When in Rome

Chapitre 55 : Slayer slayer

4665 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/11/2021 21:12

Chapitre 55 Slayer slayer

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— Alors, dis-moi. Qu'est-ce qu'une jolie petite fille comme toi fait avec un vilain garçon comme lui ?

Un silence suivit la déclaration inattendue de « Madame Spike ». Tous restaient dans l'expectative, affichant les uns et les autres des expressions très différentes. Joy, pour sa part ravie par le mot « petite fille », sautilla sur place en tirant la manche de l'intéressée qui, elle, regardait ailleurs avec inquiétude.

Vaguement consterné, le vampire fashion victim se demandait encore s'il devait signaler diplomatiquement l'erreur quand le mioche répondit sans chercher à corriger.

— Il a bien voulu m'aider à chasser les sminthorexes. En quelques minutes, il en a tué plus que moi en trois mois… J'aurais bien voulu qu'il m'apprenne à m'améliorer mais il a dit qu'il ne restait pas.

— Chasser des rats ? D'habitude, il s'attaque à du plus gros gibier…

— Hey, t'as pas vu ceux de sa planète ! Et… comment tu sais que c'est des rats, les « sminthorexes » ?

— Je n'ai peut-être pas toute ma tête tout le temps, mais le grec n'est pas la plus difficile des langues anciennes…

— Hm, si on veut... Sauf que ce petit-là, on ne se rend pas trop compte parce qu'il est maigrichon et un peu efféminé, mais ce n'est pas une fille. Je l'aurais senti, répondit-il avec un regard appuyé.

Dawn lui jeta un coup d'œil, à moitié dégoûtée par son odorat de compétition pour renifler les œstrogènes ou d'autres périodes du cycle féminin, puis consulta l'enfant avec un petit sourire en donnant un coup de tête pour désigner l'homme à ses côtés.

— Certaines fois, je ne le trouve pas aussi futé qu'il se flatte de l'être…

— C'est pas sa faute. Ses traducteurs, c'est de la camelote à touristes. Depuis le début, il me donne des noms de petites bestioles… Quand je ne comprends pas, je fais semblant. Il n'a pas l'air de s'en rendre compte.

— Ouais, mais surtout, ce qu'il n'aime pas, c'est qu'on parle de lui à la troisième personne quand il est là. Pourquoi t'as pas dit que t'étais une fille ?

— Ça n'a pas d'importance.

— Ben voyons ! Et sinon, ça t'embête pas trop de me faire passer pour un con ?

— Pas de gros mots devant Joy ! rappela Dawn.

— Non mais c'est vrai, quoi ! Franchement, quand on te regarde, c'est pas évident. Comment veux-tu que je sache ce qu'il y a, sous ce tas de fripes ?

— Ah, c'est vrai, je crois me souvenir que les « tout-qui-cachent », ça n'a jamais été ton truc. Sinon, d'où venez-vous comme ça, tous les deux ?

Toute contente d'avoir la réponse, Joy levait la main bien haut pour demander la parole comme on le lui avait appris, mais sans lâcher son lapin.

— De l'espace ! Papi, il va toujours dans l'espace.

— Ne m'appelle plus « Papi » petite, ou tu vas hériter d'un surnom pire que « Microbe », ronchonna-t-il. On vient d'un coin pourri tenu par le syndicat d'Orion. Les petits gars du vaisseau avaient besoin que j'achète du bric-à-brac mais, bizarrement, là-bas personne ne paye en pattes de criquets… J'ai bossé sur des chaînes de montage pour avoir assez d'argent. J'ai détesté.

— Ah, Orion. Bien sûr, acquiesça Dawn lentement. C'est logique.

Le cœur de Spike se compressa brutalement comme à chaque fois que l'esprit de sa douce recommençait à divaguer de nouveau… Quelle logique ? A l'instant, elle était pourtant détendue, vive, pétillante, presque comme avant… Il baissa la tête et se tourna un peu de côté pour tenter de masquer sa déception.

Dawn se tournait vers la « moucheronne » – et, contre toute attente, elle se mit à expliquer.

— Orion, c'était un chasseur très puissant et très beau, ami de la déesse de la chasse, dans une légende des temps anciens. Malheureusement, elle l'a tué sans le vouloir. Quelqu'un lui avait dit de stopper un méchant qui arrivait. C'était seulement Orion, mais de loin, elle ne l'avait pas reconnu et lui avait envoyé une flèche dans le cœur. Elle a été vraiment triste de s'être trompée et d'avoir perdu son plus fidèle ami. Alors elle a donné son nom à des étoiles, pour ne jamais l'oublier. Et toi, c'est dans les étoiles appelées comme ça que tu attendais Spike. Les pilotes ont fait exprès de t'emmener là ? demanda-t-elle au bougon.

— J'en sais rien, moi. Ils m'ont juste largué avec leur liste de courses…

— Je ne l'attendais pas, madame. Il est juste arrivé.

Dawn se contenta d'un sourire patient et hocha la tête pour ne pas braquer leur petite invitée. Elle changea de sujet.

— Tu dois être fatiguée de toutes ces nouvelles choses… Tu veux partager la chambre de Joy pour dormir ?

— Non, Cheveux Jaunes m'a donné la sienne dans l'avion.

— Euh… non, je ne t'ai rien donné. Je t'ai prêté mon lit parce que je n'allais pas te laisser par terre sur la passerelle ! T'as un sens de la propriété particulier quand même. Tout ce qui est à moi est à toi…

La réponse un peu vive sembla la déstabiliser et l'inquiéter.

— Mais alors, où je vais aller si j'ai pas d'endroit ? demanda-t-elle, la lèvre tremblante.

— Eh bien, avec l'un des gamins, répondit Spike en s'exhortant à la patience.

— Mais… on ne repart pas dans l'espace ?

— Non, pas pour l'instant.

La petite tordit ses lèvres en une grimace de déception amère et tourna les talons pour partir en vitesse. Décontenancé, Spike ouvrit la bouche, hésitant à la rattraper avant de renoncer finalement.

Il ne pouvait pas dire qu'il était surpris puisqu'il s'attendait à se faire fausser compagnie plus tôt que ça. Il regarda sa femme et secoua la tête avec un geste de bras fataliste.

— Je suis désolé, c'est une petite sauvage.

— Pourquoi tu ne la rattrapes pas ?

La mine sombre, Spike choisit d'aller s'asseoir sur un coin de bureau, poussant maladroitement les papiers qui s'y trouvaient. Il inclina la tête et scruta Dawn par en-dessous. La mine sévère de celle-ci ne l'aidait pas à se justifier.

— Parce qu'elle a vu mon visage de vampire. Je crois que ça lui a refilé les pires chocottes de sa vie. Maintenant, je suis rien qu'un monstre horrible qui lui fait peur… Et il y a une autre raison, je n'ai pas du tout aimé la réaction du démon quand il l'a vue. Toi tu pouvais un peu plus te défendre quand il s'en prenait à toi… Peut-être que ça vaut mieux qu'elle s'éloigne de mon périmètre.

— Alors, c'est tout ? Tu vas juste l'abandonner elle aussi ? Parce que tu trouves ça trop difficile ?

Frappé au plexus, Spike sursauta en la fixant avec une stupéfaction horrifiée. Dawn avait les larmes aux yeux, un pauvre sourire tremblant, et il sentit son cœur poignardé en comprenant ce qu'elle voulait dire. Il se précipita vers elle pour la relever et la serrer fort dans ses bras.

— Dawn ! Je t'en supplie, ne dis pas ça ! Je déteste te laisser… Ce n'est pas ce que je veux. Jamais.

Il attrapa son visage dans sa paume pour venir l'embrasser, avec une tendresse mâtinée de désespoir sous laquelle couvait toute la passion contenue qu'il gardait en lui. La tenant solidement pour éviter qu'elle ne tombe, il enfouit la tête dans son cou délicieux dont le parfum lui évoquait tout à la fois la sensualité et la sécurité.

— Ça me fait mal à chaque fois d'être séparé de toi. Un mal de chien. Presque aussi mal que quand on était liés par le pacte de la Proclamation… Il faut que tu me croies.

— Je veux bien mais… tous les jours, je me réveille et tu n'es pas là. Tous les jours, je me réveille et le bel homme blond que je ne connais pas n'est pas là. Tous les jours, je suis seule et je leur dis que mon mari me manque. Ils pensent tous que je parle d'Andrew… Pourquoi est-ce que tu me fuis, comme autrefois ? Oui, je me souviens d'autrefois, quand tu avais peur de me faire du mal… Est-ce qu'on n'a pas lutté trop longtemps pour dépasser tout ça ? Est-ce que tu crois que je ne pourrai plus jamais te rendre heureux parce que je ne suis plus comme avant ? Si c'est ça, je t'en prie, dis-le-moi. Et j'arrêterai de t'attendre pour te voir deux jours et te perdre à nouveau. Dis-le simplement. Je m'écrirai une note pour les fois où… j'aurai oublié. Nous avons toujours dit que nous resterions ensemble aussi longtemps que nous le voudrions tous les deux. Et si tu ne le veux plus…

Elle tressaillit quand elle sentit qu'il l'attrapait sous les genoux pour la porter en trois enjambées jusqu'à son lit. Dans le même mouvement, il s'allongea en travers tout près d'elle qui le considérait de toute sa surprise, les joues roses. Il joignit leurs bouches et ils s'embrassèrent avec cette même passion qui les avait si souvent rapprochés, jusqu'à ce qu'ils fussent à bout de souffle, l'un et l'autre. Puis dressé sur un coude à côté d'elle, il vint saisir la petite main avec laquelle elle tentait de le faire revenir sur son cœur, pour la garder dans la sienne. Et là, les yeux élargis par le désir de l'aimer tout de suite, tant qu'elle savait encore qui ils étaient l'un et l'autre, il demanda :

— Est-ce que j'ai l'air d'un type qui n'en a plus envie ?

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Le cœur gros, la petite fille était sortie toute seule. Elle avait envie de se retirer loin de toute cette cacophonie à l'intérieur d'elle-même mais comment faire ? Et elle avait aussi envie que les petites bêtes du vaisseau de l'espace la ramènent quand même là d'où elle venait, parce que ça vaudrait mieux, parce qu'elle s'était trompée, parce qu'elle ne voulait pas déranger ces gens. Rien ne se passait comme elle l'avait imaginé. Rien.

Depuis l'enfance, elle se plaisait à rêver que quelqu'un l'attendait. Un homme différent qu'elle pourrait aimer. Tout ça, c'était de la faute de la vieille dame qui lui avait appris à lire ! Elle lui avait donné de stupides histoires romantiques qui lui avaient mis de stupides idées dans le crâne. Et résultat, elle se retrouvait à des millions d'années lumières de chez elle, pour avoir suivi un stupide alien à moitié monstre qui s'en fichait d'elle… Pour ce qui était d'en trouver un différent, ça, elle avait tiré le gros lot !

Il sentait l'aventurier à plein nez. Le solitaire. Le désespéré. Mais grattez un peu la surface et qu'est-ce qu'on découvrait ? Qu'il était marié ! Et en plus il aimait sa femme ! Bon, c'était vrai qu'elle était jolie pour une dame âgée, mais il ne manquerait plus qu'il ait aussi douze enfants…

Elle revoyait le couple à l'instant, leurs yeux qui se plissaient quand ils s'embrassaient avec un sourire. La façon dont il la tenait tout en lui donnant des caresses furtives.

Tout à l'heure quand il lui avait dit bien en face qu'ils allaient voir « la femme qu'il aimait », ce truc bizarre était arrivé dans son ventre. Elle se doutait de ce que ça signifiait. Justement parce qu'elle avait lu ces histoires romantiques, mais ça l'avait rendue simplement plus honteuse qu'autre chose. Elle se serait pardonnée bien mieux si elle avait pu se dire que c'était parce qu'elle était arrivée à maturité pour avoir des enfants. Mais dans son quartier d'autres comme elles ne grandissaient pas, ne se développaient pas. En ce qui la concernait, elle n'avait saigné que deux fois, il y avait eu plusieurs mois entre les deux, et c'était arrivé l'an passé… Au dispensaire, ils lui avaient dit de ne pas s'inquiéter mais qu'elle devrait essayer de manger plus, et ils avaient eu la décence de ne pas dire « mieux ».

En vérité, il lui avait fallu venir jusqu'ici pour comprendre la sottise que c'était de croire qu'elle allait trouver un ange tombé du ciel qui l'attendait depuis toujours. Maintenant qu'elle s'en était rendu compte, la seule chose à faire était peut-être de retourner affronter la réalité de chez elle. Prendre sa vie en main au lieu d'attendre que les choses arrivent.

Serrant les poings et les dents, elle prit la porte dans l'idée d'aller s'asseoir sur les marches au dehors. Elle fut arrêtée dans son élan quand elle vit quelqu'un qui avait déjà pris la place. Une autre vieille femme regardait au loin en prenant distraitement une gorgée à une canette, de temps en temps. Ce monde était extraordinaire. Cela faisait la deuxième personne avec des rides et des cheveux gris qu'elle croisait en si peu de temps. Cette dame avait encore un peu de cheveux noirs et des vêtements qui n'avaient rien à voir avec ceux des autres, tout serrés. Elle tourna à peine la tête, ne la salua pas en se contentant de lui jeter un bref coup d'œil. Donc ni l'une ni l'autre n'étaient de bonne humeur et enclines à vouloir discuter.

Celle qui n'était qu'une petite jeune fille se mit à l'autre bout des marches, le menton sur les poings et rumina de son côté dans la plus complète tranquillité, en se demandant comment elle allait remonter dans le vaisseau et expliquer tout aux bonshommes-insectes qui conduisaient.

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Faith guettait la voiture. Elle avait eu confirmation que l'avion ramenant Angel et Willow s'était bien posé et savait que Pietro s'était proposé pour aller les chercher plutôt que de leur laisser payer un taxi. Mais ils auraient déjà dû être là. Les textos rassurants de Willow disaient qu'ils avaient dû faire un petit détour de rien du tout. C'était un mensonge.

Elle avait l'impression que ça faisait des heures qu'elle attendait de savoir qui allait revenir de Hongrie. Au choix : cette sale enflure d'Angelus, menotté par des ensorcellements et livré direct aux geôles de l'École romaine ? Angel, son Angel, parce que le rouleau ne valait rien et qu'elle voudrait bien tout faire pour le consoler de ce que ça n'ait pas marché ? Ou un inconnu complet, pour qui elle ne serait personne ? Un jeune homme pas forcément agréable, si elle en croyait les anciennes biographies qui circulaient sur son compte au fond des cryptes des Observateurs.

Elle savait que c'était très égoïste, mais elle n'arrivait pas à se réjouir du possible succès de cette ablation de la mémoire et de l'immortalité. La culpabilité la rongeait d'autant moins qu'elle savait que Maya pensait exactement la même chose de son côté.

Angel et elle en avaient discuté, elle avait fait comme si elle comprenait. Elle avait fait comme si elle s'en foutait quand il avait insisté pour qu'elle dise ce qu'elle en pensait vraiment. Elle l'avait envoyé au Diable quand il lui avait dit au revoir, avec un baiser à lui filer des regrets pendant le restant de ses jours… Le salopard.

C'était étrange. Plus le temps, passait plus elle trouvait qu'elle partageait souvent le vocabulaire de Spike à son égard…

Par désœuvrement, elle jeta un coup d'œil au gamin, ou à la gamine, qui faisait la gueule de l'autre côté de la volée de marches. Faith se fit la remarque que ça devait être comme les chats. Ces méchantes bêtes fonçaient toujours droit sur les gens qui ne les aimaient pas, prétendument parce qu'elles se seraient senties plus en sécurité auprès de quelqu'un qui les ignorait totalement.

Non. L'enfant était en train de papilloter des yeux un peu trop vite et Faith perçut un mouvement furtif de la main qui essuyait les joues. Merde. Manquait plus que ça. Elle soupira, posa sa canette presque vide à côté et fit mine d'étirer ses jambes un peu raidies le long des marches pour les désankyloser. Encore une bonne raison de déprimer. Comment garder votre vampire quand vous êtes vieille et percluse ? Elle se frotta une fesse et essaya de s'installer mieux, le dos appuyé à une rambarde de pierre sculptée de grosses volutes crémeuses. A la vérité, d'autres auraient bien aimé tenir la forme qu'elle avait à plus de cinquante-cinq ans…

La rue pavillonnaire ne s'animait toujours pas, il ne s'y passait strictement rien. Et certainement pas ce qu'elle attendait.

Oh, non ! Des reniflements maintenant ?

— Qu'est-ce que t'as ? Pourquoi tu pleures ?

L'enfant la regarda avec stupeur, prêt à détaler s'il le fallait.

— Je sais pas. Je pleure parce que j'ai envie de pleurer. Pas besoin d'avoir une raison.

Surprise par sa réaction à laquelle elle trouvait un certain bon sens, Faith suspendit sa réponse pendant un instant. Un sentiment étrange montait peu à peu en elle. De la colère ? De la déception ? De la culpabilité ? C'était dingue que ça ressemble un peu aux trois tout en même temps.

— Ok. Je te laisse les marches, moi je vais aller faire la gueule ailleurs. Tu veux finir ma canette ?

Le mioche avait l'air perdu, ou en tous cas, largement indécis. Faith posa l'objet sur une marche et s'éloigna de plusieurs pas pour s'approcher du trottoir où, sur la pointe des pieds, elle se tordit le cou pour regarder les deux bouts de la rue. Le petit attendit qu'elle soit partie et tendit la main vers l'objet de métal dont il renifla l'ouverture en grimaçant. Il secoua un peu, renifla encore, refit la grimace. Enfin, il tourna le trou vers le creux de sa main pour verser un petit peu du contenu avant d'y tremper une langue prudente…

Malgré elle, Faith était captivée par son manège. Particulièrement parce que l'enfant ne cherchait absolument pas à poser des questions en lui demandant ce que c'était, par exemple. Il expérimentait de lui-même. Il y avait longtemps qu'elle n'avait pas vu ça. Il renifla encore, claqua la langue sur le palais, la passa sur ses lèvres comme un minuscule œnologue… Et puis s'enfila d'une traite le quart restant.

Faith sourit en coin.

— Tu aimes la bière ?

— Oui. Je veux encore de la bière.

— Tu sais que ça va te rendre saoul et que tu pourrais dire et faire des grosses conneries en riant bêtement si tu en bois trop ?

Un éclair de connivence absolument pas prévu brilla brièvement dans le regard du mioche quand il ajouta avec une certaine force de conviction :

— C'est ce que j'espère.

Amusée malgré elle, Faith s'était retournée en croisant les bras, tâchant d'évaluer à qui elle avait affaire. Certains souvenirs revinrent la titiller à l'arrière du cerveau en lui demandant de ne pas jouer à ça. Lui rappeler qu'elle avait laissé Dawn s'enivrer autrefois en se racontant que ça n'aurait pas de conséquences...

— Tu sais que les gamins n'ont pas le droit de boire de l'alcool ?

— Ah, non. Je sais seulement que les grands-mères devraient éviter parce que ça se mélange mal avec leurs médicaments pour l'arthrite, lâcha le petit gars avec un sourire innocent peu crédible.

La Tueuse laissa s'échapper un rire estomaqué mais ses yeux brillaient de plaisir. Elle s'approcha, les mains calées dans les poches de son pantalon.

— T'es marrant. Tu restes longtemps ?

Il fit non de la tête avec un petit « Sais pas ». Impatientée, la Tueuse tourna la tête en l'air avec une petite moue interrogative sur ses lèvres toujours pulpeuses qui signifiait « Développe » ou peut-être « Te fais pas prier ». L'enfant hésita.

— Pas si j'ai une occasion d'aller ailleurs.

— Ailleurs où ?

— Je sais pas non plus.

— Eh bien, toi au moins, tu ne parles pas pour ne rien dire ! Mais j'aime ça !

L'enfant soupira et joua avec la canette, silencieux à nouveau. Faith n'arrivait absolument pas à le cerner, surprise même qu'il y ait déjà quelque chose à cerner chez un enfant. La voix de sa conscience lui rappela qu'elle était petite quand les ennuis avaient commencé chez elle.

— Je suis venue avec « Spike », dit-il enfin. Mais le grand-père aux lunettes m'a dit qu'il était un monstre et qu'il ne valait mieux pas que je reste avec. En plus, je vois bien qu'il a une famille ici…

Faith Lehane avait du flair pour deviner les sentiments qu'entretenaient les gens. Et peut-être plus encore depuis le jour où elle était sortie d'un coma de plusieurs mois, il y avait de cela bien longtemps. Ses premiers cobayes avaient été la copine amoureuse de Willow, et puis il y avait eu Spike qu'elle était venue asticoter et chauffer quand elle était dans la peau de Buffy. Les désirs et aspirations des autres lui apparaissaient aujourd'hui avec une grande évidence. Elle ne se demandait plus pourquoi. Et c'était bien la raison pour laquelle elle était quasiment sûre que ce petit bout de chose... en pinçait pour Spike.

— En quoi ça te gêne ? Tu voulais te le garder pour toi tout seul ? Ne dis pas que je te l'ai dit mais il est circonvenable, si tu veux tout savoir. Il a beau être un vampire, il peut être câlin comme un gros chat quand on sait par quel bout le prendre… Oh, tu rougis, c'est adorable.

— Un vampire ? répéta-t-elle malhabilement.

— Ouais. Sale gueule, yeux jaunes, plein de dents… vampire, quoi. T'en as jamais entendu parler ? Même dans des bouquins pour minettes ?

Le petit gars fit non de la tête en fronçant les sourcils tout à fait sérieusement.

— Est-ce qu'il y a un rapport entre les vampires et des pics en bois à peu près grands comme ça ? demanda-t-il en montrant la mesure avec ses doigts levés.

Faith sourit en coin et prit appui sur une jambe en attrapant quelque chose à l'arrière de sa ceinture.

— Un pieu comme celui-ci ? Oui, c'est de ça dont on se sert pour les exploser. Léger, maniable, rapide, se rengorgea-t-elle en le faisant tournoyer avant de le lui tendre dans sa paume ouverte pour qu'il regarde.

L'enfant resta en arrêt à contempler le bout de bois quelques instant, avant de répondre par l'affirmative en la regardant avec crainte. Il lui fit un peu pitié et elle se sentit obligée d'essayer de le rassurer.

— T'inquiète pas, éliminer des vampires, c'est pas un boulot pour un petit mec gros comme une sauterelle…

Elle en fut pour ses frais. Cela n'eut pas du tout l'effet escompté. Le gamin pâlit en poussant soudain une sorte de petit sanglot impromptu. Il secoua la tête comme pour les chasser mais des larmes opiniâtres débordaient au ras de ses cils. En fait, les voir couler aussi silencieusement la mit mal à l'aise. D'autant plus qu'elle savait pour quelles raisons un enfant pouvait être amené à pleurer sans se faire remarquer. Il déglutit et s'essuya le visage rapidement avec sa manche.

— C'est pour ça que tu es là ? Tu vas tuer Cheveux-Jaunes parce qu'il est un monstre ? Il ne faut pas faire ça ! Il a essayé de me sauver !

Désarçonnée, Faith rangea son pieu et s'accroupit à côté du petit en grimaçant car son arthrite du genou recommençait à lui faire un peu mal.

— Hey, hey… Pleure pas. Je ne vais rien lui faire du tout à ton blondinet, il est plus ou moins de la famille maintenant.

Le moutard s'arrêta, battant des cils en soufflant juste un petit « Ah bon ? », puis il la considéra avec plus d'attention.

— Tu sais beaucoup de choses sur ces monstres ?

— A part les façons les plus efficaces de les tuer, il n'y a pas grand-chose à savoir…

La brune taquine aurait bien ajouté un truc tout à fait déplacé mais elle prit conscience du visage terrifié du gamin et s'arrêta à temps.

— Pourquoi demandes-tu cela ?

— J'ai rêvé de ces pointes en bois, j'ai rêvé qu'un monstre affreux avec de longues griffes me tordait le cou. Un autre qui me déchirait avec ses dents et aspirait très fort ici. J'ai senti comment ça faisait de devenir toute molle et mourir sans rien pouvoir faire. Et puis le monstre de Spike est venu et il m'obligeait à faire ces rêves encore. Je ne pouvais plus me réveiller…

Pensive, la Tueuse avait arrêté de trouver ça amusant pour passer au stade des questions de clarification. Elle ne savait pas pourquoi cette histoire l'inquiétait vaguement. Ce que Spike fabriquait avec ce gosse sur son temps libre n'était pas exactement ses oignons mais elle savait ce dont il était capable quand il était en roue libre, et sa biographie chez les Observateurs était très fournie et très détaillée sur le département des petites et grandes cruautés ordinaires.

C'était du reste la raison pour laquelle elle avait tout fait pour l'empêcher d'enquêter sur l'accident survenu à Andrew et Dawn. Elle avait décidé de s'en charger elle-même parce qu'elle se sentait plus détachée. Retrouver et traquer les responsables, elle était en mesure de le faire la tête froide, d'autant mieux qu'elle n'était pas spécifiquement proche d'Andrew. Et pour Dawn, si on exceptait le pet qu'elle avait au casque, cette dernière était en bonne santé. Spike serait entré en rage s'il avait eu la preuve que cet accident n'avait rien du tout d'accidentel...

Le gamin n'avait pas l'air d'un affabulateur : trop terrifié pour ça. Mais maintenant, elle se demandait si elle n'avait pas eu tort de taire ce qu'elle savait et ce qu'elle faisait. Si la rage accumulée par Spike en raison de cet « accident » ayant ruiné le peu de bonheur qu'il éprouvait enfin, n'était pas en train de le cramer de l'intérieur, faute de trouver un exutoire. Et peut-être qu'à des moments, il perdait la boule lui aussi.

— Il n'y a pas de « monstre de Spike ». Il peut avoir deux visages mais ce ne sont pas deux personnes qui partagent son corps.

Le petit secoua la tête.

— Non, non, je suis sûre. Seulement le monstre de Spike me veut du mal. Spike peut faire des trucs gentils, dire des choses drôles, ou être malheureux.

Faith soupira en secouant la tête, ne sachant pas vraiment comment le détromper. Un bruit de moteur la dispensa de trouver de meilleurs arguments et lui fit dresser l'oreille. Comme un imbécile, son cœur commença à battre fort quand elle vit des phares longer le trottoir et s'arrêter devant eux. C'était le break de Pietro.

— Écoute-moi bien, petit. Tous les vampires sont complètement mauvais. Mais je connais au moins deux exceptions à cette règle. L'une est dans la maison en ce moment, et l'autre… est peut-être bien dans cette voiture qui arrive. Ceux-là sont plus humains. Et c'est pour ça justement qu'ils sont les plus dangereux. Parce qu'au lieu de chercher à te tuer en règle, ils t'amadouent, ils t'embobinent, ils te jurent des serments d'amour et ils te donnent tout le plaisir sexuel que tu veux. Oh ça oui, ils le font très bien. Et pourquoi à ton avis, hein, pourquoi ?

Une silhouette un peu massive s'arrêta devant le couple accroupi formé par la Tueuse et l'enfant. Puis la voix d'Angel résonna dans la nuit entre deux claquements de portière.

— Parce qu'ils espèrent qu'on ne les plante pas quand ils rentrent en retard à la maison ?

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