La remarque de trop

Chapitre 7

1082 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 30/04/2018 10:49

  • Frédéric Caïn !, constata une voix visiblement en colère.
  • Présent …


Le ton de celui qui répondit était pâteux, pour ne pas dire vaseux. Le-dit capitaine était dans son bureau presque couché dans son fauteuil alors que les bâtiments du SRPJ étaient vides … à une exception faite.


  • Où est-ce que vous avez trouvé tout ça ?


Par « tout ça » le lieutenant Borel faisait référence à l'ensemble des bouteilles d'alcool qui jonchait le sol et au milieu du quel se situait le siège à roues.


  • Au magasin.


Borel soupira et s'approcha. De plus près les dégâts n'étaient que plus visibles encore. Caïn avait les cheveux trempés de sueur, le visage rouge et le menton, comme la chemise, couvert de vomi. Le lieutenant fut pris à la gorge par l'odeur nauséabonde.


  • C'est ma faute, Nassim. Ma faute si elle est partie.
  • Dis pas ça Frédéric. Lucie avait sûrement besoin d'une pause, d'un break.


Caïn allait répondre mais Borel ne sut jamais si cela concernerait Lucie ou le tutoiement car ce ne furent pas des mots qui sortirent de sa bouche mais le reste de son estomac. Borel ne retint pas une moue de dégoût mais au lieu de tourner les talons et de partir, il se mit derrière le capitaine et poussa.


Avant même qu'il ait franchi la porte, Caïn, ivre mort, dormait. Borel dût sacrifier sa chemise pour asseoir correctement Caïn dans sa voiture. Durant le trajet jusqu'à chez lui le capitaine ne cessa de marmonner. Il psalmodiait à demi-voix des choses qu'il aurait dû dire au commandant il y a bien longtemps. Borel s'émerveilla même de l'imagination du capitaine en la matière. Il devait être plus romantique qu'il n'y paraissait.


Sans aucune pitié Borel poussa le capitaine jusqu'à la salle de bain. Là il le déshabilla presque entièrement avant de l'asseoir dans un coin de la douche. Caïn frémit au contact du mur froid mais ne se réveilla qu'au moment où la pomme de douche lui cracha de l'eau qui mit quelques secondes à chauffer. Il ne reconnut même pas Borel.


  • C'est ma faute. Tout … est ma faute.


Ses déclarations étaient entrecoupées de haut-le-cœur mais il pouvait rendre maintenant, dans la douche cela ne craignait plus rien. Une fois encore Borel expliqua à son capitaine que le monde ne tournait pas uniquement autour de lui et qu'il y avait mille autre raison que aurait pu pousser le commandant à s'absenter si longtemps.


  • Bien sûr. Moi je … lui ai fait tout un tas de crasses … elle est toujours restée. Je l'ai … trompé, utilisé … drogué même une fois. Mais c'est vrai ça … n'a sûrement rien à voir et puis le fait qu'elle était … dans mon lit la veille n'est qu'une putain de coïncidence.


Sur la fin il avait essayé de hausser le ton mais la seule chose qu'il était parvenu à faire était de pousser un peu plus de bile entre ses lèvres. Borel lui passa un jet d'eau sur le visage.


  • Vous avez couché avec le commandant Delambre ?


À la fois il n'avait jamais pouvoir enfin dire cette phrase et pourtant les événements n'avançaient pas du tout comme ils auraient dû. Pourquoi si après tout ce temps ils s'étaient enfin jetés dans les bras l'un de l'autre, pourquoi Lucie était-elle partie ?


  • J'ai tout foiré Nassim. Ce matin-là, je ne sais pas si c'est le … mal de crâne ou la peur d'enfin avancer … mais j'ai tout foiré.


Alors c'était donc cela. Le prince et la princesse ne s'étaient pas reconnus d'un amour éternel puis abandonné à leurs passions, ils avaient plutôt bu comme des trous, la présence de l'un renforçant certainement la volonté de l'autre à boire pour oublier cette frontière qu'ils avaient tracé entre eux au fil des années et qui les faisaient souffrir à chaque fois qu'ils y ajoutaient encore une épaisseur.


Mais voilà, au lieu d'utiliser leur faute à leur projet, ils étaient revenus encore plus bas que le point de départ. Borel visualisait quasiment la scène. Frédéric et Lucie se réveillant groggy de la veille et alors qu'ils auraient pu tout simplement se dire bonjour et remettre la vraie discussion à plus tard, le capitaine avait dû sortir une blague, un mot d'esprit déplacé et Lucie était partie. Borel se serait presque énervé contre le capitaine si l'homme face à lui ne lui faisait pas tant pitié.


Il aurait aimé lui en vouloir car après tout Caïn avait peut-être raison lorsqu'il disait que Lucie était partie par sa faute. Tout ce qui était arrivé était sa faute. Borel souffrait lui aussi de l'absence de la commandante, certes moi que le capitaine étant donné les sentiments de ce dernier et le fait que Lucie était assez régulièrement en contact avec lui. Malgré ces appels, Borel n'avait finalement que peu d'informations sur Lucie, ce qui était peut-être encore plus frustrant que de ne rien savoir.


  • Je prendrais mes jours de congé, murmura Caïn. J'irais la trouver … je dois la … voir …


Borel n'en revenait pas. Le capitaine avait réussi à s'endormit sous le jet de la douche. La moitié du temps il ronflait plus ou moins fort selon la zone qui était arrosée. L'autre moitié du temps il marmonnait des choses que Borel comprenait à peine. Il aurait bien pu laisser le capitaine sur le sol de la douche en slip et dégoulinant. Borel ne savait pas vraiment si c'était à cause de l'état actuel pitoyable ou de sa maigreur encore plus marquée par sa nudité mais il ne pouvait pas se résoudre à laisser le capitaine.


Il mit donc un peu plus sa fierté de côté et sécha Caïn avant de le prendre à bras le corps pour l'emmener jusqu'à la chambre. Là il s'écroula presque avec lui sur le lit avant de se dépêtrer de son corps pour repasser les draps sur la figure du capitaine. Il eut même peur que ce dernier n'attrape froid avec ses cheveux encore mouillés et le couvrit d'une couverture supplémentaire. Pendant tout ce temps Caïn était resté endormi mais lorsque Borel s'apprêta à quitter le chambre il l'entendit chuchoter :


  • Pardon Nassim.


Laisser un commentaire ?