Vasto Lorde

Chapitre 1 : A cause d'une écharpe

4721 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 08:00

   J'ai froid... On est en hiver donc c'est normal, mais ça reste quand même désagréable. De plus, il a fallu qu'aujourd'hui, j'oublie mon écharpe ! Ce n'est peut-être pas la plus belle mais au moins, elle tient chaud. J'ai beau avoir remonté mon col jusqu'en haut, ça ne vaut pas une vraie écharpe... En même temps, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même : non seulement j'ai été trop fainéant ce matin pour faire demi tour et rentrer la chercher (surtout que je me suis rendu compte que je ne l'avais pas à seulement cinquante mètres de ma porte et que j'étais parfaitement dans les temps par rapport au début des cours) mais en plus, j'ai passé l'après-midi à étudier à la bibliothèque. Par conséquent, je suis sorti à la fermeture et il faisait nuit alors que si j'étais sorti plus tôt, j'aurais pu profiter un peu du soleil et de sa chaleur.

   C'était vraiment un manque d'anticipation de ma part parce que je suis à présent dehors au moment de la journée où il fait le plus froid et qu’en plus je n'ai pas pensé une seule seconde qu'à cette époque de l'année, les passages du monorail sont moins fréquents. Je me retrouve donc à devoir rentrer à pied. Non pas que je sois trop fatigué ou trop chargé, mais il fait noir, froid et je n'ai qu'une envie : me poser au chaud dans ma chambre. C'est donc sans aucune hésitation que je rentre en empruntant le chemin le plus court.

   J'adore mon université. Néanmoins, ce que je lui reproche, c'est qu'elle se trouve tout près d'une cité vraiment craignos. En général, les voyous qui y habitent restent dans leur trou pendant la journée. Des agents de sécurité sont postés un peu partout sur le campus, ce qui fait que les racailles préfèrent laisser tomber ce territoire parce que sinon elles ne pourront pas le vandaliser en paix. Malheureusement, ça ne les décourage pas toutes pour autant parce que du jour au lendemain, des murs se sont déjà retrouvés tagués et des voitures brûlés. Ces incidents restent assez rares mais ce n’est pas rassurant pour autant, surtout qu'il y a déjà eu des histoires d'étudiants agressés et certaines d’entre elles étaient très violentes, voir très graves.

   Je crois que vous voyez à présent où je veux en venir : le chemin le plus court m'oblige à passer près de la cité, c'est-à-dire l'endroit de la ville où la délinquance est la plus importante. Ce n'est peut-être pas prudent mais quand vous êtes fatigué, que vous êtes pressés et que vous êtes sûr de vous, alors vous avez cette petite voix dans votre tête qui, malgré les instructions et les avertissements, vous dit : "Et puis merde, allons-y à l'arrache !".

   Le monorail que j'emprunte d'habitude fait le tour de la ville et il a au moins trois arrêts dans l'université : un au niveau de la bibliothèque, un dans le parc du campus et un à proximité du département des sciences. Ce moyen de transport est en général bondé car il passe par les quartiers d'étudiants (là où j'habite), ce qui fait que le monorail est le moyen le plus pratique de se rendre en classe.

   Pour le chemin court (celui que j'emprunte en ce moment), il m'oblige à longer une voie ferrée qui sépare la cité du campus. Tout ce que j'ai à faire est de continuer jusqu'à un pont qui passe au-dessus d’une route. Le pont en question ne permet pas aux piétons de le traverser. Il y a simplement des escaliers sur les côtés qui permettent de descendre et après, soit on tourne à gauche, auquel cas on passe sous le pont et on rejoint la cité, soit on tourne à droite et après il n'y a plus que quelques pattés de maisons à traverser pour atteindre le quartier d'étudiants où se trouve  ma chambre.

   Moi, je suis étudiant. Je suis en première année et loue une chambre dans une résidence relativement proche du campus et utilise tous les jours le monorail qui traverse l’université. Comme je l’ai dit précédemment, c’est le moyen de transport le plus prisé des étudiants, c’est pourquoi j’évite les heures de pointe afin de ne pas finir serré comme dans une boîte à sardine et pouvoir me poser avec un bon livre car j’adore lire. C’est d’ailleurs mon passe-temps principal depuis que j’ai emménagé. Alors oui, la télé, c’est sympas aussi mais les quelques chaînes en noir et blanc, ça ne fait pas rêver.

   J’ai récemment lu « La Machine à Explorer le Temps » d’Herbert Georges Wells où, aussi surprenant que cela puisse paraître, la chose qui me préoccupe le plus encore aujourd’hui est l’irréversible relation proie et prédateur qui s’est installée avec le temps entre les êtres humains, au point de les distinguer en deux races distinctes : les Eloïs, paisibles, et les Morlocks, carnivores. Mes hantises quand à ce genre d’histoire ne se sont pas vraiment apaisé par la publication d’ouvrages comme « Etes-vous un prédateur ou une proie ? ».

   Néanmoins, le livre qui me parle le plus est celui que je lis en ce moment : « Que voulez-vous pour le prochain millénaire ? ». C’est un ouvrage appelant à la solidarité et incitant à ouvrir les yeux sur l’individualisme de plus en plus nuisible qui ronge notre monde. Je l’ai d’ailleurs remarqué en voyant que, progressivement, les étudiants s’éloignaient les uns des autres et commençaient à s’observer, comme si nous avions jusqu’alors été à l’école comme si nous vivions dans un enclos et que du jour au lendemain, les barrières étaient tombées et que plus personne ne savait reconnaître ses semblables et cherchait à savoir si chaque individu se trouvant à sa proximité était un souffre-douleur ou une menace.

   Il y a différents passages qui m’ont marqué, notamment : « il suffit que quelques un s’y mettent pour que l’on puisse faire bouger les choses » ou encore « Bon nombre veulent faire pour vous ce qu’ils voudraient que l’on fasse pour eux. A vous de leur montrer que vous en seriez digne ». Le titre est adressé aux étudiants comme moi car, comme le sociologue qui a rédigé cet ouvrage le dit si bien : « Quand nous entrerons dans le millénaire suivant, vos enfants eux-mêmes seront étudiants. Profitez des décennies qui s’offrent à vous et veillez à leur offrir quelque chose de meilleur que vous pourrez contempler le moment venu ».

   J'arrive au niveau du pont. Pendant que je descends en préférant la pente de gazon aux escaliers, j'aperçois une affiche sur laquelle figure la photo d’un politicien dont le visage a été trop gribouillé pour être identifiable, avec pour slogan "Parce qu'on n'arrête pas le progrès !". Je pense à haute voix : "Il en a de bonnes celui-là. On nous promet le progrès, seulement ça fait vachement longtemps que les étudiants comme moi attendent avec impatience ces fameux téléphones portables, utilisables n'importe où, ce qui ne nous obligerait pas à devoir toujours chercher des cabines téléphoniques".

   L'atmosphère de la nuit et la présence de ce pont me renvoient à l’atmosphère oppressante de "La Machine à Explorer Le Temps", et à un autre ouvrage que j’ai récemment ajouté à ma bibliothèque, traitant qu’un tout petit changement anodin peut nous paraître négligeable, voir insignifiant, et pourtant avoir un incroyable effet boule de neige et provoquer des changements insoupçonnés dans notre vie. Le changement auquel je pense tout de suite est le fait de ne pas avoir pris mon écharpe et cela peut paraître extrême mais je ne peux m'empêcher de voir l'étudiant que je suis comme un Eloï, les voyous de la cité comme des Morlocks et le tunnel devant moi comme le passage qui m’expose à eux. A cette pensée, un vent froid me traverse et un frisson me parcours des pieds à la tête.

   Allez, pas de panique. Je ne risque rien, je...

BAM !

   J'entends ce terrible bruit au moment où je m'apprêtais à traverser la route. Je me tourne en direction de sa provenance, c'est-à-dire sous le pont, et aperçois un groupe de quatre ou cinq racailles autour d'un étudiant gringalet. Le chef de la bande plaque le mec paniqué contre la paroi du tunnel pendant que ses sbires rigolent. La résonnance me permet d'entendre en partie ce qu'ils disent.

- Qu'est-ce qui va pas, p'tite merde ? T'as pas compris que t'avais pas le droit de passer par ici ?

- Je suis désolé... Je savais pas...

- Tu savais pas, hein ? Tu savais pas qu'ici, c'est notre territoire ? Qu'il faut payer la taxe pour passer ?...

- Je vous jure, je savais pas...

- Ouais, tu savais pas... C'est utile de savoir des choses, tu sais ? Par exemple moi, je sais que si je frappe là...

   Le mec lui envoie son poing en plein dans l'estomac.

-... Eh bien ça fait très mal.

   Le chef s'écarte. L'agressé, plié en deux fait un ou deux pas pendant que les sbires rigolent jusqu'à-ce que l'un d'entre eux, à sa gauche, lui mette une droite dans la joue. Un autre (position : arrière droite) sors une matraque et le tape derrière le genou droit avec. Genou à terre, le gringalet cri pendant que le dernier gars l'attrape par les cheveux, lui tire la tête en arrière et lui met un coup en pleine figure.

- "Purée... Faut faire quelque chose !", pensais-je.

   Je me sens dans le besoin d'intervenir mais je me rends à l'évidence : ce serait du suicide ! Je ne suis pas habitué à une telle violence. En plus d'être déstabilisé par ce que je vois, je suis forcé de reconnaître que je ne sais pas me défendre ! J'ai beau avoir déjà fait du judo, je sais simplement mettre en pratique un art martial dont les combats se pratiquent à la loyal et avec un arbitre. Le combat de rue n'a rien à voir avec tout ça : en plus de n'avoir aucune règle, il nécessite un mental préparé. Il est évident qu'aucun de ces gars ne me laissera me placer pour utiliser mes prises et que je n'aurais rien qui s'apparente aux films d'actions où les méchants viennent chacun leur tour en employant des coups grossiers et maladroits.

   Le chef s'avance vers le gringalet en train de se tortiller.

- Je crois que t'as compris à qui t'avais affaire. Maintenant tu payes !

- C'est... C'est trop !

- C'est trop quoi ?

- C'est trop cher ! Je ne peux pas vous payer cette somme... Chacun.

- Ah, c'est trop ? On dirait qu'il y a autre chose dont tu n'as as trop eu !

   Le mec à la matraque se glisse derrière le pauvre gars et l'oblige à se relever, son arme sous le menton de la victime. Le chef lui met alors une droite dans les côtes.

   Je ne sais vraiment pas quoi faire : je refuse de m'enfuir mais je ne peux me résoudre à intervenir... Je peux appeler au secours, mais je doute que qui que ce soit m'entende surtout qu'en général, à l'entente d'un appel à l'aide, les gens ont l'habitude de s'enfuir ou de se cacher. La seule solution consiste à appeler la police, mais la cabine téléphonique la plus proche est trop loin d'ici... Et si je ne fais rien, ça risque de dégénérer...

   L'agressé est de nouveau étalé par terre et le chef sort un couteau.

- J'ai trouvé beaucoup plus intéressant que l'argent, ne t'en fais pas. On va bien rigoler ! Tenez-le, je vais voir si sa chair est tendre.

- Non... Non ! Pitié !

- Arrêtez !

   Plus personne ne bouge. Les racailles se tournent vers moi.

- Hein ?

   Bordel. Qu'est-ce qui m'a pris ?

- Je vous ai dit d'arrêter !

- C'est à nous que tu parles ?

- Oui.

   J'avance un petit peu. Je parais assuré mais au fond, je suis mort de trouille et ne sens plus mes jambes. Les délinquants arrivent autour de moi, me coupant toute retraite. Je ne laisse rien paraître mais je me sens encerclé par une meute de chiens enragés. Le chef, agitant son couteau, me défi du regard.

- On ne t'a pas appris à te mêler de tes affaires, à toi ?

   Silence.

- Qu'est-ce que tu nous veux ?

- Je veux... Je veux que vous laissiez tranquille ce pauvre gars.

   Le méchant a un petit rire.

- Tu te fous de ma gueule, c'est ça ?

   Re-silence.

- Non mais attends : on fait ce qu'on veut ! On est chez nous ici. Pas vrai les gars ?

   La bande cri en cœur "OUAIS" !

- Tu viens sur mon territoire, tu me donnes des ordres et tu te fous de ma gueule ? Crois-moi : ça, ça ne va pas passer.

   Il me plaque contre la paroi et me met son couteau sous la gorge.

- Je... J'accepte de tout oublier si tu nous laisse partir !

- Et pourquoi je ferais ça ?

- La police... Elle arrive...

- Quoi ?

   Le mec me relâche et recule un peu.

- Tu me sors quoi, là ? C'est quoi ces conneries ?

- Mon pote est déjà en train de leur téléphoner.

- Comment-ça ? Quel pote ?

- Quand je suis arrivé... J'étais avec un ami. On vous a vu et identifié et je lui ai dit d'aller prévenir la police pendant que je m'assure que ça ne dégénère pas.

- C'est pas possible... Il n’a pas pu nous voir...

- Quatre mecs assez grands, dont au moins un armé. L'un d'eux a des dreadlocks, l'un est chauve et un troisième a des piercings sur le visage. Il sera possible de vous reconnaître.

   Les toutous commencent à s'inquiéter. Le chef me plaque à nouveau contre le mur et approche son couteau de mon œil.

- Tout ça, c'est des cracs ! Qui me dit que tu dis la vérité !

- C'est à toi de voir mais je crois que tu sais déjà avec quelle option tu as le moins à perdre.

   Le chef hésite. Il a vraiment envie de m'enfoncer sa lame dans l'œil mais ses sbires, affolés, le convaincs de laisser tomber. Le mec recule.

- ça... ça se passera pas comme ça !

   C'est bon, la bande se disperse. Les sous-fifres repartent vers la cité tandis que leur meneur prend la direction opposée. C'est surement un manque de vigilance de sa part. De toute façon, il lui suffira de faire demi-tour et de traverser la voie ferrée pour pouvoir retourner là d'où il vient. De mon côté, je me rends auprès du pauvre gars encore sous le choc.

- Est-ce que ça va ?

- Ou... Ouais, ça va. Aouch ! Non, ça va pas du tout. Ils... Ils m'ont fait super mal...

- T'inquiètes pas mon pote, ça va aller.

   Mouais, ça va aller à moitié. J'ai eu du bol de ne pas trop les énerver et surtout qu'ils croient à mon bobard. Je les ai dispersés mais le danger n'est pas écarté pour autant.

- Mais comment t'en est arrivé là, mon pote ? Qu'est-ce que tu fiches dans ce coin dangereux ?

- Moi-même je me le demande... J'étais juste... Ah... Aïe !

- ça va, J'ai compris. Calme-toi. J'habite pas loin et la gardienne de la résidence a une trousse à pharmacie ainsi qu'une formation de secouriste. Je t'emmène et on s'occupera de toi sur place avant d'appeler une ambulance.

   Je pousse un soupir de soulagement. La violence dont ces sales types ont fais preuve est aberrante mais dans la rue, si un gland cherche la bagarre, il l'aura. Il sera toujours capable de trouver à quelqu'un un motif selon lui légitime de lui casser la gueule. L'étudiant, toujours allongé, essaie de reculer, pointe son doigt vers moi et peine à crier.

- Du calme, tout va bien. Qu'est-ce qui...

- Tant pis pour les flics, tout ce qui m'importe, c'est d'effacer la satisfaction de ta sale gueule.

- Hein ?

   Je reconnais la voix venant de derrière-moi. Avant même que je n'ai le temps de me retourner, le chef des délinquants m'attrape par les cheveux, me tire la tête en arrière et enroule son bras autour de mon cou.

- Voilà ce qui arrive quand on veut jouer les héros !

   Je tente de me débattre mais lorsque je sens le froid de la lame pénétrer ma chair et m'ouvrir la gorge en arc de cercle, je comprends qu'il est déjà trop tard. Ma trachée artère est presque totalement tranchée et je sens immédiatement mon sang y couler, ce qui contribue à m'étouffer. Le leader me lâche, je tombe lourdement face contre terre puis il se dirige vers sa première victime, prise de panique.

- Toi !

- Non ! Non, pitié !

   Le taré lui met le genou sur le torse, la main sur le front et approche le couteau de son visage.

- T'oublie tout ce qui s'est passé ici, t'entends ?!

- Pi... Pitié ! Je dirais rien, promis, j'dirais rien !

- Y a intérêt pour toi parce que je te préviens : si la police apprend quoi que se soit, je te retrouverais ! Je te retrouverais et alors là, tu verras que ce que ce mec a reçu, c'est vraiment rien par rapport à ce que je te ferais !

   Mon agresseur s'en va en courant pendant que l'autre blessé pleure.

   "A l'aide... Pitié... A l'aide ! J'ai mal, j'étouffe... J'arrive plus à respirer... S'il vous plaît... que quelqu'un m'aide... Me laissez pas tombé... Je ne mérite pas ça... Par pitié..."

   Je ne m'entends même plus penser. J’ai de plus en plus froid et mes forces me quittent tandis que ma vue et mon ouïe s'atténuent peu à peu...

   Soudain, alors que je ne sentais plus rien, une sirène me réveil. J'ouvre un œil et aperçois des lumières rouges et bleus. Je me tourne, me redresse, me frotte les yeux puis vois autour de moi beaucoup de gens : il y a la police, une ambulance et des tas de gens inquiets que les flics gardent à distance. Le mec qui avait été agressé est interrogé par les policiers pendant que les brancardiers lui préparent un lit. Je porte ma main à ma gorge et sens que ça a l'air d'aller puisque je ne saigne plus. Je ne sens même plus la plaie. Un policier passe devant moi, je l'interpelle.

- S'il vous plait, chef. Qu'est-ce qui se...

   Le flic trace et m'ignore totalement.

- O-Kay....

   Je vois qu'avec l'autre étudiant, les flics tentent de rester patients.

- S'il te plait jeune homme. Il faut que tu nous aide.

- Non. Je suis désolé, je ne me rappelle de rien.

- Prends ton temps et souviens-toi.

- Il... Il faisait noir, je n'ai rien vu...

- Le tunnel est très bien éclairé.

   Des brancardiers passent avec un lit sur lequel est couché un sac noir contenant un cadavre.

- Gamin, on doit arrêter son meurtrier et tu es le seul témoin. Il faut que tu nous racontes tout ce qui s'est passé et que tu nous décrives le coupable.

- Non... Non je ne le ferais pas !

- Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as été menacé ?

- Je... Je mettrais pas ma sécurité en jeu parce qu'un boulet n'a pas su où était sa place !

   Un boulet ?!

- Un boulet ?!

- Parfaitement, un boulet ! Il savait pas se défendre et je lui ai rien demandé ! C'est pas ma faute si cet idiot s'est jeté tête baissé dans ce plan suicidaire !

- Ce plan suicidaire ? CE PLAN SUICIDAIRE ?! Un instant s'il vous plait !

   Le policier intercepte les brancardiers. Je m'avance lentement pendant que l'officier commence à ouvrir le sac.

- Euh... Monsieur l'agent... Excusez-moi mais qu'est-ce qui se...

   Encore une fois, je suis ignoré. Le policier se tourne vers l'autre étudiant et ouvre le sac à la fin de sa phrase.

- Tu te rends compte que ça aurait pu être toi ?

   Je suis comme foudroyé : c'est moi ! Le cadavre dans le sac, c'est moi ! Je suis inerte avec la gorge grande ouverte. J'ai un haut le cœur et m'agenouille pour vomir.

- Il a eu le courage de venir à ton secours et toi, tu l'en reproches ?!

   Le policier referme le sac et retourne vers l'autre garçon mais les brancardiers lui demandent d'en rester là pour le moment avant de l'emmener. Je me redresse tant bien que mal et tente de m'approcher de lui.

- Monsieur l'agent... Il doit y avoir une erreur, je suis vivant.

   Encore ignoré, je m'énerve et cours vers lui.

- Hey, arrêtez cette plaisanterie ! Je vous dis que je suis...

   Je suis violement tiré en arrière, retenu par quelque chose.

- Aoh... Mais qu'est-ce que...

   C'est alors que je remarque une chaîne plantée au milieu de mon torse et reliée au mur à côté duquel je m'étais auparavant écroulé.

- Pourquoi je suis enchaîné ?

   Les gens autour de moi commencent à s'en aller.

- Attendez... Ne partez pas ! Je suis là, juste devant vous ! je suis...

   Une personne passe et me traverse.

- Non... C'est pas vrai... Je ne suis quand même pas devenu un fantôme...

   Je cours, je cri, j'appelle, je pleure... Par pitié, que quelqu'un me remarque !

   Soudain, quelque chose m'affole. Je sens comme une énorme masse sombre dans les environs, comme si j'étais sur le territoire de chasse d'un horrible monstre. Terrorisé, je me mets en boule et prie pour qu'il s'en aille. Fort heureusement, il ne reste pas longtemps. Mais je réalise que les autres gens s'en vont aussi. C'est fini : je suis bel et bien devenu un fantôme.

- Par pitié... Je vous en supplie... Que quelqu'un vienne... Je suis vivant.

Mais hélas non, j'étais mort et ce n'était que le début de ce qui m'attendais.

...

J'aurais dû retourner chercher mon écharpe.

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