La remarque de trop

Chapitre 1

1091 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 26/04/2018 18:49

Caïn ouvrit un œil. La lumière pourtant tamisée de la chambre l'éblouit douloureusement, si bien qu'il referma derechef la paupière. Lorsqu'il voulut tirer la couverture sur son visage il se rendit compte à quel point ses muscles étaient fourbus de courbatures. Et comme il lui semblait que mille canassons étaient en train de cavaler dans son crâne. Il pouvait raisonnablement dire qu'il avait mal partout. Les jambes étaient une autre affaire.


Sauf qu’apparemment sa récupération de drap n'avait pas plut à tout le monde. En effet un peu plus loin dans le lit quelqu'un venait de grogner. Caïn la sentit faire un mouvement pour s'enrouler dans la couette.


  • Hey !


Sa voix était tellement rauque qu'on l'aurait cru cassée mais cette simple syllabe suffit à faire se figer celle qui essayait encore de dormir à côté de lui. Il ouvrit les yeux juste à temps pour la voir se retourner vers lui. Pendant un instant elle le dévisagea sans comprendre mais Caïn vit dans son regard le moment précis où tout lui revint en mémoire. Une fois la terreur première passée, un léger sourire commença juste à poindre sur ses lèvres.


  • Moi qui vous prenait pour une bonne sœur, je me suis bien trompé.


Caïn ne prit pas tout de suite conscience de l'énorme bourde qu'il venait de faire, et les quelques secondes qu'il vit à réaliser auraient pu être déterminantes. Tout d'abord le visage en face de lui devint de marbre et ensuite, ce à commencer par les yeux, il vit la colère qui venait de paire avec la trahison et le remord. Avant qu'il ait ou bouger elle était sortie du lit et avait attrapé ses vêtements qu'elle parvint à enfiler avant même de quitter la pièce.


  • Lucie attends !


Mais Caïn savait déjà que ses appels étaient vains. Il connaissait assez bien son commandant pour cela. « Et toujours pas assez bien pour la fermer quand il le faut », pensa-t-il avec amertume. Il n'avait aucune chance de la rattraper, même si son fauteuil avait été à côté du lit et qu'il l'avait poursuivit nu. Le temps de s'extirper des draps la porte d'entrée claquait déjà.


  • Merde !, ragea Caïn.


Il se battait avec ses jambes pour s'asseoir au bord du lit et pouvoir repérer toutes les parties de sa tenue. Il avait vraiment l'impression que la veille il s'était amusé à les disperser partout. Caïn voyait très bien où était son fauteuil, sauf qu'il le voyait à travers la porte de la chambre laissé ouverte. Le tas de ferraille l'attendait sagement dans le salon

.

Le capitaine de police se débattit pendant presque une demi-heure, tantôt rampant pour attraper son caleçon, tantôt pour saisir un t-shirt, tout cela pour se tortiller à terre afin de les enfiler. Quand il parvint enfin à s'asseoir sur son fauteuil il était essoufflé et encore pieds nus. Toute cette activité n'avait rien arrangé sa gueule de bois qui lui lancinait les tempes.


Caïn se dirigea vers la cuisine tout en écartant les bouteilles de bières vides sur son chemin. Il hésita un instant entre le café et l'aspirine pour finir par opter pour le cachet. Il saisit une petite bouteille plastique et enfonça la pastille dans le goulot. Il la referma et secoua la bouteille avant de se rediriger vers la chambre pour enfiler chaussettes et chaussures afin de pouvoir aller au SRPJ pour s'expliquer avec Lucie.


Penser à sa collègue lui avait mis un coup de fouet. Il roula rapidement jusqu'à la porte mais se rappela son état une seconde trop tard. Il avait ouvert la porte et ne put retenir un grognement de douleur et de surprise face à la luminosité soudaine du dehors. Par réflexe il se protégea les yeux d'une main et recula de l'autre mais dans sa précipitation il ne fut efficace ni pour l'un, ni pour l'autre.


Il s'en rendit bien compte et changea de stratégie. Caïn ferla rapidement sa porte et fonça vers sa voiture. Là il se jeta sur le siège conducteur et saisit la paire de lunette de soleil qui traînait toujours dans sa boite à gants. Une fois les verres sur le nez il put enfin y voir clair. Il s'assit mieux et démonta précautionneusement son siège de peur de faire encore une erreur qui lui coûterait du temps.


Sous le soleil tapant de Marseille, le vent fut son meilleur ami. Au volant les événements reprenaient peu à peu leur place et le capitaine pouvait réfléchir. Sauf que son esprit ne semblait pas disposé à s'intéresser aux sujets urgents. La seule évocation de Lucie faisait émerger devant ses yeux la vision d'elle qui lui avait été donné de contempler la veille. Son commandant les yeux détachés, en bataille, les pupilles dilatées et le rouge aux joues.


Rien que d'y penser le capitaine déglutissait moins bien. Comment avait-il fait pour ne découvrir cette femme que la veille ? Elle était sulfureuse, certes, mais surtout, et c'est cela qui restait imprimé dans la rétine de Caïn, d'une beauté sans égale.


Il avait, comme tout le monde, ses standards de beauté, qui divergeaient d'ailleurs peu des canons classiques, des fantasmes populaires.Mais là … Delambre avait eu quelque chose que Caïn n'avait même jamais trouvé chez Gaëlle. Entre son ex-femme et lui l'amour avait toujours été une lutte, avec Lucie cela avait été un abandon total. De sa part à elle mais aussi de lui.


Une voix insidieuse soufflait dans sa tête que c'était sûrement dû à la quantité d'alcool qu'ils avaient ingéré mais il ne voulait pas y croire. Avant qu'il ait eu le temps de se tourmenter plus avec cette idée, il arriva devant le SRPJ. Furieux contre lui-même, ses idées comme sa remarque de ce matin-là, un de ses roues lui échappa et rebondit jusque devant les marches d'entrée, quelques mètres plus loin.

Caïn aurait bien juré encore mais c'est ce moment que choisit Borel pour sortir du bâtiment. Il salua le capitaine tout en lui ramenant la pièce manquante à son puzzle.


  • Merci Borel. Vous pouvez me coincer Delambre dans mon bureau ?
  • Le commandant n'est pas passé au SRPJ ce matin, capitaine.   


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