When in Rome

Chapitre 60 : L'espion qui m'aimait

4356 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/04/2022 12:22

IIe Partie - We should work this out


I'm wasting my young years, It doesn't matter if

I'm chasing old ideas (London Grammar)



Chapitre 60 L'espion qui m'aimait



Pour une école, ça ne ressemblait ni à celles de Sunnydale, ni à l'université. Elle lui faisait l'effet d'un cube rectangulaire, posé sur le devant d'un très grand jardin. C'était beau, mais pas l'idée qu'elle se faisait d'un lieu d'étude. Un musée, peut-être ? Un départ de visite touristique ?

Entrée à la suite de Pietro qui lui tint galamment la porte, Dawn pénétra dans la grosse demeure aux murs pastels où il l'avait conduite. Plutôt à l'aise, le bel homme à ses côtés la rendait un peu nerveuse. Outre qu'il était à tomber, il n'arrêtait pas de l'espionner d'une façon… plus ou moins discrète.

Le cœur d'une jeune fille étant ce qu'il était, l'espace d'un instant, elle se prit à rêver d'une romance rose où il aurait été un James Bond italien lui demandant de faire semblant d'être son escorte dans un gala mondain, avec coupes de champagne et petits fours gros comme une noix… Est-ce que « ravageur » se disait toujours pour un sourire ? Et son accent !

Elle se demanda si elle aurait dû finalement mettre une de ces robes qu'elle avait trouvées dans le placard. Elle avait eu un mal fou à trouver un pantalon de toile, un tee-shirt et une veste qui ne lui allaient pas du tout… Si ça se trouvait, il la regardait en biais à cause de sa tenue, parce que lui, c'était une gravure de mode...

Sans se douter de rien, du moins l'espérait-elle, Pietro salua le garde en faction et lui présenta Dawn comme « Mlle Joan Summers » signalant qu'elle avait l'autorisation d'entrer dans l'école. Le videur, son kit oreillette et son costume noir restèrent sans réaction autre qu'un bref hochement de tête. « Joan » parce qu'il fallait bien lui trouver un nom moins suspicieux que « Dawn » afin que personne ne pose trop de questions. En plus de l'avantage d'une consonance proche, celui-là lui semblait parfait en cas d'amnésie. *

Déjà, son accompagnateur franchissait l'espace du vestibule pour taper trois fois de l'index contre le mur d'un ocre doux qui leur faisait face. Aussitôt, la paroi ondula comme si un caillou avait été jeté dans sa mare, et une grosse tête de pierre claire en sortit.

— Si, Direttore ?

— Je te présente Mlle Summers, il faut que tu la laisses passer si elle se présente à l'école sans moi. Normalement, ça ne devrait pas se produire mais on ne sait jamais... « Joan », voici Virgile.

La tête du mur avait les traits marqués de sillons profonds. Saillaient des yeux globuleux et une sorte de museau court grimaçant où se distinguaient une langue et des dents pointues... Un mélange de dragon chinois et de chien, mais avec un regard humain.

A l'instar de son collègue malabar humain dehors, la créature haussa un sourcil mais ne fit aucun commentaire, se contentant d'opiner avec un simple « C'est noté » avant de se fondre à nouveau dans la cloison. Dawn ne sut pas si elle était soulagée ou vexée de cette indifférence.

« Direttore » lui expliqua qu'il pouvait lui confier l'accueil de la bibliothèque pour l'occuper. Il entendait qu'elle s'occupe de donner les livres aux membres de l'établissement qui en avaient besoin et de gérer les retours. Rien de bien compliqué pour elle, et d'autant moins que – contrairement à la boutique de magie – ici, personne n'avait rien à payer. Cette position stratégique lui permettrait de surcroît, de mener à bien son projet personnel motivant sa demande innocente de l'accompagner... Elle fut d'autant plus enchantée lorsqu'il l'informa qu'elle passerait le début de l'après-midi à rester un peu toute seule dans « son » bureau – celui de Future-Dawn. Il lui suffirait d'emporter tous les livres intéressants et de les lire là-bas tranquillement.

En chemin, il s'étonna qu'elle n'ait aucune question. Elle sourit benoîtement en répondant que gérer des demandes d'Observateurs et une poignée de Tueuses n'avait rien pour lui faire peur puisqu'elle l'avait déjà fait. Au même moment, ils croisèrent un groupe de sept ou huit baroudeuses, portant toutes le même genre de treillis quasi militaires. Elle fut un peu déçue dans son fantasme. Au temps pour les pieux signés Gucci…

La grande qui avait l'air d'être la chef la toisa d'un œil pénétrant qui la fit frissonner. Elle était très brune, mate de peau, les yeux sombres et durs comme ceux de Buffy, un peu hautaine, mais avec une superbe bouche qui jurait avec le reste.

— Pietro, qui est celle qui me regarde de travers ? chuchota-t-elle en se rapprochant de lui comme pour se mettre sous sa protection.

Il suivit son regard et répondit sans baisser la voix, à dessein :

— Notre meilleur élément : Alexandra Dole-Rosenberg. Une meneuse et une magicienne. Elle se fait appeler Alex ou Alexa.

— Ah bon ? Mais… je croyais que c'était Maya votre meilleure Tueuse ?

— L'important, c'est que chacune des deux le croie, commenta-t-il un ton plus bas alors que le groupe s'éloignait au pas de gymnastique.

— Quoi ? s'indigna-t-elle en pilant sur place. Vous manipulez les filles ?

Arrêté au seuil d'une immense double porte en bois sculpté, il se retourna vers elle.

— Sur le terrain, douter peut les faire tuer. Elles ont tout intérêt à croire en elles et en une issue victorieuse, et ne pas s'auto-saborder, comme certaines ont tendance à le faire.

Dawn fit la moue et se croisa les bras.

— Sur le terrain, trop de confiance peut aussi les amener à sous-estimer le danger et les faire tuer tout pareil ! Je sais de quoi je parle !

Il poussa la porte d'un coup d'épaule, avec un léger sourire satisfait ou moqueur, elle n'aurait su le dire.

— Cinq minutes que tu es ici et tu remets déjà en question les principes d'éducation rodés depuis des années ? Si ça peut te rassurer, Rome est une ville tranquille, l'activité démonique est faible, c'est parfait pour apprendre.

— Haa. J'aimerais bien voir ce qu'elles donneraient sur une Bouche de l'Enfer avec une apocalypse tous les ans, ce serait pas beau à voir… déclara-t-elle d'un ton pincé.

Il lui lança une œillade de braise – si ça se disait toujours – pour répondre :

Cara, gardons les discours passionnés per il pranzo. Vieni. Je vais te montrer l'éthersphère privée de l'école.

Et ce fut là qu'elle comprit qu'elle aurait des questions, finalement.

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Il se saisit d'un drôle de petit écran plat qui s'allumait en reconnaissant l'empreinte digitale pour se « connecter au serveur du réseau ». Il tapota quelques fois sur la « tablette » et la lui tendit. Durant quelques secondes, elle la regarda avec les yeux ronds pour lire ce qu'il y avait d'écrit, mais l'écran devint subitement noir. Elle la lui rendit précipitamment en protestant qu'elle n'avait rien fait.

Esattamente. Elle s'est éteinte parce que tu ne l'utilisais pas. Pour économiser l'énergie.

Dawn fronça les sourcils d'un air désespéré.

— Vous ne pouvez pas plutôt me montrer les vrais livres, ou l'ordinateur pour internet ?

— Ah, je vois. Bene. Okay. Ceci est l'ordinateur, dit-il en montrant la tablette, et ça permet de consulter tous le contenu des livres dans l'internet groupé de toutes les écoles de Tueuses dans le monde.

Pendant qu'elle était en train de réaliser ce qu'il était en train de dire (à savoir qu'il y avait d'autres écoles comme celle-ci), il montra le geste pour allumer. Quand elle essaya maladroitement à son tour, rien ne se produisit, à part une brève lumière qui ne dura pas.

Permesso ? demanda-t-il.

Elle cligna des yeux parce qu'elle ne savait pas ce que ça voulait dire, puis il la fit rougir en prenant sa main qu'il posa sur la tablette pour lui montrer le déverrouillage de l'écran qui se mit à afficher un clavier alphanumérique. Cela avait l'air si simple qu'elle se sentit vraiment très idiote. Ce sentiment persistait depuis son entrée à l'université. Une sorte de karma familial, sans doute.

— Le mot de passe est CQGSSD. Appuie à l'endroit des lettres.

— Chique, houx, git, essai et… quoi ? Je peux le noter ? Ça fait long comme chaîne de caractères… **

— Non, c'est un code pour les personnes intelligentes, l'avertit-il avec un clin d'œil entendu. A tout à l'heure, signorina.

Estomaquée, elle le fixa tandis qu'il la laissait en plan avec son petit écran à la main. Elle pivota sur trois-cent-soixante degrés pour vérifier autour d'elle : il n'y avait personne d'autre pour l'aider.

Un sourire fleurit sur ses lèvres, pourtant. Après le fiasco calamiteux avec Nick l'autre jour et la froideur muette de Kenny, rencontrer un homme aussi charmant, et aussi italien, lui remontait le moral en donnant une tout autre perspective nettement moins tragique à sa situation actuelle.

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Comme dans la chambre où elle s'était réveillée, elle ne se sentit nullement dépaysée en contemplant la pièce aux plafonds hauts de couleur crème. Les souvenirs de la bibliothèque de Sunnydale (la première, celle qu'elle n'avait techniquement pas connue) semblaient émerger dans les murs pâles et les tons de bois bruns. Par contre, au centre, il y avait deux longues tables rectangulaires avec des bancs. Elle fut un peu désappointée de voir qu'il y avait peu de livres, ou en tous cas, peu de livres sur la magie ou les sciences occultes. Au total, ça ressemblait furieusement à une bibliothèque scolaire « normale » avec un gros département Histoire, Armes anciennes et Mythes...

Sa première heure sur place fut très calme : personne ne vint. Malgré plusieurs essais, elle ne réussit pas à taper le code secret complet de la tablette car elle se bloquait après « chique ». Pas découragée, elle entreprit de faire le tour des ouvrages papier sur les démons. Ceux-ci étaient serrés dans une réserve grillagée dont le cadenas ne lui résista pas longtemps. Avec un sourire de satisfaction, elle se félicita d'avoir su crocheter la serrure beaucoup plus vite que Spike à la boutique de magie. A sa décharge, son truc c'était plutôt de défoncer la porte d'un grand coup de pied, plutôt que d'essayer de l'ouvrir sans rien casser…

Une fois glissée à l'intérieur du petit local, elle passa en revue les titres des volumes pour avoir une idée de ce dont ils disposaient et, à sa surprise, elle en connaissait la plupart.

Pour ramener de la lecture utile à consulter en début d'après-midi, elle se tordit le cou de côté et lut les titres sur les tranches, à la recherche de quelque chose sur les manipulations temporelles, les dimensions parallèles, les hallucinations ou transes éveillées induites par des poisons. Dans la marge, d'un livre intitulé De l'autre côté du miroir, il y avait écrit : « Voir aussi l'entrée Portail dans la base ». Hélas, elle subodorait que seule la petite tablette permettait d'accéder à « la base ».

Depuis trois jours qu'elle était là, tout le monde avait déclaré avoir l'intention de l'aider mais rien ne se passait, tous ayant des affaires auxquelles vaquer : boulot, enfants, missions… Elle se devait donc de prendre les choses en main elle-même.

Sa seule intuition, c'était qu'elle devait tout ça à la colère de Kenny. Si elle voulait considérer cette hypothèse comme possible, elle devrait premièrement se concentrer sur le moyen de le retrouver en partant de San Francisco, et deuxièmement le questionner en admettant qu'il soit toujours en vie. Mais même si elle voulait rester positive, cela se présentait mal. Elle ne possédait aucun objet qui aurait été personnel au jeune homme donc pas moyen de le tracer par la magie. Et en admettant qu'elle le trouve quand même et qu'il veuille lui répondre, ce serait sans garantie. Les vœux contractés auprès des Démons Vengeurs n'étaient pas annulables, sauf par le Démon Vengeur lui-même. Elle était bien placée pour le savoir et pas prête d'oublier comment la copine d'Anya les avait tous piégés à la maison en les destinant à mourir de faim.

L'autre sujet qui l'intéressait beaucoup, c'était de découvrir ce qui était arrivé à son double. Et particulièrement d'éclaircir cette histoire d'accident de voiture autour duquel régnait une omerta aussi épaisse que le Livre de Gilgamesh.

Dans un coin de sa tête, l'agression verbale blessante de Spike la hantait encore un peu. Il n'était pas revenu dessus et évitait soigneusement le sujet. « Ne te fais pas de bile pour ça, chaton, c'est de l'histoire ancienne ». La façon dont il disait « chaton » était dorénavant complètement machinale. Mais son murmure tendre lorsqu'il avait essayé de la prendre tout contre lui la troublait. Elle refusait de s'y attarder, ni même d'écouter que s'il ne s'était pas agi de Spike, elle aurait été prête à beaucoup pour se sentir ainsi protégée et respectée… Jamais elle n'aurait imaginé qu'il puisse être comme ça.

Elle repoussa ces pensées stériles. Il s'était trompé et c'était très compréhensible, pas la peine d'en faire un plat. On s'endort avec quelqu'un le soir, on s'attend à le retrouver là le matin !

Mais la vraie question, autrement plus cruciale, n'était pas de savoir si Spike était un nounours tout choupi au lit, mais bien si cet accident de M. et Mme Wells n'était pas une sorte de punition du destin. L'avait-elle mérité ? Tout le monde semblait la prendre pour une victime handicapée et à moitié sénile à présent mais quelle excuse avait-elle pour son comportement inutilement cruel envers un vampire amendé qui faisait du baby-sitting ?

Dawn Wells avait épousé un meurtrier et, en plus, un Observateur ! Ces derniers étaient des salopards misogynes qui avaient voulu tuer Buffy, c'était irréfutable. Deux éléments qui plaidaient pour l'hypothèse raisonnable qu'elle n'était peut-être pas toute blanche. Qu'elle s'allie à de telles personnes plutôt qu'à des gentils la rendait méfiante. C'était dérangeant d'imaginer qu'elle avait le potentiel pour mal tourner. Même sans être totalement maléfique, elle avait peut-être commis des malversations ou négocié avec les mauvais démons, et ça se serait mal terminé.

Maya semblait honnête et n'avoir aucune réserve envers sa mère, mais elle s'était montrée peu encline à dire quoi que ce soit d'autre que des banalités, et assez fuyante. « Bla bla bla, c'est une expérience particulière de voir à quoi ressemblaient ses parents au même âge que nous. Bla bla, bla, et dire que je l'ai souhaité quand j'étais ado... Ah, désolée ma fille me réclame mais on s'en reparle après »

Au moins deux autres personnes ne la traitaient pas avec cette distance prudente : Giles et Faith.

En ce qui concernait cette dernière, c'était très inattendu. Faith et elle n'avaient eu que cinq minutes pour se parler avant son départ pour l'Angleterre. Le fait qu'elle soit en couple avec Angel la surprenait mais ils avaient l'air de très bien s'entendre et Dawn n'y trouvait rien à redire, au fond. En la voyant, la brune aux mèches teintes lui avait souri sans faire la moindre remarque sur son changement d'apparence, en se bornant à un « Hey, Dawnie, t'as l'air en super forme ! ». C'était étrange de voir la "fausse petite sœur" de Buffy exempte de tout jugement aucun et semblant contente de la voir.

Dieu savait que ces derniers mois, elle avait eu le sentiment d'être invisible et abandonnée par sa sœur et par Willow qui avait disparu ; alors son cœur assoiffé de soutien se serait jeté sur la moindre miette d'attention… Et Faith semblait avoir compris ça d'elle-même en un instant. Elle avait chassé Angel vers son taxi, saisi un feutre et écrit un numéro sur le dos de la main. « Appelle-moi », avait-elle dit avant de reculer et s'engouffrer dans la voiture qui avait démarré aussitôt.

Dawn n'aurait pas imaginé avoir autant eu envie de la prendre au mot.

Et puis, à part elle, parmi ceux qui ne lui faisaient pas trop sentir qu'elle était bizarre, il y avait donc Giles… qui venait d'entrer dans la pièce. Flanqué de ce qui devait être sa petite-fille, le vieil Observateur vint la saluer aussitôt.

Spontanément, elle lui tendit la tablette qu'il alluma avant de la lui rendre avec un regard compatissant. Il avait toujours été un peu réfractaire à la technologie, et devait se sentir en empathie avec le désarroi qu'elle affichait…

Ils plaisantèrent un peu quand elle souligna qu'elle était finalement devenue un « Giles », en posant fièrement la tablette sur un gros livre à la couverture fermée par des charnières. Avec cet humour si particulier qui était le sien, il répondit : « Bonté divine ! Le Ciel t'en préserve ! ».

Il expliqua brièvement qu'il était là pour trouver une solution d'hébergement pérenne pour l'enfant au sein du pensionnat de l'école pour ne pas avoir à la confier à l'assistance publique. Les questions se bousculèrent dans la tête de Dawn. Pourquoi la petite aux yeux si graves devait-elle être placée ? Où étaient ses parents ? Leur était-il arrivé malheur ? Le cas échéant, pourquoi Giles ne portait-il pas le deuil d'un de ses enfants, et comment pouvait-il envisager une seule minute de ne pas garder sa petite-fille ? Les souvenirs de l'assistante sociale qui avait failli la retirer à la garde de Buffy revinrent l'assaillir.

Elle glissa qu'elle serait ravie de déjeuner avec lui dans la semaine. La proposition eut l'air de lui plaire. Il sortit pour aller discuter avec d'autres Observateurs et laissa l'enfant assise à une table avec un livre pour bébé.

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Pour la question du déplacement spatio-temporel, à la fois à une autre époque et dans une autre dimension, elle avait vraiment besoin de Willow, même si l'internet de l'école pouvait lui donner des pistes. Elle se doutait que ça ne pouvait pas être aussi simple que de combiner deux sorts. Par exemple, une combinaison de l'annulation d'un sort d'exil et d'un charme de localisation associé à son badge d'étudiante (où l'année figurait).

Hélas, la sorcière avait raccompagné sa fille où elles habitaient… en Amérique du Sud ! Mais qu'est-ce qu'elle fichait là-bas ? Elle avait la gorge nouée à l'idée que tout le monde soit disséminé aux quatre coins de la Terre. Le groupe devait rester ensemble et se serrer les coudes. C'était comme ça que c'était prévu… Elle renifla de dépit et de tristesse.

Faute de super-sorcière sous la main, elle devrait donc démarrer par son second projet.

Dawn posa l'écran bien à plat sur un comptoir et entama précipitamment une recherche sur le mot « portail », avec la peur que l'objet ne s'éteigne et qu'elle ne puisse plus l'utiliser. Elle trouva une très courte liste de mondes parallèles prétendument connus et de praticiens « notoires » capables d'ouvrir des accès. Mais autant y trouver Willow ne la surprenait pas tellement, autant voir le sien en lettres capitales lui donna un coup au cœur. Pourquoi son nom était-il écrit en gros ? Ouvrir les dimensions pendant la cérémonie de cette tarée de Gloria avait été involontaire. Elle ne savait rien là-dessus !

Tout à côté, il y avait une petite mention colorée qui disait « Accréditation de niveau 4 ». Hésitante, elle la toucha précautionneusement.

A dire vrai, elle ne s'attendait pas du tout à ce que ça fonctionne du premier coup. Le système l'accueillit pourtant avec un message de bienvenue : « Bonjour Dawn Wells, voulez-vous confirmer le changement de profil de 'Rupert Giles' vers 'Dawn Wells' et confirmer la demande d'accès à votre dossier ? Lecture / Modification / Partage / Autre ? Apposez votre empreinte dans le rectangle brun une fois votre sélection faite ».

Comme hypnotisée, elle appuya avec précaution et la première page s'afficha. « Vous êtes en mode administrateur ». Le cœur battant comme un oiseau affolé, elle reposa précipitamment le tout, saisie soudain par la honte irrationnelle de mettre son nez dans des infos qui ne la regardaient pas… Elle se prit la tête dans les mains. Tout à l'heure, elle était bien décidée à fouiner, pourtant. Mais jamais elle n'en saurait plus sur l'accident si elle commençait à avoir des scrupules maintenant.

Elle était peut-être parano, mais la rengaine « ce n'était qu'un accident, un banal et tragique accident » la mettait mal à l'aise. Tout le monde avait glissé ça, la veille. Et ce qui était embêtant, c'était qu'ils l'avaient tous fait quasiment au mot près. Giles, Pietro, Maya… Sauf Faith qui avait fait une drôle de tête. Willow et Angel quant à eux, avaient avoué qu'ils n'étaient pas là et ne pouvaient pas la renseigner.

Elle arracha une feuille à un calepin qui traînait sur le comptoir d'accueil. En haut, elle écrivit « Plan d'action » pour noter toutes les idées qui lui venaient. Peut-être ne pourrait-elle pas tout accomplir, mais essayer lui ferait du bien.

Les yeux en l'air pendant qu'elle réfléchissait, elle écrivit :

1) Parler avec les collègues des « Wells » (Pietro le magnifique + d'autres Observateurs qui connaitraient les menaces de l'époque…)

2) Lire mon dossier

3) Interroger les Scoobies encore en vie (Faith en premier).

4) Chercher des articles de journaux de cette période

5) Géolocaliser le lieu de l'accident au pendule et y aller pour…

6) Interroger des civils (médecin légiste, secouristes, assureur de la voiture)

7) …

Elle en était là quand elle sentit une présence à sa droite et sursauta car il y avait une tête curieuse penchée par-dessus son épaule.

— Qu'est-ce que tu fais ?

La gamine rasée, qui était assise à une table depuis le départ de Giles, semblait extrêmement désireuse de ne pas étudier son livre-alphabet. De la mauvaise graine, celle-là, assurément.

— Un truc.

— Un truc ? En mots normaux, c'est quoi ? demanda l'étrangère grecque en tapant des doigts sur une de ses oreilles.

Dawn soupira en la regardant. Elle était tentée de la rabrouer en lui disant que c'était pas ses affaires quand elle réalisa que c'était exactement comme ça qu'elle s'était fait traiter autrefois, quand elle était « la petite sœur pot de colle ». Elle se morigéna.

— J'ai quelque chose que je veux faire et j'écris pour ne rien oublier.

— Et tu dois faire tout ça aujourd'hui ?

— Non, mais je ne sais pas combien de temps je vais rester ici, alors je veux essayer d'en faire le plus possible.

— C'est beaucoup trop ! Moi, j'ai trois choses : savoir où je vais dormir cette nuit, trouver un travail et une chambre demain. Et puis pour le manger, je verrai après.

— Trouver un travail ? tiqua Dawn. Mais… les enfants ne travaillent pas… Enfin, à mon époque, ça n'arrivait pas dans les pays civilisés. Pourquoi veux-tu travailler ? Ton grand-père Giles ne l'autorisera jamais. Je suis sûre qu'il voudra que tu ailles à l'école.

— Mais, c'est pas mon grand-père ! Je suis toute seule. Il veut bien me chercher un endroit à dormir ce soir, mais ça ne me dit pas où j'irai demain. Et il me faut absolument de l'argent payer les choses.

Inspirée, Dawn écarquilla les yeux et reprit son crayon.

— Tu as parfaitement raison, je note ça aussi : autonomie financière… Et moyen de transport… Et téléphone…

— C'est quoi « téléphone » ?

— C'est un bidule qui sert à parler avec quelqu'un quand il est loin ou pas là, ou s'envoyer des petites lettres très courtes…

D'une poche, la petite tira un objet plat aux bords arrondis et le posa avec respect sur la paume de sa main.

— Spike m'a donné ça. Je l'ai vu parler tout seul dedans. Tu crois que c'est ça ?

— Eh bien, euh… Tu sais comment ça marche ?

— Bah non ! Pas toi ?

— Non, avoua la jeune fille. Je viens d'arriver et je n'y connais rien…

— Mais… tu n'es pas de cette planète ? Tu connais plein d'autres gens d'ici, alors je croyais…

— Si. Sauf que… c'est compliqué.

— Compliqué, ça veut dire quoi ?

— Bah, en fait, là ça veut dire que c'est bizarre et pas normal.

Amusée de cette réponse, la petite découvrit ses dents en plissant le nez, ce qui transfigurait son petit visage.

— Ah, mais c'est pas comme ça que s'appelle toute votre famille ? répondit-elle, moqueuse.

Dawn gloussa parce que sa remarque était assez judicieuse, vu de l'extérieur.

— Et ton « pas normal », c'est quoi ? s'enhardit la gamine. Tu as un monstre dedans, toi aussi ?

— Un monstre dedans… ?

— Comme Cheveux J... Spike.

— Ah… Non, je ne suis pas un vampire. Moi, je viens d'arriver du passé. Et je ne sais pas du tout pourquoi j'ai atterri là, ni pour combien de temps, ni ce que je vais devenir.

La petite la regarda avec un sourire en coin.

— Bah… Pareil pour moi.

Elles éclatèrent de rire en même temps pour essayer de chasser leur angoisse et de masquer leurs yeux humides.

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* Réf. à l'épisode « Tabula rasa » où un sort de Willow initialement destiné à Buffy, rend finalement tout le gang amnésique. Buffy, ne portant aucun papier d'identité, se donne le prénom de Joan.

** En italien, les lettres de l'alphabet ne se prononcent évidemment pas comme en français. :-D Au cas où j'oublierai d'en parler, cet acronyme d'accès à la base de données signifie "Choses Que Giles Saurait Sans Doute" (CQGSSD)


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