La remarque de trop

Chapitre 20

868 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 14/05/2018 09:17

Caïn savait que Lucie reparlait et que jusqu'à maintenant elle restait muette simplement en sa présence. Il ne savait pas pourquoi mais comme pour beaucoup d'autres choses il avait appris à accepter sans comprendre. Alors lorsqu'elle lui parla ce soir-là sa surprise ne s'attarda pas sur sa reprise de voix mais sur ce qu'elle avait dit.


  • Vas-t'en.


Malgré son envie il n'avait pas besoin de lui demander ce qu'elle entendait par là. Il lisait clairement dans ses yeux qu'elle ne voulait pas simplement l'envoyer dormir une nuit sur le canapé (surtout qu'il y dormait déjà).


  • À cette heure-là plus aucun train ne part pour Marseille. Je ne peux pas juste …
  • Fred, vas-t'en.
  • Juste cette nuit …
  • Pars, maintenant.


Sa relation avec Lucie avait toujours été une suite de pas en avant et de bonds en arrière, si bien que sa réaction ne l'étonna pas vraiment. Après tout ce qu'elle avait traversé, elle devait avoir besoin de beaucoup plus d'air qu'après une simple remarque déplacée. Alors Caïn fit la dernière chose qu'il avait envie de faire, il tourna ses roues et sortit.


Il ferma la porte derrière lui et Lucie barra. Une fois qu'il fut sur le palier le silence s'abattit sur lui comme une chape de béton. Il frappa chez Sam presque sans y penser et ce dernier n'eut qu'un regard avant de le laisser rentrer. Caïn tourna en rond dans le salon sans savoir quoi faire.


  • Tu veux en parler ?
  • Il n'y a rien à dire.
  • Tu ne vas tout de même pas te laisser faire Fred ?
  • Sam, je crois que tu ne comprends pas bien la situation. Lucie est partie pour ne plus m'avoir dans les pattes. Je suis venu jusqu'ici. À cause de moi elle a perdu 6 mois de sa vie. Je suis même surpris qu'elle ne m'ait pas foutu à la porte plus tôt.
  • Ça t'aide de te dire des trucs comme ça ou tu essayes vraiment de me convaincre ? Et pour la petite ?
  • Julie est avec sa mère. Tout se passera bien pour elle.
  • C'est quand même ta …
  • Arrêtes ! Je suis venu chez toi parce que j'ai besoin d'un endroit où dormir mais je peux aller à l'hôtel sinon.
  • Bien sûr que non. Restes. Je n'aurais pas le cœur à te mettre moi aussi à la porte.


Sam allait manger, Caïn n'eut qu'à mettre les pieds sous la table mais au lieu de cela il tourna encore comme un lion en cage. Depuis 8 mois il avait calé son rythme de vie sur Julie, sans elle il était un pantin auquel on aurait coupé les fils. Il mangea rapidement et peu. Si Sam lui en avait laissé l'occasion il aurait même peut-être bu mais la question ne se posa pas.


Il arrêta rapidement d'essayer de s'occuper et s'allongea. Les tentatives de sommeil ne furent guère meilleures. Il tendit l'oreille toute la nuit en pensant à Julie et Lucie. Il aurait dû lui parler mais jusqu'à lors n'avait pas voulu le faire étant donné qu'elle n'aurait pas pu répondre, ensuite avait semblé trop tard et maintenant la situation était encore pire.


Au cours des dernières années Caïn avait souvent été amené à se demander s'il aurait été plus simple qu'il parle à Lucie ou qu'il oublie. Chaque jour semblait un peu moins approprié à la discussion que le précédant et après tant de belles occasions manquées Caïn avait de sérieux doutes que cela arrive un jour.


D'un autre côté les événements récents, et nombres d'exemples passés, pouvaient prouver assez efficacement que le capitaine n'était pas du tout près à vivre sans Lucie à l'horizon. Ce qui ne laissait que peu de choix quant à la marche à suivre.


Lucie menait la danse. Caïn devait suivre le mouvement avec des roues qui ne lui facilitaient pas la tache. Qu'importe ce qu'elle lui demanderait il agirait selon son bon plaisir, ne serait-ce que pour garder une chance de la revoir. Borel n'allait pas être ravi pourtant le capitaine ne dérogerait pas complètement à sa promesse. Tout redeviendrait comme avant … l'accident de Lucie.


Ce fut comme ça toute la nuit. Caïn imaginait Marseille puis Bordeaux, Julie puis Nassim, Lucie puis Sam. Il lui semblait parfois entendre des pleurs et devait se faire toutes les violences du monde pour ne pas se sortir du canapé et filer chez Lucie. Le moindre bruit dans la rue mettait tous ses sens en éveil.


  • Bien dormi Fred ?


Sam avait toujours été un amateur d'ironie. Habituellement Caïn saluait ses efforts mais pas ce matin-là. Au lieu de répondre ce dernier demanda :


  • Tu peux m'emmener à la gare ce matin ?


Sam soupira dans son café et acquiesça. Il aurait tant aimé que cela se passe autrement. Malgré cela il ne pouvait rien faire que tacher de ne pas mettre de l'eau dans le gaz entre ces deux-là. Leur histoire était loin d'être terminée. Il conduisit Fred presque à reculons jusqu'à la gare.


  • Je pense que tu fais l'erreur de ta vie Fred.


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