dépêche d'y penser, il ne restait plus beaucoup de temps avant la cérémonie.

Bien sûr, Ichigo n'ignorait pas que rompre des fiançailles publiquement établies était vraiment difficile. À moins qu'un scandale suffisamment important n'éclate où Hinamori serait mise en cause, rien ne pourrait empêcher le mariage entre le duc Hitsugaya et elle de se faire. Il fallait empêcher ça, sinon jamais sa sœur ne pourrait être heureuse. Il en avait fait le serment.

 

Au même moment, deux silhouettes toutes vêtues de noir se tenaient non loin de la maison des Kurosaki.

_ Ils sont absents, ce soir, annonça le premier homme en s'agenouillant devant l'autre.

_ Vous savez où ils sont ? fit une voix d'outre-tombe.

Le sbire se mit à trembler en entendant la voix pleine de menace de son maître. Le plan ne se déroulait pas tout à fait de la manière dont il l'avait prévu et il pourrait fort bien perdre patience très vite.

_ Au bal du duc Hitsugaya, maître.

Un rire machiavélique se fit entendre tout à coup.

_ Ce n'est pas grave, lança soudain le « maître ». On peut encore attendre un peu avant de passer à l'action.

Sa cape glissa donc il la remit en place avant d'intimer à son interlocuteur de le suivre d'un seul geste.

Les deux silhouettes se fondirent dans la nuit, en laissant planer un parfum de danger dans l'air.

 

Le lendemain midi, pendant que les domestiques mangeaient, la conversation allait bon train. Le bal était sur toutes les lèvres.

_ J'ai cru qu'on n'en verrait jamais le bout, soupira Aika en posant sa fourchette.

_ C'est vrai, acquiesça le majordome. Mais ce bal était très instructif, vous ne trouvez pas ? fit-il soudain remarquer sur un ton de conspirateur.

La cuisinière en chef souriait largement en comprenant où Shin voulait en venir.

_ Oui, tu as raison, Shin, dit-elle en s'essuyant le coin des lèvres avec une serviette. La façon dont Sa Grâce ne lâchait pas la sœur de Monsieur Ichigo du regard était vraiment attendrissante, ajouta Miyako avec un regard rêveur.

Tout le monde sourit en se rappelant de la scène. Et plus drôle encore, la future duchesse assistait à ça sans rien pouvoir dire.

_ J'ai adoré la réaction de la pimbêche, assura la jeune Kana.

La pimbêche était un nom de code parmi les domestiques pour parler de la fiancée du duc.

_ Ça, tu l'as dit ! se moqua Tamashi. Et quand Sa grâce dansait avec Mademoiselle Karin, j'ai cru que la pimbêche allait lui arracher les yeux.

Les serviteurs ne pouvaient le nier : ce regard froid leur avait fait froid dans le dos.

Chacun repartit vaquer à ses occupations, non sans encore faire des commentaires très gentils sur la future duchesse.

 

Quelques heures plus tard, Karin et Orihime préparaient tranquillement le dîner en discutant du bal de la veille. La rousse se souvenait très bien la joie que sa belle-sœur avait eu à danser dans les bras du duc et elle avait décidé d'en parler – enfin de manière détournée, bien sûr – avec la jeune fille.

_ Alors, tu en as pensé quoi du bal, Karin ? s'enquit-elle innocemment en coupant une pomme de terre.

À cette question, le visage de la brune s'éclaira instantanément. Elle se rappelait très bien de ce qu'elle avait ressenti.

_ Franchement, mise à part cette pimbêche de future duchesse, je me suis régalée, répondit la jeune fille en s'essuyant les mains sur son tablier. Je n'aurai jamais cru qu'elle puisse être aussi détestable. Mais comment le duc fait-il pour la supporter ?

Orihime soupira tristement et leva ses prunelles grises sur Karin en posant son couteau sur la table. Elle prit le temps de s'asseoir et dit avec un soupçon d'irritation dirigée vers Hinamori :

_ C'est simple : il ne la supporte pas. En fait, il fait tout pour éviter de se retrouver seul avec elle.

Cette réponse ne surprit pas Karin le moins du monde et la rousse l'avait parfaitement remarqué. Elle aimerait tellement aider Hitsugaya mais elle n'en avait pas les moyens. C'était à lui seul de se débrouiller pour trouver comment annuler ce mariage. Et en plus, Orihime voudrait tellement que Karin soit heureuse et elle ne savait que trop qu'elle ne pourrait l'être qu'avec le duc. Ses yeux sombres pleins de mélancolie ne mentaient pas.

_ Pourquoi ne rompt-il pas leurs fiançailles, tout simplement ? s'étonna la brune en prenant place aux côtés de sa belle-sœur.

_ C'est plus compliqué que ça, Karin, soupira la rousse. Il faudrait qu'il ait une bonne raison de le faire.

_ La noblesse est vraiment difficile à comprendre, souffla Karin en levant les yeux au plafond. En gros, il faudrait qu'il y ait scandale, c'est ça ?

_ C'est ça.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que ne n'était pas gagné. La fiancée du duc n'était pas suffisamment stupide au point de griller elle-même ses chances de devenir duchesse. Enfin, le peu que Karin en avait vu d'elle le laissait supposer.

C'était vraiment injuste, se dit Karin en baissant la tête. Elle était condamnée à l'aimer sans retour, ce n'était pas une vie. Que ne donnerait-elle pas pour que sa sœur soit là, avec eux ? Elle avait vraiment besoin de tout lui raconter et qu'elle lui dise ce qu'elle devait faire parce que là, elle était complètement perdue.

_ Bon, si on traîne comme ça, rien ne sera prêt à l'heure, fit Orihime avec énergie.

_ Tu as raison, sourit légèrement la brune. On s'y remet.

Une vingtaine de minutes plus tard, le repas était en train de mijoter tranquillement sur le feu quand Ichigo daigna enfin faire son apparition. Le roux semblait épuisé, il s'affala dans le canapé et ferma les yeux pour souffler.

_ Ichigo, ça n'a pas l'air d'aller, fit remarquer sa femme inquiète.

Le jeune homme ouvrit péniblement ses paupières et vit au dessus de lui le visage tourmenté de sa moitié. Elle s'inquiétait vraiment vite, en ce moment, songea-t-il en se redressant. Il aimerait tellement qu'elle évite de se tracasser de la sorte mais c'était trop lui demander.

_ Ne t'en fais pas, juste un dossier compliqué à régler, rien de plus, lui apprit-il en esquissant un petit sourire.

_ Elle est revenue, n'est-ce pas ?

En entendant la question de Karin, Ichigo écarquilla ses yeux noisettes. Comment avait-elle deviné ? Elle l'étonnerait toujours.

_ En effet, soupira le jeune régisseur. Et cette fois, ce n'était pas qu'une visite amicale.

À ce souvenir, le roux se rembrunit. Mais pourquoi fallait-il toujours qu'elle vienne au moment le plus inopportun ? La fréquence de ces visites commençait vraiment à donner des soupçons à Ichigo. Avant tout ça, elle n'avait jamais été particulièrement empressée auprès de son fiancé. Voilà que le mariage approchait et elle venait quasiment tous les jours rendre visite au duc sous des prétextes fallacieux. Que mijotait-elle ? Tout cela ne lui disait rien qui vaille.

La voix de sa femme le ramena à l'instant présent.

_ Que voulait-elle, cette fois ?

_ Madame a fait une crise parce que Sa Grâce a dansé avec ma sœur, je les entendais de la bibliothèque.

Karin ne put retenir un fou rire. Elle en avait vraiment un grain, celle-là, se dit-elle. Elle avait un peu appris à connaître le duc et elle pouvait dire avec quasi-certitude qu'il n'était pas homme à se laisser dicter sa conduite par quelqu'un d'autre.

_ Je suppose qu'il ne s'est pas laissé faire, indiqua Orihime en souriant à la brune.

_ Oui, tant et si bien qu'elle est partie en claquant la porte.

_ J'imagine la réaction de Sa Grâce, il n'a vraiment pas dû apprécier.

La sœur d'Ichigo ne disait rien, elle écoutait simplement la conversation mais ce qu'elle apprenait ne la laissait pas indifférente. Décidément c'était pire que ce qu'elle avait bien pu imaginer, en fait. La jeune fille allait prendre la parole quand elle entendit Orihime lui parler :

_ La table est mise ou pas, Karin ?

_ Oui, je l'ai mise pendant que tu terminais de mettre la viande dans le plat, répondit-elle en se levant.

_ Bon, en route mauvaise troupe !

Sur ces mots, les trois Kurosaki se rendirent dans la salle à manger et prirent place sur les chaises en attendant la fin de la cuisson.

_ Dis-moi, petite sœur, commença Ichigo en la fixant d'un regard entendu.

_ Quoi ?

_ Il me semble que tu as dansé avec Renji au bal du duc, non ?

_ Oui et ?

Karin ne comprenait vraiment pas où son frère voulait en venir. Il fallait qu'il arrête de parler par devinette, ce serait plus simple pour tout le monde.

_ Pendant un moment, j'ai vu que tu avais le visage crispé. Pour quelle raison ?

Elle aurait dû s'y attendre, tiens ! C'était à prévoir que son frère aurait remarqué sa gène à ce moment-là. Pourquoi fallait-il qu'il soit aussi observateur ? Elle réprima un soupir d'irritation et consentit à lui répondre d'une voix tendue :

_ L'autre pimbêche n'arrêtait pas de me fixer méchamment sans aucune raison.

Rien de plus normal, songea son frère en fronçant les sourcils. Si une rivale faisait son apparition, Hinamori ferait tout pour l'évincer. Cependant, il ne savait pas jusqu'où elle était capable d'aller pour atteindre son but. Il fallait rester vigilant. À ce train-là, ils n'auraient jamais la paix.

Une sonnerie stridente vint de la cuisine et Orihime se leva pour aller chercher le plat du bœuf bourguignon. Pendant ce temps, Karin n'en menait pas large. Toujours ces questions qui lui assaillaient l'esprit... Le duc, sa sœur, cela faisait beaucoup à gérer. Elle laissa errer son regard rêveur vers le jardin de son frère.

La neige commençait à fondre, signe annonciateur du printemps. Elle se demandait si le jardin de feue sa mère était déjà fleuri. En effet, l'année précédente, la floraison avait été précoce.

_ Ça va Karin ?

La voix de son frère la ramena à l'instant présent et l'inquiétude qu'elle aperçut dans ses prunelles noisettes ne la rassurait pas.

_ C'est rien, murmura-t-elle. Je pensais au jardin de maman...

Ichigo lâcha un petit soupir, sans que Karin ne puisse l'entendre. Il se doutait que ce ne serait pas facile pour elle de tout abandonner mais elle n'était plus seule, à présent. Elle avait leur père, sa femme et lui, aussi. Sans compter Yuzu...

Le jeune homme se doutait qu'elle avait besoin de se confier à sa jumelle et tout ça le rendait furieux après son ravisseur. Pourquoi s'en prendre à ses deux sœurs cadettes ? Il ne comprenait pas et tout ça le rendait fou. La police était vraiment longue à trouver des indices et il allait exploser si rien de concret n'était trouvé dans les prochains jours.

_ A table ! entendit-il sa femme crier de la cuisine.

Deux heures s'étaient écoulées depuis le repas et à présent, Karin était à son bureau, dans sa chambre, à chercher une feuille. C'était un dérivatif à sa peine comme un autre et cela lui faisait du bien, mine de rien. Autrement elle deviendrait folle... Elle prit donc sa plume et commença à écrire tout ce qu'elle avait sur le cœur.

 

Le 28 février 1624 - 22h05

 

Ma sœur est toujours introuvable et je vais devenir folle si on n'a aucune nouvelle. Mais qui peut être cet homme qui en a après nous ? Et surtout pour quelle raison sordide ? Je ne vois vraiment pas qui on peut chercher à atteindre à travers nous. Où alors c'est l’œuvre d'un malade mental en manque d'adrénaline. Je ne vois que ça...

Tous les jours depuis quelques semaines, le visage du duc Hitsugaya ne quitte pas mon esprit. Il m'a ensorcelée avec ses prunelles de glace et ses cheveux de neige. Quand j'ai dansé avec lui, mon cœur battait si fort que j'ai cru qu'il allait exploser dans ma poitrine. Mais qu'a-t-il donc de si spécial pour me faire perdre la tête à ce point ? Ça ne me ressemble pas d'être aussi sentimentale... Voilà que je deviens comme toutes ces filles désespérantes ! Je m'adoucis avec l'âge, c'est peut-être ça, qui sait ?

Par contre, sous ses dehors polis et aimables, sa fiancée – que ce mot est douloureux – me fait froid dans le dos. Son regard haineux et glacial me donne des frissons, quand j'y repense. Elle et le duc ne sont pas bien assortis. Elle est fausse et mielleuse tandis que lui est honnête et simple. Même s'ils forment un beau couple – bruit de mon cœur qui se brise – il ne sera jamais heureux avec cette femme qui ne l'épouse que pour sa position sociale.

À certains moments, je me souviens de la souffrance dans ses yeux turquoises et elle semblait faire écho à la mienne. Je ne comprends toujours pas comment c'est possible, une chose pareille. Peut-être que certaines personnes sont liées depuis leur naissance sans le savoir...

Mais une chose reste certaine... J'ai vraiment du mal à l'écrire, bon sang ! Cette chose, c'est que je... suis... désespérément... … amoureuse de Sa Grâce, le duc Toshiro Hitsugaya ! Ça fait mal et je retiens mes larmes, tant bien que mal. Même si je dois me faire une raison...

 

Ses mains tremblaient dangereusement alors Karin posa sa plume avant qu'elle ne la fasse tomber sans le vouloir. Voilà elle se l'était dit à elle-même : elle était amoureuse du duc. C'était toujours aussi difficile mais elle sécha les larmes qui commençaient à couler sur ses joues dans un geste rageur. Il ne fallait pas qu'elle se laisse aller, sa sœur avait besoin d'elle ! « Reprends-toi, idiote ! Tu fais pitié ! » se dit-elle durement.

Soudain, un bruit sourd se fit entendre derrière elle et elle se retourna vivement. Ce qu'elle aperçut était simplement sa chaise qui était tombée... Une minute, comment c'était arrivé ? À sa grande stupeur, elle entendit une voix amusée lui susurrer à l'oreille :

_ Je t'ai enfin trouvée, ma petite Karin ! Viens avec moi, on va bien s'amuser...

_ Qui êtes-vous et que voulez-vous ? cracha la jeune fille sans montrer sa peur grandissante. Répondez-moi.

_ Je vais te faire rejoindre ta sœur, ça ne te fait pas plaisir ?

À la mention de sa sœur jumelle, Karin vit rouge. Alors c'était lui qui l'avait enlevée ? Il allait le payer !

_ Sale ordure ! Rendez-moi ma sœur !

Un petit rire machiavélique se fit entendre de la part du bandit.

_ Voilà un langage bien cru pour une demoiselle, se moqua-t-il en lui attrapant le poignet brutalement. Bon assez parlé, suis-moi maintenant.

_ Hors de question !

Sans qu'aucun des deux ne puissent le prévoir, la porte de la chambre s'ouvrit sur Ichigo qui ne comprenait pas ce qui se passait devant ses yeux. En voyant l'homme tenir sa sœur, le jeune homme s'approcha de lui et lui dit d'une voix coupante :

_ Que fais-tu dans ma maison, toi ?

_ Une petite visite à Karin et je lui donne des nouvelles de sa jumelle, tu devrais être content.

On aurait dit que le ravisseur de Yuzu prenait un malin plaisir à provoquer son frère. Il devait vraiment être sûr de lui pour faire comme si de rien n'était, se dit Karin en serrant les dents. Il lui faisait un mal de chien, ce crétin !

_ Tu vas payer pour ce que tu as fait, espèce de salaud !

_ Désolé, ça aurait été avec plaisir mais ce sera pour une autre fois, fit l'homme d'un ton badin. À bientôt, chère Karin !

Sur ces mots, il sauta du balcon pour disparaître rapidement dans la nuit. Ichigo le regarda partir, de la haine dans le fond de ses prunelles. Ainsi, il avait réussi à pénétrer dans leur maison et qui sait ce qu'il aurait fait à Karin s'il n'était pas venu dans sa chambre ? Il avait bien fait de suivre son intuition. Elle lui avait permis de sauver sa sœur cadette des griffes de ce fou. Mais pour combien de temps ?

Karin, elle, était littéralement pétrifiée. Comment une chose pareille avait-elle pu arriver ? Des larmes coulaient sur ses joues et elle ne parvenait pas à les arrêter. La jeune fille sentit son frère la serrer dans ses bras à l'étouffer, tremblant lui aussi de ce qui aurait pu se passer.

_ Si je l'attrape celui-là, il va souffrir, gronda le roux tout bas pour ne pas réveiller sa femme. Karin ? l'appela-t-il en cherchant son regard. C'est bon, il est parti...

_ Mais... mais... il va... revenir, sanglota la brune complètement tétanisée. Je ne veux pas rester dans cette chambre !

Ichigo ne savait que dire pour calmer les angoisses de sa sœur. Jamais il ne l'avait vue aussi effrayée, cette ordure avait bien réussi son coup. Il la berça doucement dans ses bras et la fit descendre dans le salon. Heureusement qu'Orihime n'était pas réveillée, sinon il l'aurait tué de ses propres mains.

_ Ichi-nii, tu crois qu'on va l'avoir avant...

Ce qu'elle sous-entendait brisait le cœur du roux. Plutôt mourir que de laisser ça se reproduire. Il se le jura en lui-même. Cette histoire ne lui plaisait pas, mais alors pas du tout.

_ On l'aura et il va payer pour Yuzu !

La confiance de son frère rassura un peu la jeune fille. Heureusement qu'il était arrivé à temps sinon elle aurait été emmenée. Dans les yeux sombres du ravisseur, elle avait vu qu'il était prêt à tout pour arriver à ses fins. En tout cas, une chose était sûre : elle ne devait plus rester seule. À aucun prix !

 

Le lendemain matin, alors qu'Orihime préparait le petit-déjeuner pour toute la famille, elle vit que Karin était vraiment effrayée. Mais enfin, qu'avait-il bien pu se passer ? Et son mari qui ne décolérait pas ! Pourquoi cette fureur dans son regard noisette ?

_ Ichigo, vas-tu enfin me dire ce qui s'est passé pour que vous soyez dans cet état, tous les deux ? s'impatienta la rousse, les mains sur ses hanches. Je n'aime pas ça.

L'ambiance était vraiment tendue dans la maison des Kurosaki mais ceci n'était rien encore. Le régisseur n'était pas encore au maximum de sa colère, il la refrénait tant bien que mal.

_ Orihime, fit-il sans la regarder. Ce que je vais te dire va être sans doute difficile à croire mais écoute-moi.

La jeune femme ne l'avait jamais vu aussi sérieux que maintenant. Elle ne savait pas du tout à quoi s'attendre. Une peur sourde monta en elle, comme un mauvais pressentiment.

_ Karin a failli être enlevée sous notre nez, cette nuit.

_ Quoi ?

En entendant ce qui avait failli lui arriver, Karin ne put réprimer ses tremblements. Elle revoyait la scène en boucle depuis la veille et elle avait encore du mal à le réaliser.

_ Un homme s'est introduit chez nous et a tenté d'enlever ma sœur.

Orihime était épouvantée. Mais comment une chose pareille avait-elle pu se produire sans qu'ils ne soient alertés ? De toute évidence, ce n'était pas la première fois qu'il commettait ce genre de méfait, ce qui ne la rassura pas le moins du monde.

_ Mais enfin... Pourquoi ?

Sa femme semblait vraiment perdue et apeurée. Elle n'avait pas besoin de ça, dans son état. Mais Ichigo savait qu'elle ne pourrait s'empêcher de s'inquiéter pour Karin. Il fallait vraiment que cette affaire se termine au plus vite car dans le cas contraire, elle aurait de graves conséquences. Pour tout le monde...

_ Orihime, fit-il en mettant ses mains sur ses épaules tremblantes. La police est prévenue et elle est déjà passée prendre nos dépositions.

Son mari ne laissait rien au hasard, Orihime aurait dû s'en souvenir. Elle se sentait vraiment bête de ne pas y avoir pensé sur ce coup. Mais tout de même, il y avait de quoi avoir peur.

Karin était assise sur le canapé, elle ne semblait pas entendre ce qui se passait autour d'elle. Elle ne pensait qu'à ce qui aurait pu se passer si son frère n'était pas venu par hasard dans sa chambre, hier soir. Et dire que sa sœur Yuzu était déjà dans les mains de ce fou ! Elle tremblait rien qu'en imaginant ce qu'elle devait endurer tous les jours. « Je t'en prie Yuzu, ne lâche pas prise ! »

Comment ça s'est passé ? s'enquit Orihime en s'asseyant sur le canapé.

La sœur d'Ichigo comprit que c'était à elle de raconter, vu que le roux n'était pas présent dès le début. Elle tâcha au mieux de contrôler ses tremblements avant de commencer le récit de son calvaire.

_ En fait, je venais de me lever de ma chaise, commença-t-elle d'une voix plus ou moins assurée. Je voulais aller me coucher car il était tard quand j'ai entendu un bruit qui n'aurait pas dû être là. C'était ma chaise de bureau qui était tombée, révéla-t-elle en serrant les poings. C'était le ravisseur de Yuzu qui l'avait faite tomber mais je l'ai compris quand il s'est mis derrière moi pour me dire en gros qu'il allait m'emmener.

La jeune fille s'interrompit le temps de reprendre son souffle. C'était toujours aussi pénible à se souvenir. Vivement que tout ça se termine enfin, songea-t-elle en baissant la tête. Karin reprit son récit, la voix tremblante :

_ Une chose est sûre : si Ichi-nii n'était pas arrivé à temps, je ne serai pas là à vous parler de tout ça.

_ Il n'a pas cessé de me provoquer, il était tellement sûr de lui que c'en était écœurant ! s'énerva Ichigo, ses yeux lançant des éclairs. Cette ordure était fière de nous dire qu'il retenait Yuzu prisonnière !

Karin mit ses mains sur ses oreilles. Jamais son frère n'avait crié aussi fort. En même temps, elle ne comprenait que trop son ressentiment, elle était dans le même état que lui. Mais il fallait garder la tête froide, sinon ils n'allaient rien pouvoir faire pour aider Yuzu. Et c'était une chose qu'il fallait éviter.

 

Au bord d'un lac, un homme aux cheveux écarlates se tenait auprès d'une jolie brune aux prunelles violettes. Chacun aimait la compagnie de l'autre, sans faux semblants. L'atmosphère était calme et paisible, la nature renaissait doucement sous le chant des oiseaux. Le ciel était bleu, aucun nuage ne le voilait mais tous deux savaient qu'une tempête s'annonçait et pas des moindres.

Les deux jeunes gens n'étaient autre que le vicomte Renji Abarai et la sœur du duc Kuchiki, Rukia. Leurs mains entrelacées étaient posées sur le banc, leur regard s'accrochait de temps à autre et un sourire tendre éclairait leur visage. Mais sans prévenir, le visage de Rukia se durcit et elle laissa éclater sa frustration.

_ J'en ai assez ! s'écria soudain la jeune femme. Pourquoi mon frère est-il aussi buté ?

Renji soupira. Il était d'accord avec elle mais il comprenait aussi la position du duc, bien que cela le fasse souffrir jour après jour. Il était certain qu'il n'aurait pas été vraiment différent s'il avait eu une sœur cadette.

_ Je pense qu'il veut simplement te protéger, supposa-t-il. Je ne suis pas à sa place, je ne peux pas le dire avec certitude.

La sœur de Byakuya réfuta cet argument d'un geste de la main.

_ Je ne le comprends pas, reprit-elle plus calmement. Il dit qu'il veut mon bonheur mais il fait tout le contraire.

_ Je le sais bien, soupira le rouge en levant les yeux au ciel. Peut-être que pour lui, ton bonheur ne se trouve pas avec moi.

_ Balivernes ! Ce n'est pas à lui de décider ce qui fera mon bonheur, c'est à moi !

C'était vrai mais tant qu'elle n'était pas mariée ou majeure, son frère aurait le dernier mot sur n'importe quelle décision la concernant. La noble soupira, ne sachant que dire ou faire pour convaincre Byakuya de consentir à son mariage. Pourquoi n'était-elle pas un homme ? La vie était tellement moins stricte pour eux.

_ De toute façon, tant que Sa Grâce ne donne pas son accord, nous ne pourrons rien faire, indiqua le vicomte. Bon, changeons de sujet,proposa-t-il en constatant la colère de la jeune fille.

Rukia ne manquait pas de caractère, elle s'emportait assez facilement, se dit Renji avec un sourire attendri. Ce trait de personnalité lui plaisait beaucoup et il aimait quand elle lui tenait tête.

_ Dis Renji, commença-t-elle doucement. Tu as eu des nouvelles d'Ichigo ?

_ Non, aucune pour le moment mais je ne sais pas pourquoi, j'ai un mauvais pressentiment... Quelque chose ne va pas dans cette histoire et ça ne me laisse rien présager de bon.

La brune leva des yeux étonnés sur le jeune homme. Cela ne la rassurait pas car généralement, son instinct se vérifiait.

_ J'espère seulement que rien de grave n'est arrivé, dit-elle en lissant nerveusement le bas de sa robe.

_ Tu as raison.

Un bruit de feuillage les alerta soudain. Quelqu'un s'approchait d'eux en silence. Quelle ne fut pas la surprise des deux amoureux quand ils virent arriver le duc Kuchiki, le visage glacial.

_ Rukia, aurais-tu oublié nos invités de ce soir ? demanda-t-il en la fixant.

La jeune fille était mal à l'aise. Il était vrai que quand elle était avec Renji, elle ne voyait pas le temps passer. Si son frère s'était dérangé, c'est qu'il s'impatientait. Or, il détestait qu'on le fasse attendre.

_ Désolée, Nii-sama, fit-elle d'une petite voix en baissant les yeux sur ses chaussures.

Byakuya n'entendit pas ses excuses et haussa un sourcil en constatant la présence du vicomte Abarai au côté de sa jeune sœur. Décidément, il était tenace, songea-t-il en réprimant un soupir d'impatience.

_ Que faites-vous là, vicomte ?

L'homme aux cheveux rouges n'en menait pas large. Le duc Kuchiki l'impressionnait toujours autant mais il n'avait pas l'intention d'abandonner pour Rukia. Il s'arma de courage et répondit d'une voix assurée :

_ Vous le savez déjà, Votre Grâce, je suis là pour demander la main de votre sœur.

_ Vous ne savez pas abandonner, n'est-ce pas ?

La voix coupante du duc ne rassura pas Rukia qui écoutait la conversation sans rien dire. Elle ne saurait pas prévoir sa réaction.

_ En effet, parce que j'estime qu'elle en est digne, assura Renji en le regardant droit dans les yeux. Je ferai n'importe quoi pour que Rukia soit heureuse.

_ Je vois.

Byakuya fit demi-tour et présenta son dos au vicomte qui ne savait que penser de ce comportement. La détermination du vicomte Abarai plaisait au duc, bien qu'il n'en montrait rien. Cela lui donna une idée intéressante. Ainsi, il saurait ce que ce jeune homme avait vraiment dans le ventre.

_ Dans ce cas, j'ai une idée, fit-il avec un regard en coin dans la direction du couple. Pourquoi ne pas régler ça avec un petit combat à l'épée ?

_ Quoi ? Mais enfin, Nii-sama...

_ Il suffit, Rukia, la coupa-t-il d'un ton sec. Alors ?

Ce n'était pas le point faible du vicomte mais le duc lui était infiniment supérieur. Avec cette proposition, il comprenait où le frère de Rukia voulait en venir. « Ainsi, c'était donc ça... »

_ Vous voulez voir si je suis capable d'assurer la protection de votre sœur, je me trompe ? C'est d'accord.

Rukia agrippa la manche de son soupirant en le suppliant du regard.

_ Non, Renji c'est de la folie !

_ Ne t'en fais pas pour moi, la rassura-t-il en posant sa main sur la sienne. Je n'ai pas l'intention d'abandonner.

_Très bien, dans ce cas, rendez-vous dans trois jours ici même, décida le duc Kuchiki avant de s'éloigner d'un pas vif.

Renji hocha la tête sans répondre pour montrer son assentiment. Il sentait parfaitement la désapprobation de la jeune fille à ses côtés mais il était prêt à tout faire pour le duc l'accepte enfin comme fiancé de sa sœur. Même à se battre dans un combat à l'épée. Cependant, pourquoi le duc Kuchiki lui avait-il donné une chance ? Peut-être en avait-il assez de son obstination ? Cette idée fit sourire le vicomte.

_ Il faut que j'aille rejoindre mon frère, dit Rukia d'un air désolé. On se voit plus tard ?

_ Bien sûr, accepta Renji en l'embrassant sur le front.

Le jeune vicomte attendit que sa dulcinée soit hors de vue pour se diriger vers son cheval qui se régalait avec le foin que le palefrenier lui avait donné. Cette vue lui arracha un petit rire. Décidément, sa monture lui ressemblait beaucoup, songea-t-il en montant sur la selle.

_ Allez, Zabimaru, il est temps de rentrer.

Il mit son cheval au trot et partit de la propriété des Kuchiki en regardant une dernière fois la demeure ducale.

Tout en marchant, la sœur du duc réfléchissait. Quelle idée son frère pouvait-il bien avoir en tête ? Rukia n'était pas rassurée par la tournure que prenaient les événements mais Renji avait pris sa décision. Bien qu'elle ne l'approuvait pas, elle allait le soutenir de tout son cœur car elle savait que Byakuya était un adversaire impitoyable.

 

Quelques jours plus tard, Karin errait sans but dans la maison de son frère. En effet, depuis que le bal avait eu lieu, elle n'avait plus besoin de cours de danse et cette inactivité lui pesait sur le moral. Étant donné qu'elle n'était pas occupée, la jeune fille avait tout le loisir de songer à ce qui s'était passé lors de la visite du ravisseur de sa sœur.

En plus, Yuzu était toujours introuvable. L'inquiétude et la peur montaient au fil des heures et Orihime ne savait plus quoi faire pour lui changer les idées. D'autant plus qu'elle-même était vraiment inquiète. En frottant un verre, la rousse regardait sa belle-sœur du coin de l'oeil et ce qu'elle voyait ne lui plaisait pas. Elle se laissait aller et il fallait absolument éviter que cela se produise.

_ Karin ? l'appela-t-elle.

_ Oui, tu as besoin de moi ?

_ S'il te plaît !

Karin se demandait ce que la femme de son frère pouvait bien lui vouloir. Enfin, pour le savoir, il suffisait d'aller dans la cuisine. La jeune fille rejoignit Orihime d'un pas lourd et se mit devant elle sans la regarder.

_ Peux-tu m'aider à préparer le déjeuner ? Je n'ai pas d'idée.

_ Bien sûr, acquiesça la brune en enfilant un tablier.

Tout en préparant le repas du midi, Orihime essayait de la faire parler le plus possible, pour lui faire penser à autre chose. Cela marchait plutôt bien car Karin avait esquissé un sourire amusé à une anecdote à propos de son frère.

_ Je n'imaginais pas que mon frère avait pu se ridiculiser de la sorte, se moqua la brune en posant le couteau.

_ Tu vois, même lui n'est pas parfait, renchérit sa belle-sœur en souriant.

La porte d'entrée claqua soudain et les deux femmes se figèrent. Qui venait d'entrer dans la maison ? Avec un soupir de soulagement, elles virent apparaître la tête rousse d'Ichigo dans le couloir.

Le jeune régisseur les rejoignit dans la cuisine et huma le parfum qui se dégageait du plat posé sur la table.

_ Ça sent vraiment bon, ici, s'extasia Ichigo en voulant tremper un doigt dans la sauce.

_ Pas touche, lui interdit Karin en le frappant avec une cuillère en bois sur la main. Tu attendras de l'avoir dans ton assiette.

Cela faisait longtemps que la rousse n'avait pas vu le frère et la sœur se chamailler de la sorte et cela lui faisait du bien.

Karin ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel en voyant son frère faire le pitre. Elle se doutait bien qu'il faisait ça pour lui changer les idées et elle lui en était reconnaissante. La jeune fille mit la main devant sa bouche pour cacher le sourire moqueur qui s'étira sur ses lèvres. Décidément, quoi qu'il se passe, il ne changerait pas, se dit-elle avec amusement.

Heureusement qu'elle n'était pas seule car la brune savait qu'elle n'aurait pas tenu le coup sans le soutien d'Ichigo et de sa femme. De savoir sa sœur jumelle entre les mains de ce fou lui donnait la nausée mais elle essayait de sourire, même si souvent le cœur n'y était pas. Il fallait qu'elle le fasse, pour Yuzu.

En levant la tête vers le couple, Karin remarqua que son frère et la rousse la fixait étrangement. Qu'avaient-ils encore derrière la tête, ces deux-là ?

_ Il est temps de se mettre à table, informa Orihime en regardant l'horloge affichant 12h30. Vous pouvez mettre la table pendant que j'apporte les plats ?

Aussitôt demandé, aussitôt fait. La jeune fille et le régisseur se rendirent dans la salle à manger pour faire ce qu'Orihime leur avait demandé. Celle-ci prit place quelques minutes sur une chaise le temps de souffler un peu. Elle se sentait fatiguée et elle savait que c'était en partie à cause de sa grossesse. Mais le fait que la sœur d'Ichigo et Karin soit retenue prisonnière quelque part l'empêchait de se reposer correctement. La rousse espérait vraiment qu'elle allait bien et qu'elle tenait bon.

Se levant d'un seul coup, Orihime prit le plat de l'entrée pour l'amener sur la table de la salle à manger. Elle croisa en chemin Karin qui se rendait à la cuisine sans doute pour lui donner un coup de main pour tout ramener. La jeune femme lui adressa un sourire plein de tendresse. Toujours prête à rendre service, se dit-elle tandis qu'Ichigo lui prenait le plat des mains et lui dit d'aller s'asseoir.

Dix minutes étaient passées et les voilà tous en train de manger avec appétit. Karin lança un regard narquois vers son frère et secoua la tête, désabusée.

_ Tu peux parler de Renji mais tu n'es pas mieux, Ichi-nii...

Le jeune homme ne comprit pas la remarque de sa sœur jusqu'à ce qu'il vit les tâches sur la nappe blanche.

_ Tu abuses, je viens juste de la changer ! Franchement mon frère, je ne sais pas ce qui me retient.

Ichigo tira la langue à sa sœur, pour bien lui montrer qu'elle n'avait qu'à recommencer plus tard. Son visage redevint soudain sérieux. Il savait très bien que sa sœur manquait d'occupation et que ce n'était pas bon pour son moral.

_ Petite sœur, je sais que tu te sens désœuvrée. Ça te dirait d'apprendre quelque chose de nouveau ?

Karin ne savait que dire. Elle qui avait espéré donner le change, voilà que son aîné lui disait le contraire. À cette pensée, la jeune fille retint un soupir.

_ Quoi par exemple ?

_ A toi de décider.

La jeune fille réfléchit pendant quelques minutes à ce qu'elle voudrait faire puis une idée lui vint en tête. Mais elle hésitait un peu à cause du danger qui planait sur elle.

_ J'ai bien une idée mais...

_ Qu'est-ce que c'est ? demanda Ichigo en croisant les bras sur son torse.

_ Apprendre à monter à cheval.

Son frère fronça les sourcils, pas vraiment rassuré. Mais après tout, pourquoi pas ? Si elle faisait quelque chose qui l'intéressait, elle penserait moins à tout ça.

_ Je m'occupe de tout, petite sœur.

Le visage de la brune afficha un sourire ravi à la réponse d'Ichigo. Il aurait pu refuser, étant donné ce qui se passait, en ce moment.

Soudain des coups furent donnés à la porte d'entrée. Le jeune régisseur se leva et intima aux deux femmes de ne pas bouger en attendant son retour. Il fallait vraiment être prudent mais à peine regarda-t-il à la fenêtre juste à côté qu'il poussa un soupir. Ichigo déverrouilla la porte et l'ouvrit pour laisser apparaître son père dans l’entrebâillement de la porte.

_ Bonjour mon fils ! clama Isshin haut et fort en entrant dans la maison.

_ Qu'est-ce que tu es venu faire là, Papa ?

_ Quelle question ? fit le père en souriant de toutes ses dents. Je suis venu voir mes enfants, bien sûr !

Le roux leva les yeux au ciel en voyant le comportement exubérant de son paternel. Décidément, plus Isshin vieillissait, plus il devenait débile ! Ichigo ferma la porte et suivit son père dans le salon où Karin était installée.

Ichigo allait demander où se trouvait Orihime mais le bruit de l'eau lui indiqua qu'elle faisait la vaisselle.

Karin brodait avec application son prénom sur une serviette de bain que sa belle-sœur lui avait donné quand elle vit son père entrer dans la pièce, tout joyeux. Cependant elle n'avait pas vraiment le cœur à sourire, ce que le patriarche remarqua tout de suite. Il fit comme si de rien n'était pour ne pas la gêner.

_ Ma fille ! Tu m'as tellement manquée ! pleurnicha-t-il en se dirigeant vers elle à grande enjambée. Tu deviens plus belle de jour en jour !

_ Arrête le vieux, tu vois bien qu'elle est occupée, soupira le fils en le prenant par le col de sa chemise pour l'amener sur le canapé.

La jeune fille posa son ouvrage en soupirant. Même si son père était envahissant – c'était le moins que l'on puisse dire – elle était quand même contente de le connaître. Car maintenant, elle pouvait mettre un visage sur ce père qui lui avait tant manqué dans sa jeunesse.

_ Bonjour Papa, le salua-t-elle.

La mine triste de sa plus jeune fille alerta instantanément Isshin qui redevint sérieux. Ichigo lui semblait aussi préoccupé par quelque chose. Habituellement, son fils l'aurait frappé pour le calmer mais il n'en avait rien fait.

_ Que se passe-t-il ?

La question de leur père pétrifia Ichigo et Karin. Le roux soupira tandis qu'il voyait les larmes monter dans les yeux de sa cadette. Il ne comprenait que trop ce qu'elle ressentait.

_ Papa, on n'a pas pu te prévenir avant car tu étais absent mais quelque chose s'est passé et...

_ Quoi ?

Le jeune homme plongea son regard plein de souffrance dans celui de son père en posant une main sur l'épaule de Karin, pour la soutenir.

_ Karin a failli se faire enlever il y a trois nuits de ça...

Le visage d'Isshin s'assombrit brusquement à cette révélation. Il ne s'attendait vraiment pas à ça et pour la première fois de sa vie, il ne savait pas s'il serait capable de protéger ses enfants. Il donnerait cher pour savoir qui était le responsable de toutes leurs souffrances.

Orihime revint dans le salon à ce moment précis et l'ambiance tendue la frappa de plein fouet. Ichigo avait dû mettre son père au courant, se dit-elle en baissant les yeux. Les yeux pleins de rage contenue de son beau-père le lui disaient.

Karin, elle, sanglotait silencieusement dans les bras de son frère. La peur d'être enlevée à son tour et de ne jamais revoir sa sœur jumelle ne la quittait pas. Il y avait bien longtemps qu'elle avait perdu sa sérénité retrouvée depuis qu'elle habitait chez Ichigo. La jeune fille vit à travers ses yeux pleins de larmes que sa belle-sœur s'approchait d'elle.

La femme d'Ichigo prit doucement la main de Karin dans la sienne et l'emmena avec elle, afin de discuter entre femmes. Le sourire triste des deux hommes l'avait convaincue de prendre la bonne décision.

Toujours silencieusement, Orihime ouvrit la porte de la chambre de Karin et entra avec elle avant de refermer derrière elle. La rousse la vit avancer vers son lit et s'asseoir dessus.

Karin leva un regard interrogateur sur elle et prit la parole d'une voix hachée :

_ Pourquoi... on est là ?

Orihime prit le temps de s'asseoir avant de répondre.

_ Je pense que tu as besoin de parler, ça te ferait du bien.

L'adolescente comprit où la jeune femme voulait en venir. Elle voulait sans doute parler du duc, bien sûr. En même temps, Karin ne pouvait pas en parler à quelqu'un d'autre car seule Orihime était au courant. Enfin, le croyait-elle.

_ Je ne sais pas...

La brune ne voulait pas ennuyer sa belle-sœur avec ses soucis, elle avait bien d'autres chats à fouetter. Mais elle avait besoin de se confier, et enfin mettre des mots sur ce qu'elle ressentait. Elle avait besoin de penser à autre chose qu'à cette épée de Damoclès attendant le meilleur moment pour frapper.

 

Rukia n'avait jamais vu son frère adoptif se battre avec autant d'acharnement contre quelqu'un, même lorsqu'il était en colère. La jeune femme était même persuadée d'avoir vu à un moment l'ombre d'un sourire sur ses lèvres.

Même Renji semblait s'amuser, à son grand désarroi. Elle ne savait que penser de ce combat qu'elle estimait insensé.

Les deux hommes s'arrêtèrent enfin, complètement essoufflés. Elle les vit se saluer et Renji venait dans sa direction, un grand sourire sur son visage. Rukia l'avait rarement vu comme ça.

_ Alors Rukia, qu'en as-tu pensé ? s'enquit le jeune vicomte.

_ Vous êtes tous les deux de beaux imbéciles ! s'énerva-t-elle en se détournant.

En entendant la remarque de sa sœur, Byakuya haussa un sourcil. Il rangea les deux épées et rejoignit la jeune fille et le vicomte, une expression de mécontentement sur son visage.

_ Surveille ton langage, Rukia, la réprimanda-t-il.

La brune comprit qu'elle avait pensé à voix haute. «  Oh Seigneur ! Mon frère m'a entendue... » Elle baissa les yeux, contrite.

_ Pardon, Nii-sama, je me suis emportée.

_ Laissons cela, fit-il en secouant la tête.

Le duc Kuchiki se tourna alors vers le vicomte Abarai et le fixa de ses prunelles froides. Pour dire la vérité, il n'avait pas encore pris sa décision. Ce qu'il avait vu pendant le combat lui avait plu mais il avait encore besoin d'un temps de réflexion avant de prendre une décision aussi importante.

_ Vicomte, je ne donnerai pas ma réponse maintenant, l'informa-t-il d'un ton guindé. Je vous convoquerai pour vous faire part de ma décision.

Sur ces mots, le chef des Kuchiki repartit en direction de son château, en laissant seuls les deux tourtereaux.

Renji lâcha un intense soupir de soulagement. Au moins, il n'avait pas encore refusé, c'était déjà ça. Cela faisait très longtemps qu'il n'avait pas pris autant de plaisir à combattre contre quelqu'un et il en avait encore des frissons.

Mais la réponse vague donnée par le duc Kuchiki n'était pas au goût de Rukia car il l'entendit pester tout bas contre son frère. Il secoua la tête tout en posant une main sur son épaule, espérant la calmer. Lui aussi n'était pas enchanté d'attendre selon le bon vouloir du noble mais ils n'avaient pas vraiment le choix.

_ Qu'est-ce qu'il lui faut, bon sang ? grommela la jeune fille en fronçant les sourcils. Mon frère est vraiment têtu...

_ Ça ne sert à rien de se plaindre, Rukia, fit Renji en soupirant. Le fait est que c'est lui qui prend la décision, que ça nous plaise ou non.

Oh ça, Rukia ne le savait que trop. Depuis qu'il l'avait adoptée, il y avait de cela six ans, elle n'avait jamais été libre de prendre des décisions par elle-même. Pas qu'elle n'aimait pas son frère, loin de là, mais tout ça commençait à lui peser sur le moral.

_ Nous verrons bien ce qu'il aura décidé, conclut Renji d'un ton ferme. En attendant, il ne nous a pas interdit de nous voir...

_ Encore heureux ! le coupa la jeune fille en croisant les bras sur sa poitrine menue. Parce que là, frère ou pas, il aurait entendu parler du pays !

La colère de celle qu'il aimait ne baissait pas d'un iota alors le vicomte Abarai la prit dans ses bras et la serra contre lui. Ça avait toujours eu le don pour la calmer, quand elle était énervée. Cette fois-là ne faisait pas exception, se dit-il en sentant le corps de Rukia se détendre.

Maintenant, il fallait attendre. Après tout, Renji avait tellement attendu que Byakuya Kuchiki lui offre une chance de pouvoir épouser sa sœur que même un mois de plus ne le dérangerait pas. Allait-il consentir à leur mariage ? Ils allaient bien voir en temps voulu.

 

Une semaine plus tard, le temps était doux et ensoleillé et une certaine jeune fille se baladait à cheval. Un sourire léger ornait ses lèvres et ses cheveux ébènes flottaient au vent.

Karin ne regrettait pas d'avoir voulu apprendre l'équitation, elle se régalait. Même si au début, ce n'était pas gagné. Combien de fois était-elle tombée ? Elle ne les comptait plus. Mais à présent, on aurait dit qu'elle en avait fait toute sa vie – ou presque. Il lui arrivait encore d'avoir un équilibre précaire mais dans le pire des cas, elle n'était pas seule : Rukia l'accompagnait.

En effet, le matin-même, Karin avait eu l'agréable surprise de recevoir la visite de la Kuchiki venue lui proposer une promenade à cheval. La jeune fille n'avait pas eu l'intention de refuser. Alors les voilà toutes les deux, trottant pas très loin du village.

_ Tu te débrouilles bien pour une néophyte, la complimenta Rukia avec un sourire.

La sœur d'Ichigo la remercia avec un clin d'oeil. De temps en temps, elle laissait errer son regard sombre sur la végétation qui les entourait. Cet endroit était un petit coin de paradis, Karin se sentait un peu mieux, entourée de cette nature qui reprenait vie.

La neige avait fondu avec difficulté mais une fois le tapis blanc disparu, l'herbe verte avait fait son apparition.

Rukia lui fit signe de la suivre alors qu'elle mit sa jument au galop. Karin en fit de même, espérant ne pas chuter sur l'herbe. Il ne manquerait plus que ça ! Avec soulagement, elle avait fini par rejoindre la noble qui mettait pied à terre.

_ Ça te dit qu'on fasse une petite pause ? demanda la sœur de Byakuya en montrant un banc non loin de là.

_ Volontiers !

Les voilà maintenant assises côte à côte sur un banc de pierre semblable à celui qu'il y avait dans la cour de son frère.

_ Bon sinon, tu tiens le coup pour ta sœur ?

En entendant cette question, Karin baissa ses yeux sur ses deux mains jointes.

_ J'essaie mais ce n'est pas facile...

Rukia détourna son regard violet du parc pour le poser sur la jeune fille. La peur qu'elle percevait dans sa voix lui donna un pincement au cœur. Mais qui avait pu commettre un tel acte ? Quand elle avait vu Ichigo juste avant de partir, il lui avait semblé sur les nerfs. En même temps, il y avait de quoi.

_ Il faut que tu tiennes bon, ne montre pas à cette ordure que tu as peur de lui.

_ J'y compte bien !

En levant la tête, Karin vit le sourire rassurant de sa nouvelle amie et ça lui mettait du baume au cœur. Elle esquissa involontairement un sourire plein de reconnaissance.

_ Bon, sinon tu as quelque chose de prévu, lundi prochain ?

_ Non, pas que je sache, répondit Karin avec une lueur interrogative dans ses prunelles. Pourquoi tu me demandes ça ?

_ Est-ce que ça te dirait de venir dormir chez moi ?

Quoi ? Dormir chez elle ? C'était bien la première fois qu'on lui proposait une chose pareille ! En temps normal, elle en aurait été ravie mais là, avec le danger qui courait, ce n'était pas une bonne idée.

_ J'aimerai bien mais...

_ Il n'y a pas de mais, réfuta la noble d'un ton ferme. Ne t'empêche pas de vivre à cause de lui !

Rukia avait raison, bien sûr. Karin le reconnaissait volontiers. Cependant, elle n'était pas vraiment rassurée. À cette pensée, elle secoua la tête vivement.« Non mais arrête Karin ! On dirait une pauvre petite chose : reprends-toi, bon sang ! » lui intima la voix de sa conscience. « Ne te laisse pas marcher sur les pieds ! Tu es une Kurosaki ! Alors du nerf ! »

_ Dans ce cas, je demanderai la permission à Ichi-nii...

_ Pas la peine, l'interrompit la Kuchiki. C'est déjà fait.

Ça ne l'étonnait même pas. Elle commençait à bien connaître Rukia et Renji l'avait mise au parfum. D'ailleurs, en parlant de Renji...

_ Dis-moi, ça en est où avec Renji ?

La jeune Kurosaki vit le visage de son amie se rembrunir. Avait-elle dit quelque chose de mal ? L'avait-elle blessée ?

_ Mon frère réfléchit encore, lui apprit-t-elle le regard lointain.

Karin posa une main sur celle de Rukia en une étreinte réconfortante. Alors qu'elle allait lui répondre de ne pas s'en faire, la jeune fille vit deux cavaliers s'approcher d'eux au galop. Après quelques secondes, Karin reconnut avec surprise le duc Hitsugaya et sa fiancée. Oh non, pas elle !

_ Bonjour, mesdemoiselles, les salua le duc avec un léger sourire.

_ Bonjour, Votre Grâce, répondirent Rukia et Karin en exécutant une révérence.

Toshiro était à la fois étonné et ravi de trouver la sœur de son employé dans cet endroit. Il ne savait pas qu'elle avait appris à monter à cheval, s'étonna-t-il en voyant deux juments attachées à un arbre.

Hinamori, elle, était loin d'être enchantée de cette rencontre. Décidément, cette Karin était toujours là où elle ne devrait pas être, se dit-elle avec animosité. Malheureusement son fiancé semblait content, et cela lui déplaisait souverainement. Non mais pour qui se prenait-elle pour adresser la parole au duc ? Et en plus, elle faisait amie amie avec la sœur du duc Kuchiki. Voilà qui n'allait pas arranger ses affaires.

_ J'ai appris la nouvelle, vous allez bien ? demanda le jeune homme à Karin.

_ Disons que le choc est passé, répondit obligeamment la jeune fille.

Karin était vraiment heureuse de le revoir. Après tout, elle ne l'avait plus revu depuis le bal, presque deux semaines auparavant. Son cœur battait si fort qu'elle avait peur que tout le monde l'entende. Ses yeux de glace lui avaient tellement manquée... Et quelle prestance il avait lorsqu'il était à cheval...

Voilà qu'elle pensait comme une midinette, à présent ! Il fallait qu'elle reprenne ses esprits et vite !

_ Bon, je vais devoir vous laisser, ma fiancée m'attend, fit-il d'un ton désolé. À bientôt, mesdemoiselles !

Sur ces mots, le duc Hitsugaya partit au galop rejoindre la brune au chignon qui semblait s'impatienter. Il regarda une dernière fois derrière lui et aperçut la jeune sœur de son régisseur remonter en selle.

Rukia réfléchissait à ce qu'elle venait de voir. Elle n'avait jamais vu Karin aussi radieuse et elle pensait savoir ce qui se passait. Et Sa Grâce n'était pas en reste... « Voilà qui est intéressant, je vais la cuisiner un peu. » Elle attendrait que Karin vienne chez elle pour lui poser la question qui lui brûlait les lèvres. En tout cas, elle avait hâte d'y être.

 

Sur le chemin du retour, les deux femmes se promirent de remettre ça incessamment sous peu. Puis Rukia rentra chez elle au galop, suivi par son domestique.

Karin prit un raccourci pour rentrer au plus vite chez elle. Malgré ce qu'elle avait promis à son amie, elle n'était pas téméraire et en plus, elle était seule, à présent. Elle réprima un soupir de soulagement lorsque la silhouette de la maison de son frère apparut devant elle.

_ Bon, allez viens Tsuki, je vais te remettre à l'écurie.

Karin prit sa jument par la bride et la conduisit dans son box où elle pourrait se désaltérer. Après tout, elles avaient mené un train d'enfer pour rentrer au plus vite. Elle lui flatta l'encolure sans cesser de la regarder.

C'était une jument entièrement blanche mise à part une tâche noire sur le front qui rappelait un croissant de lune. Voilà d'où lui venait son nom. Elle se rappelait encore quand elle l'avait vue pour la première fois...

 

Flash-back, dix jours auparavant :

 

Karin brodait avec Orihime dans le salon quand un bruit de sabot se fit entendre devant la maison. Interloquées, les deux femmes se levèrent immédiatement et sortirent sur le perron. Tsuki était là, magnifique et fière, son frère la tenant par la bride.

_ Petite sœur, j'ai quelqu'un à te présenter, fit-il avec un sourire. Approche-toi, elle est très douce.

La jeune fille s'approcha doucement de la jument pour ne pas l'effaroucher et lui donna une carotte qu'Orihime avait été chercher entre-temps.

_ Bonjour, ma belle, ravie de faire ta connaissance, déclara Karin d'une voix douce.

L'animal hennit doucement comme pour lui rendre son salut.

_ Alors, elle te plaît ? lança son frère aîné.

_ Elle est magnifique, lui assura-t-elle.

_ Tant mieux parce qu'elle est à toi.

Karin n'en croyait pas ses oreilles. Mais comment... ?

_ Quoi ? Tu peux répéter ?

Orihime rejoignit son mari et confirma d'un sourire. Elle comprenait la surprise de sa belle-sœur mais elle avait besoin de s'occuper l'esprit. Et quoi de mieux qu'un animal à bichonner ?

_ Merci...

Heureux de ce dénouement, Ichigo lui fit signe de le suivre derrière la maison. Là se tenait une petite écurie avec tout ce qu'il fallait pour s'occuper de la jument. Karin était aux anges. Sans le prévenir, elle sauta dans les bras de son frère en répétant inlassablement le même mot. Elle n'aurait pas pu rêver meilleur cadeau.

_ Et comment s'appelle-t-elle ? demanda la jeune fille lorsqu'elle était calmée.

_ C'est à toi de lui trouver un nom, petite sœur, lui apprit le roux. Elle est jeune, tu sais... Ses anciens propriétaires voulaient la vendre à quelqu'un qui prendrait soin d'elle. En effet, ils sont très âgés et j'ai dû leur promettre de lui trouver un nom et de bien la traiter.

Karin avait écouté attentivement les explications de son frère. Un nom... Qu'allait-elle pouvoir lui donner comme nom ? Une tâche noire sur son front attira particulièrement son attention. On aurait dit un croissant de lune... Ça y est ! Elle avait trouvé !

_ Je vais l'appeler Tsuki, fit-elle en fixant la jument d'un regard tendre. Ça te plaît, Tsuki ?

La jument hocha la tête de haut en bas, comme pour faire signe qu'elle acceptait.

 

Fin Flash-back.

 

En revenant dans la réalité, Karin s'aperçut que le soleil était déjà haut dans le ciel. Oh Seigneur ! Il fallait vraiment qu'elle rentre. Après un dernier signe à la jument, la jeune fille sortit rapidement du box et se dépêcha de rentrer dans la maison.

Lorsqu'elle ferma la porte derrière elle, la brune réprima un soupir de soulagement. Elle enleva son manteau et ses chaussures et alla les ranger dans le placard de l'entrée.

Karin n'entendait aucun bruit venant de la cuisine. Or habituellement, Orihime préparait le repas à cette heure-ci. Ah oui, elle avait oublié qu'elle était partie faire des courses et que Renji l'accompagnait. Donc si elle se souvenait bien, son frère était dans son bureau en train de travailler...

_ J'ai soif, tiens !

La jeune fille se rendit tranquillement dans la cuisine afin de prendre un verre d'eau quand un détail l'alerta. Pourquoi la fenêtre était-elle ouverte ? Elle était persuadée qu'elle ne l'était pas quand elle était partie avec Rukia, il y avait quelques heures. Et Orihime n'aurait jamais ouvert, étant donné la fraîcheur de l'air ainsi que le danger omniprésent pour Karin.

Tentant de réprimer son inquiétude, la brune fit comme si de rien n'était et prit un verre dans le placard au dessus de l'évier. Puis en faisant couler l'eau froide, elle se sentit intensément observée. Des frissons lui parcouraient l'échine mais elle prit sur elle et se concentra sur cette sensation. Mais oui, c'était la même présence que l'autre soir !

Ni une ni deux, la jeune fille prit ses jambes à son cou et courut rejoindre son frère dans son bureau. Essoufflée, elle entra sans frapper, ce qui fit relever les yeux d'Ichigo.

Le roux n'appréciait vraiment pas d'être dérangé pendant son travail – surtout quand il avait mille choses à faire – mais quand il vit que l'inopportun était sa sœur et qu'en plus elle était affolée, il alla tout de suite vers elle.

_ Qu'est-ce qui se passe, petite sœur ? Pourquoi toute cette agitation ?

Karin avait du mal à reprendre son souffle mais il fallait quand même qu'elle prévienne son frère donc elle lui dit d'une voix hachée :

_ Ichi-nii... Il... Il est là... J'en... suis sûre ! Je l'ai... Je l'ai senti qui m'observait !

Cette nouvelle fit l'effet d'une bombe dans l'esprit d'Ichigo. Cet enfoiré osait revenir les narguer ? Il allait voir de quel bois il se chauffait !

_ D'accord, reste là Karin, lui intima-t-il d'une voix tendue.

La jeune fille opina du chef tandis qu'elle voyait son frère sortir en trombe de la pièce. Pourquoi revenait-il maintenant ? On dirait qu'il prenait plaisir à semer le doute dans l'esprit des gens. Cependant, Karin n'eut pas le loisir d'y réfléchir très longtemps car la voix narquoise qui hantait ses cauchemars résonna dans le bureau :

_ Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vu... Je t'ai manquée ?

Oh non ! Mais qu'est-ce qu'il fichait là ? Et justement Ichigo qui était parti vérifier dans toute la maison s'il ne le trouvait pas, voilà que le visiteur indésirable était justement dans la même pièce qu'elle ! Quelle chance elle avait...

Elle se retourna dans l'espoir d'apercevoir enfin son visage mais elle ne vit qu'une silhouette encapuchonnée qui l'épiait tel un vautour. Cette image ne la rassurait pas vraiment.

_ Tu es un comique, toi ! balança Karin sans trembler. Tu prends vraiment tes désirs pour des réalités !

La réplique de la brune n'était pas pour faire plaisir au bandit inconnu. Elle avait repris du poil de la bête, ce n'était pas bon. Et de plus, elle osait le prendre de haut. Il fallait qu'il trouve un moyen pour lui faire perdre ses moyens, pour la rendre plus vulnérable.

_ Au fait, Yuzu te passe le bonjour, fit-il d'une voix chantante.

La réaction de Karin ne se fit pas attendre : son visage s'était décomposé à la mention de sa sœur. Comment osait-il jouer avec elle de la sorte ? Il allait voir ce qu'il allait prendre !

_ Tu n'as pas le droit de prononcer son nom, gronda Karin en lui jetant un regard noir. Je te l'interdis !

À cette phrase, le ravisseur vit rouge. Comment osait-elle lui interdire quoi que ce soit ? Pour qui se prenait-elle, cette petite peste ? Des images de tortures plus alléchantes les unes que les autres apparaissaient dans son esprit dérangé. Oh oui, elle allait payer pour s'être moquée de lui de la sorte.

Sans attendre un instant, il lui attrapa le bras violemment et essaya de l'attirer vers lui. Mais c'est qu'elle mordrait, cette garce ! Au moment même où il allait lui porter un coup sur la nuque pour l'assommer, il l'entendit hurler :

_ Ichi-nii ! Il est avec moi !

_ Tu as de la chance pour cette fois mais ne te fais pas d'illusion, l'avertit le bandit en passant par la fenêtre. Le Diable n'est jamais loin, un accident est si vite arrivé, le savais-tu ?

Sur ces paroles sibyllines, l'homme prit rapidement la poudre d'escampette. Et il avait bien fait car quelques secondes seulement plus tard, Ichigo était de retour, plus énervé que jamais.

En se souvenant de l'avertissement du ravisseur, Karin se figea. Mais pourquoi était-il parti sans elle ? Enfin, tant mieux pour elle mais la jeune fille ne comprenait pas ce qu'il avait en tête. On aurait dit qu'il les narguait avant de réellement passer à l'action au moment où ils s'y attendraient le moins. Quel être sournois !

Sans qu'elle ne s'en soit rendue compte, des larmes de peur et de soulagement mêlés coulaient sur ses joues et ne semblaient pas vouloir s'arrêter.

La voix pressante d'Ichigo la ramena dans le présent.

_ Où il est, Karin ?

_ Il.. Il est parti avant que... que tu n'arrives, lui révéla-t-elle sans lever les yeux.

Bon sang ! jura le jeune homme en envoyant son poing dans le mur de rage.

Le roux inspira profondément pour tenter de reprendre son calme. Il fallait procéder par ordre : d'abord s'occuper de sa sœur qui lui paraissait assez éprouvée nerveusement. Il la voyait trembler alors qu'il était à l'autre bout de la pièce. Ichigo s'approcha lentement d'elle pour ne pas l'effrayer et effleura son épaule du bout des doigts.

Aussitôt qu'elle sentit la présence de son frère aîné juste à côté d'elle, Karin n'y tint plus : elle se réfugia dans ses bras pour tenter de calmer ses nerfs mis à rude épreuve. La brune agrippait désespérément la redingote noire d'Ichigo qui ne la repoussa pas, trop occupé à lui caresser les cheveux.

_ Karin explique-moi, la pria-t-il en la faisant asseoir sur le sofa qu'il gardait dans son bureau. Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

L'adolescente leva un regard sombre mouillé de larmes vers lui et frissonna en comprenant sa demande. Elle se comportait vraiment comme une poule mouillé mais c'était plus fort qu'elle. Elle ne se contrôlait plus et sa peur avait atteint des sommets.

Ichigo prit place près d'elle et la serra contre lui. Ce comportement n'était vraiment pas habituel chez sa jeune sœur. Jamais il ne l'avait vu perdre pied à ce point et il ne savait pas comment se comporter avec cette nouvelle Karin plus émotive.

_ Parle-moi, dis-moi ce qui s'est passé... Après ça, tu iras mieux.

La jeune fille revint péniblement à elle en entendant la voix suppliante d'Ichigo. Ses prunelles noisettes étaient empreintes d'inquiétude à son sujet. Karin sortit de sa torpeur et commença à raconter sa conversation – si l'on pouvait dire ça ainsi – à son frère.

_ Aussitôt que tu es sorti de la pièce, il a manifesté sa présence en me demandant si je lui avais manqué... Puis je n'ai pas pu m'empêcher de le provoquer, tu me connais...

Le visage du roux afficha un léger sourire amusé, pour détendre un peu l'atmosphère. Oh oui, il la connaissait bien sa petite sœur ! Enfin là n'était pas la question, se dit-il. Il porta son attention aux paroles de Karin.

_ Ensuite il a parlé de Yuzu, ça m'a énervée et je lui ai interdit de prononcer son nom.

La brune se rappela qu'après ça, l'homme avait sensiblement perdu son sang-froid, lui donnant des frissons désagréables le long de sa colonne vertébrale. Elle prit sur elle pour terminer ce qu'elle avait à dire et serra dans le même temps la manche de son frère.

_ Après, il a perdu patience et il m'a attrapée par le poignet, fit-elle en lui montrant l'hématome.

En voyant la marque sur le poignet de Karin, Ichigo sentait sa colère le submerger mais il se contrôla, ce n'était pas le moment de s'énerver.

_ Puis je t'ai appelé et là, il m'a dit quelque chose de bizarre : ''Le Diable n'est jamais loin'' et il m'a dit aussi de faire.... attention à moi parce qu'un accident était si vite arrivé, acheva la jeune fille dans un soupir.

Une phrase avait interpellée Ichigo au moment même où Karin l'avait prononcée : « Le Diable n'est jamais loin »... Bon sang, c'était la même personne qui avait envoyé les lettres à son père, au duc Hitsugaya et à sa fiancée ! Il ne comprenait plus rien. Quel rapport pouvait-il bien y avoir entre ces trois lettres et ses sœurs ? En tout cas, il devait absolument prévenir son employeur et son père des dernières nouvelles.

Maintenant Ichigo en était certain : tout ça ne faisait que commencer...

 

Au même moment dans la résidence ducale des Hitsugaya, Toshiro se trouvait seul dans son bureau et son esprit était complètement chaotique. Trop de choses en tête l'empêchait de se concentrer correctement sur son travail et le mauvais pressentiment qui le tiraillait n'arrangeait pas les choses.

Sa fiancée venait de quitter les lieux, à son grand soulagement. Elle voulait rester déjeuner avec lui mais il avait prétexté énormément de travail pour refuser. Le duc n'aurait pas pu supporter sa présence plus longtemps.

Karin Kurosaki ne quittait pas ses pensées, quoi qu'il fasse. En plus, le fait qu'elle soit en danger lui donnait des sueurs froides. Pourquoi cette affaire le touchait-elle autant ? Ça n'avait aucun sens ! Elle n'était rien pour lui, rien d'autre que la sœur de son employé. Alors pourquoi lui accorder autant d'intérêt ?

_ Bon sang ! jura-t-il tout bas. Qu'est-ce qui m'arrive ?

Le noble aux cheveux d'argent n'entendit pas frapper et la porte s'ouvrit, le laissant étonné.

_ Votre Grâce, j'ai une missive urgente de Monsieur Ichigo, le prévint Shin en posant la feuille sur le bureau.

_ Kurosaki ?

Ce n'était pas le genre de son régisseur d'envoyer des messages. Il fallait vraiment que ce soit important. Cela ne lui disait rien de bon.

_ Merci, Shin, fit-il distraitement.

Le majordome s'inclina et referma la porte derrière lui. Son jeune maître lui avait semblé très préoccupé et il n'aimait pas le savoir dans cet état. Réprimant un soupir, il repartit dans la cuisine où l'attendaient les autres.

Toshiro, lui, hésitait encore à ouvrir l'enveloppe qui contenait le message du roux. Au bout de quelques instants, il céda à la tentation et déchiffra la missive avec des yeux surpris et plein de colère à la fois.

 

Votre Grâce,

Je me permets de vous envoyer cette lettre pour vous prévenir de quelque chose d'important : ce midi, nous avons eu la visite de celui qui en veut à mes sœurs et il a failli emmener Karin une fois de plus. Et ma sœur m'a fait part de quelque chose qui devrait vous intéresser, notre mystérieux individu a dit une phrase qui ne vous est pas inconnue : Le Diable n'est jamais loin.

Bien qu'on ignore toujours lequel, il y a un lien entre la lettre que vous et votre fiancée avez reçu et cet homme.

 

Avec tout mon respect,

Ichigo Kurosaki.

 

Le duc Hitsugaya n'en croyait pas ses yeux. Cette histoire devenait vraiment étrange, ce qui n'était pas pour le rassurer. Ainsi, la jeune fille avait encore failli être enlevée ! Il tapa violemment son poing sur le bureau de frustration. Alors, cet homme avait recommencé ? Et heureusement, il avait encore échoué... mais pour combien de temps ? Le noble en était sûr : cette ordure repasserait à l'action au moment où ils s'y attendraient le moins.

L'idée qu'il ne pourrait jamais plus la voir lui traversa l'esprit et il sentit son cœur sombrer dans sa poitrine. Toshiro n'imaginait plus vivre sans elle et bien qu'il ne sache pas pourquoi, elle était devenue très importante pour lui. Il ne se rappelait même pas comment c'était arrivé, sans doute à son insu.

En plus, son mariage approchait dangereusement et il ignorait toujours comment l'annuler. La pensée de devoir passer le restant de sa vie avec une femme qu'il n'aimait pas lui était vraiment insupportable. Surtout qu'en plus, aux dires de son père, il n'était même pas fiancé. Mais à présent, tout le monde était au courant et s'il rompait maintenant leurs fiançailles, un gros scandale éclatera et éclaboussera son nom. Et Dieu savait à quel point Toshiro tenait à l'honneur de sa famille. Seule une femme pouvait le faire si elle avait été bafouée mais le jeune homme savait pertinemment que Momo Hinamori ne ferait jamais une chose pareille. Elle tenait trop à ce mariage.

C'est pas vrai, mais que devait-il faire à la fin ? Et la menace qui pesait sur la jeune Kurosaki ne l'aidait pas à y voir plus clair. Le jeune seigneur prit sa tête entre ses mains et poussa un soupir. Que ne donnerait-il pas pour savoir la jeune fille en sécurité... Mais il ne pouvait pas faire grand-chose pour l'aider, ce n'était pas son rôle. Toshiro se sentait tellement impuissant que ça lui donnait la nausée.

_ Bordel !

Il se leva soudain et porta ses prunelles turquoises sur le parc de sa propriété. Ses pensées vagabondaient cette fois encore vers la jolie brune et pour la première fois, il ne tenta pas de les arrêter. Il revoyait son sourire si lumineux, sa façon si amusante de se chamailler avec son frère, ses yeux de nuit pleins de larmes qui les faisaient ressembler à un ciel étoilé. Et aussi son caractère emporté, elle ne cachait rien de ce qu'elle éprouvait, ses prunelles reflétaient tout.

Jamais le duc n'avait eu de telles pensées à l'égard d'une femme et cela le déboussolait complètement. Il ne serait jamais cru aussi sentimental, ça ne lui ressemblait tout simplement pas. Qu'une simple roturière lui inspire de tels sentiments était vraiment étonnant.

Sentiments ? Ce mot interpella Hitsugaya aussi sûrement qu'un coup de poing en plein visage. C'était donc ça ? Il fit les cent pas dans son bureau, comprenant enfin ce qui lui arrivait. (NDA : avec un grand temps de retard... *voit un dragon de glace venir vers elle à toute vitesse* à plus tard, il faut que je me sauve ! )

Voilà pourquoi l'idée de son mariage s'approchant à grands pas ne lui plaisait pas ! Voilà pourquoi il était aussi étrange, depuis quelques temps !

_ Depuis si longtemps, et je ne me suis rendu compte de rien... Quel idiot tu fais...

Son cœur s'accéléra dans sa poitrine et là, il le reconnaissait enfin : il était tombé amoureux d'une femme qu'il connaissait à peine. Il avait fallu qu'elle se retrouve en danger pour qu'il le comprenne.

Quelques coups frappés à la porte l'arrachèrent à ses pensées troubles.

_ Entrez ! fit-il d'un ton impatient.

Le battant de la porte bougea pour laisser place à son majordome. La mine sombre, celui-ci ne quittait pas son jeune maître des yeux. Shin n'aimait pas ce qu'il voyait dans ses yeux turquoises, si caractéristiques de cette famille. De la douleur, de la peur et une autre chose qu'il ne saurait pas définir.

_ Monsieur Toshiro, commença le domestique d'un ton hésitant. Je sais que quelque chose vous tracasse et je n'aime pas vous voir comme ça.

Le jeune seigneur était éberlué. C'était la première fois depuis sa naissance que Shin se permettait d'être aussi familier avec lui. Enfin, cela ne le dérangeait pas vraiment. Pour lui, le majordome faisait presque partie de sa famille.

_ Tout le monde s'inquiète pour vous, lui apprit-il en s'approchant un peu de lui.

Toshiro soupira. Ainsi donc, même ses domestiques s'inquiétaient pour lui. C'est dire à quel point il s'était relâché depuis un certain moment. Avant, jamais il n'aurait laissé transparaître ses émotions.

_ Excusez-moi, Shin, soupira le duc en se rasseyant. Je ne voulais pas vous inquiéter.

Le domestique souffla intérieurement de soulagement. En effet, il avait eu peur pendant un instant que son maître ne lui reproche ses paroles.

_ En tout cas, si vous voulez parler, je suis là pour vous, termina Shin en s'inclinant devant lui.

Le noble lui adressa un petit sourire reconnaissant sans répondre. Il vit son majordome s'éclipser en emportant le plateau de son petit-déjeuner.

Toshiro reporta son attention sur la fenêtre donnant sur le jardin. Même si il avait enfin compris ses sentiments à l'égard de la jeune Karin, il ne pourrait jamais être avec elle, dans l'état actuel des choses. Il était toujours promis à une autre femme et en plus, le frère de la jeune fille était on ne peut plus protecteur avec elle.

Le jeune duc se trouvait dans une impasse.

 

La nuit était tombée depuis longtemps sur le village endormi et une silhouette vêtue de noir s'approcha de la maison des Kurosaki, silencieuse. Il n'entendait aucun bruit et cela fit naître un rictus de triomphe sur ses lèvres. « Enfin, cette fois c'est la bonne » se dit-il en montant les marches du perron menant à l'entrée.

Au bout de quelques instants, il réussit à ouvrir la porte et se faufila tel un chat à l'intérieur. Il valait mieux quand même rester sur ses gardes, on n'était jamais trop prudent. À pas de velours, il grimpa à l'étage et s'arrêta devant une porte précise. Heureusement qu'il savait où elle se trouvait, sinon il aurait perdu un temps précieux à la chercher.

En ouvrant la porte, celle-ci se mit soudain à grincer et l'homme cessa tout mouvement. Ce n'était pas le moment de se faire repérer comme un imbécile.

_ Bonsoir, belle endormie, fit-il en s'approchant de la silhouette allongée sur le lit. Cette fois, tu ne m'échapperas pas.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Il appliqua un tissu imprégné de chloroforme sur le nez de la jeune fille qui ne se rendit compte de rien. Une fois cela accompli, il entreprit de mettre un peu de désordre dans la pièce pour qu'on croit qu'il y ait eu lutte. Il s'en donnait à cœur joie. Après tout, il fallait être le plus crédible possible...

Quand il fut satisfait de son œuvre, il prit sous son bras le corps recouvert de sa victime et sortit sans faire aucun bruit de la maison toujours dans les bras de Morphée.

Pour ceux qui passaient par cet endroit en cette nuit nuageuse, ils purent voir détaler une silhouette noire emporter un paquet assez volumineux et se fondre dans la nuit.

 

Laisser un commentaire ?