When in Rome

Chapitre 45 : Une place spéciale dans mon coeur

3818 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 11/04/2021 15:26

Chapitre 45 Une place spéciale dans mon cœur


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Seule au milieu d'une vaste étendue herbeuse, Buffy marchait sans se soucier de savoir où elle se dirigeait. L'air était tiède et les arbres rares car leur ombre était quasiment inutile. Émanant de partout, la lumière n'était pas éblouissante. Toutefois, rien n'était conçu là pour l'inconfort, et tout pour ravir la vue. La beauté des collines, la vivacité crue des couleurs vertes, l'herbe merveilleuse sous ses pieds nus… Elle aurait pu y vivre dans la douceur pendant une éternité.

Elle y avait retrouvé par hasard, semblant sorti du néant, un gros arbre aux branches lourdes de petits fruits verts. Où qu'elle aille, il était là, flanqué d'une chaise longue accueillante qui lui tendait les bras. Il y avait un chapeau de paille et un chevalet soutenant une toile dont la peinture ne semblait jamais tout à fait sèche. Au départ, elle ne faisait que se reposer et méditer sous les branches, pendant un temps infini, à regarder sa paume gauche pour y contempler sa ligne de vie trois fois coupée. Un peu plus tard, elle avait réalisé qu'il y avait tout près une petite maison de pierre grise et d'ocre jaune qu'elle n'avait pas vue. Pour une raison inconnue, son cœur s'était gonflé et elle s'était sentie chez elle pour la première fois depuis très longtemps.

La curiosité l'avait gagnée au bout de quelques temps. La maison semblait habitée car il y avait quelques objets du quotidien qui semblaient avoir été laissés là, comme si les propriétaires étaient sortis avec l'intention de revenir bientôt. Elle ne les avait jamais vus mais elle s'attendait un jour où l'autre à tomber dessus. D'ici là, elle se disait qu'elle pourrait attendre sous le grand olivier.

C'était un bel endroit.

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Elle y était venue parce qu'elle avait surpris Mme Pratt et sa mère, le sourire béat, penchées sur la margelle d'un puits. Elle les revoyait toutes les deux avec leurs cheveux blond foncé et leurs robes blanches. Quand elle s'était approchée pour voir ce qui retenait leur attention, elle avait réalisé qu'elles regardaient le monde d'avant dont aucune d'entre elles ne faisaient plus partie. Pour le meilleur probablement…

Sa mère avait toujours aimé la télévision.

En jetant un coup d'œil de plus près, elle avait compris leur roseur. Là-bas, une silhouette masculine à la peau claire et aux cheveux très pâles était en train de faire l'amour. Buffy aurait eu du mal à ne pas reconnaître son propriétaire. Elle se sentit un pincement au cœur. Ses mouvements, ses baisers, la façon dont il s'assurait que sa partenaire réagissait à ses caresses, sa dévotion brûlante et prévenante… dont elle n'avait jamais voulu.

Elle fit semblant d'être choquée (peut-être l'était-elle un peu) en demandant à Joyce si elle était bien en train de reluquer les fesses de Spike.

Et Mme Pratt ne fut pas épargnée. Comment pouvait-elle encourager sa mère dans ce sens ?… Buffy l'indignée en profita pour l'informer que même à leur époque – qu'elle trouvait « dissolue » – ça ne se faisait pas de regarder ses enfants faire ce genre de choses…

Joyce et Anne avaient pris un air contrit quelques secondes, attendu qu'elle s'éloigne d'un pas rapide, puis pouffé et repris leur contemplation, discutant à voix basse de la beauté sans égale de leurs enfants. Buffy n'était pas dupe. Elles avaient trop peu de choses à faire ici, les distractions étaient minces.

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Feue la Tueuse s'était donc éloignée pour penser, et elle avait trouvé par hasard la maison à l'olivier.

Elle s'était assise sur une chaise longue et avait caressé entre ses doigts la fleur écarlate de la brûlure fantôme au creux de sa paume. Etait-ce une illusion due à la luminosité ? La chair avait l'air plus rose que rouge… Cette main avait tenu celle de Spike pendant qu'il mourait pour eux tous, irradiant d'un feu pur aveuglant qui le détruisait en même temps que les Turok-Hans. Leurs doigts entrelacés, dans cette cave qui était devenue sa tombe... La seule fois où elle avait osé prononcer les mots qu'il attendait… et où ses yeux résignés avaient clairement exprimé qu'il n'y avait pas cru...

Ici, elle se souvenait aussi de s'être faufilée quelques fois pour aller le voir, dans le monde d'en bas, même si c'était interdit. C'était il y avait si longtemps. Chaque fois, elle avait ressenti toute la tristesse qu'il éprouvait de ne pouvoir aller vers elle.

C'était étrange car elle avait l'impression de ressentir tout maintenant et bien davantage les sentiments des autres que les siens…

Oh, comment parviendrait-elle au détachement dont lui parlait Joyce ? Il y avait très longtemps, cette Joyce sage et pas sage avait été sa mère, elle en était raisonnablement sûre. Elle lui parlait du détachement. Mais comment y parvenir alors qu'elle ressentait tout beaucoup plus fort ?

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Elle avait aussi repensé à la façon dont elle avait tenu Spike à distance même lorsqu'elle avait su qu'il n'était « plus mort » mais réapparu à Los Angeles, aux côtés d'Angel. Comment aurait-elle pu le regarder en face alors qu'elle l'avait fait souffrir au sein de leur relation tragique et quasi littéralement sans merci...

Peu de temps avant l'effondrement de Sunnydale pourtant, elle s'était dit qu'elle devait aller lui parler de ce qu'elle ressentait et qui avait changé. Elle avait reporté parce que pour elle, c'était finalement plus facile d'affronter ce dernier combat où les humains ne pouvaient que perdre. Elle avait manqué du courage nécessaire pour lui faire connaître ses sentiments.

Et puis aussi Angel était venu se proposer d'être celui qui allait déverser le feu de lumière pure sur les super-vampires primitifs. Elle lui avait demandé de constituer la seconde ligne de défense en cas d'échec, et ils s'étaient embrassés. Sans doute y avaient-ils vu tous les deux une ultime occasion de se dire leur amour et de faire leurs adieux.

Comment aurait-elle pu aller trouver Spike ensuite sans en ressentir une grotesque imposture ?

La dernière nuit, l'autre vampire de sa vie lui avait déclaré son amour de la plus belle façon qui soit, et elle avait été incapable de rien répondre.

Elle savait aujourd'hui ce qu'elle aurait dû dire. Quelque chose comme… « Spike, je te vois. Le monde est foutu, mais je te vois. Depuis des mois, je voudrais te remercier tous les jours. J'ai eu tort de ne pas l'avoir fait. Merci pour tout ce que tu m'as donné. » Et elle aurait ajouté « Quoique… peut-être pas mon dernier cocard... » Il y aurait eu un sourire complice.

A dire vrai, si elle n'avait pas voulu le laisser revenir près d'elle durant ses dix dernières années terrestres, c'était plutôt parce qu'elle pensait qu'il méritait mieux maintenant. Elle ne se sentait plus digne de celui qu'il était devenu. Il était mort en héros, considérant d'où il était parti, ce n'était pas un mince exploit... Sur le Sceau de Danzalthar pourtant, la Faucheuse n'avait pas gagné : il lui avait cédé la victoire sans se battre. Cela ne lui ressemblait pas.*

Et quand il était revenu involontairement à la vie, sa passion et sa jubilation à défier la mort avaient disparu. Peut-être avait-il vécu des choses trop horribles en enfer pour se laisser fasciner par les promesses d'un au-delà qui avait perdu son mystère. Elle n'avait pas cherché à savoir, de peur de remuer le couteau dans la plaie. Elle n'avait pas voulu l'insulter en jouant les amies inquiètes... Ils n'avaient pas vraiment été amis et elle n'avait jamais été vraiment inquiète. Les mots lui manquaient pour qualifier le lien viscéral et douloureux qui les rapprochait autant qu'il les séparait…

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Alors, une fois ici, elle avait demandé aux Puissances de pouvoir le soutenir un peu. Au début, ils avaient été d'accord à titre exceptionnel. Par la suite, avec de la chance, ils ne l'avaient pas su. La règle de non-intervention était stupide. Spike avait été au bord de s'éteindre et sa destination suivante était facile à deviner.

Elle s'en préoccupait davantage en sachant qu'elle aurait pu y finir avec lui. Assez follement, l'idée ne lui était pas apparue si effrayante. Elle avait traversé tellement de choses affreuses avec son soutien, alors affronter l'enfer lui aurait semblé… naturel. Parfois elle avait eu l'impression qu'ils y vivaient déjà tous les deux.

Les Puissances avaient dit qu'elle avait méconnu le prix d'une âme en quête d'élévation et de rédemption. Qu'elle avait refusé l'opportunité précieuse d'être son mentor et son guide vers la lumière. Il l'avait choisie avec pertinence, rien n'était le fruit du hasard. Elle avait le pouvoir encore plus rare de faire dévier la course qui le menait droit vers les pires cercles infernaux.

Elle avait refusé.

Quand ils lui avaient mis les points sur les i, elle avait connu une autre sorte de brûlure, celle de la honte.

Et puis ensuite la brûlure invraisemblable de la jalousie quand Spike lui avait dit qu'il tombait amoureux de Dawn. Elle se trouvait bien hypocrite. Mais que pouvait-elle y faire maintenant ? C'était avant qu'il aurait fallu faire quelque chose. Elle avait eu tant d'occasions et n'en avait saisie aucune.

La non-intervention des défunts lui semblait encore difficile. Maintenant, elle voulait intervenir ! N'avait-elle pas toujours été une femme d'action ? Que restait-il d'elle si elle ne pouvait plus imprimer sa force sur le cours des événements ? Pshouf. Disparue Buffy Summers.

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Elle vit venir à elle sa mère qui souriait en regardant les lieux. Son expression apaisée et lointaine était le reflet du paysage pendant qu'elle le contemplait.

— C'est la Toscane ?... Je ne pensais pas te trouver là. Qu'est-ce que tu fais ? Tu n'avais pas un rendez-vous important avec les Puissances ?

Joyce s'assit sans façon dans l'herbe en regardant la peinture sur le chevalet, goutant sans arrière-pensée la vue paisible.

— Si, si. Je vais y aller. Demain. Ou après-demain. C'est toi qui as créé cet endroit ?

Sans répondre, la mère inclina la tête en regardant sa fille. Personne n'aurait pu supposer qu'un tel lien les avait un jour unies, car elles avaient la même apparence juvénile. Elle ne répondit pas exactement.

— C'est un lieu pour prendre du repos et du recul. J'y suis venue il y a vraiment longtemps. On y est tranquille. C'est agréable, tu ne trouves pas ? On laisse la vie rouler et on se reconstruit.

Buffy opina, son pouce caressait toujours sa paume gauche. La fleur qui marquait sa peau avait des tons délicats assez peu soutenus. Traversé par un imperceptible souffle d'air, l'arbre perdit une feuille et une olive qui tombèrent sur son nez. Toutes les deux en rirent car c'était inattendu. Que se passait-il donc d'inattendu ici ? Rien !

— Je crois que cet arbre veut faire la paix, s'amusa Joyce en attrapant le fruit avec curiosité.

— Je ne suis pas en guerre contre lui, murmura Buffy.

— Peut-être qu'il a un message parce qu'il sent encore la guerre à l'intérieur de toi ? Tu es tourmentée. C'est pour ça que tu ne vas pas voir les Puissances ?

Buffy se redressa et s'assit sur le bord de la chaise longue. Les yeux baissés, elle tritura la feuille entre ses doigts avant d'exhaler dans un soupir :

— Je pense qu'elles vont me passer un savon. J'ai désobéi aux ordres. Je suis allée aider Spike une autre fois. Et puis je suis aussi allée le voir comme ça, sans raison, parce que j'en avais besoin.

Joyce pouffa avec un sourire en coin.

— Moi aussi, j'ai désobéi ! Je suis allée voir Dawn. Je lui ai fait peur du reste. C'est peut-être pour ça qu'il ne faut pas y aller. On se sent différent après. Je veux dire, en ayant expérimenté l'effroi qu'on suscite chez ceux qu'on aime…

Le regard stupéfait de Buffy contenait toutes les interrogations qu'elle n'avait plus guère besoin de formuler. Joyce jouait avec l'olive, les traits détendus.

— Eh bien bravo ! Non seulement tu mates les fesses de Spike mais, en plus, tu as fait le mur ?

— Rien que tu n'aies déjà fait toi-même, ma chérie, répondit-elle d'un ton piquant. Je me suis toujours demandé à quoi il pouvait ressembler sous ses vêtements moches et mal coupés. J'aime mieux les nouveaux.

Buffy continua à froncer les sourcils. Elle se demanda s'il y avait un karma post-mortem. Et si après avoir fait endurer plein de bêtises à sa mère, elle était obligée d'en prendre conscience d'une autre façon aujourd'hui. Elle se demanda aussi de quoi elle voulait parler avec cette histoire de nouveaux vêtements…

— …mais si les Puissances te passent un savon, eh bien moi aussi j'en mérite un ! Nous pourrions aller nous dénoncer toutes les deux.

Buffy haussa les épaules et leva les yeux au ciel. En même temps, quel dieu y avait-il à prendre à témoin ici ? Elle regarda sa mère avec hésitation. Elle était occupée à tresser des brins d'herbe en prenant grand soin de ne pas les briser.

L'ancienne Tueuse baissa encore la tête car elle sentait la brûlure à sa paume picoter de nouveau. Les doigts de Spike entre les siens.

La vision des doigts de Dawn enfouis dans la chevelure platine, tandis qu'elle lui chuchotait des petits mots d'amour entre deux baisers sur sa tempe.

Les doigts de Spike qui brûlaient tandis qu'elle refusait de le lâcher et qu'il la suppliait de partir…

— Je ne suis pas sûre d'être prête, avança-t-elle prudemment. Je me sens trop tiraillée, pas assez apaisée. J'ai peur de faire quelque chose qui aggrave mon cas… Tu sais, j'ai failli ne pas venir ici. La première fois, les Puissances m'ont dit que j'y étais tolérée pour les services que j'avais rendus, mais pas vraiment acceptée ou accueillie pour la cruauté dont j'ai fait preuve.

— Le passé nous attache, répondit Joyce en levant sa tresse herbeuse. Nos souvenirs s'entrelacent et nous paraissent solides… Mais pour aller de l'avant, il suffit de dénouer un seul d'entre eux et voilà qu'on en redevient libre…

Elle tira doucement sur un brin de la tresse d'herbes et l'ensemble se défit sans qu'aucun d'eux ne soit abimé. Buffy observa avec fascination la façon dont ils retombaient souplement au sol.

— …c'est difficile de tout laisser aller. Je sais que c'est particulièrement difficile pour toi. Mais un jour viendra où tu nous laisseras aller, Anne et moi. Où tu laisseras aussi aller tes regrets et ta culpabilité envers Spike ou envers Dawn. Tu es coincée ici, entre deux, et tu ne devrais pas.

Elle se leva et vint s'asseoir tout près d'elle en lui prenant les mains. Elle retourna la main à la cicatrice et souffla dessus.

— J'ai été ta mère pendant suffisamment de temps pour savoir que tu as une mission. Tu as toujours une mission, cachée sous mon nez. Mais tu ne pourras jamais vraiment commencer si tu es tournée vers le passé. Tu n'as plus besoin de protéger ceux qui sont restés là-bas. Tu n'es plus la Protectrice. D'autres s'en chargeront. Ils seront heureux, ou malheureux, mais tout ceci n'est plus ni de ton ressort, ni du mien. Ne crois-tu pas que tu devrais découvrir ce que tu peux faire ici au lieu de regretter ce que tu ne peux plus faire là-bas ?

Buffy essuya une larme et sa mère lui embrassa le front en attirant sa tête sur son épaule.

— Oh maman, c'est si difficile…

— Je sais ma chérie. Nos sentiments nous attachent, pour le meilleur ou pour le pire. Que crois-tu que j'ai ressenti quand je t'ai vue découvrir mon cadavre ? De l'impuissance. Du regret. L'impression que je n'avais pas eu assez de temps… Et que j'en avais passé trop à me mettre la tête dans le sable. Que je n'avais pas vraiment vécu tout cela avec toi mais plutôt à côté de toi…

Joyce lui caressa les cheveux pendant longtemps et Buffy pleura de plus belle. Au bout d'une éternité, elle annonça qu'elle allait dormir cette nuit dans la maisonnette de pierre. Et qu'elle essaierait d'aller voir les Puissances ensuite.

Sa mère lui sourit et repartit comme elle était venue, disparaissant à l'horizon de la campagne presque immobile. Buffy se fit la réflexion que c'était presque comme une carte postale idéale. Elle n'y accorda pas d'autre pensée et puis se dirigea à l'intérieur pour se pelotonner sur le canapé. Si quelqu'un venait, elle s'excuserait.

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Sa mère était revenue. Il fallait dire que Buffy n'avait pas bougé de la maisonnette pendant des jours. Joyce s'était assise dans l'herbe et n'avait rien dit pendant quelques minutes, fermant les yeux comme si elle voulait bronzer sous les rayons du soleil trop ténu. Sa voix s'était élevée après plusieurs minutes. Elle ne fut jamais interrompue.

— Tu sais pourquoi il ne peut pas t'oublier. Tu le sais très bien. C'est parce que vos âmes se connaissent et sont liées. Après Drusilla, c'est à toi qu'il s'est consacré. Il a souffert lorsque tu es morte pour sauver Dawn, et il t'a aidée de toutes les manières qu'il a pu quand tu as été arrachée du Paradis. Il t'a donné tout ce dont tu avais besoin. Le meilleur comme le pire. Tu l'as quitté. Il a encore souffert davantage. Il a dépassé les bornes et tu l'as banni. Excommunié serait plus juste… Alors il a trouvé un moyen tordu de pouvoir se retrouver encore dans ta lumière, pour que tu le regardes et pour qu'il soit pardonné…

Buffy soupira. C'était un acquiescement.

— ...ne me raconte pas de blabla, comme quoi il était parti chercher seulement plus de puissance pour t'abattre... Un peu d'honnêteté pour une fois. Au fond de sa rage et de son désespoir, il a trouvé un moyen. Je n'arrive pas à dire si c'est seulement effroyable ou atrocement romantique. Tu ne t'es jamais demandé pourquoi il a choisi l'Afrique et quel sorcier avait pu lui faire cela ?

La mine de Buffy n'exprimait que confusion. Comme si ce n'était pas assez extraordinaire qu'un second vampire récupère son âme !

— « Afrique, puissant shaman et implantation brutale de puissance surnaturelle ». Allons, tu devrais reconnaître ça, c'est l'histoire de la première Tueuse ! Spike est allé trouver là-bas un descendant du peuple des ombres, ceux qui ont forgé la lignée de tes consœurs. Te rends-tu compte de la portée de cet acte symbolique ? Avoir voulu à ce point partager ta souffrance en regagnant une âme arrachée à la félicité éternelle, partager avec toi la sensation d'être partiellement humain et partiellement démon. Pour t'avoir vu le vivre, il savait ce qui l'attendait. Il espérait qu'en le voyant affronter une épreuve identique, tu serais là pour lui comme il l'avait été pour toi ! Pauvre garçon…

Buffy ouvrit la bouche, frappée de stupeur. Déjà parce qu'elle ne voyait pas trop bien comment sa mère avait pu savoir ou deviner tout ça… (Elle soupçonnait toutefois le « puits-télévision »). Mais surtout parce qu'elle n'avait pas envisagé que la pauvre chose pitoyable et incohérente, qu'elle avait trouvée roulée en boule dans les sous-sols du Lycée, revivait dans sa chair, son cœur et son esprit le pire sentiment d'agonie qu'elle ait connu elle-même. Elle en avait été victime, il l'avait recherchée pour expier… Les larmes lui montaient encore aux yeux.

Elle avait vu qu'il « allait mal » mais… mal à en hurler ? Aux prises avec une DÉPRESSION grande comme le Texas qui lui broyait la gorge et les poumons ? Avec des envies de suicide toutes les trois secondes et demie ? Mal comme s'il était seul et invisible au milieu d'une cage de verre privée d'oxygène ?…

— …finalement, tu t'es sentie assez coupable pour l'aider vaguement à se réadapter. Sa raison s'écroulait mais, même ça, il a cherché à te l'épargner. Il avait trop d'orgueil pour être un fardeau... Il t'a caché combien il dérivait. Un peu de gel, son manteau, des réponses laconiques, et le tour était joué ! Au fond de lui, son âme était terrorisée… Et tu veux savoir l'ironie ? Si tu l'avais accueilli avec compassion quand il est revenu, eh bien la Force n'aurait jamais pu profiter de sa division intérieure et le posséder comme elle l'a fait…

Au bout du compte, bien sûr, il est mort en héros pour toi. Parce que c'était de ça dont tu avais besoin à ce moment, et il te l'a donné. Tout pour toi, rien pour lui. Et quand, par extraordinaire, il est revenu d'un autre enfer, qu'as-tu fait ? Lui as-tu dit merci ? Témoigné de la reconnaissance ? Lui as-tu donné cet amour qu'il désespérait de connaître ?

Non. Tu lui as tourné le dos.

Alors ce que tu dois trouver la force de faire aujourd'hui, ma chérie, c'est de le laisser partir. C'est de le libérer pour de bon, pour qu'il puisse aller de l'avant. Fais-le. Il le mérite.

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Buffy avait écouté et pleuré encore. Comment pouvait-il lui rester encore des larmes avec tout ce qui s'écoulait de ses yeux ? Elle s'essuya les joues. Ça ne marchait pas très bien. C'était pour cette raison qu'elle était coincée ici.

Parce qu'elle refusait de le laisser s'en aller.

Parce qu'elle n'avait jamais connu quelqu'un d'aussi fort sur lequel elle avait pu s'appuyer.

Parce qu'il l'avait aidée à revivre dans un monde qui ne chantait plus pour elle.

Parce que leurs âmes avaient été soudées par les épreuves communes et dans la guerre.

Parce qu'elle avait besoin de lui.

Et maintenant, il fallait qu'elle l'aide à se libérer d'elle. Libre de trouver un autre amour. Un meilleur et un vrai. Oh oui, elle savait bien ce qu'elle devait faire.

Mais ce qu'elle ignorait, c'était... comment.

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* NDLA : Pour mémoire, il a vu Angel et Buffy s'embrasser juste avant. Je dis ça, je dis rien…

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