La remarque de trop

Chapitre 12

1054 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 05/05/2018 12:32

Dès qu'elle vit Caïn revenir avec un biberon la petite s'immobilisa contre l'infirmière et tendit les bras, les yeux comme hypnotisés. Même s'il ne semblait pas que cette interlude lui eut déplu, l'infirmière rendit prestement l'enfant au capitaine qui la remercia avec un grand sourire. Il s'installa contre le lit, cala son siège contre la table, le bébé contre lui et le biberon dans sa bouche.


Le poupon fut instantanément aux anges. Elle ne quittait pas Caïn du regard. L'enfant avait tant les yeux de sa mère que le capitaine aurait pu croire qu'il avait voyagé dans le temps et qu'il tenait effectivement Lucie bébé entre ses bras. Mais ce n'était pas le cas puisque la vraie Lucie était à côté de lui et ne faisait de bruit que le bip des machines qui l'entouraient.


  • Ta fille te ressemble énormément. Elle ne le laisse même pas l'espoir de croire que tu ne faisais que la garder pour une voisine. J'ai fouillé tes affaires, ton agenda. Je l'emmènerais chez le pédiatre, enfin moi ou quelqu'un d'autre. Peut-être est-ce que j'en apprendrais plus sur elle. Ou alors d'ici là papa sera rentré et pourra me fournir quelques explications.


Sans transition il appuya la petite sur son épaule et la fit roter. Il l'avait à peine réinstaller contre lui qu'elle s'était déjà endormie.


  • En tout cas c'est une vraie marmotte ta petite, ajouta Caïn avec un sourire avant de quitter la pièce.


Les regards des passagers au retour ne furent pas meilleurs que ceux à l'aller mais le capitaine était plus calme, il n'eut aucun mal à ne pas en tenir compte. En arrivant chez Lucie il trouva la porte ouverte. Au premier son qui trahit sa présence, Sam sembla lui sauter à la gorge, chose assez comique puisque Caïn ayant le bébé, le voisin n'osait s'énerver qu'à voix basse.


  • Fred ! On ne laisse pas le double des clés d'une maison à quelqu'un que l'on ne connaît pas.
  • C'était pas le double des clés. Je n'ai trouvé que celles-ci.
  • Tu me laisses les seules clés que tu as pour un appartement qui n'est même pas le tien ! Tu m'étonnes qu'elle se soit barrée Delarme. Et si j'avais décidé de te faire un coup fourré ? Tu aurais fais quoi ?
  • Mais tu ne l'as pas fait parce que tu es un bon gars, Sam.


Ce dernier ne put s'empêcher de rougir en laissant entrer Caïn, ce qui ôta encore un peu plus de crédit à sa colère, toute légitime soit elle. À peine eut-il mis une roue dans le salon que Caïn vit la différence. Sam arriva derrière lui.


  • J'ai fait ce que tu m'as demandé. J'ai dégagé les couloirs, poussé la table basse dans le coin et redescendu tout ce qui pouvait t'être utile. Mais j'ai jamais fait ça moi, peut-être qu'il y a encore des trucs qui …
  • Tu m'as mis à portée les couches, le talc et le lait en poudre ?
  • Oui mais …
  • Alors tout ira parfaitement. Merci. Si j'ai le moindre besoin je viendrais sonner à ta porte, je t’appellerais, je t'enverrais une lettre. Je suis paraplégique pas stupide ou dépendant.
  • Ce n'est pas ce que je …
  • Sam, je te remercie sincèrement pour ce que tu as fait pour moi aujourd'hui …
  • … c'est normal entre voisins.
  • Justement avant cette après-midi on n'était pas voisins. Alors rentres chez toi et passes une bonne soirée. Je payerais ma dette avec un repas, à la maison ou au restaurant.


La promesse d'un dîner fit taire les dernière contestations de Sam qui le salua, lui rendit les clés et partit. Ainsi donc afin de compléter le tableau, Sam aimait manger. Il collait encore un peu plus à l'image du voisin parfait. Ce n'était évidement pas le cas de Caïn, même si, lorsqu'il y mettait du sien, il se débrouillait plutôt bien en cuisine.


Une fois seul le capitaine souffla. Il resta là longtemps au milieu du salon dans cette habitation silencieuse. Le seul son qui lui parvenait était celui de la petite qui dormait encore comme une bien-heureuse. De son côté Caïn était plus perdu et confus que fondamentalement mu pour une autre émotion plus forte.


Il était dépassé. Totalement et complètement. Il avait cru déjà ne plus savoir quoi faire quand Lucie avait disparu un an auparavant mais ce n'était rien à côté d'aujourd'hui. À l'époque il y avait eu le manque et la volonté d'agir. Le manque ne l'avait pas quitté mais que pouvait-il faire ? Il voyait presque le lendemain aussi flou qu'au moment où on lui avait annoncé qu'il ne marcherait plus, l'envie d'en finir en moins.


Il calqua son souffle sur celui du rejeton de Lucie pour se calmer mais en pensant à elle la question du père lui revint à l'esprit et il lui sembla que sa poitrine avait diminué de moitié de volume. Il respira plus fort. C'est à ce moment qu'il prit pleinement conscience de quelque chose qu'il avait instinctivement remarqué depuis qu'il était entré la première fois.


Malgré le temps qu'il avait passé sans la voir, Caïn put tout de suite accrocher l'odeur de Lucie. Cette dernière, et c'était là l'élément qui l'avait marqué, se mêlait subtilement à la senteur caractéristique du nourrisson. Cette odeur modifiée occupait toutes les pièces avec quelques petites variantes notamment dans la cuisine, la salle de bain et la chambre.


Caïn était en train d'examiner le contenu du réfrigérateur lorsque son téléphone lui fit savoir qu'il avait reçu un SMS. Il ne reconnut pas le numéro de prime abord avant de se souvenir qu'il devait certainement s'agir du portable de Sam. La capitaine ouvrit le message.


« J'ai interrogé tous les voisins. Selon eux Julie vivait seule, ne voyait personne en dehors de la résidence. Ils n'ont même jamais vu un homme entrer chez elle seul. »


  • Lucie … quels autres secrets me caches-tu donc encore ?


Laisser un commentaire ?