La remarque de trop

Chapitre 11

1394 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 04/05/2018 11:42

Caïn fut tout d'abord plus déstabilisé par le chuchotement de la voix que par son ton autoritaire malgré tout. Puis il se rendit compte que le bébé s'était endormi. Malgré la volonté farouche de vérité qu'on lisait dans ses yeux il menait son interrogatoire en catimini pour ne pas réveiller l'enfant. Le capitaine hésita un instant. Lui faire confiance ? Ou pas ? À quel point ? Il appréciait ce Samuel assez grand, et sûrement assez fort, pour briser un homme en deux, mais apeuré par un nourrisson. Caïn choisit donc de suivre son instinct.


  • Je ne t'ai rien dit qui ne soit pas vrai. Je m'appelle Fred et je travaille avec … Julie. Nous sommes de Marseille. Disons qu'il y a quelques temps j'ai fait la remarque de trop et Julie est partie. Je suis venue ici dès que j'ai retrouvé sa trace.
  • Et tu ne savais pas qu'elle avait un enfant ? Laisse moi rire. Combien de temps a duré ce « quelque temps » alors ?
  • Un an. Un an, un mois et trois semaines.
  • C'est précis ça ! Elle a sacrément dû te manquer ta « collègue ».
  • Julie est plus une amie qu'une collègue.


À présent Sam souriait de ces sourires que Caïn n'appréciait guère. « Je vois ». Voilà tout ce qu'il avait répondu. Là encore c'était de ces réponses qui cachent une forêt entière. Le capitaine ne répondit rien. Il avait Sam de son côté maintenant, ne serait-ce que parce que ce dernier ne voulait pas garder le bébé. Cette dernière était restée bien sage lors de la conversation. Avoir tant crié devait l'avoir épuisé.


  • Sam je peux te demander une petite chose ? Pourrais-tu aller demander aux voisins où est le père de la petite ? J'ai fouillé l'appartement et je ne pense pas qu'il vive avec elles. Si tu pouvais avoir un prénom, un nom, une adresse, un numéro pour qu'on puisse l'appeler.


Pendant un instant Caïn crut que Sam allait resté sans bouger, sans répondre. Il le scrutait comme le capitaine l'avait tant fait et tant vu, comme quelqu'un qui cherche à savoir si son interlocuteur blague ou non. Finalement il se décida pour la seconde option, se leva et sortit.


Une fois seul Caïn commença à tourner en rond, plus doucement qu'il ne l'aurait fait habituellement à cause de la petite. Il était venu ici pour retrouver Lucie, et non seulement il n'avait même pas pu lui parler mais en plus de cela il se retrouvait avec un bébé sur les bras. Il ne savait plus quoi faire alors il attrapa son téléphone et composa un numéro.


  • Borel, j'écoute capitaine.


Il avait appelé sans réfléchir et se trouvait sans savoir quoi dire ni par où commencer. Il resta donc silencieux. Il entendit Borel prendre une grande inspiration à l'autre bout du fil.


  • Je te préviens Frédéric, je t'interdis formellement de poser une roue à Marseille avant que tout soit rentré dans l'ordre et pour toi, et pour Lucie. Est-ce que c'est bien clair ?
  • Merci Nassim.


Immédiatement après le lieutenant raccrocha. Caïn se sentait comme libéré d'un poids énorme. Il avait voulu voir la difficulté partout et des problèmes insurmontables mais Nassim lui avait mis un coup de pied au cul pour le remettre sur les rails. Le lieutenant était bien le seul à l'appeler par son prénom complet, surtout qu'il le faisait avec un sérieux à en crever. Ce petit Borel était un trésor de ressources.


Tout de suite après, Caïn avait mis dans sa sacoche les clés de l'appartement et de quoi faire un biberon. Il avait même laissé un mot accroché à la porte pour que Sam ne s'inquiète pas. « Partit voir Julie. J'ai la petite. F. ». Le capitaine avait l'impression que l'ascenseur faisait tout à coup plis de bruit mais c'était simplement dû au fait qu'il aurait souhaité la machine muette.


Sur le chemin de l’hôpital il fit semblant de ne pas voir les gens dans la rue qui lui adressaient des regards émus ou condescendants. L'envie le démangeait de leur demander ce qu'il y avait de si extraordinaire à voir un mec à roulettes promener un bébé mais il se serait énervé, aurait hausser le ton et l'enfant se serait réveillé, alors il se tut.


Si l'hôtesse d'accueil fut surprise de le voir revenir avec un môme, elle n'en laissa rien paraître. Caïn ne lui redemanda pas le numéro de la chambre car il était resté comme gravé dans son esprit. 279 …281 …283. Enfin. La chambre était vide, à l'exception de Lucie. Elle aurait presque pu avoir l'air de dormir.


  • Lucie, Lucie, Lucie …, commença Caïn en s'approchant du lit.


Mais comme si le nom de sa mère l'avait réveillé, le poupon se manifesta. D'abord il bailla puis gazouilla à l'encontre du capitaine. Ses petites mains essayaient d'agripper la commissure de ses lèvres. Caïn lui sourit en prétendant lui happer le bout des doigts.


  • Laisse-moi donc parler à ta mère. Je te promets que tu seras le centre de la discussion … ou de mon monologue.


Le bébé rit. Caïn prit cela pour une approbation. Il détacha le nourrisson et le tourna pour qu'il puisse qu'elle puisse voir sa mère. L'effet fut immédiat. Le bambin battait tant des bras que Caïn fut obligé d'intervenir avant qu'il ne se mette accidentellement un doigt dans l’œil, ou dans celui du capitaine. Il assis le bébé contre le flanc de sa mère et tint une main de Lucie sur son ventre, assurant d'un même coup le contact et la stabilité.


  • Pourquoi est-ce que c'est toujours le coma qui me révèle tes secrets ? D'abord Stéphane, maintenant un enfant … et le père qui va avec je suppose. Pourquoi tu nous l'as pas dit ? Si tu ne voulais plus me parler il y avait toujours Nassim. Mais bon ça tu l'avais bien compris. Qu'importe. L'important c'est que tu te réveilles, et si tu veux pas entendre que j'ai besoin de toi alors penses à ta fille. Elle a besoin d'une mère. Ne te tracasses pas pour elle. Je trouverais quelqu'un pour s'en occuper.


Caïn ne s'était pas rendu compte qu'il avait entrelacé ses doigts à ceux de Lucie pendant qu'il parlait. Il les retira un peu plus vite que ce qu'il aurait voulu car le bébé faillit perdre l'équilibre. Surprise par son geste brusque, elle commença à renifler. Caïn y reconnut les présages d'une crise de pleurs et effectivement elle commençait à crier lorsque le capitaine colla son fauteuil au maximum au lit pour pouvoir enfouir sa tête au creux de son ventre et lui parler.


  • Pardon bébé. Je me suis surpris tout seul alors j'ai bougé trop vite. Excuse-moi.


Le nourrisson avait arrêté de crier même si Caïn sentait son visage toujours contrit et les larmes sur ses joues. Il la prit dans ses bras et la berça doucement. Une fois calmée l'attention du bébé fut attirée ailleurs. Elle semblait se démener pour s'approcher de Lucie où plus précisément de sa poitrine.


Comme un réflexe le capitaine appela une infirmière, lui confia le bébé sans qu'elle ait eu le temps de protester et fila dans le couloir faire un biberon. Il s'arrêta au premier lavabo et se crut de retour 20 ans auparavant. Le capitaine essaya de deviner l'âge du bébé pour pouvoir choisir le nombre de cuillères à mettre. Toujours ce même sentiment de ne plus savoir compter alors que cela semblait être vital.


Il interpella quelqu'un tout en secouant le biberon. On lui indiqua le micro-onde le plus proche sans poser de questions et alors qu'il attendait que le lait chauffe, Caïn sortit son téléphone et appela l'un des derniers numéros en mémoire.


  • Allo Sam ? Oui c'est Fred. J'aurais un petit service à te demander.


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