The New Substitute

Chapitre 8

4127 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/03/2017 16:19

Bien avant que le soleil ne dédaigne émettre ses premiers rayons lumineux dans le ciel étoilé de la Soul Society, une Shinigami aux cheveux blonds comme les blés sortit de sa léthargie.

Son état de fatigue fut tel que le simple fait d’ouvrir les yeux releva d’un effort considérable. Lorsqu’elle y parvint finalement, Tsunata tenta d’analyser la situation : elle se trouvait confortablement installée contre son matelas charnu, emmitouflée dans son épaisse couverture d’hiver. Un simple tiraillement subsistait là où, la veille, cette horrible douleur s’était fait ressentir.

Peu à peu, ses souvenirs émergèrent ; la seule question qui resta sans réponse fut si son coéquipier allait bien, si son aide lui avait été entièrement bénéfique ou s’il présentait encore quelques séquelles de l’attaque surprise menée par le Hollow.

C’est ainsi qu’elle se rendit compte que quelque chose était anormal : un poids s’exerçait sur sa main gauche et l’englobait d’une agréable chaleur. Résolue par sa curiosité débordante, elle redressa péniblement sa nuque et observa la source de cette sensation enivrante.

Ses pommettes arrondies prirent une teinte défiant celle de la chevelure du Vice-Capitaine de la Sixième Division lorsqu’elle réalisa que son beau coéquipier aux cheveux ébène s’était assoupi, assis sur une chaise à ses côtés, la tête posée sur l’un de ses bras contre le lit de la blonde ; inconsciemment ou non, il avait saisi sa main et la serrait tendrement dans la sienne tandis que son pouce caressait par moments sa peau claire.

Tsunata n’en revint pas elle-même : il y eût de cela moins d’une journée, elle pensait encore qu’il la détestait pour ce qu’elle était, ce qu’elle représentait, alors que maintenant, Shûhei dormait paisiblement près d’elle. Cette constatation étira ses lèvres dans un doux sourire.

Tout à coup, une envie lui noua la gorge : cette imposante cicatrice qui marquait le visage séduisant du ténébreux sous l’apparence de trois griffes parallèles l’obsédait littéralement. Non pas qu’elle lui trouvait quelque chose de repoussant, bien au contraire : cela lui donnait un charme qu’elle ne pouvait nier. Sans cela, elle n’aurait su dire s’il l’aurait obnubilé à ce point.

En réalité, c’était un tout chez le jeune homme qui l’avait fait complètement chavirer la première fois que leur regard s’était croisé.

A présent, de par son inconscience et l’air apaisé qu’il arborait, la tentation de faire glisser ses doigts le long de ces trois balafres devint trop intense. N’écoutant plus sa raison, elle finit par commettre l’acte dicté par ses pulsions.

Sa peau était douce, comme elle l’avait imaginé, et la sensation provoquée par le toucher de ces marques accélérait son rythme cardiaque. Dans une lenteur infinie, elle suivit du bout des doigts le parcours offert par les cicatrices du ténébreux et en savoura pleinement chaque instant.

Cependant, ses caresses extirpèrent progressivement le Vice-Capitaine de son sommeil. Aussi, lorsqu’il se mit à papillonner, Tsunata effectua un brusque mouvement de recul.

 Encore légèrement déboussolé et endormi, Shûhei se gratta nonchalamment l’arrière du crâne et lança à sa coéquipière un regard mi-clos interrogateur.

– Qu’est-ce qu’il se passe, Tsunata ?

– Rien, bafouilla-t-elle, rendors-toi, il est tôt.

Comprenant qu’elle lui mentait une fois de plus, il décida de s’éveiller définitivement ; la Shinigami s’était cachée sous sa couverture, seuls ses yeux verts en dépassaient et semblaient ne pas vouloir qu’il pousse son observation plus loin.

N’obéissant qu’à lui-même, le soldat de la Neuvième Division voulut abaisser l’épaisse masse chauffante qui dissimulait sa partenaire, mais son geste ne fut pour autant accompli : la main qu’il avait voulu diriger vers elle retenait prisonnière celle beaucoup plus petite de Tsunata.

Shûhei exécuta alors le même bond en arrière que la jeune femme précédemment, détachant dans la foulée ce qui les liait l’un à l’autre.

– Pa… pardon, Tsunata !

– Non, ce n’est pas…

– Je me suis inquiété pour toi alors j’ai décidé de veiller sur ton état toute la nuit mais j’ai dû m’assoupir, dit-il d’une traite. Je suis désolé !

Tsunata sortit de sa cachette et lui saisit l’avant-bras avant qu’il n’ait eu le temps de partir, dévoilant au grand jour ses joues rougies et son regard gêné.

– Merci d’être resté, commença-t-elle, mais…

– Ne t’en fais pas, la coupa-t-il, je m’en vais.

Sa prise sur le brun se fit plus intense, aussi la considéra-t-il avec intérêt. Plantant son regard intense dans le blanc de ses yeux, la blonde susurra timidement :

– Reste encore, s’il te plaît.

Le cœur de Shûhei s’emballa tandis que ses yeux s’agrandirent à leur paroxysme et que le rouge lui monta aux joues, totalement hébété par cette proposition inopinée.

Sans prendre la peine de répondre, il entreprit de retourner s’installer sur la chaise qui l’avait déjà accueilli une bonne partie de la nuit, mais Tsunata ne l’entendit pas de cette oreille ; elle se redressa et se décala, à présent adossée contre le mur, non sans émettre une légère grimace de douleur.

– Tu dois être fatigué, supposa-t-elle. Tu ne vas quand même pas dormir là-dessus ?

– Bien sûr que si, affirma-t-il. Pour… pourquoi ?

– C’est hors de question ! protesta la blonde. Viens !

Elle tapota la place qu’elle venait de lui faire, donnant lieu à de nouvelles couleurs flamboyantes sur les joues du Vice-Capitaine.

– Je… je ne peux pas, bégaya-t-il.

– Pourquoi ? s’enquit Tsunata.

– Si Kurosaki … Et puis tu es une… et moi un…

Elle agrippa sa main et le tira vers elle, l’obligeant à s’appuyer contre le matelas pour ne pas perdre l’équilibre.

– Ne dis pas de bêtises, le gronda-t-elle. Viens, et ne discute pas. Si ça te gène que je sois là, alors c’est à moi de partir ; j’ai déjà suffisamment dormi comme ça.

Déterminée à tenir parole, elle commença à s’extirper de son nid douillet et posa un pied à terre.

Malheureusement pour elle, sa convalescence n’ayant eu le temps de s’achever pleinement, ses jambes défaillirent sous son poids. Shûhei se redressa et la rattrapa dans un geste vif avant la fin de sa chute, la ramenant une fois de plus contre son torse partiellement découvert.

– T’es une vraie tête de mule ! Qu’est-ce qui te prend de te lever comme ça après la quantité de reiatsu que tu as utilisé ? Je n’ai jamais dit que ta présence me gênait, c’est plutôt à moi de m’inquiéter pour ça !

Dans une tendresse surnaturelle, il la ramena contre son lit et l’aida à s’asseoir de nouveau.

– Si mes souvenirs sont justes, il me semble t’avoir déjà dit que ça ne me gênait pas si c’était toi, rappela-t-elle.

Les yeux argentés du brun s’écarquillèrent.

– Pourquoi ? demanda-t-il.

Elle détourna son visage, faisant mine de bouder pour camoufler son embarras.

– Cesse de poser des questions et viens, ordonna la remplaçante.

Ne se faisant prier plus longtemps, Shûhei accepta sa requête et s’adossa contre le mur, comme la blondinette. Lorsqu’elle lui passa la couverture sur les jambes, il n’émit aucune opposition, son cœur battant à tout rompre par-delà ses côtes.

Encore épuisée par sa guérison spectaculaire, Tsunata se laissa glisser contre l’épaule de son coéquipier et ferma doucement les yeux.

Interloqué par un tel comportement à son égard, le ténébreux lui jeta un regard soudain, découvrant ainsi la vue la plus attendrissante qu’il n’ait jamais contemplé.

– Si je t’ennuie, tu peux me le dire et je me pousserai, dit-elle dans un murmure.

– Ça ne m’ennuie pas du tout, sourit-il discrètement.

– Sûr ?

– Certain.

Son calme le surprit lui-même : d’un naturel timide, jamais il n’aurait songé se retrouver dans une pareille situation, encore moins de réagir ainsi. Mais il fallait bien qu’il l’avoue, pour rien au monde il n’aurait cédé sa place à qui que ce soit.

Bien qu’il fût certain de la relation qu’entretenaient sa coéquipière et le Shinigami remplaçant de Karakura, il profita égoïstement de cette proximité inattendue.

– Merci d’être resté, chuchota-t-elle avant de se laisser emporter par le sommeil.

Après un instant de contemplation silencieuse, Shûhei replaça une des mèches d’or de Tsunata derrière son oreille et murmura :

– Merci à toi d’exister.

Le Vice-Capitaine de la Neuvième Division laissa sa tête se poser contre celle de sa coéquipière et, bercé par les effluves enivrantes de son parfum sucré, s’endormit dans une facilité stupéfiante.

Un rayon de soleil brûlant pour la saison passa à travers le verre de la modeste fenêtre et vint agacer l’œil clos de Shûhei Hisagi.

Dans un faible grognement, il s’éveilla et constata qu’en dehors de lui, le lit de la blondinette qui s’appropriait ses songes était vide. Apparemment, elle l’avait placé dans une position plus confortable que celle qu’il avait adopté pour s’endormir car, dorénavant, il se trouvait allongé de tout son long, la tête contre l’oreiller moelleux imprégné de l’odeur de sa coéquipière, la couverture remontée jusqu’au cou.

Il décida de se renseigner sur l’heure, souhait exaucé par la petite pendule qui trônait sur un des murs de la pièce. Cependant, le verdict se fit sans appel. Prit par la panique, il s’écria en se débattant dans les draps :

– Tsunata ?

Ladite Tsunata arriva en grandes trombes, affolée par le timbre de son coéquipier.

– Que se passe-t-il ? s’empressa-t-elle.

– Pourquoi tu ne m’as pas réveillé ?

Elle observa l’heure, puis replaça son regard sur le Shinigami, une main appuyée sur la hanche, l’autre le désignant de la cuillère en bois qu’elle tenait.

– Tu avais besoin de dormir, dit-elle en fronçant les sourcils. De toute façon, nous sommes de garde ce soir. Tu peux te reposer encore un peu.

– On doit rendre au Commandant notre…

– Rapport de mission ? finit-elle. C’est déjà fait.

Shûhei écarquilla les yeux.

– Quoi ? lâcha-t-il, surpris.

– Je m’en suis occupée après m’être levée. Le Commandant trouve étrange que ce Hollow ait réussi à pénétrer dans le Seireitei aussi soudainement. Il nous demande de veiller à ce qu’il n’en apparaisse pas d’autres cette nuit, donc repose-toi.

Prenant quelques secondes pour se remettre de ses émotions, le ténébreux constata que, sans le vouloir, Tsunata réalisait son plus grand souhait : elle prenait soin de lui, comme un véritable membre de la famille qu’il n’avait jamais eu.

Tandis qu’il la regarda le sermonner avec sa cuillère dans la main, un sourire s’étira sur ses lèvres. C’est alors qu’il remarqua une trace de poudre blanche sur sa joue.

– Qu’est-ce que tu fais ? s’enquit-il.

Du tac-au-tac, elle lui répondit dans un sourire triomphant :

– Le petit déjeuner !

– Le… hein ?

La Shinigami si impulsive au caractère exécrable qu’il avait l’habitude de voir laissait place petit à petit à une jeune femme pleine d’attention et de tendresse.

Devant l’air éberlué avec lequel son coéquipier la dévisageait, la remplaçante rougit légèrement.

– Ce n’est pas grand-chose, dit-elle en regardant le vide, mais je me suis dit qu’il fallait que tu reprennes des forces après t’être tant occupé de moi. Je voulais te faire plaisir pour te remercier.

S’il ne l’avait pas vu de ses propres yeux, jamais il ne l’aurait cru.

Se dressant d’un bond sur ses longues jambes, il se dirigea vers le coin cuisine que la blonde s’était aménagé dans la petite maison qu’elle habitait lors de ses séjours à la Soul Society. Lorsqu’il entra, sa mâchoire faillit se décrocher.

Tsunata arriva derrière lui et se mit à jouer nerveusement avec ses doigts.

– J’aurai aimé faire plus, mais tu ne m’en as pas laissé le temps.

Que se serait-il produit s’il ne s’était pas réveillé ? La petite table à manger de la suppléante était couverte de denrées en tout genre dont il ignorait noms et provenances. Néanmoins, l’odeur alléchante qui s’en dégageait dans la pièce lui suggéra que ce devait être un délice encore inconnu de son palais.

– Tu… tu en as déjà assez fait, assura-t-il.

La jeune femme passa devant lui avec son fier sourire rayonnant et présenta chacun de ses plats.

– Alors, ça, c’est une brioche tressée. Là, ce sont des croissants et des pains aux raisins ; j’espère que tu aimes les fruits secs. Après, j’ai fait des crumbles. Il y en a aux pommes et aux fruits rouges. En fait, j’espère que tu aimes les fruits tout court, ria-t-elle. Ensuite, j’ai préparé des biscuits sablés au beurre ; c’est très bon, enfin, normalement. Je voulais faire un fondant au chocolat, mais tu t’es réveillé avant que je n’ai eu le temps de commencer à préparer la pâte. Par contre, si tu veux quelque chose de salé, je peux te faire des œufs de la manière qui te plaît.

Shûhei tomba des nues en la voyant s’affairer joyeusement dans sa cuisine.

– Oh, et pour boire, il y a du jus d’orange, du thé et du café. C’est un café italien savoureux qu’Orihime a déniché dans une petite boutique de Karakura, tu devrais aimer.

– Tsunata, d’où… d’où viennent toutes ces choses ? demanda-t-il, les sourcils froncés.

– C’est moi qui les ai faites ! sourit-elle.

Le ténébreux en resta pantois.

Passant une main dans sa nuque, la blonde poursuivit :

– Ce sont des spécialités européennes, la plupart françaises. Pour tout t’avouer, j’adore leurs pâtisseries ! Du coup, je ne connais que leurs recettes, j’espère que ça te plaira quand même.

Plongeant son regard dans celui de sa coéquipière, Shûhei bégaya en s’empourprant :

– Je… je ne sais pas quoi dire…

– Je sais que ce n’est rien, affirma-t-elle, mais je tenais à le faire en guise de ma sincère gratitude, et aussi d’excuses.

– D’excuses ? répéta-t-il.

– Oui, tu as été blessé par ma faute…

Il se dirigea vers elle et lui saisit affectueusement le menton.

– Ce qui s’est passé hier n’est pas de ta faute, assura Shûhei, et tu n’as à me remercier de rien. C’est plutôt à moi de t’être reconnaissant de m’avoir sauvé.

– Ce n’est rien, je…

– Saches que je prendrais toujours soin de toi, l’interrompit-il. On forme une équipe, maintenant.

D’abord surprise, Tsunata finit par lui adresser un tendre sourire accentué par ses quelques mignonnes rougeurs.

– Tu n’aurais pas dû te donner tant de mal pour moi mais, merci, reprit le brun. Personne n’a jamais fait une telle chose pour moi, ça me touche beaucoup.

– Ne me remercies pas encore ; après tout, rien ne garantit que tu vas aimer, qui sait ! Tu me le diras quand je sortirai de la douche. Bon appétit !

– Quoi ? Tu ne manges pas ?

– Moi ? J’ai déjà déjeuné tout à l’heure, ne t’en fais pas. Sers-toi tant que tu veux, tout est pour toi !

Puis elle partit, laissant le Vice-Capitaine seul dans cette caverne aux mille trésors culinaires, hébété au point de n’oser y toucher.

Chaque jour depuis aussi loin qu’il s’en souvenait, Shûhei avait rêvé d’un jour être choyé par une jeune femme qui s’inquièterait de son bien-être et donnerait de son temps pour lui ; depuis presque aussi longtemps, il s’était résigné à ce que ce ne soit rien de plus qu’un fantasme auquel il songeait lorsqu’il se retrouvait seul.

Et voilà qu’était arrivé ce petit être blond, cette Shinigami remplaçante aux pouvoirs phénoménaux, qui lui avait redonné espoir en cet avenir radieux. Cette montagne de délices dressée uniquement pour sa personne le ravissait tant elle le déprimait car, bien que Tsunata représentait à elle-seule tout ce à quoi il avait prétendu des années durant, elle n’en restait pas moins destinée à une autre personne, quelqu’un comme elle.

Il finit toutefois par trouver sa place autour de la table. Tout chez elle respirait l’ambiance européenne : les meubles, la décoration… absolument tout !

Il se servit une tasse de ce fameux café qui semblait faire la fierté de sa coéquipière. A cela, il ajouta une viennoiserie de chaque, ainsi qu’une tranche de cette brioche fumante à l’odeur succulente.

Tout ce qui entrait dans sa bouche mettait ses papilles en émois : chacune des gourmandises préparées par les soins de Tsunata faisait naître en lui une explosion de saveurs. Il se surprit même à penser naïvement que si la blonde était quelque chose de comestible, son goût serait sûrement semblable à l’un de ces délices sucrés.

Shûhei aurait aimé que ce moment ne connaisse jamais sa fin, mais il termina son copieux petit déjeuner en savourant chaque bouchée ; bien qu’il restât encore sur la table plus de la moitié des préparations de la jeune femme, son estomac était arrivé à saturation.

Il entreprit de nettoyer le peu de vaisselle qu’il venait d’utiliser. Sa tasse en mains, distrait par ses rêveries, il percuta brusquement une des chaises. Sous le choc, le mug s’échappa de sa prise et s’écrasa en de nombreux éclats au sol.

– Merde ! siffla-t-il.

– Shûhei ?

Le ténébreux se pencha pour ramasser les morceaux de céramique gisant çà et là dans la pièce quand il entendit des bruits de pas s’approcher de lui à grande allure.

– Tout va bien, Tsunata. Fais attention, tu risques de te…

En levant les yeux sur sa coéquipière, le Vice-Capitaine lâcha tout ce qu’il tenait.

– …couper, souffla-t-il.

Tsunata se trouvait devant lui, le corps ruisselant de milliers de gouttelettes d’eau et de quelques amas de mousse. Ses formes étaient dissimulées derrière une serviette de coton blanche s’arrêtant à la naissance de ses cuisses tandis que ses cheveux mouillés – légèrement en bataille – et ses joues rosées par la chaleur humide de sa douche la rendaient on-ne-peut-plus irrésistible.

Sentant le sang lui monter au nez et son faciès s’empourprer, Shûhei détourna promptement le regard et flanqua sa main contre la partie inférieure de son visage, se donnant accessoirement une gifle cinglante.

– Shûhei ! paniqua la blonde. Est-ce que ça… Aïe !

Alors qu’elle se précipitait à son secours, Tsunata marcha sur un fragment de tasse pointu à souhait. Tandis que son sang coulait à flot, elle se baissa pour constater l’ampleur des dégâts.

– Je t’avais bien dit de faire attention, la sermonna le brun.

Grave erreur que fut celle de se retourner pour s’assurer de l’état de santé de sa camarade car, ainsi, Shûhei et elle se trouvèrent nez-à-nez. De plus près, la beauté de la remplaçante n’en était que plus flagrante : son cou fin sur lequel se plaquaient ses mèches dorées humides lui fit tourner la tête, ses yeux scintillaient de divers éclats et, s’il osait descendre le regard de quelques centimètres – ce qu’il fit –, le début de sa généreuse poitrine s’offrait à lui par-delà le tissu immaculé qui la couvrait.

Cette fois-ci, le saignement de nez devint inévitable.

– Tu t’es blessé ? s’inquiéta-t-elle.

Elle saisit une feuille de tissu absorbant au-dessus d’elle, la plia grossièrement et exerça une pression sur la narine sanguinolente de son coéquipier.

– Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-il dans un maigre mouvement de recul.

– Ne penche pas la tête en arrière, commanda Tsunata. Laisse-moi faire.

Shûhei se plia à sa volonté et se laissa dorloter. Bien que cela n’eût rien d’habituel pour lui et qu’il se délecta de cette attention savoureuse qui lui était portée, il sût que rien n’allait s’arranger si elle s’obstinait à rester dans cette tenue qui aurait rendu fou n’importe quel homme sain d’esprit.

– Tu ne devrais pas plutôt t’occuper de ton pied ? dit-il en axant son regard le plus loin possible d’elle.

– Pour quoi faire ? fit-elle d’un air absent.

Subjuguée par les soins qu’elle lui prodiguait, la blonde en oubliait sa propre entaille.

– Tu viens de te blesser, crut-il bon de rappeler.

– Oui, et ?

– Et tu devrais t’en inquiéter davantage, il me semble.

Tsunata poussa un interminable soupir entre ses lèvres parfaitement dessinées.

– La régénération spontanée, tu te souviens ? Je n’ai déjà plus rien et puis, m’occuper de toi me semble plus important que de me comporter comme une égoïste, tu ne crois pas ?

Shûhei, d’abord bouche bée, se mit à bégayer :

– Ça… ça va mieux. Merci, Tsunata. Tu… tu peux aller t’habiller, maintenant…

Elle baissa son regard vert sur sa tenue, puis changea radicalement de couleur ; le ténébreux comprit qu’elle avait oublié sa condition alors même qu’elle se tenait devant un homme tout ce qu’il y a de plus normal.

Plaquant son bras libre sur sa poitrine, la Shinigami remplaçante balbutia :

– Pardon, je… je suis désolée !

Après lui avoir accordé le privilège de maintenir la pression qu’elle exerçait sur son nez, elle courut aussi vite qu’elle le pût vers sa salle de bain, se coupant de plus belle avec un morceau d’éclat tranchant.

– Ah, merde ! lâcha-t-elle sans même stopper sa course.

Le Vice-Capitaine de la Neuvième Division gloussa discrètement en songeant à quel point cette fille pouvait être particulière.

Seulement, quelque chose frappa son esprit de plein fouet, comme une évidence à laquelle il n’avait jusque là prêté aucune attention : la flaque de sang qui jonchait le sol n’avait rien de normal, c’était beaucoup trop pour une simple plaie sur la voute plantaire, qui plus est lorsqu’on savait que celle-ci s’était refermée d’elle-même dans la minute suivante.

Certains faits ne concordaient pas entre eux, aussi Tsunata Nara demeurait encore un mystère entier.




Laisser un commentaire ?