When in Rome

Chapitre 44 : L'aube après la nuit

4357 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 05/04/2021 22:25

Chapitre 44 L'aube après la nuit

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Une route de terre battue boueuse serpentant dans une forêt. Un carrosse lancé au galop sous l'aiguillon du cocher qui donne du fouet et de la voix. Arrêt brutal qui le projette vers l'avant sur la banquette d'en face. Ouverture fébrile de la porte pour demander pourquoi on s'arrête. Le cocher qui saute de son banc à pieds joints en répondant qu'un autre carrosse était renversé. Plus de chevaux. Deux malles éventrées vomissant des effets précieux chiffonnés et jetés dans la boue. Vision consternante. Le cocher faisant le tour de la voiture. Son cri précipité qui l'appelle « Monsieur, venez vite ! ». Enjambées fébriles et pleines d'appréhension. Là, noyée dans les feuilles mortes, tremblant au milieu d'un tas de chiffons, une pauvre créature sanglotant à bas bruit. « Aidons-la ». Cris et dénégations. Résistance. Pleurs. « Par pitié, laissez-moi, pour l'amour de Dieu ». Mouvements désordonnés. Une dame aux cheveux de soie brune. Corset lacéré, chemise déchirée en deux, jupon arraché derrière lequel elle cache en vain sa nudité de déesse. Pure beauté en gloire. Et le cocher qui bée. Manteau prestement retiré posé sur ses épaules tremblantes. Portée dans la voiture. Pleurs. « Vite, cocher ! ». Carrosse lancé à vive allure, cahots de la mauvaise route. Les pleurs cessent enfin. Regard de biche chassée. Un souffle. « Des malandrins. Vous les avez mis en fuite avant le pire…». Embarras. Dénégation. Bredouillis étranglé. Ses yeux de madone au désespoir. « Monsieur, je vous dois une éternelle reconnaissance mais quelle sera mon existence, avec cette tache indélébile sur mon honneur ?...». Incompréhension choquée. N'était-il pas arrivé à temps ? « Personne ne me croira ». Elle serre sur elle le court manteau qui glisse à chaque soubresaut, révélant trop pour elle et pas assez pour lui... Si dénudée et pourtant si pure. Il déglutit. Ne fait pas mieux que le cocher. « Je jurerai sur mon honneur que rien de fâcheux… » Elle se couvre les yeux à défaut du reste et murmure qu'elle n'a plus qu'à cacher sa honte dans un couvent. Genou à terre. Cri de protestation indignée. « Madame ! Vous n'y songez pas ! » Ce qui est sûr, c'est que lui n'y songe pas du tout.

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Constantinople. Splendeur d'un palais des mille et une nuits. Colonnes, patios et fontaines murmurantes. Flambeaux. Faste du dîner, vaisselle d'or, mets exotiques et raffinés. Hôte au turban chamarré et affable. Politique et négociations. Sourire plein de ruse. Pipeaux lancinant, tambours frénétiques, danseuses ondulantes qui échauffent le sang. Nuit d'Orient. Appartements des hôtes de marque. Largesses d'hospitalité, luxes de fruits et de parfums. Sourire plein de ruse. « Choisissez votre esclave, elle vous obéira en tout ou bien recevra le fouet ». Pâleur et confusion. « Émir, ce n'est pas la coutume de mon pays ». Sourire plein de ruse. « Ambassadeur, à Rome on fait comme les Romains ». Belles esclaves en ligne vêtues de transparences. Yeux de braise. Bouches aguicheuses. Malaise et crainte de l'impair. Sourire plein de ruse. Claquement de mains. Les voiles tombent. Une seule croise des bras pudiques sur ses trésors bombés. Yeux d'azur suppliants qui prient : monsieur, sauvez-moi. « Excellent choix, ambassadeur. Fraîchement débarquée de nos galères ». Claquement de mains. Les esclaves se retirent. Sourire cruel qui parle bas. « Satisfais-le et tu vivras un autre jour ». Enfin seuls. Impériale en son drap rassemblé en hâte pour épargner sa modestie. Paupières baissées. « Je suis Lady Wellsingham. Des pirates ont attaqué mon navire et m'ont vendue. Je vous en prie faites une offre au sultan pour me racheter. Mon mari a du bien… ». Un genou à terre, il embrasse ses phalanges. « Je ferai tout pour vous, Madame ». Elle le relève. Ses yeux droit dans les siens. Espoir frémissant. « Même mentir pour me permettre de vivre un autre jour ? ». Oh, pourquoi fallait-il donc mentir ? « Je suis votre serviteur ». Sourire soulagé. Elle dort. Lui non. Maudite coutume. Il la rêve effrontée. Délices de la chair où elle aurait pris hardiment sa virginité…

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Spike écarquilla les yeux dans l'ombre, surpris d'avoir dormi alors qu'il aimait plutôt faire cela le jour. Restant immobile, il étira un sourire moqueur et disposé à se foutre de la gueule de son « colocataire mental » mais dans le plus grand silence et au creux de sa caboche en bordel.

« William, William, William. Épargne-moi tes fantasmes de roman de gare ! Je sais bien ce que tu crèves d'envie de lui faire et qu'elle te fasse. Chevalier servant, mon cul !

– Insinuations obscènes d'un porc qui traîne dans l'ordure des sentiments qui le dépassent ! »

– Mmh, mais le cave se rebiffe ! Petit puceau rassis, allons, je sais bien que sa parfaite petite chatte brûlante te fait rêver. Moi, je n'ai pas besoin d'en rêver, je l'ai eue. Plusieurs fois.

– Parce qu'en sus, vous vous flattez de la contraindre à endurer vos coups de boutoir ? Vous êtes une bête immonde ! »

– Trop chou, vraiment. Elle te refile un peu de colonne vertébrale. Mais tu te fourres le doigt dans l'œil si tu crois qu'elle n'était pas d'accord. Ce n'est pas une vierge effarouchée, c'est une femme. Et ça tu l'as bien compris, mon cochon. C'est exactement ça que tu attends d'elle, qu'elle te déniaise et elle fasse enfin un homme de toi… Eh bien, c'est pas trop tôt.

– Imposteur, laissez là votre mépris. C'est VOUS qui attendez qu'elle refasse un homme de vous ! Moi je n'ai pas honte de ce désir. Et j'aurais aimé pouvoir me remettre entre les mains d'une femme bonne et douce pour m'apprendre les voies de la chair. Qu'avez-vous désiré, vous, si ce n'est devenir, des décennies durant, la marionnette et le paillasson servile de démons sadiques ? »

– Tu sais que tu commences à me plaire ?

– Vous ne la méritez pas ! C'est moi qu'elle a embrassé aux lèvres dans les geôles !

– Oh, toi tu as loupé quelques épisodes où elle s'est montrée très très effrontée… »

Il n'eut pas le loisir de poursuivre cette intéressante et amusante discussion car il sentit la pulpe d'un doigt timide dessiner délicatement l'extérieur de son bras.

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Habituée à se lever tôt quand il faisait beau pour profiter de la fraîcheur matinale, Dawn contemplait le point du jour par la porte communicante qui donnait sur sa propre chambre inutilisée. Il était assez tôt pour entendre la petite vie bien ordonnée d'un établissement qui se mettait en route. Les ascenseurs restaient immobiles, les femmes de chambre arrivaient. Les fenêtres insonorisées ne laissaient pas deviner la rumeur des véhicules, ni même celle de l'aéroport tout proche.

La chambre de Spike n'était pas différente de la sienne, avec son grand panneau de bois foncé formant un renfoncement où s'encastrait le lit. Les deux petites appliques qui étaient accrochées en remplacement des chevets absents. Les draps à l'éclatante blancheur sentaient encore un peu le parfum discret de leur lessive… Dans le noir compact assuré par les rideaux bien clos, elle respirait lentement, le corps encore endormi, sentant la protestation de certains muscles ordinairement peu sollicités… Elle n'avait pas l'habitude de dormir nue, le confort d'un petit coton doux lui manquait, ou au moins quelque chose qui lui aurait permis de ne pas se sentir aussi vulnérable…

C'était bien différent hier, alors qu'elle était tenaillée par le désir et étourdie par le soulagement de découvrir qu'elle n'était pas la seule à en éprouver encore.

Mais cette fois, il n'y avait plus de sortilège pour annihiler les traumas de son passé, pour l'en déconnecter totalement et les lui faire voir comme s'ils étaient arrivés à quelqu'un d'autre. Hier, elle s'était retrouvée comme à Ostia, avec la peur au ventre. Et en même temps, cet élan honnête qui lui déclarait : c'est lui que tu veux, depuis des mois et des mois. Le moins indiqué des hommes et le plus sécurisant des vampires. Le paradoxe sur pattes. Le seul sans doute à lui avoir fait regretter d'avoir abandonné de longtemps l'idée même d'être une femme.

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Il avait raison de dire qu'il n'avait rien à voir avec le démon. Il avait torpillé les craintes qui l'avaient conduite à consulter des psys après la mort de Buffy et durant les premières années de Maya. Sans savoir quelles étaient ses hantises, il lui avait dit en plaisantant qu'elle ferait mieux de dépenser son argent « auprès d'un autre genre de professionnel ». Facile à dire pour lui ! Et apparemment, facile à faire aussi.

Le démon avait considéré qu'elle était là pour son plaisir à lui. Spike, qu'il était d'abord là pour son plaisir à elle.

Pas vraiment dupe, elle était certaine qu'il en tirait également une jouissance narcissique, celle d'être celui qui pouvait lui faire connaître cette extase-là. Elle n'aurait su être formelle mais… elle aurait parié qu'il savait quelque chose de ce qui lui était arrivé autrefois…

Patiemment, il avait écouté et cherché à quelle caresse intime elle réagissait le mieux, retardant sa propre satisfaction jusqu'à ce qu'il estime qu'elle était vraiment prête à leur communion physique. Et même là, il lui avait concédé la position dominante, moins effrayante sans doute, et l'avait laissée fixer le rythme qui lui convenait. Il n'avait pas fermé les yeux, pas un instant. Elle espérait qu'il ne pensait à personne d'autre, pendant qu'il avait ce regard et qu'il empoignait ses hanches comme une demande implicite à plus d'intensité. A coup sûr : le code pour « accélère »…

C'était si étrange, et il fallait le reconnaître enivrant, de constater combien il était avide de plus de caresses. Elle avait été surprise de constater qu'il était preneur de tout massage flatteur, gourmand de toute attention câline qui le faisaient gémir de contentement. « Je ne suis pas un gars compliqué, tout me va » avait-il dit autrefois. Mais s'il y avait bien UNE chose qui ne cadrait pas avec l'idée qu'elle se faisait d'un bagarreur comme lui, c'était bien ce côté sensuel.

De ce maelström sensoriel et émotionnel, elle ne retiendrait qu'une chose : elle s'était sentie aimée.

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Une très mince lueur découpait sa silhouette reposant sur le côté, tournée dos à elle, et plus ou moins recouverte du drap froissé au dernier degré. Ses mèches courtes pointaient vraiment n'importe comment sur l'oreiller, et elle savait qu'elle les aimerait encore davantage maintenant, car elles avaient été la première tache claire sur laquelle elle avait ouvert les yeux.

A trente centimètres d'elle, gisait son corps qu'elle n'aurait jamais cru pouvoir recontempler d'aussi près. Il était bâti sur des canons qui n'étaient plus guère en vigueur depuis la Renaissance. Sans doute fallait-il une formation artistique pour y trouver une irrépressible séduction. Attirée, elle posa un doigt léger qui descendit de son épaule au coude pour suivre le tracé de ses muscles longs et fins. Son dos glabre, tourné vers elle, était magnifique : le dessin des deltoïdes, celui des omoplates… C'était difficile de retenir l'envie de l'effleurer.

Toutes ses cicatrices épaisses, même blanchies au point de se fondre presque dans sa chair, lui rappelaient son histoire marquée du sceau de la violence. Elle l'avait déjà vu combattre des démons, combattre Buffy. Maintes fois, ils s'étaient affrontés comme des brutes. Maintes fois, elle avait vu son visage tuméfié et sanglant…

Comment pouvait-il être l'homme qui lui avait fait l'amour cette nuit ? Où donc était-il caché tout ce temps, celui qui n'était pas une bête vorace ?

Elle déposa un petit baiser sur le haut de son dos, prête à se préparer pour descendre prendre un petit-déjeuner et le laisser se reposer.

— Et c'est tout ? dit-il sans bouger.

— Tu ne dormais pas ?

Question stupide. Non, s'il lui parlait, c'était qu'il ne dormait pas…

Il se tourna sur le dos, un bras calé derrière la tête. Le regard qui filtrait à travers ses paupières lui cuisit tellement les joues qu'elle se sentit bête. Cette nuit passée, elle pouvait certes l'évoquer avec précaution en son for intérieur, mais face à lui ? Il connaissait ses goûts maintenant, avait un bien meilleur aperçu de ses fantasmes qui l'avaient longtemps intrigué. Plus d'amnésie cette fois, pour lui brouiller l'esprit. Il l'avait vue nue dans sa chair, nue dans son désir comme une lame au clair, nue jusqu'à l'âme. Comment cette expérience pouvait-elle être traitée aussi légèrement par autant de gens ?

Son regard ardent continuait à la détailler. Elle savait qu'il ne la jugeait pas du tout. Elle savait que le léger sourire amusé sur ses lèvres n'était pas vraiment moqueur. Elle devinait qu'il n'en avait pas encore assez eu. Ce qu'il confirma :

— Tu peux te permettre aussi d'être beaucoup, beaucoup moins timide. Touche-moi si tu en as envie…

— Es-tu chatouilleux ?

— Nan. Dis-moi plutôt ce que tu aimes sur ce bout d'omoplate que tu as gratifié d'un unique baiser furtif et totalement inassumé ?

— Parce qu'il est beau… Tu as presque les proportions du David de Michel-Ange...

Il souleva un sourcil avec une petite moue vexée, avant de lui couler une nouvelle œillade incendiaire. Il avait l'air d'aimer ce jeu, à voir son petit sourire satisfait toujours bien en place.

— Pas exactement toutes les proportions, quand même. Je n'ai pas l'attirail d'un gamin de dix ans… Je t'invite à le revérifier dès que possible.

Elle ignora l'invite et protesta tout bas :

— Le David est un chef d'œuvre artistique dont on parle toujours des centaines d'années après sa création. En revanche, je ne vois pas bien ce qui te plaît chez moi. Je ne suis pas mince et musclée…

Il la fixa quelques secondes d'un air impénétrable.

— Ah, on y vient donc... Pas comme ta sœur, tu veux dire ?

Elle ferma les paupières et répondit simplement par l'affirmative, d'un hochement de tête.

— Parce que tu crois que c'est un critère ? Je ne voudrais pas avoir l'air d'un connard qui énumère ses conquêtes après avoir couché avec toi, mais mes maîtresses n'avaient rien en commun, physiquement. Tu es très belle, tu le sais ça, non ? Ton visage, tes yeux... Et ton corps tout doux de Jessica Rabbit qui ne te plait pas ! Bon sang, il est si ignominieusement lascif que c'est une vraie provocation...

— C'est ça, et puis mon vagin est bien chaud, et je sens bon…

Il se recula avec l'air interloqué, ses beaux yeux étincelants pour une fois troublés.

— Je ne l'aurais pas exactement formulé comme ça mais… comment tu sais ce que j'allais dire ?

Elle sourit et, de l'index, elle tapota son grand front perplexe.

— J'ai mes sources.

— Hh-m, grogna-t-il. C'est le démon qui t'a dit ça…

— Tu fais une de ces têtes. Tu ne vas pas dire que tu es jaloux de lui ?

— Je déteste rester dans le flou sur ce qui se passe quand je ne suis pas « moi-même ». William ne te fera jamais aucun mal. Mais l'autre… Il est sournois. Il t'a prise sans faire attention à toi, hein ? Et je suis sûr qu'il a envie de recommencer.

— C'est pour ça que tu as autant attendu ?

— Oui !

En soupirant, elle vint se mettre tout contre lui. Passant un bras autour de sa taille, elle lui embrassa l'épaule et y posa le bout de son nez tout froid.

— Je ne suis pas certaine qu'il me veuille vraiment du mal. Tu parles de « provocation », oui, c'est un langage qu'il comprend. Je ne peux pas en être certaine mais j'ai l'impression qu'il considère que je l'allume quand je lui tiens tête et que ça flatte sa virilité de prince démon. Je crois qu'il voit ça comme une sorte de parade amoureuse. Le problème, c'est qu'il ne sent pas sa force. * Toi aussi tu comprends cet état d'esprit. Faith m'a dit que ça aurait été bien que je continue à m'entraîner avec Maya. Parce que – je cite – tu trouves ça raide sexy une fille qui sait se battre… C'est pas vrai ?

— Mpfff. Oui.

— Moi, je ne sais pas me battre.

— Puisqu'on en parle, j'ai rien contre remplacer Maya et me dévouer pour qu'on s'entraîne tous les deux…

— S'entraîner à quoi ? Je serais au tapis en quelques secondes. Je t'ai vu contre les Ophidiens.

— Peut-être que te mettre au tapis est le but de la manœuvre... Et… à chaque gage, tu enlèverais une de ces vilaines choses qui cachent « ta beauté ».

Tirant sur le drap qui la couvrait, il enfouit sa tête contre son cœur généreux et vint taquiner du bout des lèvres l'un de ses mamelons sensibles. La fraîcheur du petit matin et son contact la firent frissonner. Elle joua pensivement avec les boucles de sa nuque pendant qu'il reprenait son butinage.

— Dis voir, t'as l'intention qu'on ne quitte pas ce lit de toute la journée ?

— Oh Seigneur !... ça faisait tellement longtemps qu'aucune femme n'avait si bien anticipé mes désirs... ricana-t-il contre sa peau.

Il l'enserra plus étroitement pour venir l'embrasser... Et sans doute plus si affinités.

— Spike, laisse-moi me commander un petit-déjeuner, j'ai faim ! Et ne rajoute rien de salace après cette phrase !

Il regimba en réclamant ses mains sur lui. C'était dur de le repousser alors qu'il avait l'air si heureux. Et elle n'avait voulu rien d'autre que de le voir ainsi. Elle rampa tant bien que mal en direction du terminal mural pour appuyer quand même sur « petit déjeuner continental dans trente minutes ». Et elle voulut se lever pour se rendre dans la salle de bains. Il la retint.

— Non, attends… J'ai encore envie de… de nous... Qu'est-ce qu'on va faire après ?

— Et bien après, je vais prendre une douche pour continuer à être douce et à sentir bon, puis je vais descendre manger un morceau et payer la note, parce qu'on est censés rendre les clés avant dix heures...

Il leva les yeux au ciel.

— Non, pas ça ! Nous : toi et moi. Je suis encore un coup d'un soir pour toi ou… j'ai une chance que tu acceptes qu'on recommence bientôt ?

Elle ne cacha pas son sourire narquois quand elle s'échappa vers la salle d'eau en trottinant sur la pointe des pieds, serrant ses bras contre elle.

— Hmm. Je sais très bien que tu ne parlais pas de ta moto en disant que tu allais « y aller doucement pour faire ronronner son moteur ».

Il lui dédia un éblouissant sourire, visiblement radieux de constater qu'elle pouvait (et aimait) le citer. Toujours allongé sur le dos, il retira lentement le drap qui le couvrait en lui décochant une œillade ardente, comme s'il voulait qu'elle ait bien conscience de ce qu'elle perdait et de son excitation notable

— Ronronner cet après-midi ? ce soir ? cette nuit ? questionna-t-il.

Ce mec était tellement vaniteux ! Avec une expression amusée, elle dédaigna répondre, entrant dans la salle de bains pour aller faire couler de l'eau chaude.

En un bond, il fut près d'elle et elle sursauta encore. Il fallait vraiment qu'il arrête de faire ça. Il glissa ses bras frais autour d'elle. « Obsessionnel et pot de colle » avait-il dit de William ? Elle posa son front contre le sien.

— Spike, je ne vais pas m'évaporer. Je ne sais pas d'avance comment on va pouvoir accorder nos vies, s'y faire une place mutuelle. Comment être ensemble et à quel titre...

— Comment ça « à quel titre » ? Mais au titre que je t'aime !

Il fit une pause avant de plisser les yeux et de reprendre avec une taquinerie féroce.

— Ah, non… j'ai compris. Ce n'est pas ça qui te chiffonne… Ce que tu veux savoir, c'est comment tu vas bien pouvoir me présenter aux autres… Voyons voir… Ton amant de lady Wellsingham ? Ton étalon blond ? Note que si tu ne sais pas quelle étiquette me coller, je pense que les gens comprendront bien tout seuls. Surtout si tu as les mains baladeuses…

— Pff. Dans tes rêves. Tu ne seras pas mon « colocataire » en tous cas. Maya est tellement ravie de cet euphémisme. Laisse-moi me laver…

— Pourquoi sort-elle avec cet idiot ? bouda-t-il en la relâchant.

— Pourquoi n'es-tu jamais content de ceux avec qui on sort ? Tu t'es plaint d'Angel, de Riley, et de Satsu quand Buffy et elle ont eu une brève aventure. Tu t'es plaint que je sois sortie avec Alex, puis mariée avec Andrew. Et maintenant le petit-ami de ma fille ne te convient pas non plus ?

— J'ai des standards élevés, répondit-il faussement offensé. Mais ne détourne pas la conversation. Toi et moi. Quand ?

Elle se pencha pour allumer le bouton de l'eau pour laisser le temps qu'elle monte en température. Et puis elle posa sur lui un regard étrange.

— Le peu que je sais du désir, c'est que c'est qu'il prospère sur le manque et l'espérance. Si tu veux en conserver un tout petit peu pour moi, peut-être plutôt demain soir ? Chez moi ? Il faut que je trouve un autre vol avec une escale à Rome pour passer voir Giles et lui parler de son offre de travail. Après, je reprends l'avion pour descendre à Pise… Je serai au hameau dans la nuit. Probablement crevée.

— Mais pourquoi tu t'embêtes ? Je peux t'emmener. Les petits gars t'aiment bien ! A chaque fois que je reviens, ils sont là à tendre interrogativement leurs petites antennes... Ils voient que je suis seul, alors se détournent en appuyant sèchement sur les boutons. Moi, j'ai la soupe à la grimace et ils font la fête à Angel parce que ce salaud leur apporte du poisson frais... Ou c'est moi, ou ils ont l'air d'attendre que tu reviennes... Laisse tomber ta campagne. Tu as fait le vœu de revenir à Rome devant la fontaine, ou pas ? Fais-le ! « Songe à la douceur d'aller vivre là-bas ensemble dans... ce pays qui te ressemble ? »

Elle sentit son cœur fondre et se haussa un peu sur la pointe des pieds pour l'embrasser gentiment, tandis qu'il attrapait instinctivement ses poignets pour qu'elle pose les mains à plat sur lui. Monsieur le vampire sanguinaire voulait être papouillé comme un gros chat !

— Eh bien, souffla-t-elle en s'écartant à regret, si tu en es à piquer des vers à Baudelaire, c'est que tu dois vraiment être accro... Là, tu ne trouves pas que ça casse ton image de gros dur ?

— ...m'en fous ! soupira-t-il en l'attirant sous le jet d'eau.

Elle poussa un petit cri.

— Mais… qu'est-ce que tu fais ? On ne tiendra jamais à deux là-dedans, c'est minuscule…

— Tu veux parier ? la défia-t-il avec un sourire de loup.

— Spike, que ce soit bien clair : on ne fera rien de répréhensible dans cette douche. Je ne tiens pas à me rompre le cou !

— Oh mais je vais le tenir sous étroite surveillance et il ne lui arrivera rien du tout… promit-il d'une voix trop suave tandis qu'il ajustait le débit.

Mais contre toute attente, quand l'eau ruissela sur eux, il resta un instant près d'elle sans bouger ni la toucher. Puis, d'un doigt léger, il poussa les serpents lisses de ses cheveux mouillés et dessina la cicatrice arrondie qu'elle portait entre le cou et l'épaule, sur la partie charnue. La trace en était presque effacée car les onguents de Willow avaient fait des miracles.

Comme s'il craignait sa réaction, il l'effleura à peine, n'osant que des baisers de plume. Son souffle un peu plus rapide l'alerta et elle se tendit. Spike qui "respirait" ce n'était jamais bon signe...

— Quoi ? chuchota-t-elle. Ton bon ami Parmakaï-des-salles-de-bains est de retour ?

— Non. Pas lui.

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Maya

Alors ? On en est où ? Grand crash ou grand crush ?

Dawn

Va savoir avec lui. On passe souvent de l'un à l'autre.

Maya

:-D Mais il l'a jouée comment : je veux te revoir vite ou je te rappellerai ?

Dawn

Plutôt revoir vite...

Maya

Alors vous êtes ensemble maintenant ?

Dawn

Non, on a pris chacun notre avion.

Maya

Tu sais très bien ce que j'ai voulu dire.

Dawn

Oui.

Maya

Je peux le dire à Papa ? Lui, il t'a dit pour Pietro.

Dawn

C'est vrai, mais il a attendu de voir si c'était sérieux.

Maya

Pourquoi ? C'est pas sérieux entre vous ?!

Dawn

Je le saurai quand nous aurons survécu à l'épreuve de la première dispute. :-P

Maya

Ouais non c'est bon, y a de la marge, vous les avez déjà eues avant... Est-ce que tu es contente ?

Dawn

Très. L'avion va atterrir, je dois éteindre. Je te dis quand je suis arrivée. Bisou.

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De : Maya (hermione∙wells©onecloud .com)

Envoyé : 4 mai 2038

A : Directeur Wells (a·wells©watchers-council. org); Angel (angel©watchers-council. org); tata Willow (whitewill©wordwilde-wicca. net); F Lehane (fivebyfive-superslayer©realavengersare. us)

Objet : Tranquillity base here, the eagle has landed! **

Salut à tous,

Maman et Spike sont ensemble. Je répète Maman et Spike sont ensemble.

Faites comme si vous ne saviez rien, SVP. Les taquinez pas, vous pourriez tout faire capoter. Ah aussi, ce n'est pas moi qui vous l'ai dit. Je nierai sous la torture.

Maya :-D

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Notes

* Pour mémoire, Parmakaï est forgé sur une base de Klingon (alien de Star Trek), espèce guerrière pour laquelle les joutes amoureuses ne sont pas une métaphore. Les partenaires finissent pleins de bleus et de bosses, mais repus.

** (Houston) Ici la base de la Tranquillité, l'Aigle est posé (Neil Armstrong – Mission Apollo 11)

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