The New Substitute

Chapitre 12

4900 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 16/03/2017 20:21

Le soir venu, après une mission rondement menée, Shûhei et Tsunata s’accordèrent comme la veille un moment de répit. La jeune femme avait invité son coéquipier à se joindre à elle pour son activité favorite après une rude journée. Persuadé de la nature de son passe-temps, il l’avait suivi sans hésiter jusqu’au lieu paisible dans lequel elle aimait s’évader que tous deux avaient fini par nommer La Plaine.

Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il apprit que Tsunata se passionnait secrètement pour les constellations ! Il n’y avait ce soir-là pas l’ombre de la moindre douceur sucrée à l’horizon, ainsi Shûhei découvrit les véritables raisons qui avaient poussé la remplaçante à s’éprendre de la sorte de ce petit coin de paradis isolé.

Outre la magie dégagée par le bruissement délicat du ruisseau et la lumière tamisée des lucioles, le ciel, parfaitement dégagé, formait un dôme étoilé idéal pour quiconque désirait observer le cosmos une fois la nuit tombée.

Tandis qu’ils étaient allongés l’un à côté de l’autre sur la couverture vichy, Tsunata s’amusait à détailler au brun chacun des groupements de lumières célestes ; leur nom, leurs caractéristiques, la technique pour les dissocier… Shûhei en restait stupéfait. En plus d’une beauté indéniable et d’une forte personnalité, sa coéquipière débitait des termes scientifiques comme de simples banalités. La plupart du temps, il arrivait à la suivre mais, parfois, le fil finissait par lui échapper. Toutefois, il ne se lassait pas de l’entendre s’émerveiller devant les multiples astres scintillants dans les cieux.

Sans parvenir à trouver le mot exact pour la qualifier, Shûhei ne cessait de trouver que quelque chose la différenciait des autres personnes qu’il connaissait.

–  Celle qui correspond à ton signe astrologique est la constellation du Lion, ou Leo en latin, expliqua la blonde. C’est la cinquième du zodiaque, et de loin ma préférée ! Elle a la forme d’un triangle raccordé à une faucille mais, ce qui la rend si belle, c’est Regulus, l’étoile la plus brillante qui la compose. Son scintillement est si fort et si pur qu’il dissuade quiconque l’observant de détourner le regard.

–  Tu as l’air d’en connaître beaucoup sur les étoiles, sourit Shûhei.

–  Pardon, je t’ennuie ?

–  Non non, tu ne m’ennuies pas du tout, au contraire. Ça me détend de t’entendre en parler avec tant d’admiration. Tu as l’air de t’y connaître, ça m’impressionne.

–  J’ai seulement étudié les sciences au lycée, avoua-t-elle timidement.

–  Tu es lycéenne ?

–  Non, j’étais à l’université avant de venir ici.

–  En quelle année ?

–  Première année de Chimie.

–  Pas en astronomie ? s’enquit le ténébreux.

–  Non, ricana-t-elle. L’Univers et les mystères qu’il renferme me passionnent, c’est vrai, mais mon intérêt pour la chimie surpasse de loin celui que je porte à la physique.

–  Tu veux t’orienter dans la recherche ?

–  Oui, affirma Tsunata. Je voulais travailler dans un laboratoire pharmaceutique pour mettre au point des traitements contre les maladies contemporaines et venir en aide aux nécessiteux.

Le Vice-Capitaine sourit discrètement.

–  C’est un souhait noble, assura-t-il. Tu pourras toujours reprendre tes études quand tu retourneras dans le monde des humains.

Un soupir emprunt de désespoir franchit la barrière des lèvres de la blonde.

–  Ça, je ne crois pas.

–  Pourquoi ça ?

–  C’est assez compliqué, je… je n’ai pas vraiment envie d’en parler.

Le cœur de Shûhei se serra au gré où les avertissements de son meilleur ami lui revinrent en mémoire. Un passé tumultueux et un lourd secret, voilà ce qui devait empêcher sa coéquipière de se livrer davantage à lui.

Toutefois, ne désirant en rien la forcer à se dévoiler sans que cela ne vienne de son propre chef, il dit d’un ton désolé :

–  Excuse-moi, je ne voulais pas te mettre mal à l’aise.

–  Non, ce n’est rien. Un jour, je t’en parlerai, mais pas maintenant.

–  Je comprends.

Percevant dans le ton de son coéquipier la frustration qu’elle ne désirait nullement engendrer chez lui, Tsunata se tourna à son adresse et plongea son regard dans le sien.

–  J’ai confiance en toi, tu sais.

Shûhei s’empourpra.

–  Quoi ? balbutia-t-il.

–  Je te fais confiance, appuya la jeune femme. Si je ne veux pas te parler de ça, c’est parce que je ne me sens pas prête à le faire. En revanche, pose-moi n’importe quelle question à mon sujet, tout ce qui te passe par la tête, et je t’y répondrais.

–  Je sais, Tsunata, tu n’as pas à t’en faire.

–  Préviens-moi si tu veux savoir quelque chose, Shûhei, et je t’en ferai part.

Observée par le Shinigami de la Neuvième Division, elle axa de nouveau son attention sur les milliers d’étoiles perçant la pénombre nocturne de leur splendeur.

Après une minute d’hébétude silencieuse uniquement perturbée par le croassement de quelques grenouilles déterminées, le ténébreux décida d’assouvir sa curiosité au sujet d’un des mystères de la jeune remplaçante.

–  Il y a quelque chose que je voudrais te demander, Tsunata.

–  Je t’écoute, sourit cette dernière.

–  Comment es-tu parvenue à atteindre le Bankai en si peu de temps ?

Tsunata le gratifia d’un regard surpris et gêné à la fois.

–  Tu es au courant ? demanda-t-elle.

–  Kira et Madarame m’en ont parlé, tout à l’heure. Tu ne voulais pas que je le sache ?

–  Si, bien sûr, mais j’ai l’impression d’être une bizarrerie aux yeux des autres à cause de ça. Je ne voulais pas que tu en penses de même.

Shûhei sourit de manière entendue :

–  Tu es une bizarrerie, Tsunata Nara.

Piquée au vif, la blonde grogna :

–  Qu’est-ce que t’as dit ?

Le jeune homme éclata d’un rire aussi surprenant qu’agréable, qui apaisa instantanément sa coéquipière.

–  Arrête de faire cette tête, dit-il en essuyant une larme au coin de son œil. Tu es une Shinigami remplaçante à la fois mystérieuse et bien plus puissante que la plupart d’entre nous. C’est normal que les autres te considèrent comme étant à part mais, au final, c’est aussi cette partie de toi qui fait que les gens t’apprécient et te placent haut dans leur estime. Tu es… notre bizarrerie à nous.

Après avoir laissé place à quelques mignonnes rougeurs, un large sourire se dessina le long des lèvres de Tsunata, accélérant le rythme cardiaque du ténébreux.

–  Très bien, fit-elle. Si j’ai pu acquérir le Bankai aussi rapidement, c’est uniquement parce que Tetsuribon m’y a autorisé.

–  Tetsuribon ?

–  Mon zanpakutô. Je l’entends depuis toute petite ; quand j’étais triste ou en danger, il y avait toujours cette voix qui m’apaisait de l’intérieur. Il y a un peu plus d’un mois, quand je suis devenue une Shinigami, il m’est apparu et m’a dévoilé son nom. J’ai donc pu avoir recours au Shikai. Deux semaines plus tard, je me suis retrouvée dans une situation délicate : Ichigo et moi étions chacun cernés par une dizaine de Hollow monstrueux. C’était ma première mission dangereuse. A un moment, l’un d’eux s’est jeté sur moi, et j’ai été projetée dans mon monde intérieur. Tetsuribon m’y attendait. Il m’a pris dans ses bras et m’a murmuré qu’il m’était entièrement dévoué. Quand je suis revenue à moi, quelques secondes avant l’impact avec le Hollow, il m’avait confié le nom de sa deuxième forme de libération et, en un seul coup, j’ai pu me débarrasser d’eux.

Shûhei, abasourdi, observa sa coéquipière de ses yeux écarquillés.

–  C’est… c’est impossible ! souffla-t-il. Le Bankai résulte de l’assouvissement de son zanpakutô, pas de son consentement !

–  Assouvissement ?

–  Exactement !

–  Pourquoi est-ce que je ferai une telle chose à mon âme sœur ?

–  Ton quoi ? s’étouffa le Vice-Capitaine.

–  Tetsuribon n’est pas un vulgaire outil, gronda la blonde, lui et moi ne faisons qu’un ! Je le traite comme mon égal, et il en fait de même ! Notre lien est si puissant qu’il me permet de le dissimuler en particules spirituelles pour que je ne souffre pas de son poids, et de l’invoquer quand l’envie m’en prend !

Le ténébreux resta interdit devant de tels propos qu’il savait pourtant vrais, se contentant de la regarder sans souffler mots.

Agacée par ce silence qu’elle pensait méprisant, Tsunata se dressa face à lui.

–  Je vais t’en faire la preuve ici-même, dit-elle dans un étrange rictus.

–  Quoi ?

Tandis qu’elle guidait sa main dans son dos, son zanpakutô à la lame imposante apparu dans un tournoiement de rubans aux couleurs des pétales de cerisier en fleurs. Après l’avoir pointé devant elle, elle dirigea sa lame vers le sol et lâcha le manche.

Shûhei se leva à son tour, interloqué par la lueur de défi qu’il lisait dans son regard.

–  Viens à moi, Tetsuribon !

Contre toute attente, au lieu de tomber dans un brouhaha métallique, le sabre se décomposa en de nombreux rubans, identiques à ceux qui l’avaient formé un peu plus tôt. Les lanières s’élevèrent peu à peu dans une danse envoûtante, prenant progressivement les formes d’une silhouette humaine. L’incarnation, de taille approximativement égale à celle de Shûhei, dévoila progressivement une carrure dont seul un homme pouvait avoir la prétention.

Une fois les rubans totalement disparus, se tint devant le ténébreux de la Neuvième Division un grand gaillard aux cheveux ébouriffés, gris comme l’acier. Une épaisse mèche de ceux-ci couvrait intégralement son œil gauche tandis que son jumeau demeurait fermé.

Le personnage au charisme indéniable était vêtu comme le commun des mortels : des chaussures de cuir noires, un jean dans des tons similaires, une veste de costume sombre et un tee-shirt rose pâle.

Les bras croisés, l’homme leva sa seule paupière visible et dévoila un regard glacial d’une couleur étrangement similaire à celle des rubans qui lui avaient donné vie.

Après avoir lorgné d’un œil mauvais le Vice-Capitaine au visage balafré, il se tourna vers la blonde à ses côtés et, sans crier gare, l’encercla de ses bras.

–  Tu m’as demandé, Tsunata ?

–  Ça faisait longtemps, Tetsu.

Le surnommé Tetsu s’imprégna du doux parfum de sa jolie prise, avant de relâcher son étreinte et de pivoter une fois encore vers Shûhei qui, quant à lui, fulminait intérieurement.

Son air dur imprimé sur le visage, les bras de nouveau entremêlés, le gris grommela :

–  C’est qui, ce clown ?

Piqué au vif, une veine se mit à palpiter nerveusement sur sa tempe.

–  C’est mon nouveau coéquipier, Shûhei Hisagi, le Vice-Capitaine de la Neuvième Division. Shûhei, je te présente Tetsuribon, l’incarnation de mon zanpakutô.

Au-delà du fait qu’il avait un mal fou à croire que sa camarade de galères puisse avoir de telles ressources, le ténébreux bouillonnait de rage : ses dents, crispées, grinçaient tandis qu’il ne cessait de fusiller du regard la personnification du zanpakutô de Tsunata.

Nullement impressionné, Tetsuribon continua de le toiser de son air supérieur avant de dire d’un ton cinglant :

–  Je préférais le rouquin.

–  J’te demande pardon ? siffla le brun.

–  Je pensais qu’il n’existait pas plus surexcité que Kurosaki-san mais, apparemment, je me trompais.

Comprenant que le courant ne passerait pas entre les deux hommes – ce qui ne la surprit guère –, Tsunata soupira en fermant les yeux :

–  Je ne t’ai pas invoqué pour que vous vous crêpiez le chignon comme de vieilles mégères, mais pour montrer à Shûhei la puissance de notre lien.

–  Tu n’as rien à prouver à qui que ce soit, décréta le zanpakutô. Si ce mammifère ne te fait pas confiance, c’est qu’il n’est pas digne d’être ton coéquipier.

–  Je croyais Tsunata, s’irrita le sujet de la conversation, j’étais simplement sous le choc !

–  Et pour ne rien arranger, il ne sait pas s’exprimer autrement qu’en s’égosillant. Ce jeune homme s’approche davantage d’un animal primitif que d’un compagnon d’armes, Tsunata. Tu devrais demander à ce qu’on reconsidère le choix de ton partenaire.

–  Je ne veux pas changer de coéquipier.

–  Tu n’as pas à décider pour… s’écria Shûhei avant de réaliser. Attends, quoi ?

La blonde le considéra rapidement puis s’adressa à son sabre.

–  Tetsu, tu sais parfaitement que tu es une partie de moi et que ton avis m’est précieux. Mais si je devais t’écouter au sujet de mes fréquentations, je serai aujourd’hui aussi seule que je l’étais autrefois. Shûhei ne me fera jamais le moindre mal ; c’est mon ami et j’ai toute confiance en lui, je pourrais lui confier ma vie les yeux fermés. Il m’est très précieux, Tetsu, et si je tenais tant à te le présenter, c’est parce que, dorénavant, il sera toujours à mes côtés. Pas vrai, Shûhei ?

Au gré où les paroles de la Shinigami remplaçante traçaient leur chemin vers son cortex, la haine du ténébreux se dissipa. Complètement bouche bée, le cœur battant la chamade et le rouge aux joues, il en oublia même de lui répondre.

Intriguée par son soudain mutisme, Tsunata l’observa d’un air inquiet.

–  Shûhei ?

–  Très éloquent, ironisa Tetsuribon.

–  Je… souffla Shûhei.

–  Qu’est-ce que je disais… soupira le gris.

–  Tetsu !

–  Je donnerais tout pour Tsunata.

Ces mots prononcés dans une sincérité profonde et une détermination palpable touchèrent la suppléante bien plus que Shûhei n’aurait pu l’imaginer.

Tetsuribon, conscient de cela, soupira de nouveau :

–  Très bien, puisqu’il en est ainsi…

Il s’approcha du Vice-Capitaine et le saisit par le col de son kosode.

–  Je n’aurai qu’une réclamation à te soumettre, jeune primate.

Rapprochant son visage de celui tatoué du ténébreux, il siffla :

–  Tiens ta parole, Shûsei.

–  Je m’appelle Shûhei, dit l’autre au comble de l’agacement.

–  Prends soin d’elle au péril de ta vie, l’ignora-t-il de plus belle, ou tu auras affaire à moi.

Le combattant du Gotei 13 s’extirpa de la prise de son agresseur et déclara d’un ton acerbe :

–  Bien entendu que je le ferai. Tsunata est ma coéquipière, je pourrais tout sacrifier pour elle.

Sans crier gare, à la surprise de son acolyte, la jeune femme s’éloigna des deux hommes dans un shunpo, la tête basse.

–  Tsunata ! s’écria Shûhei.

Partant à sa poursuite, il laissa seul derrière lui le zanpakutô de la blonde aux yeux verts.

–  Tout sacrifier pour elle, hein ? sourit Tetsu en croisant les bras. Imbécile.

Puis il disparut dans un tourbillon de rubans roses, comme il était apparu.

La nuit continuait inlassablement de plonger les paysages autour de lui dans une pénombre profonde. Pourtant, cela ne le freina en rien.

Pourquoi ? Pourquoi s’être sauvée de la sorte ? Sans même dire quoi que ce soit, qui plus est ? Il n’en savait strictement rien. Avait-il dit quelque chose de mal sans s’en rendre compte ? Maladroit comme il l’était, cela n’aurait rien d’étonnant.

Il fallait qu’il la retrouve, quoi qu’il en coûte.

Cela faisait à présent plus d’une heure que Shûhei Hisagi tournait en rond dans le Seireitei, sans trouver la moindre trace du passage de Tsunata Nara. Une fois n’est pas coutume, il était essoufflé par la course qu’il venait de mener pour mettre la main sur la jeune femme, en vain.

A bout de force, il décida d’aller s’asseoir au bord de la fontaine pour prendre le temps de réfléchir. S’avançant à pas de loup vers sa destination, il songea à la fois où il y avait trouvé la jolie Shinigami endormie ; ce jour-là aussi son cœur eut été lourd, tiraillé entre l’incompréhension et la frustration.

Son visage paisible, son odeur sucrée, son souffle chaud contre sa peau hâlée… la nostalgie finissait de le rendre fou. Pour couronner le tout, les nombreuses requêtes qu’il avait reçu à son sujet – prendre soin d’elle coûte-que-coûte – le hantaient. Comment pouvait-il prétendre veiller à sa sécurité s’il restait incapable de la retrouver dans la ville qu’il connaissait comme le fond de ses poches depuis des décennies ? Il n’était pas même en mesure de repérer sa pression spirituelle, celle-ci qui avait explosé lors de l’attaque du terrible Hollow qui avait infligé au ténébreux une insoutenable blessure dont la remplaçante l’avait soulagé quelques minutes après.

A cinq mètres de la fontaine, derrière la barrière de buisson qui l’entourait, Shûhei s’arrêta net. Son estomac se noua tandis qu’une sensation acide remonta la pente de son œsophage. Quelque chose n’allait pas : l’atmosphère était lourde, oppressante. L’épicentre de ce désagréable ressentiment n’était autre que là où il se dirigeait ; aussi décida-t-il de franchir la courte distance qui l’en séparait d’un pas vif et engagé.

Lorsqu’il passa le mur de haies, le Vice-Capitaine se frappa le front sans ménagement. Quel con ! pensa-t-il. Pourquoi ne pas avoir commencé par là depuis le début ?

–  Tsunata ?

Recroquevillée sur elle-même, le visage enfoui dans ses bras entremêlés sur ses genoux, cette dernière ignora l’appel de son coéquipier.

Pris d’une inquiétude palpable, Shûhei se pressa d’arriver à sa hauteur. Il pria intérieurement pour ne pas être de nouveau confronté au visage larmoyant de la blonde, ne voulant lire dans ses expressions que le sourire qui le faisait vaciller chaque fois qu’il lui était adressé.

D’abord hésitant, il se résolut à prendre son courage à deux mains et, se penchant en avant, lui saisit délicatement l’épaule de sa main puissante.

Hoquetant de surprise, Tsunata se tourna vers lui.

–  Shûhei ?

Dieu soit loué ! aucune larme ne souillait sa peau de pêche. Mais cela ne changea en rien le fait que l’air qu’elle arborait n’était pas celui qu’il préférait de tous.

–  Pourquoi es-tu partie si précipitamment, Tsunata ? demanda le ténébreux d’un ton inquiet.

La jeune femme baissa la tête.

–  Excuse-moi, Shûhei, dit-elle à mi-voix.

–  Tu n’as rien à te faire pardonner, idiote.

Tandis qu’il prenait place à ses côtés, une veine palpita sur la tempe de la Shinigami remplaçante.

–  Est-ce que j’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ? s’enquit le brun.

Tsunata, après s’être radoucie, poussa un bref soupir et dirigea son regard dans le vide.

–  Ne t’en fais pas pour moi.

–  Ça ne répond pas à ma question.

L’ignorant superbement, elle déclara :

–  Désolée pour le comportement de Tetsuribon, il est un peu trop protecteur avec moi.

–  Tu plaisantes ? ricana Shûhei. Même si c’est parce que je t’ai contrarié, je suis content d’avoir fait sa connaissance.

La blonde redressa promptement son visage à son adresse.

–  Et puis, je suis sûr que s’il se comporte comme ça à l’égard des gens qui t’entourent, c’est uniquement parce qu’il tient beaucoup à toi, non ? Tu n’as donc pas à t’excuser pour ça, Tsunata.

–  Je ne te l’ai pas montré parce que tu m’as contrarié, affirma Tsunata en posant de nouveau son menton au creux de ses bras croisés. Au-delà du fait que je me sois emportée quand tu m’as contredit au sujet de notre lien avec Tetsu, je te l’aurai tout de même présenté. C’était important pour moi.

–  Je… rougit le Vice-Capitaine. Merci.

–  Non, c’est normal.

–  Parce que je suis ton coéquipier ?

–  Parce que je t… je tiens beaucoup à toi, Shûhei.

–  Kurosaki aussi l’a vu ?

–  Oui, avec Orihime, mais ce n’était pas vraiment voulu.

–  Que s’est-il passé ?

–  Rien de bien intéressant, dit-elle en pouffant de rire. Encore une gaffe d’Ichigo.

Sa curiosité titillée à son comble – et avec une pointe de jalousie –, Shûhei se permit d’insister.

–  Moi, ça m’intéresse.

Tsunata le considéra d’un air surpris, la bouche entrouverte ; mais ce que le ténébreux perçut, lui, ne fut rien de plus qu’une étrange lueur peinée s’évadant au travers des fenêtres de son âme.

Détournant une fois de plus son attention du visage de Shûhei, la remplaçante se rappela d’un timbre emprunt de nostalgie :

–  Un soir, alors qu’il pleuvait averse, plusieurs Hollow sont apparus dans Karakura. Tous les trois, on s’en est occupé, puis nous sommes allés chez Orihime. Quand mes cheveux ont commencé à sécher, mon épi est apparu. Ichigo en a tellement rit que Tetsu a fini par apparaître de lui-même et lui a fait regretter ses paroles ; crois-moi, si Orihime n’avait pas été là, son nez ne s’en serait pas encore remis aujourd’hui. Tetsuribon ne se matérialise que s’il me sent en danger d’habitude, mais il sait à quel point ce sujet peut me blesser ; après tout, il était d’une certaine façon avec moi durant toutes ces années. Bien sûr, Ichigo ne pensait pas à mal, mais on peut dire qu’aujourd’hui il y réfléchit à deux fois avant de se moquer de moi.

Shûhei, d’abord les yeux écarquillés, finit par éclater de rire.

–  Quel abruti ! s’esclaffa-t-il.

–  Oui, rit-elle à son tour, il n’en rate jamais une.

Alors que le cœur du ténébreux manqua un battement au son du rire cristallin de sa coéquipière, une force qu’il qualifia de surnaturelle le poussa à poser sa main sur la sienne, toujours serrée autour de son bras qui enlaçait ses genoux.

D’une voix imprégnée de douceur, il réitéra sa précédente requête.

–  Pourquoi t’es-tu enfuie tout à l’heure, Tsunata ?

Son sourire se tordit à nouveau dans une expression que le Vice-Capitaine ne supportait guère, mais qu’il savait pourtant nécessaire.

–  Je ne veux plus que tu promettes ce genre de choses, Shûhei.

Les yeux argentés du jeune homme s’écarquillèrent.

–  De quelle promesse tu parles ?

Sous son imposante main à la peau hâlée, il sentit les doigts de la blonde se crisper autour de leur prise.

–  Celle que tu pourrais tout sacrifier pour moi, dit-elle d’une voix étouffée.

Le cœur de Shûhei se serra.

–  Parce que tu as peur que je ne la tienne pas ? Je n’ai pas dit ça pour faire plaisir à Tetsuribon ; crois-moi, je le pensais sincèrement.

–  C’est bien le problème, Shûhei.

–  Pardonne-moi, mais je ne te suis pas…

Un regard à la fois dur et froid se planta dans celui du brun.

–  Par tout sacrifier pour moi, tu entends également donner ta vie pour sauver la mienne, n’est-ce pas ?

–  Bien… bien entendu ! balbutia-t-il.

–  Et comment tu crois que je ferai sans toi ? fit-elle, perdant le contrôle de ses émotions. Comment tu penses que j’arriverai à vivre si tu mourrais à ma place ? Je préfèrerais que tu restes en retrait, plutôt que de devoir te perdre !

–  Quoi ? souffla-t-il, éberlué.

–  Si un jour le choix devait s’imposer à toi, je préfèrerais que tu sauves ta propre vie plutôt que la mienne ! Il est hors de question que tu te sacrifies pour moi, idiot ! Peut-être que tu te demandes pourquoi je réagis ainsi alors qu’on se connaît à peine, mais je…

–  Et moi, l’interrompit Shûhei, comment tu penses que je ferai si tu mourrais devant moi ?

Tsunata écarquilla ses yeux d’un vert si intense.

–  Tous les deux, nous sommes pareils, Tsunata. S’il m’arrivait quelque chose, tu serais la première à mettre ta vie en danger pour m’aider. Affirme-moi le contraire, et je ne te ferai plus cette promesse.

Elle continua de l’observer silencieusement, aussi lui sourit-il :

–  Tu vois, tu ne peux pas me prouver que j’ai tort, parce qu’il t’est impossible de concevoir le fait de me laisser mourir sans rien faire. C’est pareil pour moi. Je n’ai pas besoin de tout connaître de toi pour avoir envie de te protéger, comme toi pour moi. Tu es… Attends, comment tu dis, déjà ? Ah, oui : tu m’es très précieuse, Tsunata Nara, et quoi qu’il arrive, je ferai tout pour qu’on reste ensemble, toi et moi ; je serai toujours à tes côtés.

Pour toute réponse, la jeune femme se contenta de détailler d’un air hagard le visage marqué de son coéquipier.

Ce manque de réaction total de sa part suscita chez le Vice-Capitaine le doute qu’elle ne l’ait réellement écouté.

–  Tsunata ? Est-ce que tu m’as entend…

Alors que de longues mèches dorées se mirent à lui chatouiller le dessous du nez, Shûhei sentit son corps englobé d’une chaleur délectable. Lorsque l’odeur sucrée qu’il adorait secrètement l’imprégna, il se sentit perdre pieds.

–  Tsuna…

–  Cette promesse, le coupa-t-elle, je veux que tu la tiennes plus que n’importe laquelle. Reste toujours avec moi, Shûhei.

Le cœur battant à tout rompre, les joues cramoisies, Shûhei Hisagi finit par resserrer l’étreinte de sa coéquipière avec une tendresse dont il ne sous-estimait pas même l’existence.

–  Sur mon honneur de Vice-Capitaine, je te le promets, Tsunata.

Alors que la lumière opaline de l’astre lunaire inondait la Soul Society de sa pureté, les deux partenaires profitèrent dans les bras de l’autre de ce spectacle, loin de se douter qu’un jour, le calme de cette douce nuit d’hiver ne sera plus qu’un lointain souvenir.




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