The New Substitute
– A droite, fais attention !
Un sabre fendit l’air.
– Je l’avais vu mais, merci quand même !
Après un sourire discret, le jeune homme aux cheveux noirs comme l’ébène reprit part au combat.
Un Hollow, puis deux, puis trois. Les kusarigama de Shûhei Hisagi effectuaient leur danse meurtrière dans le ciel des premiers districts de Rukongai à la perfection.
– Il y en a de plus en plus, constata-t-il.
– Je m’en charge !
La jeune femme aux cheveux d’un blond semblable à de l’or bondit dans l’azur.
– Tranche, Tetsuribon !
Alors que l’imposant sabre de cette dernière s’allongeait dans un tourbillon de rubans de soie rose, Tsunata Nara asséna le coup de grâce aux derniers survivants venus du Hueco Mundo pour perturber le calme de la Soul Society.
Une fois sa tâche effectuée, la Shinigami remplaçante atterrit face à son coéquipier, son plus beau sourire sur les lèvres tandis que son zanpakutô, revenu à sa forme originelle, reposait paresseusement sur son épaule droite.
– Mission accomplie ! s’exclama-t-elle.
Le Vice-Capitaine de la Neuvième Division sourit à son tour, avant que tous deux ne reprennent leur route vers les quartiers du Capitaine-Général.
Deux mois s’étaient écoulés depuis que les deux acolytes avaient été désignés pour former une équipe. Bien que leur entente dans les débuts ait laissé à désirer, ils étaient aujourd’hui plus soudés que les doigts de la main.
Le soir, lorsqu’il était seul – ce qui était relativement rare depuis quelques temps –, Shûhei aimait se remémorer toutes les fois où Tsunata et lui avaient créé de nouveaux liens. Oui, à l’heure actuelle, il pouvait affirmer que jamais auparavant il n’eut été aussi attaché à quelqu’un que par la présente.
Leur complicité était telle que, aussi bien au cours d’un combat que le reste du temps, les mots n’étaient pas nécessaires pour qu’ils se comprennent ; seul un regard suffisait pour qu’ils devinent ce que l’autre pensait.
Cette capacité avait fait d’eux le duo le plus puissant du Gotei 13. Leur efficacité devenue légendaire pour effectuer n’importe quelle mission reposait également en grande partie sur le fait que leur désir de se protéger l’un l’autre dépassait l’entendement et ne laissait guère d’ouverture à l’ennemi. Izuru Kira était dans le vrai : la présence de la Shinigami remplaçante avait littéralement changé la vie de son meilleur ami.
Alors que les deux inséparables traversaient les rues animées du Seireitei – salués par tous leurs semblables –, Shûhei et Tsunata s’épanouissaient à parler de choses et d’autres.
– Tu veux venir manger chez moi, ce soir ? demanda-t-elle.
– Tu m’as déjà invité toute la semaine, Tsunata, soupira-t-il d’un air amusé.
– Eh bien, je t’invite encore ! sourit la blonde. Ça te pose un problème, Shûhei ?
Tandis que quelques rougeurs prenaient possession du visage de Shûhei – comme il en était souvent question depuis deux mois maintenant –, il caressa affectueusement le dessus de la crinière dorée de sa camarade, faisant apparaître dans son regard une lueur qui avait le mérite de lui faire battre le cœur la chamade.
– Si tu le prends comme ça, alors je viens.
– Qu’est-ce que tu as envie de manger ?
– Ce n’est pas à moi de décider du menu, Tsunata.
– Bien sûr que si ! dit-elle en fronçant les sourcils. Tu es mon invité, je te rappelle.
Ce visage adorable, Shûhei était persuadé que jamais il ne pourrait s’en lasser. Alors, dans un nouveau sourire, il suggéra :
– Pourquoi pas une de tes spécialités européennes ?
Tsunata posa son index sur son menton et dirigea ses yeux verts aux cieux.
– Je t’ai déjà fait goûter à tant de choses que je ne sais même plus quoi te proposer…
Le ténébreux gloussa doucement. Il était vrai qu’en deux mois, le célèbre combattant de la Neuvième avait dû prendre quelques kilos avec tout ce que la jolie remplaçante lui avait préparé : entre les lasagnes, la choucroute, la fondue savoyarde, le fish-and-chips, la paëlla, et bien d’autres denrées dont il avait oublié le nom, Shûhei était passé par beaucoup de nouvelles expériences culinaires.
Soudain, un éclair de génie scintilla dans le regard déjà intense de Tsunata.
– Je sais ! s’enjoua-t-elle. Je vais te faire ton plat préféré !
– Tu ne sais même pas ce que c’est, idiote, ricana le brun.
Le sourire si rayonnant de la maîtresse de Tetsuribon se déforma aussitôt, laissant place à une veine palpitant sur sa tempe et des joues gonflées par la colère que cette discrète réflexion venait de susciter en elle.
Le désignant de son index furibond, Tsunata s’enflamma :
– Je te demande pardon ? Non mais pour qui tu me prends, Shûhei Hisagi ?
– Je viens de te le dire, la taquina-t-il. Pour une idiote, idiote !
Alors qu’elle se jetait sur lui, Shûhei saisit sans trop de peine le poing qui lui était destiné, désormais habitué aux réactions impulsives du petit être blond avec qui il effectuait tant de missions.
Cependant, tous deux perdirent l’équilibre, et Tsunata se retrouva affalée sur le beau brun au sol.
Rougissant furieusement, le cœur battant contre ses côtes, le Vice-Capitaine observa les longs cheveux dorés éparpillés de part et d’autre de son corps atterré. Sa partenaire, le poing aussi fermé que ses paupières, ne réagissait pas. S’était-elle cognée durant sa chute ? Le simple fait d’évoquer cette hypothèse suffit à affoler le ténébreux, dorénavant plus préoccupé par l’état de santé de la jeune femme que par la position gênante dans laquelle tous deux se trouvaient.
Attrapant vigoureusement les épaules de la Shinigami, il la secoua en s’écriant :
– Tsunata ?
– Pfff…
La jolie blonde partit dans un fou-rire incontrôlable, faisant tiquer son coéquipier.
– T’es folle ou quoi ? siffla-t-il. Je me suis fait du souci !
Toujours secouée par ses éclats, Tsunata redressa son visage et dévoila les quelques perles aqueuses coincées à la commissure de ses yeux clos, ainsi que les rougeurs héritées de son hilarité.
– Tu verrais la tête que tu fais, Shûhei ! C’est à mourir de rire !
Puis elle repartit de plus belle dans sa crise, accentuant la couleur écarlate qu’avait pris le visage de son partenaire.
Ce dernier, un temps furieux qu’elle l’ait inquiété pour si peu, se détendit au son du rire presque merveilleux de celle avec qui il passait aujourd’hui le plus clair de son temps, et finit par la suivre dans son état d’euphorie.
Sans ne rien laisser paraître, Tsunata défaillit : elle savait pertinemment qu’avant son arrivée au sein des Treize Armées, Shûhei était quelqu’un de profondément marqué par la tristesse, aussi ne riait-il presque jamais. Seulement, depuis qu’ils avaient reçu l’ordre de rester ensemble, ce doux son amusé se faisait de plus en plus présent. Elle avait d’abord pensé qu’il ne s’agissait là que du fruit de son imagination débordante, mais Rangiku et Izuru, les amis les plus proches de Shûhei jusque là, lui avaient certifié que leur compagnon de beuveries semblait plus épanoui que jamais. Dès lors, elle n’avait cessé de constater à quel point ses deux alliés avaient raison, et s’en félicitait intérieurement. Oui, Tsunata Nara avait un effet bienfaiteur sur le beau et réservé Shûhei Hisagi.
Tandis que la remplaçante était toujours étendue de tout son long sur son coéquipier, et que tous deux riaient à en perdre haleine, quelqu’un se racla bruyamment la gorge non loin d’eux.
– Ça va ? On vous dérange pas trop ?
Tsunata redressa son visage à l’attention de leur interlocuteur alors que Shûhei s’empourprait brutalement.
– J’vous rappelle qu’il y a des chambres pour ça.
– Renji… soupira la brunette à ses côtés.
– Tiens ! Salut, Rukia et Renji ! s’exclama la blonde dans un large sourire.
– Comment vas-tu, Tsunata ? sourit de manière plus modérée la petite Kuchiki.
– La réponse m’a l’air plutôt évidente, Rukia.
– La ferme, Abarai ! vociféra le ténébreux.
Tout en se redressant, la Shinigami remplaçante s’esclaffa de plus belle, au grand damne du Vice-Capitaine au visage balafré qui maudissait intérieurement le rouge de la Sixième Division de le priver ainsi de ce rapprochement inopiné avec sa belle coéquipière.
Ne semblant s’apercevoir de son trouble, Tsunata l’aida à se relever à son tour.
– En plus de ça, reprit Renji, tu parles comme elle, Hisagi. Vous êtes vraiment comme cul et chemise, tous les deux.
Alors qu’un des sourcils de Shûhei s’agitait de tics nerveux, les jeunes femmes ignorèrent temporairement leurs camarades masculins.
– Comment s’est passé votre séjour dans le monde réel ? s’enquit la blonde.
– Très bien, je te remercie. Si ces deux nigauds d’Ichigo et de Renji ne s’étaient pas chamaillés comme un vieux couple, nous en aurions fini depuis bien longtemps mais, à part ce léger contretemps, tout s’est bien passé.
– Ça ne m’étonne pas d’eux ! rit Tsunata.
– Hé ! pesta Renji. Rukia, je te prierais de ne pas nous mettre dans le même sac, Ichigo et moi ! Quant à toi, Tsunata, évite de dire que ça ne t’étonne pas ! C’est extrêmement dégradant !
Les deux femmes rirent de nouveau devant un Renji Abarai fulminant de rage.
– Comment vont Orihime et Ichigo ? se calma la suppléante.
– Ils vont bien, assura la noble, même si tu leur manques beaucoup.
– Ils me manquent aussi, avoua-t-elle faiblement.
Une main puissante que Tsunata commençait à connaître comme s’il s’agissait de la sienne se posa dans un geste rassurant sur son épaule.
– Tout va bien, Tsunata ?
Plaçant sur la main de Shûhei la sienne plus petite, elle confia dans un doux sourire :
– Oui, ne t’en fais pas pour moi.
Le regard échangé par les deux partenaires pigmenta légèrement les pommettes de la petite sœur adoptive de Byakuya Kuchiki puis, frappée par la réalité, cette dernière dit :
– Au fait, Inoue m’a donné ça pour toi.
Le sachet que la Vice-Capitaine de la Treizième Division tendait à sa coéquipière ne mit pas longtemps à être identifié par le ténébreux.
Si Renji demeurait dans l’ignorance de son contenu – ce qui n’était pas le cas – il lui aurait suffi d’observer le regard parsemé de milliers d’étoiles de la remplaçante pour comprendre l’importance qu’avait ce modeste présent à ses yeux.
– C’est vraiment la meilleure, sourit Tsunata. Merci de me l’avoir apporté, Rukia.
– Mais je t’en prie, voyons.
– Vous alliez où comme ça ? s’enquit le rouge.
– Voir le Commandant, expliqua Shûhei. On doit lui remettre notre rapport dans les plus brefs délais.
– Encore une mission d’accomplie ? interrogea la brune.
– La troisième, aujourd’hui ! affirma la blondinette.
– La vache ! T’as vraiment progressé, mini-pouce !
– Je vais me contenter du compliment, souffla celle-ci entre ses dents crispées.
– Même au niveau du self-control, tu t’es améliorée. Vraiment, je suis sincère, Ichigo devrait prendre exemple sur toi.
– Je ne suis pas sûre de garder mon calme encore longtemps si tu continues sur cette voie, Renji…
Armé de sa délicatesse légendaire, le maître de Zabimaru frotta énergiquement le sommet du crâne de la jeune femme qui, devant l’air amusé de son coéquipier, grimaça de manière entendue.
Après un discret soupir exaspéré de la jeune noble, cette dernière adressa un sourire contenu à ses deux amis et dit :
– Bien, nous allons vous laisser.
– Vous ne vous rendiez pas à la Première Division ? demanda Shûhei.
– On en revient, justement, déclara Renji en croisant les bras.
– Vous avez obtenu de nouvelles informations ?
– Pas autant qu’on l’espérait, non, avoua Rukia.
– Ces ordures se planquent plutôt pas mal, il faut leur accorder. Mais on ne va pas vous gâcher le suspens, le vieux se fera un plaisir de tout vous raconter ; nous, on doit aller se reposer. Tu viens, Rukia ?
– Oui, j’arrive. On se revoit vite, Tsunata ! A la prochaine, Hisagi !
– A la revoyure ! salua nonchalamment le rouge.
– Reposez vous bien, les amis !
– A plus tard, Kuchiki et Abarai !
Puis, tandis que les deux amis d’enfance s’éloignaient, Tsunata déclara sans même prendre la peine de se retourner :
– Les saucisses.
Interloqué, Shûhei la considéra en arquant un sourcil.
– Qu’est-ce que t’as dit ?
– Ton plat préféré, c’est les saucisses. Je me trompe ?
Le ténébreux tressaillit lorsque les yeux de la jeune femme se posèrent sur lui, accompagnés par son sourire triomphant.
Tsunata, amusée par les rougeurs de son coéquipier, mit l’index sur le bout de son nez et triompha dans un clin d’œil :
– Alors, qui ne connait pas le plat préféré de qui ?
Retenant ses ardeurs à l’égard de ce minois tant enfantin que féminin, le brun se contenta d’ébouriffer sa frange impeccablement coiffée qui l’hypnotisait de son reflet doré chaque fois que le soleil l’effleurait de ses rayons.
– D’accord, fit-il. Je reconnais que tu as gagné, cette fois.
– Tu aurais pu te passer de la fin de ta phrase, tu sais.
– Oui mais, si je l’avais fait, tu n’aurais pas fait cette tête.
– Cette tête ? Quelle tête ?
– Ta tête d’idiote, idiote.
Perdant une fois encore son sang-froid, la blonde s’apprêta à inscrire la forme de ses phalanges dans le nez de son partenaire lorsque, fière de sa prochaine réplique, elle parvint à se contenir.
– Ah, souffla-t-elle dans un rictus sournois, je vois. On veut m’énerver pour que je me retrouve de nouveau allongée sur soi, hein ? Bien essayé, Shûhei, à croire que tu y prends goût.
– Que…
Pris à son propre piège, le ténébreux vira au rouge écarlate en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire pendant que Tsunata le déviait, heureuse de l’effet produit sur son camarade de galères par son sens de la répartie.
– Tu viens, Shûhei ? Le Commandant nous attend.
– Je… euh, je… Oui !
Ainsi, les deux inséparables amis entreprirent la route de leur prochaine destination.
Après un quart d’heure de traversée du Seireitei – et un Shûhei qui ne dérougissait toujours pas de la précédente remarque de sa précieuse alliée –, le duo le plus puissant arriva devant les locaux destinés à la Première Division de l’Armée Royale.
Tsunata frappa contre le bois de la porte dans une force contenue. Aussi, quelques secondes plus tard, Nanao Ise vint leur ouvrir.
– Bonjour, Nanao-san ! s’exclama la blonde.
– Ise, salua simplement le brun.
– Tsunata-san, Hisagi, le Capitaine vous attendait, justement.
Les deux partenaires suivirent la Vice-Capitaine de l’actuel Commandant du Gotei 13 dans le bureau de ce dernier.
Comme à son habitude, l’homme aux allures de hippie, muni de son cache-œil et de son sakkat, sirotait une coupe de son saké préféré en feuilletant les nombreux dossiers jonchant son plan de travail.
– Capitaine ! fulmina Nanao. Vous buvez encore en travaillant ?
– Du calme, ma petite Nanao-chan, il faut savoir se détendre de temps à autres. Oh ! mais ce ne serait pas Tsunata-chan et Shûhei-san que je vois là ? Entrez, entrez ! Je vous en prie !
– Si vous n’étiez pas ivre, déclara sa seconde en réajustant sa monture, vous verriez qu’ils sont déjà à l’intérieur, Capitaine.
Tandis que Tsunata adressait à son supérieur un sourire qu’il savait sincère, Shûhei s’avança et déposa là où la place le lui permettait le rapport de leurs tâches journalières.
– Déjà ? s’étonna Shunsui.
– Si vous en avez d’autres à nous confier, on est prêt !
L’énergie débordante de la jolie remplaçante vidait le ténébreux de la sienne, épuisé par le simple fait de la voir trépigner quant à leur hypothétique prochain ordre de mission.
– Ton enthousiasme me va droit au cœur, ma petite Tsunata-chan, mais ce sera malheureusement tout pour aujourd’hui.
Shûhei, bien que soulagé de savoir qu’il allait enfin pouvoir se poser un peu – qui plus est, chez Tsunata –, resta interdit par ce temps libre obtenu en plein milieu de l’après-midi, privilège devenu rare depuis que lui et sa blonde préférée avaient réalisé leurs premières prouesses.
– Pourquoi ça ? s’enquit-il.
– Ah, quelle perspicacité ! Je te reconnais bien là, Shûhei-san. Comme vous le savez, Kuchiki-chan et Abarai-san sont rentrés du monde des humains, aujourd’hui.
– En effet, acquiesça le brun.
– Sur place, ils n’ont trouvé quasiment aucun indice au sujet de nos mystérieux ennemis, les Kurotama. Toutefois, ils ne sont pas rentrés totalement bredouille ; en chemin vers la Soul Society, dans le Dangai, ils ont trouvé des traces de reiatsu proches de celui d’un Hollow.
– Comment ça, « proches » ?
– Très bonne question, Tsunata-chan, j’allais justement y venir. Il semblerait que cette pression spirituelle n’appartienne pas exclusivement à nos amis du Hueco Mundo. Nous ne sommes sûrs de rien, mais il pourrait s’agir d’éclaireurs que nos ennemis dormants.
Il fallut à Shûhei un temps pour assimiler la révélation du Capitaine-Général, après quoi il dit :
– Vous avez parlé du Dangai, ce qui signifie…
– Qu’ils ont tenté d’atteindre la Soul Society, termina Tsunata. C’est exact, Commandant ?
Le sérieux inhabituel de sa partenaire troubla autant le ténébreux que les deux membres de la Première Division.
Comprenant la cause de ce changement soudain dans l’humeur de sa subalterne des deux mondes, Shunsui annonça d’un ton grave :
– Oui, Tsunata-chan, comme on s’en doutait depuis l’arrivée en masse de Hollow dans notre dimension. Heureusement pour nous, le Koryu les a empêchés de terminer leur ascension. Cela nous laisse présumer qu’il ne s’agissait cette fois que de fantassins ; néanmoins, nous ne pouvons prendre le risque de négliger leur tentative.
– C’est là qu’on intervient, Tsunata et moi ?
La remplaçante écarquilla les yeux.
– Eh bien, on ne peut rien vous cacher ! Votre mission prendra effet à partir de demain. Vous serez chargés de veiller à la sécurité dans l’espace entre les mondes. Malheureusement, je ne peux mettre à votre disposition une armée pour vous venir en aide, il faudra donc vous en charger seuls. Une équipe restera cependant à votre disposition si cette histoire s’éternise plus que de raison pour vous relayer le temps d’une heure ou deux, mais il ne faudra pas compter dessus avant au moins une semaine.
– Vous pouvez compter sur nous, Commandant, décréta Shûhei.
Saisissant que le silence de sa camarade restait inquiétant, il tourna ses iris argentés sur la blondinette à sa gauche ; son cœur se serra lorsqu’il vit le visage fermé de Tsunata dissimulé derrière sa longue frange blonde, expression similaire à celle qu’elle avait arboré le jour de leur nomination.
Les poings serrés, la Shinigami remplaçante domiciliée au Seireitei dit d’une voix trahissant ses sentiments :
– Je croyais que je n’avais pas le droit de m’en approcher.
Le ton glacial de la jeune femme noua la gorge de Shûhei, l’empêchant momentanément de respirer tandis que Nanao, pour sa part, détourna le regard pour échapper à la tristesse flagrante de son amie de l’Association des Femmes Shinigami.
Shunsui Kyôraku, les yeux fermés, expliqua après un soupir plus qu’explicite :
– C’est le cas, Tsunata-chan. Je fais là une exception, car seuls Shûhei-san et toi êtes en mesure de mener à bien cette mission. De plus, comme je l’ai dit tout à l’heure, il ne s’agit probablement que de Kurotama de faible niveau envoyés pour tâter le terrain.
– Qu’est-ce que tu as, Tsunata ? s’inquiéta le Vice-Capitaine aux allures de punk. C’est parfaitement dans nos cordes de…
– Le problème n’est pas là et vous le savez très bien, Commandant.
Redressant son visage, elle dévoila aux autres un regard brillant d’une lueur étrangement assassine.
– Je me ferais une joie de les exterminer un à un, assura-t-elle, mais me confier ce genre de mission après m’avoir tenu à l’écart deux mois durant me semble pour le moins déplacé, sans vouloir vous manquer de respect.
Le barbu ne put dissimuler le léger sursaut que de telles paroles dans la bouche de sa « petite Tsunata-chan » avaient suscité chez lui.
Shûhei, au même titre que Nanao, en resta bouche bée.
– Je comprends ton point de vue, Tsunata-chan. Mais, regarde le bon côté des choses : pendant ces deux mois, tu as pu te rapprocher de Shûhei-san et, aujourd’hui plus que jamais, vous formez une équipe parfaite. Tu as trouvé en lui un véritable ami, tu n’as donc pas à avoir de…
– Je n’aurai jamais aucun regret concernant Shûhei, l’interrompit-elle. Soyez certain que si j’avais pu le rencontrer avant, je l’aurai fait sans la moindre hésitation.
Inutile de préciser que cette affirmation fit manquer un battement au concerné.
Préoccupée par tout autre chose, Tsunata continua sur la même intonation :
– Vous savez parfaitement quelle est ma situation, et c’est pour cette raison que vous avez voulu me préserver malgré mes protestations. Et maintenant, vous me dites que parce que ce ne sont « que » des fantassins, j’ai le droit d’intervenir ? Vous ne trouvez pas ça injuste, Commandant ?
Une nouvelle fois perturbé par cette réaction incongrue de la jolie remplaçante, le Capitaine en chef ferma ses yeux gris et abdiqua :
– J’en conviens. Tu sais aussi que je ne t’ai pas faite prisonnière dans le Seireitei de gaité de cœur. Vois en cette mission l’occasion de me prouver que j’ai eu tort de te tenir à l’écart du monde des humains, Tsunata-chan.
– J’y compte bien.
Les trois hauts-gradés la considérèrent d’un commun accord, les yeux ronds comme des soucoupes.
– Shûhei et moi, nous allons mener à bien cette mission et vous montrer qu’on est tout à fait capables de nous en sortir face à ces êtres méprisables.
D’abord scotché devant l’air incroyablement déterminé qu’avait sa subordonnée aux cheveux d’or – comme les deux Vices-Capitaines présents –, Shunsui finit par lui sourire :
– Tu m’en vois ravi, Tsunata-chan !
Un rictus semblable à un sourire glacial étira de travers les lèvres rosées de la jeune femme, surprenant tant Shûhei que Nanao.
– Vous devez être devant le Senkaimon aux aurores, demain matin. Sur ce, profitez de ce soir pour vous reposer comme il se doit. J’ai toute confiance en vous, l’équipe Shûnata !
Tandis que la jolie brune se frappa le front sans ménagement, les deux coéquipiers rougirent violemment, en oubliant presque la scène dérangeante qui venait de se tenir.
– Shû… Shûnata ? répéta le ténébreux.
– Un acronyme des prénoms de ceux qui forment mon duo le plus puissant, déclara Shunsui d’un ton emprunt de fierté. Sympa, non ?
Alors que Shûhei s’empourprait jusqu’à la racine de ses cheveux ébène, Tsunata posa son index sur son menton et dit :
– « Shûnata » ? C’est finement recherché…
– Ne l’encourage pas s’il te plaît, Tsunata-san, s’exaspéra Nanao, la main en visière par-delà ses sourcils froncés.
Une main derrière la nuque, la remplaçante offrit de nouveau son franc sourire, réchauffant le cœur inquiet du Vice-Capitaine de Kensei Muguruma qui en omit temporairement la gêne suscité par pareil acronyme.
– Ah oui, désolée… fit-elle.
– Mais enfin, Nanao-chan…
– C’est inconvenant de donner de tels surnoms en la présence des concernés, Capitaine !
– Mais non, c’est toi qui ne vois que le côté négatif de la chose…
– Je vous demande pardon ? s’emporta sa seconde. Le côté négatif, vous dites ?
– Ne le prends pas comme ça, Nanao-chan…
L’échange houleux entre le Capitaine-Général et sa co-lieutenante poursuivant bon-train, Shûhei se pencha à l’oreille de Tsunata et murmura :
– On est bon pour assister à une scène de ménage.
Camouflant le frisson produit par le souffle chaud du jeune homme dans son cou, Tsunata acquiesça dans un sourire. Ainsi, tous deux se mirent à reculer vers la sortie.
– Nous allons vous laisser, Commandant.
– On se revoit à la prochaine réunion, Nanao-san !
– J’en serai ravie, Tsunata-san.
– Non, attendez ! paniqua le barbu. Vous ne pouvez pas partir comme ça !
Après une tentative d’esquive vers ses deux potentiels sauveurs, sa précieuse Nanao le rattrapa par le colbac et dit d’un ton à en faire pâlir le diable :
– Où allez-vous comme ça, Capitaine ? Il me semble que nous avons un compte à régler, tous les deux.
Au moment-même où le Capitaine à la tête du Seireitei reçut de sa Vice-Capitaine un sermon mémorable, Shûhei et celle qu’il qualifiait comme étant sa raison de se lever le matin sortirent du bureau de leur supérieur en éclatant de rire. Toutefois, il n’en oublia pas de se demander pourquoi Tsunata avait réagi de la sorte à l’annonce d’une mission qu’il pensait anodine à cet instant.